3.4.Conclusion : des réactions encourageantes des enquêtés sur les trade-off mais une limite forte

Les premiers résultats mettant en évidence les réactions des répondants par rapport à l’exercice de préférences déclarées qui leur était demandé montrent que cet exercice a été plutôt bien accueilli, dans le sens où ces personnes ont facilement accepté de participer à l’enquête et ont par la suite bien coopéré (seuls les utilisateurs de tickets unité ont été un peu plus difficiles à recruter car le sujet de l’enquête les concernait moins que les autres segments). Le travail effectué en amont avec le bureau d’étude en charge de la réalisation de l’enquête avait permis de simplifier au mieux l’exercice au niveau quantitatif (un minimum de trade-off proposés) et au niveau qualitatif (travail important sur la présentation des alternatives sous forme de tableaux de manière à synthétiser l’information, ce qui se révèle difficile lorsque l’on ne veut omettre aucune information que l’on juge importante pour que le répondant puisse faire un choix en toute connaissance de cause). Cet échange permanent entre les exigences théoriques et les connaissances pratiques du bureau d’étude concernant les réactions des enquêtés s’est donc révélé extrêmement enrichissant pour l’enquête, et a certainement permis de limiter le nombre de réponses « ni A, ni B », exigence qui a, en partie, guidé la conception du questionnaire (peut-être un peu trop, comme nous le verrons dans les points négatifs décrits plus bas), ainsi que son mode de passation.

Un autre résultat intéressant a trait au jugement des enquêtés concernant la technique des trade-off : environ un tiers de chacun des segments enquêtés a eu des difficultés pour répondre aux trade-off qui leur étaient proposés, les jugeant trop compliqués ou ne comprenant pas le fonctionnement du titre Fidélité (dans tous les cas, ce titre et le principe des trade-off leur ont été réexpliqués, et ces personnes ont ensuite repris avec les enquêteurs l’exercice lorsqu’ils le souhaitaient). Cela peut paraître élevé, mais la nouveauté de ce type d’exercice pour ces personnes, ainsi que sa difficulté, qui requiert une certaine concentration, nous amènent à penser que ce résultat est plutôt satisfaisant. Il est vrai que certaines personnes n’ont peut-être pas su répondre sans pour autant le dire à l’enquêteur. Nous verrons toutefois dans le chapitre suivant que l’analyse des réponses aux trade-off faites par chacun des répondants met en évidence que le nombre de personnes n’ayant pas compris l’exercice est relativement faible (sauf pour les utilisateurs de carnets de 10 tickets pour lesquels environ 10% des personnes n’a vraisemblablement pas compris l’exercice).

Un élément de satisfaction est la proportion élevée de personnes qui ont trouvé le titre Fidélité intéressant : environ un tiers des personnes enquêtées dans chaque segment a déclaré avoir trouvé ce titre intéressant dans les trade-off proposés par rapport à leur situation. La dissociation entre mise de fond et coût du déplacement se révèle donc pertinente. Voilà pour les points positifs.

Concernant les points négatifs, nous avons soulevé au début de ce chapitre une limite forte à notre travail, qui est d’avoir dû restreindre notre échantillon aux plus de 21 ans et aux moins de 65 ans, afin d’être sûr que les personnes enquêtées ne bénéficiaient pas de réduction sur certains titres (abonnement à 201F pour les moins de 21 ans et les plus de 65 ans), ce qui aurait pu influer de manière indirecte sur les choix faits dans les trade-off proposés, et induire des comportements jugés « illogiques », ôtés de la base de données, ce qui réduit d’autant le potentiel pour l’estimation des préférences. Nous cherchions à avoir un échantillon ayant le même univers de choix en matière de titre de transport. Etant donné la proportion non négligeable des moins de 21 ans et surtout des plus de 65 ans parmi les utilisateurs de tickets unité et de carnets de 10 tickets, ce choix se traduit par un biais pour les résultats de la modélisation puisque rien ne permet d’affirmer que ces personnes ont les mêmes préférences que le reste de l’échantillon pour les attributs du choix d’un titre qui étaient proposés. Il nous est difficile de nous prononcer sur la pertinence de ce choix dans la mesure où nous n’avons pas trouvé d’articles traitant de ce problème de « chevauchement » d’univers de choix. Nous pensons tout de même que prendre cette décision nous a plus pénalisé qu’apporté un vrai gain en pertinence, car l’intérêt de la méthode était de tester l’introduction d’un titre pour l’intégralité de la clientèle grand public.

D’autre part, la proportion de personnes ayant fait plusieurs réponses « ni A, ni B » dans les trade-off est importante parmi les utilisateurs de carnets de 10 tickets. Bien que cette proposition de réponse faite aux enquêtés soit indispensable par rapport à la qualité des valeurs des préférences que l’on cherche à estimer, il n’en reste pas moins que cela réduit d’autant l’échantillon sur lequel on évalue les préférences. Ce résultat spécifique aux utilisateurs de carnets de 10 tickets est, nous le pensons, la conséquence de la plus grande difficulté des trade-off qui leur étaient proposés. Cela nous amène à penser que, dans le cadre du mode d’administration de l’enquête que nous avons choisi d’utiliser, à savoir un envoi de questionnaire à domicile, puis le rappel téléphonique par un enquêteur afin de récupérer les réponses, l’exercice de préférences déclarées doit être le plus simple possible et concerner des situations pour lesquelles les personnes enquêtées ont déjà l’expérience d’avoir eu à faire un choix, ce qui limite cette approche à des cas très concrets.

L’analyse des réponses aux trade-off que nous ferons dans le chapitre suivant nous permettra d’affiner nos premières impressions sur le (bon) déroulement de l’enquête, ainsi que d’estimer l’importance de certains biais. D’autre part, nous verrons si la méthode des préférences déclarées permet d’obtenir des estimations des préférences des répondants que l’on peut juger pertinentes en termes de validité interne et de validité externe, et si l’on peut facilement utiliser ces résultats pour dresser une simulation de l’impact financier de l’introduction d’un nouveau titre dans la gamme.