2.1.3.5.1.Pour la méthode de classement

La théorie qui est à la base de la méthode de classement a été développée par plusieurs auteurs et est résumée par Krantz et alii 52 . Cette théorie axiomatique est appelée « conjoint measurement ». Elle requiert que les données satisfassent un grand nombre de conditions ordinales afin que l’on puisse conclure qu’une spécification particulière de la fonction d’utilité est appropriée pour estimer les utilités partielles provenant des données issues du classement. Or, de nombreux individus ne sont pas parfaitement logiques dans leur classement, ce qui signifie qu’il y a des erreurs dans les résultats. Malheureusement, cette théorie n’inclut pas de théorie d’analyse des termes d’erreur sur laquelle baser des tests statistiques sur les formes de fonction d’utilité en compétition (pour plus de détails, voir Louvière, 1988). En conséquence, la majorité des chercheurs qui analysent les données issues de classement font l’hypothèse qu’elles sont générées par une fonction strictement additive. Les utilités partielles des individus sont alors estimées par la méthode des moindres carrés qui optimise l’ajustement entre les classements observés et prévus, en faisant l’hypothèse qu’une spécification strictement additive de la fonction d’utilité est correcte. Or, de nombreux auteurs 53 ont montré que (a) le classement assure un bon ajustement, (b) plusieurs spécifications peuvent produire approximativement des mesures d’ajustement équivalentes, et (c) de « mauvaises » spécifications peuvent produire de meilleures mesures d’ajustement que de « bonnes » spécifications.

Plus important, il faut être conscient que les données fournies par cette technique ne représentent qu’un jugement de la part de la personne enquêtée, qui ne correspond pas obligatoirement au type de choix qui serait fait par l'enquêté s'il se retrouvait dans la même situation en réalité. De nombreux auteurs ont réfléchi à des méthodes permettant de développer des prévisions de choix à partir des données de classement. Ces méthodes requièrent la satisfaction de plusieurs hypothèses :

  • Le modèle LOGIT multinomial (MNL) est une bonne approximation des choix non observés issus du classement,
  • Les individus sont parfaitement transitifs dans les choix non observés issus du classement,
  • Les individus sont parfaitement logiques dans leur comportement de classement dans les choix non observés issus du classement.

Ces hypothèses ne peuvent être testées, car les choix réels ne peuvent être observés. Les modèles alors estimés à partir de choix simulés sur la base d’une explosion des classements (voir Chapman et Staelin, 1982 54 , cités par Louvière, 1988) ou sur la base des fréquences qui résultent de l’application du classement d’un individu à toutes les combinaisons de choix possibles (voir Hensher et Louvière, 1983). Toutefois, au vu des violations qui sont faites des hypothèses permettant de passer du classement aux choix, des précautions sont à prendre lorsque l’on utilise ces méthodes. En particulier, les individus utilisent des stratégies d’élimination et de regroupement qui violent la propriété relative à l’indépendance des alternatives non pertinente, propriété qui fonde le modèle LOGIT multinomial. En outre, il est irréaliste de penser que les classements des individus vont parfaitement correspondre aux choix qu’ils feraient s’ils étaient confrontés à des sous-ensembles d’alternatives à classer variant en taille et composition.

Notes
52.

KRANTZ D.H., LUCE R.D., SUPPES P., TVERSKY A., [1971], Foundations of measurement, New York Academic Press.

53.

Voir Louvière (1988).

54.

CHAPMAN R., STAELIN R., [1982], Exploiting rank ordered choice set data within tne stochastic utility model, Journal of Marketing Research, n°19, pp. 288-301.