Chapitre I : La convergence juridictionnelle des organes de règlement

La conséquence organique de la définition de la juridiction est double. La juridiction étant l’entité qui fait connaître le droit applicable au différend 137 qu’elle tranche, elle est forcément un organe qui, non seulement, a une réalité tangible, mais également, s’inscrit dans un contexte particulier justifiant cette réalité. Ainsi, d’un point de vue organique, la juridiction est l’entité qui tranche les différends, c’est-à-dire un organe spécialisé. Il convient donc, pour établir ou réfuter la juridictionnalité organique du système mémorandaire, d’identifier l’organe spécialisé qui constitue la structure du processus organisé par le Mémorandum et activé en pratique.

Cette démarche n’est pas simple quand elle s’applique au système mémorandaire. Elle se heurte à une difficulté majeure tenant à la spécificité structurelle de ce système : celui-ci se compose d’entités qui sont diverses et dont l’action respective au sein du règlement varie. La structure mémorandaire ne se compose pas d’un organe unique et son rôle de règlement des différends ne rejaillit pas uniformément sur les diverses entités la composant. Aussi la matérialité organique ne peut-elle être immédiatement qualifiée de juridictionnelle car, d’une part, un amas informe d’instances de toute nature empêche l’instauration d’une structure organique linéaire clairement juridictionnelle et, d’autre part, la participation respective de ces instances au système réglant les différends ne leur confère qu’une parcelle de spécialité dans ce règlement.

La juridictionnalité organique du système mémorandaire ne peut donc être établie par la seule constatation de l’existence d’un organe spécialisé. Elle implique une convergence des instances vers la juridiction, autrement dit un resserrement des organes effectifs et spécialisés dans le règlement des différends. Afin que la matérialité organique puisse constituer une structure juridictionnelle, la diversité des organes mémorandaires doit se réduire par concentration des organes actifs (Section 1) et par effectivité de leur spécialisation dans le règlement des différends (Section 2).

Notes
137.
Le terme « différend » sera préféré à celui de « conflit » car la présence d’une entité ayant en charge la résolution d’une situation conflictuelle institutionnalise cette résolution, de telle sorte que le conflit peut être considéré comme un différend. Ce même terme sera également préféré à celui de « litige » pour deux raisons : le litige étant le différend soumis à la juridiction, il n’est pas présentement judicieux de l’employer puisque la juridictionnalité du système mémorandaire n’est pas, pour l’instant, établie ; plus prosaïquement, le « différend » est privilégié dans le présent propos pour de simples raisons de clarté stylistique, étant donné qu’il est le terme couramment employé par le Mémorandum et les instances mémorandaires. Il ne faut pas négliger, néanmoins, la distinction entre le conflit, le différend et le litige : le conflit n’est pas de mise dans la mesure où un processus institutionnalisé de règlement est en place au sein de l’OMC ; le différend est convenable puisqu’il exprime cette institutionnalisation ; le litige est sans doute le plus pertinent si la juridictionnalité pleine du système mémorandaire se trouve être avérée.