4.3.Conclusion

L’analyse des réponses faites par les enquêtés aux trade-off qui leur étaient proposés nous a permis de mettre en évidence des résultats sur plusieurs plans.

D’une part, nous avons pu identifier des comportements de choix autres que rationnels d’un point de vue économique et estimer l’importance de ces comportements. Ainsi, on constate qu’au moins 40% des abonnés dont la mobilité est inférieure à 13 déplacements par semaine continueraient à acheter l’abonnement même si un titre financièrement plus avantageux pour eux leur était proposé, en raison de certains avantages intrinsèques de l’abonnement. Cette proportion de « fidèles » de l’abonnement pourrait désormais être réduite car la validation de l’abonnement a été rendue obligatoire à l’arrivée de la billettique, annulant ainsi un des avantages intrinsèques de l’abonnement très apprécié de ses utilisateurs. De la même manière, 20% des utilisateurs de carnets de 10 tickets dont la mobilité hebdomadaire est élevée (au moins 9 déplacements) continueraient à acheter des carnets de 10 tickets. Concernant les utilisateurs de tickets unité, la proportion de personnes ayant fait le choix systématique du ticket unité (20%) nous semble faible au regard de leur comportement de choix actuel. Nous avons précédemment soulevé le problème d’un possible biais de rationalisation, ou d’une mauvaise compréhension du fonctionnement du titre Fidélité, c’est pourquoi nous avons réalisé des simulations financières sous plusieurs hypothèses de proportion de choix systématique pour ces utilisateurs de tickets unité. Nous signalons que ces personnes ont par la suite été réintégrées dans le bilan financier de l’introduction du titre Fidélité, car le choix qu’elles font peut être considéré comme logique, même si cela ne relève pas d’une logique économique, et tout à fait réalisable en cas d’introduction du titre Fidélité dans la gamme.

D’autre part, l’analyse des résultats produits par les trade-off nous a permis d’obtenir des estimations significatives des préférences des enquêtés par rapport aux différents facteurs expliquant le choix d’un titre, le prix, le lieu d’achat et la durée de validité. A partir de ces résultats, nous avons construit une typologie de la clientèle enquêtée en 9 sous-groupes au comportement de choix de titre homogène, ce qui montre la grande diversité de ces comportements au sein de la clientèle grand public, qu’il nous semble important d’intégrer dans les réflexions portant sur une modification de la gamme tarifaire afin d’obtenir une vision correcte des enjeux en termes de recettes et de fréquentation. Nous avons ensuite déduit de ces préférences l’intérêt de chacun de ces sous-groupes pour le titre Fidélité.

A partir des estimations de l’intérêt porté au titre Fidélité par chacun des 9 sous-groupes, nous avons construit plusieurs scénarios, allant de l’introduction d’un titre Fidélité en complément de la gamme actuelle, à un scénario très exploratoire dans lequel on introduirait deux titres Fidélité, en substitution à l’abonnement mensuel et au carnet de 10 tickets. Ces scénarios conduisent tous à des pertes financières importantes pour le réseau car toutes les alternatives du titre Fidélité, pour présenter un minimum d’intérêt, offrent un avantage financier pour certains clients par rapport au titre qu’ils utilisent actuellement. Les scénarios présentant une substitution du titre Fidélité à un titre de la gamme actuelle amènent toutefois à des pertes moins élevées, car même si on perd sur certains segments de clientèle, on gagne sur d’autres. Ces scénarios de substitution, outre les problèmes d’acceptabilité politique et sociale qu’ils induisent, posent toutefois la question de la réaction de certains clients, « obligés » d’acheter un titre plus cher : vont-ils continuer à utiliser les transports en commun, et dans quelle proportion, ou vont-ils choisir de ne plus les utiliser ? Sur ces interrogations, nous ne disposons pas d’éléments de réponse, ce qui nous amène au problème de la remise à jour des élasticités tarifaires pour les différentes catégories de clients (occasionnels/fréquents, réguliers ou non etc.), sans lesquelles on ne peut aller très loin dans les prévisions de modification de la gamme tarifaire, notamment de modification importante, ce qui constitue un frein indéniable aux réflexions des réseaux sur les évolutions de la gamme.

La deuxième limite importante pour l’estimation des résultats de chacun des scénarios proposés a trait au fait que nous avons choisi ne pas scinder le prix en deux variables indépendantes pour le titre Fidélité (une variable « mise de fond » correspondant à la partie fixe du titre Fidélité et une variable « prix du déplacement » correspondant à la partie variable en fonction du nombre de déplacement), mais de proposer des alternatives où les deux variables sont liées (par exemple, la mise de fond de 50F est toujours liée à un prix au déplacement de 4.80F). Notre essai de dissociation des niveaux de prix donne des résultats mitigés puisque nous pouvons estimer les préférences des individus pour les différentes formules du titre Fidélité pour seulement la moitié des sous-groupes. De plus, cela ne nous permet pas de calculer un coefficient pour l’aspect mise de fond et un coefficient pour l’aspect prix du déplacement. En contrecoup, nous ne pouvons estimer qu’un bilan financier du titre Fidélité qui nous paraît insatisfaisant car nous pensons que la double composition du prix a une véritable influence sur le choix fait par une partie de la clientèle au niveau du titre de transport qu’elle utilise, ce qui joue évidemment sur les recettes que l’on peut attendre de l’introduction dans la gamme tarifaire de telle ou telle formule du titre Fidélité. Comme nous l’avons précédemment souligné, procéder à une enquête de préférences déclarées en mettant les enquêtés dans une situation où plusieurs titres à deux composantes sont introduits en substitution aux titres de la gamme actuelle pourrait permettre d’estimer un coefficient pour chacune des composantes du prix.