TITRE PREMIER : L’épanouissement du juris dictio

L’effectivité d’un juris dictio,prononcé par la structure juridictionnelle mémorandaire émancipée de la complexité pragmatique du Mémorandum, est indispensable à la qualification juridictionnelle du système mémorandaire. Cette structure doit avoir une fonction juridictionnelle qui est de faire connaître le droit applicable au différend qu’elle tranche. Or, le Mémorandum n’admet pas explicitement une telle fonction. Il peut même être soupçonné de la dissimuler afin de ne pas froisser les souverainetés étatiques qui se trouveraient menacées par l’affirmation trop soudaine et trop forte d’une autorité juridictionnelle. Aussi la fonction mémorandaire ne peut-elle constituer une fonction juridictionnelle que si le texte permet sa désinhibition et si la pratique la développe. Un tel épanouissement du juris dictio doit donc être identifié par la constatation double d’un texte permissif et d’une pratique extensive. Plus précisément, l’identification d’un juris dictio sera établie par l’observation du comportement de la structure mémorandaire. Celle-ci doit, pour que sa juridictionnalité fonctionnelle soit reconnue, trancher le différend en fonction du droit applicable. Aussi l’épanouissement du dictio doit-il s’opérer dans sa dimension spatiale : l’acteur juridictionnel mémorandaire doit prendre toute la mesure de sa fonction et adopter une démarche équilibrée quand il dit le droit ; en particulier, il doit se contenter de dire le droit, sans concurrencer ce travail juridique par une approche trop pragmatique du règlement, et il ne doit pas hésiter à dire tout le droit nécessaire au règlement du différend qui lui est soumis.

En outre, la définition particulière du dictio rend son identification complexe. En effet, la fonction juridictionnelle consiste à ‘ « faire connaître ’ » le droit applicable, ce qui confère à cette fonction une portée significative qui ne se limite pas au règlement du différend de l’espèce. L’action du dictio a une double conséquence : la première, et la plus évidente, est l’action de trancher le différend particulier soumis à l’examen du juge ; la seconde, induite, est de faire vivre le droit applicable et de participer à son évolution. Aussi l’épanouissement du juris dictio n’est-il pas seulement spatial ; il est également temporel dans le sens où sa portée dépasse le seul différend qui lui est soumis. Par conséquent, cet épanouissement ne sera avéré qu’à la condition que ce juris dictio atteigne sa plénitude, donc que sa diffusion spatiale (Chapitre I) s’accompagne de sa diffusion temporelle (Chapitre II).