1.1.4.L'approche en terme de surplus

Nous commencerons par une étude des travaux de J. Dupuit, que l'on peut considérer comme le précurseur de cette approche, puis nous nous intéresserons aux travaux de M. Allais qui a considérablement développé ce type d'analyse.

1.1.4.1.Les intuitions de J. Dupuit en matière de tarification

Maurice Allais reconnaît en cet ingénieur des Ponts et Chaussées le fondateur de la notion de surplus. Il lui attribue trois contributions essentielles : la première est relative au concept lui-même de surplus, les deux autres concernent d'une part la notion de perte, et d'autre part, des intuitions importantes en matière de différenciation tarifaire (nous expliciterons ces concepts dans la dernière partie par un exemple concret).

Jules Dupuit cherche à établir des outils susceptibles d'évaluer de manière objective l'intérêt des travaux publics, en s'appuyant sur une conception de l'utilité basée sur la valeur d'usage, et non sur la valeur d'échange. En effet, pour lui, la valeur ne peut être circonscrite au bien considéré en soi, il faut reconnaître de l'utilité à tout bien dont la consommation contente un désir. Ainsi, la collectivité doit chercher à saisir la préférence des individus. Elle le peut en étudiant le sacrifice monétaire que les individus sont prêts à consentir pour accéder à leurs désirs. Dupuit va ainsi construire des indicateurs concrets, qui s'organisent autour de 2 concepts clés :

  • l'utilité absolue, qui désigne la satisfaction que procure à un individu la consommation d'un bien ou service, et qui n'est pas supposée varier en fonction du prix proposé,
  • l'utilité relative, qui correspond à la différence entre le sacrifice qu'un individu est prêt à consentir pour se procurer un bien ou service et le prix d'acquisition qu'il doit payer pour cette consommation.

Il souligne en outre que la variabilité de l'utilité est une caractéristique essentielle de l'activité économique. Cette variabilité est double : l'utilité d'un bien varie d'un individu à l'autre, mais également pour un même individu. C'est l'idée de cette variabilité qui lui permet d'introduire les principes de la discrimination tarifaire. Il montre qu'il peut y avoir un intérêt pour la collectivité à fonder une tarification qui demande : «pour prix du service rendu non pas ce qu'il coûte à celui qui le rend, mais une somme en rapport avec l'importance qu'y attache celui à qui il est rendu» 31 . Pour cela, le gestionnaire, qu'il soit public ou privé, doit impérativement analyser la demande, laquelle est décrite comme l'analyse de l'environnement global industriel et social dans lequel est inscrite l'infrastructure. Mais plus encore, le gestionnaire doit cerner la nature de la fréquentation, la manière dont elle se répartit dans les saisons, les mois, les jours et les heures. Ce qui lui semble le plus important, c'est de poser clairement le principe théorique de la démarche : «Deviner l'importance du service rendu d'après certains indices particuliers, caractériser clairement, classer méthodiquement ces indices dans le tarif du péage pour le mettre en rapport avec cette importance, constitue avant tout sur un talent spécial qui repose avant tout sur certaines facultés naturelles, mais qui comme tous les autres peut être considérablement augmenté par l'étude, l'observation, la théorie et la pratique.» 32

Notes
31.

DUPUIT J., [1849], De l’influence des péages sur l’utilité des voies de communication,Annales des Ponts et Chaussées, p. 248.

32.

J. DUPUIT, [1849], op. cit., p.248.