2.1.des comportements révélés aux comportements déclarés

2.1.1.Présentation générale des méthodes de préférences révélées

Les méthodes de préférences révélées sont fondées sur l’observation des comportements réels des individus. Selon M.A. Bradley et E.P. Kroes 38 , l’idée est qu’en examinant l’alternative choisie parmi toutes les alternatives possibles (et disponibles), nous pouvons déduire les préférences des gens (i.e. les fonctions d’utilité). En effet, une personne en situation de prendre une décision i.e. de faire un choix, révèle ses préférences ou l’importance qu’elle attache aux variables qui influencent son choix. Ces variables sont relatives soit à l’individu, soit aux caractéristiques du déplacement. Ces méthodes fournissent donc, grâce à l’observation des comportements actuels, des informations sur l’impact relatif des facteurs qui influencent les choix des individus.

Ces méthodes ont constitué un apport fondamental en ce qui concerne la validation des théories de la mobilité et la construction de modèles permettant d’en prévoir l’évolution. Toutefois, si ces méthodes ont montré leur fiabilité pour l’évaluation des volumes de demande (et donc le dimensionnement de l’offre de transport) en se basant sur les contraintes spatiales (localisation de la résidence et des lieux de travail) et temporelles (horaires et durée des activités) des individus, elles sont plus limitées lorsqu’il s’agit de comprendre plus finement les choix réalisés par les individus pour ce qui concerne leurs déplacements (choix du mode, choix de l’itinéraire, choix du titre etc.). En effet, ces choix sont largement dépendants de contraintes propres aux individus qui requièrent de collecter un grand nombre d’informations, d’où un coût financier important. Ainsi, dans les années 70 et 80, les modèles désagrégés consistant en une segmentation de la population en groupes « homogènes » se sont multipliés afin de mieux prendre en compte la grande diversité des comportements.

Progressivement, deux courants se sont créés : le premier se focalise sur la production de modèle, alors que le second vise à mieux comprendre le comportement des individus, sans qu’il y ait synergie entre les deux courants. Toutefois, les tentatives de modélisation du comportement de déplacement restent décevantes et ce, malgré les efforts faits pour produire des données désagrégées et pour élaborer des fonctions d’utilité complexes (Faivre d’Arcier 1997). En effet, même lorsqu’un contexte de choix réel existe, il peut être insuffisant. Cela est du au nombre limité d’arbitrages qui peuvent être effectués, ainsi qu’aux variations souvent négligeables des critères d’intérêt. L’individu n’a souvent le choix qu’entre deux ou trois options caractérisées par des critères de choix peu distincts. De plus, il est difficile de distinguer l’effet de chaque attribut quand il y en a plusieurs qui influencent le choix (prix, temps, distance, etc.), autrement dit lorsqu’il existe des corrélations entre les attributs. Enfin, on ne peut évaluer que des variables qui peuvent être exprimées de manière objective et quantifiable comme le temps ou le prix. Il est par contre beaucoup plus difficile de pouvoir tester des variables plus qualitatives comme le confort, la sécurité ou la qualité des services offerts qui interviennent certainement dans le choix des individus. Concernant le second courant, centré sur les analyses comportementales, même si elles sont riches d’enseignement pour des cas précis, leurs résultats ne peuvent être généralisés pour permettre une reconstruction théorique, vu le nombre élevé de facteurs explicatifs mis en avant.

En fait, la principale limite à laquelle se heurte cette approche réside dans le fait que l’on ne contrôle pas « l’expérimentation ». On ne peut que décrire à un moment donné l’état du système en partant des caractéristiques de l’offre, en constatant la répartition de la demande et en tentant d’expliquer cette répartition en mettant en relation ces variables. In fine, On ne peut que constater l’état des évolutions comportementales et faire des prévisions à court terme, et ce, en recueillant un grand nombre d’informations. Ces éléments sont évidemment indispensables pour faire le diagnostic des problèmes de transport, mais, et on en arrive à la 2ème limite importante de ce type d’approche, aucune modification majeure du système due à l’introduction d’alternative nouvelle, inexistante dans l’offre actuelle, ne peut être appréhendée par l’intermédiaire de cette approche.

Face à ces limites, les méthodes de préférences déclarées se sont développées, d’abord dans le domaine du marketing au début des années 70, afin d'étudier les réactions des consommateurs face à un nouveau produit ou d’analyser l’évolution du goût des consommateurs. Puis, dés le début des années 80, elles ont été appliquées au domaine des transports, mais relativement peu en France (Kroes et Sheldon, 1988).

Notes
38.

BRADLEY M.A., KROES E.P., [1990], Problèmes de prévision dans les études préférences déclarées, 3ème conférence sur les méthodes d’enquêtes dans les transports, Washington, p.4.