4.1.2.3.Modèle linéaire additif avec l’échantillon corrigé des abonnés enquêtés, en dissociant les niveaux de prix

Initialement, comme nous l’avons souligné dans le chapitre 2, un de nos objectifs était de pouvoir tester l’hypothèse que le prix pouvait être décomposé en deux éléments : la mise de fond (partie fixe), correspondant à une avance de trésorerie, et le coût du déplacement, correspondant à une consommation. Nous souhaitions évaluer dans un premier temps les préférences des individus pour chacun de ces éléments. Mais l’intérêt était également de comprendre pourquoi certaines personnes utilisaient un titre de transport qui n’était pas adapté à leur mobilité. Toutefois, plusieurs raisons nous ont conduit à ne pas dissocier la mise de fond (partie fixe) du prix du déplacement (partie variable) pour le titre Fidélité : d’une part, la contrainte portant sur le nombre maximum de trade-off à présenter aux personnes enquêtées pousse à limiter le nombre d’attributs et de niveaux ; or, dissocier les deux variables de prix revient à introduire un attribut et trois niveaux supplémentaires, ce qui induit plus de trade-off à proposer aux enquêtés. D’autre part, dissocier les deux variables de prix conduit à augmenter l’occurrence d’alternatives dominantes ou dominées en termes de prix, ce qui rend le travail qualitatif portant sur la conception du design final très délicat, puisque ce travail consiste à proposer des trade-off « équilibrés » et apportant une information sur les comportements de choix des individus ; on essaye alors de réduire au maximum les trade-off présentant une alternative dominante et une alternative dominée (ces marchés n’apportent en effet que peu d’informations sur les comportements de choix, puisque les personnes sont poussées à se focaliser sur le prix, et choisissent dans ces conditions l’alternative la plus économique), ce qui peut se révéler un problème inextricable. Enfin, nous souhaitions « neutraliser » l’effet prix pour que les individus se prennent en compte tous les attributs des trade-off proposés, et ne se focalisent pas uniquement sur le prix, ce qui est un risque avec ce type d’enquête. Pour ces raisons, nous avons préféré ne pas scinder le prix en deux variables indépendantes, choix qui se fait au prix d’une perte d’information sur les poids respectifs de l’aspect mise de fond (partie fixe) et de l’aspect prix du déplacement (partie variable) pour chacun des segments de clientèle.

Toutefois, le logiciel permettant de caler les fonctions d’utilité autorise la dissociation « partielle » des niveaux de prix : on peut en effet étudier l’impact de l’association « mise de fond (partie fixe) 1 + prix du déplacement (partie variable) 1 » par rapport à l’impact de l’association « mise de fond (partie fixe) 2 + prix du déplacement (partie variable) 2 », avec, par exemple, mise de fond (partie fixe) 1 > mise de fond (partie fixe) 2 et prix du déplacement (partie variable) 1 < prix du déplacement (partie variable) 2. Le résultat est évidemment moins riche que si l’on avait pu complètement dissocier la mise de fond (partie fixe) du coût du déplacement, mais il permet d’une part de vérifier l’existence de phénomènes de seuil, et d’autre part de mieux comprendre comment un groupe homogène réagit par rapport à chaque niveau de prix qui lui est proposé, s’il associe plus ou moins de désutilité à telle ou telle association « mise de fond (partie fixe) + prix du déplacement (partie variable)». Dans ces conditions, si un individu accorde plus d’utilité à une combinaison {100 F + 3.50F le déplacement} qu’à la combinaison {50 F + 4.80F le déplacement}, on peut estimer qu’il est plus intéressé par un titre caractérisé par une mise de fond (partie fixe) élevé, mais un prix du déplacement faible. On peut donc par cet intermédiaire en partie répondre à la question de l’importance relative de l’aspect mise de fond (partie fixe) et de celle de l’aspect coût du déplacement.

Dans le modèle, dissocier les niveaux de prix consiste à considérer un niveau de base pour le titre Fidélité et un niveau de base pour l’abonnement (dans ce cas {100F+3.50F le déplacement} pour le titre Fidélité et 283F pour l’abonnement), qui prend la valeur de la constante pour le titre Fidélité, et prend la valeur nulle pour l’abonnement, puis à définir deux variables de prix qui correspondent en fait à chacun des autres niveaux de prix, dont on souhaite étudier l’influence.

L’estimation par le maximum de vraisemblance donne le résultat suivant :

On constate lorsque l’on analyse la Figure 25 que le modèle général est moins bon lorsque l’on dissocie les prix. En effet, le rhô barre carré est de 0.15, ce qui est faible, contre 0.48 pour le modèle sans dissociation des prix (Cf. Figure 20). Toutefois, toutes les variables sont significativement différentes de 0, et les signes sont conformes à ce qui était attendu :

• positifs pour les variables qualitatives, le lieu d’achat et la durée de validité,
• négatifs pour les variables de prix de l’abonnement, ce qui signifie que la désutilité des abonnés est plus élevée quand on leur propose l’abonnement plus cher (on vérifie ainsi la logique du modèle),
• négatif pour la constante.

Concernant les variables de prix du titre Fidélité, il faut noter que les signes de ces variables n’ont pas d’importance, ils représentent simplement une utilité (signe positif) ou une désutilité (signe négatif) plus grande par rapport à la valeur de prix de référence (dans le cas des abonnés, {100F + 3.50F le déplacement}). Dans ce modèle, le signe négatif des deux variables de prix du titre Fidélité permet de mettre en évidence une désutilité plus forte des abonnés lorsqu’on leur propose le titre Fidélité au prix de {50F + 4.80F le déplacement} ou de {80F + 4F le déplacement}, plutôt qu’au prix de {100F + 3.50F le déplacement}.

Nous présentons dans les deux paragraphes suivants les résultats de la dissociation des prix pour les abonnés à mobilité faible et pour les abonnés à mobilité élevée afin de voir comment ces deux sous-segments réagissent.