Chapitre I : La diffusion spatiale du juris dictio

La fonction juridictionnelle du système mémorandaire ne peut être établie sans que soit constatée la production d’un juris dictio. Il n’est pas difficile d’observer, dans les décisions que les instances mémorandaires élaborent, la prise en considération de normes juridiques fondant le raisonnement et les conclusions que lesdites instances formulent pour trancher le différend qui leur est soumis. Ainsi, il est a priori aisé d’établir cette fonction juridictionnelle en remarquant que la démarche suivie par ces instances consiste à utiliser le droit pour en tirer le règlement du différend. Cependant, cette analyse succincte prête le flanc à la critique qui observera que la confusion du Mémorandum ne permet pas de conclure aussi rapidement à la centralité et à la pérennité d’une telle démarche juridictionnelle, ou encore que ce dictio est bien trop étriqué.

Deux doutes majeurs peuvent relativiser la pertinence et la rigueur de la reconnaissance immédiate, et surtout durable, d’un juris dictio. D’une part, le Mémorandum n’institue pas explicitement des juges ayant la capacité technique de dire le droit. La compétence des organes et de leurs agents dans le traitement de questions juridiques n’est ni évidente ni constante, mais semble variable en fonction de l’instance considérée. D’autre part, le dictio du seul droit de l’OMC peut paraître insuffisant pour attribuer sans équivoque la qualification de juridiction internationale au système mémorandaire. Certes, sur ce dernier point, une juridiction s’insère dans un ordre juridique déterminé et il est difficile de lui reprocher de ne pas déborder sur d’autres dispositifs normatifs qui, par ailleurs, prévoient leur propre mécanisme juridictionnel. Mais la juridictionnalité mémorandaire paraît dissimulée, voire non-désirée ; son instauration est implicite et précaire, sa reconnaissance fragile et, a priori,peu convaincante. Aussi doit-elle être affirmée et positionnée, dans la pratique comme dans l’analyse, par rapport au droit international général.

Pour être avérée, la diffusion spatiale du juris dictio consiste pour l’acteur juridictionnel à prendre toute la mesure de sa fonction. Cet acteur doit en avoir la capacité technique et ne doit pas hésiter à accomplir pleinement son juris dictio en lui donnant toute sa mesure. Il convaincra ainsi de la validité et de la pérennité de ce dictio et fondera de la sorte la juridictionnalité de la fonction mémorandaire. Par conséquent, deux indices majeurs doivent être évalués afin d’attester cette dernière juridictionnalité. Le premier est celui de la prédominance de l’expertise juridique des instances mémorandaires (Section 1) et le second est celui du décloisonnement du droit applicable (Section 2).