1.2.2.1.2.Vers une meilleure prise en compte des besoins de certains segments de clientèle

Un des faits marquants de la décennie 1980 est la prise en compte par les autorités organisatrices et les exploitants des besoins de déplacement, autres que domicile école ou domicile lieu d’études, des élèves et étudiants, besoins que ces derniers ont du mal à satisfaire avec le traditionnel abonnement «domicile école» pour les élèves (1 aller retour domicile école par jour scolaire si la distance qui les sépare dépasse un certain seuil ) ou au prix du ticket qu'il soit à plein tarif ou à tarif réduit pour les étudiants. Les autorités organisatrices et les exploitants vont donc mettre en place des forfaits libre circulation à prix réduit, le plus souvent mensuels, mais qui restent néanmoins liés au statut de scolaire ou d'étudiant (pour les étudiants, ce type de réduction mettra du temps à se généraliser, puisque c'est seulement vers la fin des années 1990 que de grands réseaux comme Marseille ou l'Ile-de-France créeront des forfaits spécifiques pour les étudiants).

On assiste également depuis la fin des années 90 au développement d’abonnement sans référence au statut de scolaire ou d'étudiant, remplacé par des critères d’âge des jeunes jusqu'à 21, 25 ou 26 ans. Toutefois, cette substitution de la classe d'âge aux statuts n'a été mise en place que par une minorité de réseaux.

L'objectif marketing de ces deux innovations tarifaires est de capter et fidéliser les jeunes à relativement court terme sur l'année scolaire, universitaire ou calendaire, mais aussi sur plus long terme, au moment où leur statut évolue rapidement, où ils sont amenés à prendre leur indépendance et à s'équiper : logement, équipements de la maison, équipements de loisir, moyens de transport, etc., d’autant que l’on se trouve dans une période où les effectifs de cette classe d'âge sont en régression (Hanrot et Lehuen, 2002). Cette évolution relève également d’un objectif social, lié à la prise de conscience qu’aujourd’hui de plus en plus de jeunes vivent, à l’intérieur de leur foyer à faibles ressources ou à l’extérieur de leur foyer, des situations de grande précarité.

Un autre fait marquant de la dernière décennie est la remise en cause de certaines gratuités et la prise en compte explicite du revenu dans l'attribution des tarifs les plus bas, voire de la gratuité. Ainsi, une partie des réseaux qui pratiquaient la gratuité systématique pour les personnes âgées a introduit des critères de revenu et limité le bénéfice de la gratuité aux personnes âgées les plus démunies (FNS, non imposables sur le revenu). D’autres titres à prix très réduits ont été créés pour les personnes ayant de très bas revenus et qui sont demandeurs d'emploi, RMIstes, jeunes en parcours d'insertion, etc.. Pour illustrer ce propos, on peut ainsi remarquer que le nombre de réseaux pratiquant des tarifs très réduits ou gratuits a doublé pour les bénéficiaires du revenu minimum d’insertion entre 1993 et 1999 (Mignot et al., 2001). Le critère de revenu du ménage devient donc une référence pour bénéficier de tarifs très réduits. Il faut également noter qu’actuellement, la tendance est plutôt à offrir des tarifs très réduits à ces populations plutôt que la gratuité (Mignot et al., 2001).

Cette évolution est globalement positive, dans le sens d’une meilleure orientation des tarifs sociaux vers ceux qui en ont le plus besoin. Il faut toutefois souligner que, parfois, les critères d’accession à ces titres sociaux sont nombreux et restrictifs, ce qui limite le nombre de personnes pouvant en bénéficier aux cas les plus précaires, quand ces personnes font la démarche de se procurer ce titre. Cependant, l'article 123 de la loi SRU clarifiera la situation en imposant aux autorités organisatrices urbaines d'accorder au moins 50 % de réduction aux personnes dont le revenu est inférieur à un certain seuil (celui qui permet de bénéficier de la CMU complémentaire).

Nous venons de présenter les principales évolutions qui ont marqué les gammes tarifaires des réseaux de transport public urbain depuis 30 ans. En quoi ces gammes sont-elles adaptées aux évolutions de la demande, c’est ce que nous verrons dans le paragraphe suivant.