1.2.De la théorie à la pratique 

Si on applique les préceptes de la théorie économique classique à la tarification des transports collectifs urbains, on constate que l’on peut lui assigner plusieurs objectifs :

Figure 3 : Type de tarification associée à chacun des objectifs poursuivis
Figure 3 : Type de tarification associée à chacun des objectifs poursuivis

On constate qu’il est impossible de parvenir à tous ces objectifs à la fois : en effet, on peut difficilement segmenter le plus finement possible la clientèle afin d’appliquer à ces segments le tarif le plus proche possible de leur consentement à payer, et proposer une gamme tarifaire simple, afin de faciliter les transferts de la voiture vers les transports en commun. De la même manière, il est difficilement possible de proposer des tarifs plus chers en heure de pointe, au moment où les coûts marginaux de production du service augmentent, et ce afin d’orienter le choix des clients de manière efficace, puisque c’est à ces heures que se déplacent une grande partie des captifs des transports en commun. Toute politique tarifaire n’est dès lors que la résultante de choix entre ces objectifs, choix largement déterminés par le contexte économique et social, passé et présent, du pays concerné et du contexte technique qui va permettre de définir quelles sont les possibilités en matière de modulation tarifaire (Massot, 1994). Ceci explique pourquoi, dans la pratique, les politiques tarifaires rencontrées dans les services de transport public correspondent rarement à un seul modèle tarifaire mais résultent la plupart du temps d'une combinaison de différents modèles.

En France, nous verrons que ce sont les objectifs d’orientation du choix des clients de la voiture vers les transports en commun et de redistribution sociale des revenus qui ont été largement privilégiés (§ 1.2.1). En effet, assurer un service de transport aux personnes n’ayant pas la “chance” de pouvoir accéder à la voiture de par la faiblesse de leurs revenus a été, pendant les Trente Glorieuses, l’unique motif de maintien des transports publics urbains (une sorte de “service universel” de transport). Le renouveau des transports en commun dans les années 70 est lié à la prise de conscience grandissante que ne pas offrir d’alternative crédible à la voiture pour la population urbaine allait conduire à une situation très difficile en terme d’encombrement dans les années à venir, les villes françaises n’étant pas adaptées au « tout-automobile ». Dans ces conditions, il fallait favoriser les transferts de l’automobile vers les transports publics urbains. Nous analyserons ensuite les répercussions de ces objectifs sur les gammes tarifaires (§ 1.2.2). Nous verrons que les nouvelles évolutions de la demande ne sont pas forcément favorables à l’utilisation des transports en commun, ce qui nous amènera à nous intéresser au futur des gammes tarifaires tel que l’envisagent certains responsables de réseaux (§ 1.2.3.).