Au cours des Trente Glorieuses, les collectivités locales ne se sont que très peu impliquées dans les transports collectifs urbains car les enjeux sont ailleurs. En effet, dans un contexte socio-économique marqué par une croissance très forte, leurs efforts sont tournés vers les politiques du logement et de l’habitat mais aussi de « socialisation du confort urbain », c’est-à-dire l’entrée dans les foyers des biens et des services industriels : téléphone, électricité, eau… L’autre enjeu primordial est de s’insérer dans l’ensemble du territoire national, en multipliant les infrastructures routières de liaison, les « pénétrantes », les « rocades », les parkings urbains. Ainsi, l’élévation des niveaux de vie doit fournir à chacun l’opportunité de détenir sa voiture. Dans ce contexte, les collectivités locales appréhendent les transports collectifs urbains comme une « prothèse sociale » , réservée aux exclus de l’automobile (Le Breton, 1999).
Comme les collectivités locales, l’Etat est accaparé par d’autres priorités : il soutient des programmes qui lui permettent de concilier à la fois l’industrie, l’emploi et l’aménagement du territoire. Lorsque les transports collectifs urbains sont évoqués dans les plans, ce n’est que pour programmer la suppression des réseaux de tramways (Troisième Plan) ou celle des trolleybus qui ont remplacé, dans certaines agglomérations, les tramways (Cinquième Plan). Ce plan ne retient d’ailleurs même pas les préconisations du rapport Buchanan 35 de préserver les transports collectifs pour la desserte des centre-ville.
Les exploitants sont les acteurs dominants du secteur pour trois raisons (Le Breton, 1999) :
Or, ces exploitants sont ancrés dans une conception industrielle de leur métier : ils considèrent la production des « places-kilomètre » comme étant le cœur de leur métier, ce qui peut être en partie expliqué par le rattachement de nombreux exploitants au monde de la production industrielle (par exemple, production de l’énergie pour Grenoble ou Besançon). De ce fait, ils n’ont pas forcément développé de compétences leur permettant d’anticiper la demande des usagers, d’adapter leur production à ces anticipations puis de les réajuster en fonction des évaluations faites sur le terrain.
Dans ces conditions, les transports collectifs urbains se dégradent continûment jusqu’au début des années 70, et frôlent la faillite.
BUCHANAN R., [1963], Traffic in towns.