TITRE PREMIER : L’affirmation des instances juridictionnelles

La complexité du système de règlement mémorandaire est la conséquence du pragmatisme qui a présidé à la rédaction du Mémorandum. Elle s’incarne dans l’hétérogénéité de la structure mémorandaire telle que le texte l’organise. Le Mémorandum prévoit la coexistence ou l’articulation de nombreuses et diverses entités distinctes susceptibles de participer au règlement du différend. Cette matérialité organique vaste et hétéroclite est a priori rédhibitoire à l’identification de l’acteur juridictionnel mémorandaire, sauf si l’on considère l’émancipation, par rapport à la masse hétérogène des entités mémorandaires, des acteurs dont la consistance organique est susceptible d’être juridictionnelle. Aussi n’est-il pas pertinent de déduire de la seule lecture transversale du Mémorandum le rejet de la qualification juridictionnelle organique. L’étude approfondie du texte et l’observation attentive de la pratique doivent confirmer ou infirmer ce rejet en montrant que s’affirment ou, au contraire, se marginalisent des instances mémorandaires de nature juridictionnelle.

Constater ou réfuter la juridictionnalité de la matérialité organique du système mémorandaire nécessite une approche particulière directement justifiée par la complexité double du Mémorandum. La première complexité est quantitative : l’élaboration pragmatique du texte a débouché sur une accumulation d’entités diverses de règlement, de telle sorte qu’il est difficile d’assurer la prédominance du juridictionnel sur le diplomatique ou encore sur le sui generis. La seconde complexité est qualitative : le Mémorandum se garde bien de consacrer explicitement la juridictionnalité de tout ou partie de la structure qu’il organise ; bien plus, il semble la rejeter ou, du moins, l’atténuer. Aussi l’approche particulière de la matérialité organique du système mémorandaire doit-elle être double : d’un point de vue quantitatif, l’étude de la pratique doit permettre de constater la centralité ou la marginalité de certains organes pouvant recevoir le qualificatif ‘ « juridictionnel ’ » ; d’un point de vue qualitatif, la juridictionnalité de ces organes doit être effectivement établie par l’évaluation de la juridictionnalité de leurs caractéristiques respectives.

Par conséquent, l’émancipation de la structure juridictionnelle du système mémorandaire sera visible à travers l’affirmation d’instances juridictionnelles obtenue par extraction, simple et a fortiori sélective, du matériau juridictionnel pouvant être contenu dans le texte et consacré par la pratique. Cette extraction sera attestée par une double constatation : la matérialité organique du système converge vers la juridiction (Chapitre I) et chaque organe la composant possède une identité de nature juridictionnelle (Chapitre II).