Section 2 : Le décloisonnement du droit applicable

Le dispositif normatif du système de règlement des différends au sein de l’OMC semble exclure le système mémorandaire de la catégorie des juridictions internationales. En effet, le Mémorandum affirme le principe selon lequel ‘ « il est entendu que les demandes de conciliation et le recours aux procédures de règlement des différends ne devraient pas être conçus ni considérés comme des actes contentieux, et que, si un différend survient, tous les Membres engageront ces procédures de bonne foi dans un effort visant à régler ce différend » 1402 . L’Organe d’appel confirme cette exclusion quand il énonce que ‘ « les règles de procédure du mécanisme de règlement des différends de l'OMC ont pour objet de promouvoir non pas la mise au point de techniques en matière de contentieux mais simplement le règlement équitable, rapide et efficace des différends commerciaux » 1403 . Or, en considérant le caractère contentieux des actes dans son sens commun de ‘ « qui est, ou qui peut être l’objet d’une discussion devant les tribunaux » 1404 , il faudrait conclure que le Mémorandum et l’Organe d’appel s’efforcent d’éloigner le système mémorandaire du système prétorien pour l’identifier au contraire à un mode diplomatique de règlement sui generis 1405 . Néanmoins, cette tentative de déclassement du système mémorandaire est vaine : l’exclusion formulée du contentieux ne saurait remettre en cause la qualification juridictionnelle par ailleurs constatée, car le critère contentieux est réducteur, inopérant et marginal quant à sa pertinence pour qualifier une juridictionnalité.

D’abord, d’un point de vue théorique, il est réducteur d’assimiler contentieux et juridiction, car cette dernière peut être contentieuse ou non contentieuse. Elle est dite contentieuse ‘ « au sens (…) fonctionnel et non plus organique ’ »quand elle dit ‘ « le droit en étant en présence de prétentions opposées » ’ ; elle sera non contentieuse quand il s’agit par exemple ‘ « du contrôle de constitutionnalité des règlements des assemblées parlementaires (…) obligatoire avant toute mise en application » 1406 . La juridiction peut même être ‘ « "matériellement" contentieuse ’ » sans l’être formellement, par exemple dans le cas du Conseil constitutionnel français 1407 . Aussi, le critère du contentieux n’a-t-il pour intérêt que de caractériser les organes faisant face à des prétentions opposées formulées par des parties adverses à l’occasion d’un différend, par opposition aux organes en charge d’un contrôle juridique en l’absence de telles prétentions, voire en l’absence de différend né et actuel 1408 . En effet, ‘ « il n’existe pas une liaison absolue entre les notions de litige ou de procès d’une part et de jugement de l’autre. Certains contentieux ne donnent pas naissance à une décision juridictionnelle et inversement » 1409 . Par ailleurs, quand le contentieux s’oppose au gracieux 1410 , la distinction entre l’organe contentieux et l’organe gracieux s’opèrera sur la présence ou l’absence de portée obligatoire pour les parties de la décision rendue 1411 . Pour autant l’organe en charge du gracieux n’en demeure parfois pas moins une juridiction, à l’image par exemple de la CIJ, considérée traditionnellement comme une juridiction internationale à vocation universelle, même quand elle exerce sa compétence facultative et non contentieuse 1412 . Ainsi, un organe qualifié de contentieux pourra être juridictionnel mais le modèle juridictionnel ne saurait se résumer à ce caractère contentieux.

Ensuite, même à supposer, ce qui est réducteur, que le seul critère du contentieux suffise à caractériser une juridiction, le Mémorandum a échoué dans sa tentative de catégorisation du système mémorandaire parmi les modes de règlement non-juridictionnels. En effet, la procédure mémorandaire est bien de type contentieux puisque non seulement les organes de règlement sont en présence de deux parties adverses formulant des prétentions opposées 1413 , mais aussi et que la portée obligatoire de la décision découlant du travail de ces instances peut être avérée 1414 . Aussi l’article 3 : 10 est-il inopérant à classer le système mémorandaire parmi les modes de règlement non-contentieux. La question de la fonction de cette ‘ « curieuse formule ’ » 1415 que constitue l’article 3 : 10 se pose. Ce dernier, en rejetant l’aspect contentieux, prolongerait l’article 3 : 8 établissant une présomption d’annulation ou de compromission d’un avantage, présomption qui fonderait l’intérêt à agir du plaignant 1416 . Cette proposition est textuellement fondée mais elle ne correspond pas à la pratique qui consacre un comportement équilibré des Etats. Ces Membres recourent au système mémorandaire de manière mesurée et équilibrée, sans tomber dans les affres de la subjectivité de laquelle tout intérêt substantiel du plaignant dans le règlement serait absent. De la sorte, la présomption, si elle est activée, n’est pas dénuée de tout fondement contentieux. Aussi cet article 3 : 10 n’est-il en réalité que le maladroit rappel de la priorité donnée à un règlement amiable sur l’intervention décisive des instances de règlement mémorandaires.

Enfin, le critère du contentieux n’est pas seulement réducteur et inopérant ; il est également marginal. S’il constitue un indice de juridictionnalité, il n’est pas la caractéristique majeure d’une juridiction. Celle-ci est essentiellement identifiable par sa fonction qui est de dire le droit. D’ailleurs, il a été constaté qu’il serait réducteur d’assimiler contentieux et juridiction du fait que cette dernière peut dire le droit en l’absence de parties et prétentions opposées, et en l’absence de portée obligatoire de la décision rendue. Ainsi est confirmée la marginalité du critère du contentieux ainsi que la centralité de la fonction de dire le droit, dans la tentative de qualification juridictionnelle du système mémorandaire. Le qualificatif de contentieux précise la présentation par deux parties adverses de leurs prétentions opposées devant un organe tiers et leur attente d’une décision à la portée obligatoire. Si la juridiction a bien pour mission de régler les différends et dispose de l’arme du caractère obligatoire de sa décision pour les parties, elle ne saurait se résumer à ces deux critères mais peut simplement les englober dans une dimension plus large qui est de dire le droit. Aussi n’est-il pas pertinent de rejeter la juridictionnalité du système mémorandaire en ne constatant que le rejet textuel et institutionnel du contentieux. Mme Ruiz Fabri l’affirme au terme d’une démonstration très convaincante : ‘ « l’exclusion de l’approche contentieuse ne semble donc pas incompatible avec la qualification juridictionnelle si les critères de celle-ci sont par ailleurs satisfaits » 1417 .

Ainsi, si le contentieux appelle la juridiction, la juridiction dépasse le contentieux. En effet, dire le droit ne se résume pas à proposer un règlement fondé sur le droit applicable à la situation objet dudit différend. Ce dictio est une fonction essentielle de la formation et de l’application du droit, car ‘ « le droit naît du fait et se réalise dans les faits » 1418 . Même s’il faut constater avec Virally que ‘ « la théorie pure du droit a été conçue à partir d’une réflexion sur le droit étatique et étendue, par la suite, au droit international » 1419 , l’œuvre de Kelsen insiste sur le rôle prépondérant de la juridiction dont la décision s’inscrit dans ‘ « la dynamique du droit » : ‘ « l’édiction des normes individuelles par les tribunaux représente une étape intermédiaire du processus qui, commençant avec l’établissement de la Constitution, conduit, à travers la législation et la coutume, jusqu’aux décisions juridictionnelles, et de celles-ci jusqu’à l’exécution des sanctions ’ ». ‘ « Ce processus dans lequel le droit se crée, pour ainsi dire, incessamment à nouveau, va du général à l’individuel, de l’abstrait au concret ’ » 1420 . La décision juridictionnelle est ‘ « continuation du processus de création du droit ’ » 1421 . ‘ « Législation et juridiction sont des fonctions juridiques au sens étroit, c’est-à-dire des fonctions pour lesquelles sont créées et appliquées les normes de l’ordre juridique étatique ’ » 1422 . De même, M. Carbonnier constate que si ‘ « l’opinion la plus répandue (…) accorde à la règle de droit un caractère primitif  ’», ‘ « à notre époque (…) des hésitations sont devenues perceptibles ». Selon lui, ‘ « au commencement aurait été le Jugement. Non pas l’acte juridictionnel (…), le jugement logique, déduction d’une règle de droit préexistante. Mais le jugement spontané, intuitif, de nature magique ou charismatique ’ ». Pour certains, ce serait ‘ « l’acte de faire justice ’ » car ‘ « Gioffredi (…) soutient que jus dicere n’est pas déclarer, énoncer une règle de droit préexistante : c’est prononcer une formule qui va créer du droit, établir une situation juste ’ », à savoir ‘ « faire justice ’ » 1423 .

La juridiction remplit donc une fonction non substituable indispensable à l’effectivité et à la force du droit dans le cadre duquel elle intervient. Le juris dictio est reconnaissable à la fonction particulière qu’il exerce au sein du système juridique dans lequel il se développe, en sus de son éventuelle fonction contentieuse de règlement des différends. Ainsi, si l’organe juridictionnel peut avoir une fonction contentieuse qui est de régler le différend qui lui est soumis, il a toujours, même s’il n’est pas contentieux, une fonction proprement juridictionnelle qui est de dire le droit, cette double fonction pouvant être génératrice de tensions 1424 .

Or, l’effectivité de l’action de dire le droit de l’OMC est fragile. D’abord, le juris objet du dictio peut n’être pas avéré, car il est par principe le droit de l’OMC souvent considéré comme un droit de moyen et non de régulation 1425 , c’est-à-dire un droit à la juridicité faible. Ensuite, et du fait des caractéristiques intrinsèques de ce droit particulier, le dictio peut être ineffectif, car la préférence serait donnée à la conciliation des points de vue des parties plutôt qu’à l’application de règles générales, au besoin en condamnant le comportement d’une partie, à l’instrumentalisation du droit de l’OMC plutôt qu’à la contribution, par l’interprétation de la norme, à la construction du droit. Enfin, le juris dictio mémorandaire peut ne pas être intégré au sein des mécanismes classiques du droit international public puisque sa spécialisation lui confèrerait un caractère sui generis et empêcherait l’universalisation de sa portée.

Ainsi, le système mémorandaire serait, certes, de nature contentieuse dans la mesure où il est confronté à des parties adversaires formulant chacune des prétentions opposées mais il ne pourrait recevoir la qualification juridictionnelle. Cette nature contentieuse tronquée de sa juridicité, de son effectivité et de sa portée ne l’y autoriserait pas. Par conséquent, si le caractère inopérant de l’article 3 : 10 ne permet pas de conclure immédiatement à une absence de juridictionnalité du système mémorandaire, la triple contingence du juris dictio mémorandaire empêcherait la participation déterminante des instances à la ‘ « dynamique » d’un droit et, partant, la reconnaissance de leur juridictionnalité.

En réalité, dans le cadre du système mémorandaire, cette contingence triple est dépendante de l’utilisation effective d’un droit non-cloisonné : l’effectivité du dictio proviendra de l’effectivité de l’utilisation d’un droit ; la juridicité du droit dit découle, pour une part, de la juridicité, déjà démontrée 1426 , du droit de l’OMC et sera confirmée, pour l’autre part, par l’utilisation complémentaire de normes juridiques internationales extra-OMC ; la portée du droit dit sera consécutive à la banalisation d’un droit de l’OMC normalisé par l’utilisation indifférente et complémentaire du droit extra-OMC. Autrement dit, le juris dictio, qui caractérise une juridictionnalité matérielle, doit se concrétiser par le dictio d’un droit non‑cloisonné, c’est-à-dire, d’une part, par le dictio effectif du droit de l’OMC et, d’autre part, par celui des normes extra-OMC.

Préalablement au développement de cette démarche double, deux remarques doivent être formulées. La première concerne la nature même de cette démarche. Cette dernière semble lacunaire puisqu’il y est davantage traité du juris que du dictio, le dernier paraissant déconsidéré car présenté comme dépendant du premier. Néanmoins, ce déséquilibre se justifie par l’inutilité de démontrer, à ce stade, la réalité d’un dictio fondant l’obligation de juger précédemment établie 1427 . La seconde remarque découle de la première : le dictio étant établi, rechercher une juridicité de l’action des instances mémorandaires pourrait revenir à identifier leur ‘ « fonction juridictionnelle ’ ». Cependant, la reconnaissance d’une véritable ‘ « fonction juridictionnelle ’ » doit être abordée avec prudence à ce stade du raisonnement et il faut sans doute lui préférer la reconnaissance d’une fonction de juridiction 1428 . Ces deux remarques étant précisées, la démarche double précédemment évoquée peut être menée.

En premier lieu, le dictio effectif du droit de l’OMC doit être établi. La question se pose donc de la nature des normes juridiques utilisées par les instances de règlement et qui font l’objet de leur dictio. Les conclusions des groupes spéciaux, reproduites dans leurs rapports, sont à cet égard éloquentes 1429  : les agissements d’un Membre sont déclarés compatibles ou incompatibles avec les obligations dudit Membre au titre d’un accord de l’OMC. Toutes les conclusions formulées par les différents groupes spéciaux se réfèrent explicitement à des dispositions incluses dans les accords de l’OMC 1430 . Seule exception notable : la compatibilité est parfois examinée non seulement par rapport à l’Accord ADPIC mais également par rapport à la Convention de Berne 1431 ou la Convention de Paris 1432 . Cependant, cet écart des groupes spéciaux par rapport aux accords OMC n’en est pas un car l’Accord ADPIC renvoie à ces deux textes en prévoyant que ‘ « les Membres se conformeront aux articles premier à 12 et à l’article 19 de la Convention de Paris (1967) » 1433 ainsi qu’aux ‘ « articles premier à 21 de la Convention de Berne (1971) et à l’Annexe de ladite Convention ’ » 1434 .

En outre, l’applicabilité de ce droit de l’OMC est large. En effet, les ‘ « agissements ’ » des Membres, qui sont l’objet d’une étude de leur compatibilité par rapport aux accords OMC, sont de nature très diverse. Souvent qualifiés de ‘ « mesures ’ », ils peuvent être explicitement des créations normatives étatiques 1435 ou para-étatiques 1436 , des engagements bilatéraux entre l’Etat et des tiers nationaux 1437 , des actions unilatérales de l’Etat 1438 , ou encore des mécanismes nationaux particuliers 1439 . Cette liste n’est pas exhaustive, loin s’en faut. Un groupe spécial a même pu fonder sa décision de conformité du comportement étatique par rapport au droit de l’OMC sur les engagements d’une Administration nationale, quand il énonce que ‘ « les constatations de conformité figurant dans les présentes conclusions ne seraient plus justifiées si ces engagements étaient reniés ou rompus d'une manière ou d'une autre par l'Administration (…) ou une autre branche du gouvernement ’ » de l’Etat Membre considéré 1440 . Cette liste se contente d’illustrer très imparfaitement la palette des comportements étatiques prévus et régulés par les multiples accords multilatéraux et plurilatéraux que gère l’OMC, et sanctionnés au besoin par les groupes spéciaux que le Mémorandum institue et organise. Ce dernier parle de ‘ « mesure ’ » 1441 et il faut se reporter aux différents accords de l’OMC pour apprécier leur identité précise.

La démarche de ces accords n’est évidemment pas de dresser une liste de mesures au qualificatif juridique précis puisqu’elles sont propres à chaque système juridique national et que leur place au sein de la hiérarchie interne des normes importe peu à un système de régulation des échanges commerciaux interétatiques. Aussi sont-elles souvent ramenées à de simples ‘ « agissements » et traitées comme tels par un ‘ « mécanisme de règlement des différends [qui] a habituellement pour objectif premier d’obtenir le retrait des mesures en cause, s’il est constaté qu’elles sont incompatibles avec les dispositions de l’un des accords » ’de l’OMC 1442 . Le qualificatif juridique de la mesure importe peu, tout comme l’auteur de la mesure qui peut être para ou infra-étatique. Les groupes spéciaux s’intéressent à l’impact de cette mesure sur les relations régulées par les accords OMC. Ils vont rechercher si l’action mise en avant par la partie plaignante constitue ou non une action visée par l’accord OMC en question et, ainsi, la définiront en fonction de cet accord. La grille de lecture adoptée par les groupes spéciaux est celle des accords OMC qui n’acceptent comme sujets de droit, à l’image du Mémorandum, que les Etats Membres de l’OMC et, partant, qui imputent à ces Membres les agissements objets de la demande d’établissement du groupe spécial. Cette démarche permet un nivellement des disparités nationales en terme d’organisation institutionnelle et administrative, tant horizontale que verticale, et en terme de politiques publiques. Surtout, cette imputation permet un champ d’application large du droit de l’OMC, la présence étatique faisant écran à la diversité des comportements et des formes de décisions nationales.

Il n’est donc pas nécessaire de dresser ici un inventaire général des agissements visés par les accords OMC et qui ont pu faire l’objet d’un différend interétatique traité par les instances mémorandaires. Ces agissements sont les faits que les groupes spéciaux examinent quand ils étudient le différend en vue de son règlement. Il suffit d’accepter que les seuls justiciables au titre du Mémorandum sont les Etats Membres et que les groupes spéciaux ont pour fonction de vérifier la compatibilité des agissements, imputés au défendeur par le plaignant lors de sa demande d’établissement d’un groupe spécial, avec les différents accords OMC invoqués par ledit plaignant. L’étendue des faits qui peuvent être soumis aux groupes spéciaux est automatiquement limitée par les accords OMC, quand ils régulent certains comportements étatiques définis, ainsi que par le Mémorandum et son application, quand ils limitent la justiciabilité aux Etats Membres de l’OMC.

Quant à l’Organe d’appel, sa fonction est limitée à l’examen des ‘ « questions de droit couvertes par le rapport du groupe spécial et [par les] (…) interprétations du droit données par celui-ci ’ » 1443 . Les normes juridiques utilisées par le groupe spécial dans son dictio étant celles du droit de l’OMC, l’Organe d’appel aura, par ricochet, comme objet de son analyse des questions de droit exclusivement tournée vers ces mêmes accords. En outre, l’Organe d’appel, dans ses conclusions,infirme ou confirme les constatations des groupes spéciaux explicitement par rapport à des dispositions précises tirées des accords OMC. Quelques exceptions doivent être signalées : l’Organe d’appel a confirmé la distinction opérée par les groupes spéciaux entre législation impérative et législation dispositive, alors même que cette distinction n’est pas explicitement prévue par les accords OMC 1444  ; l’Organe d’appel a confirmé des constatations du groupe spécial par ‘ « les circonstances propres à l’affaire ’ » et par les ‘ « faits de la cause ’ » 1445  ; de même, l’Organe d’appel admet le principe d’économie jurisprudentielle en dehors de toute disposition la consacrant 1446  ; il accepte que le groupe spécial se réfère à ‘ « l’Accord sur les oléagineux » qui est bilatéral et ne fait pas partie, de l’avis même de l’Organe d’appel, des dispositions de l’OMC 1447  ; il conclut que le groupe spécial utilise correctement son pouvoir discrétionnaire en n'acceptant pas de tirer des déductions du refus d’une partie de fournir les renseignements demandés, sans fonder explicitement cette conclusion sur une disposition OMC ; enfin, il traite des règles concernant l’attribution de la charge de la preuve sans référence textuelle précise 1448 .

Cependant, ces exceptions n’en sont pas véritablement car, si l’Organe d’appel ne raccroche pas explicitement de telles conclusions à une disposition précise d’un accord OMC, il utilise le dispositif normatif de l’OMC comme fondement, par interprétation extensive, des constatations menant à ces conclusions, de telle sorte que l’affirmation selon laquelle les groupes spéciaux se fondent sur les dispositions des accords OMC peut être aisément réitérée pour la caractérisation de la démarche des sections d’appel. Seule la question de l’attribution de la charge de la preuve ne se fonde pas sur des textes de l’OMC mais sur les pratiques antérieures des instances de règlement du GATT ou du Mémorandum, sur les principes appliqués par ‘ « divers tribunaux internationaux ’ », ainsi que sur les modèles du ‘ « régime "code civil", (…) régime "common law" et, en fait, (…) la plupart des systèmes juridiques » 1449 . Par conséquent, comme ces quelques illustrations le montrent, le dictio prononcé par les instances mémorandaires est celui d’un droit de l’OMC appréhendé de manière large quant à la diversité, l’applicabilité et l’interprétation de ses normes.

En second lieu, c’est le dictio de normes extra-OMC qui doit être recherché afin qu’un juris dictio plein attribue au système mémorandaire sa juridictionnalité. Ne se fonder que sur les conclusions des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel permet de montrer l’effectivité du dictio du droit de l’OMC ; mais cette démarche est réductrice et insuffisante dans le sens où l’analyse matérielle du juris dictio doit inclure l’étude des constatations formulées à l’appui des conclusions. La pertinence de cette étude est évidente, ne serait-ce qu’en considérant la question précédemment évoquée de l’attribution de la charge de la preuve : cette question est traitée par l’Organe d’appel en prenant en considération des textes et jurisprudences du droit international hors-OMC ainsi que des principes généraux caractéristiques de grands systèmes juridiques nationaux. Cette instance semble ainsi ‘ « faire feu de tout bois » ’ et ne pas concentrer son raisonnement sur les seules dispositions textuelles de l’OMC. Cette démarche est susceptible de faire sortir le juris dictio énoncé par les instances mémorandaires de sa concentration sur le droit de l’OMC.

Le Mémorandum prône une certaine universalité juridique par une démarche double : en fixant pour les membres des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel des compétences larges qui ne sont cantonnées ni aux questions que soulève le différend précis ni au droit commercial international, et surtout en précisant que ‘ « le système de règlement des différends de l'OMC est un élément essentiel pour assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral. Les Membres reconnaissent qu'il a pour objet de préserver les droits et les obligations résultant pour les Membres des accords visés, et de clarifier les dispositions existantes de ces accords conformément aux règles coutumières d'interprétation du droit international public » 1450 . Dans le même sens, l’Accord Antidumping prévoit que ‘ « le groupe spécial interprétera les dispositions pertinentes de l'Accord conformément aux règles coutumières d'interprétation du droit international public » 1451 . Cette double démarche n’est cependant pas très significative en elle-même quant à la prise en considération de manière élargie par les instances mémorandaires du droit extra-OMC. La compétence des membres des groupes spéciaux reste centrée sur les questions commerciales et l’ouverture en direction du droit international public général ne peut qu’être réduite aux seules règles touchant soit au commerce international soit aux procédures de règlement, règles forcément peu nombreuses puisque c’est l’OMC qui gère les règles commerciales internationales et qui contient son propre système de règlement des différends issus de l’application de ces règles particulières.

Néanmoins, le Mémorandum a ouvert la voie à la prise en considération d’un droit extra-OMC par les instances mémorandaires à l’appui des constatations et conclusions qu’elles ont pour mission de formuler, et l’Organe d’appel comme les groupes spéciaux ont immédiatement pris toute la mesure de cet article 3 : 2 sur les règles d’interprétation des accords OMC. En effet, dans ses deux premiers rapports, l’Organe d’appel a relié l’article 3 : 2 du Mémorandum avec la ‘ « règle générale d’interprétation ’ » des traités formulée à l’article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités 1452 . Dans un premier rapport, l’Organe d’appel affirme que ‘ « cette règle générale d'interprétation est devenue une règle du droit international coutumier ou général. En tant que telle, elle fait partie des "règles coutumières d'interprétation du droit international public" que l'Organe d'appel a pour instruction, en vertu de l'article 3 2) du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, d'appliquer lorsqu'il s'emploie à clarifier les dispositions de l'Accord général et des autres "accords visés" de l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce » 1453 . Dans son deuxième rapport, l’Organe d’appel énonce que ‘ « cette règle générale d'interprétation "est devenue une règle du droit international coutumier ou général" » ’ dans son premier Rapport et qu’‘ » il ne fait aucun doute que l'article 32 de la Convention de Vienne, qui traite du rôle des moyens complémentaires d'interprétation, en est également devenu une » 1454 . De même, l’Organe d’appel, dans un troisième rapport, se réfère de manière incidente à l’article 33 de cette même Convention de Vienne relatif aux problèmes de langues dans l’interprétation des traités 1455 .

De la sorte, l’Organe d’appel fixe l’application de l’article 3 : 2 1456 en reliant expressément cette disposition à l’entière Section 3 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, Section consacrée, comme son intitulé l’indique, à l’‘ » interprétation des traités » 1457 . La justification de ces conclusions est particulièrement remarquable puisque l’Organe d’appel se fonde, concernant l’article 31, sur les jurisprudences de la CIJ, de la Cour européenne des droits de l’homme, de la Cour interaméricaine des droits de l’homme ainsi que sur divers écrits doctrinaux 1458 et, concernant l’article 32, sur les jurisprudences de la CIJ et de la CPJI, sur une sentence arbitrale ainsi que sur des écrits doctrinaux 1459 . Ainsi, l’Organe d’appel, dès ses deux premières décisions, pose un principe d’interprétation identique à celui des traités en droit international public et se fonde non seulement sur la Convention de Vienne, applicable à tout ‘ « accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international » 1460 , mais également sur la jurisprudence de juridictions internationales à vocation non proprement commerciale ainsi que sur la source doctrinale. Cette base juridique d’interprétation des dispositions des accords OMC est encore développée par l’Organe d’appel.

D’abord, l’Organe d’appel précise l’articulation entre les articles 31 et 32 en s’appuyant sur certains auteurs de doctrine et en concluant que ‘ « l'application de ces règles énoncées à l'article 31 de la Convention de Vienne permettra généralement à celui qui interprète un traité d'établir le sens d'un terme. Toutefois, si après avoir appliqué l'article 31, le sens du terme reste ambigu ou obscur, ou conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable, l'article 32 (…) permet (…) d'examiner l'environnement historique dans lequel le traité a été négocié » 1461 . De même, il généralise le recours à ces dispositions en affirmant qu’‘ » une interprétation admissible est une interprétation qui est jugée appropriée après l'application des règles pertinentes de la Convention de Vienne. Nous observons que les règles d'interprétation des traités figurant aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne s'appliquent à tout traité, dans tout domaine du droit international public, et pas seulement aux Accords de l'OMC. Ces règles imposent certaines disciplines communes aux interprètes des traités, quelle que soit la teneur de la disposition du traité qui est examinée et quel que soit le domaine du droit international considéré » 1462 . Il précise à cet égard qu’‘ » il serait peut-être possible que les parties à un traité décident expressément que les règles d'interprétation des traités figurant aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne ne s'appliquent ni en totalité ni en partie à l'interprétation d'un traité particulier. De même, les parties à un traité particulier pourraient convenir, pour ce traité, de règles d'interprétation qui diffèrent de celles qui figurent aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne. Mais cela n'est pas le cas ici » 1463 .

Ensuite, il reprend le principe de l’effet utile. En se fondant sur la jurisprudence de la CIJ, sur un rapport de la Commission du droit international qui a préparé la Convention de Vienne ainsi que sur certains textes issus de la doctrine, il énonce que ‘ « l'un des corollaires de la "règle générale d'interprétation" de la Convention de Vienne est que l'interprétation doit donner sens et effet à tous les termes d'un traité. Un interprète n'est pas libre d'adopter une interprétation qui aurait pour résultat de rendre redondants ou inutiles des clauses ou des paragraphes entiers d'un traité » 1464 . En d’autres termes, d’après des écrits doctrinaux, et d’après la jurisprudence de la CIJ et de la CPJI, cités par l’Organe d’appel, ‘ « l'article 31 de la Convention de Vienne dispose que les termes du traité constituent le fondement du processus interprétatif  ’», que ‘ « les dispositions du traité doivent être interprétées suivant leur sens ordinaire, dans leur contexte » ’, qu’il ‘ « doit également être tenu compte de l'objet et du but du traité pour déterminer le sens de ses dispositions » ’ et qu’ainsi, par renvoi à cette Commission du droit international, ‘ « un principe fondamental de l'interprétation des traités découlant de la règle générale d'interprétation énoncée à l'article 31 est celui de l'effet utile (ut res magis valeat quam pereat)  ’» 1465 .

Puis l’Organe d’appel considère ‘ « le concept des attentes légitimes dans le contexte des règles coutumières d'interprétation du droit international public. Les attentes légitimes des parties à un traité ressortent de l'énoncé du traité lui-même. Le devoir de celui qui interprète un traité est d'examiner les termes du traité pour déterminer les intentions des parties. Cela devrait se faire conformément aux principes d'interprétation des traités énoncés à l'article 31 de la Convention de Vienne. Mais ces principes d'interprétation ne signifient pas qu'il soit nécessaire ni justifiable d'imputer à un traité des termes qu'il ne contient pas ou d'inclure dans un traité des concepts qui n'y étaient pas prévus » 1466 . Il précise ensuite que ‘ « le but de l'interprétation des traités conformément à l'article 31 de la Convention de Vienne est d'établir les intentions communes des parties. Ces intentions communes ne peuvent pas être établies sur la base des "attentes" subjectives et déterminées de manière unilatérale d'une des parties à un traité » 1467 . De même, l’Organe d’appel se fonde sur « la règle d'interprétation in dubio mitius, largement considérée en droit international comme un "moyen supplémentaire d'interprétation" » et en donne une définition doctrinale qu’il appuie sur d’autres références doctrinales, sur la jurisprudence de la CIJ et de la CPJI ainsi que sur une sentence arbitrale.

Enfin, l’Organe d’appel, au fur et à mesure de ses rapports, conçoit le recours aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne comme une évidence, sans même prendre la peine de s’appuyer explicitement sur ses deux premiers rapports établissant les règles d’interprétation présidant à la démarche de l’Organe d’appel. Ainsi, il énonce : ‘ « comme toujours lorsque nous interprétons des traités, nous adoptons l'approche de la Convention de Vienne (…) et nous considérons donc en premier le texte du traité ’ » 1468 . Les groupes spéciaux opèrent également une généralisation des ‘ « règles coutumières d'interprétation du droit international public telles qu'elles sont codifiées aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités » 1469 et appliquent ces deux dispositions en énonçant des principes d’interprétation nécessaires pour le traitement des questions de l’espèce 1470 , parfois en dehors de toute référence aux rapports de l’Organe d’appel établissant de telles règles d’interprétations 1471 , souvent en s’appuyant par exemple sur des écrits doctrinaux 1472 , des déclarations au sein de la Commission du droit international 1473 , ou encore la jurisprudence de la CIJ et de la CPJI 1474 . De même, les groupes spéciaux fondent certaines de leurs conclusions sur l’article 33 de la Convention de Vienne, dernier des trois articles composant la Section 3 de cette Convention intitulée ‘ « interprétation des traités ’ » 1475 .

L’utilisation des articles 31 à 33 de la Convention de Vienne est quasi-systématique pour les groupes spéciaux 1476 et, à l’instar de l’Organe d’appel, elle s’accompagne parfois d’un appui sur des études doctrinales, la jurisprudence de la CIJ et/ou de la CPJI, ainsi que sur les écrits de la Commission du droit international 1477 . Cette systématisation est telle que certains d’entre eux ont pu admettre que ‘ « ces dernières années, la jurisprudence de l'Organe d'appel et des groupes spéciaux de l'OMC est devenue l'une des sources les plus riches dont on puisse s'inspirer pour leur application » 1478 et qu’‘ » il est désormais bien admis que l'interprétation des traités à l'OMC devrait suivre les lignes directrices données dans la Convention de Vienne ’ » de telle sorte qu’‘ » il n'est pas obligatoire ni souhaitable de citer les dispositions de ce traité à chaque étape » 1479 . Les groupes spéciaux et l’Organe d’appel mettent en place au fur et à mesure des affaires qui leur sont soumises un système rigoureux d’interprétation des accords OMC fondée sur les articles 31 à 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités 1480 .

Le Mémorandum prévoit et la pratique consacre les règles d’interprétation des traités en droit international public comme principes d’interprétation par les instances mémorandaires des dispositions des accords OMC. Cependant, l’ouverture du Mémorandum en direction du droit international public général se focalise a priori sur les règles d’interprétation des accords OMC. En outre, même si cette démarche mémorandaire restrictive laisse la porte ouverte à l’utilisation plus large du droit extra‑OMC, cette utilisation n’est pas le dictio d’un tel droit. En effet, le droit qui est dit est explicitement celui de l’OMC et il n’est pas certain que les instances mémorandaires s’octroient un pouvoir d’interprétation du droit extra-OMC et, de la sorte, concurrencent directement les juridictions compétentes. L’utilisation est distincte de l’interprétation et cette distinction place le droit extra-OMC dans la position du droit qui n’est pas dit mais qui fonde celui qui est dit.

Cette absence d’un dictio explicite du droit extra-OMC est facilement justifiable : les groupes spéciaux n’ont pour compétence qu’une ‘ « évaluation objective (…) de la conformité des faits avec ces dispositions  ’» des accords OMC 1481  ; par ricochet, l’Organe d’appel a pour compétence le traitement des ‘ « questions de droit couvertes par le rapport du groupe spécial » 1482 et par voie de conséquence l’examen de ces mêmes seules dispositions. Aussi la compétence de ces instances est-elle forcément limitée car leur fonction s’intègre dans un système normatif précis. Il reste que la simple utilisation du droit extra-OMC à l’appui du dictio du droit de l’OMC participe à la dynamique de ce premier droit donc, de manière atténuée, à son dictio, puisque ce droit sera tout à la fois activé et appliqué.

Bien entendu, il ne saurait être ici question d’envisager de manière exhaustive l’ensemble des constations et conclusions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel d’un point de vue matériel. Cette démarche éloignerait le présent propos de son objectif, qui est la recherche d’indices de juridictionnalité, pour le rapprocher d’une étude descriptive des questions techniques posées aux instances mémorandaires sur les nombreux et divers domaines couverts par les non moins nombreux et divers accords gérés par l’OMC. Il suffit, pour appuyer la constatation d’un juris dictio effectif, de rechercher et de relever quelques illustrations de l’utilisation par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel d’outils juridiques extra-OMC. Encore faut-il que ces illustrations soient cardinales pour ne pas porter atteinte à la rigueur de la démonstration. Pour qu’elles ne puissent être considérées comme marginales et, de la sorte, peu significatives, elles doivent s’attacher à montrer une utilisation large du droit international public extra-OMC. Pour ce faire, un choix pertinent peut être celui de l’examen d’exemples caractéristiques des différentes sources du droit international public.

Immédiatement se pose la question de l’identification des sources du droit international public. Deux types de sources peuvent être définis : ‘ « les sources formelles du droit sont les procédés d’élaboration du droit, les diverses techniques qui autorisent à considérer qu’une règle appartient au droit positif. Les sources matérielles constituent les fondements sociologiques des normes internationales, leur base politique, morale ou économique plus ou moins explicitée par la doctrine ou les sujets du droit  ’» 1483 . Or, la prise en considération de sources ayant ici pour objectif l’identification de l’utilisation du droit international public extra-OMC au cours d’un juris dictio, il importe de considérer l’aspect juridique de ces sources. Ainsi, de toute évidence, seules les sources formelles seront appréhendées dans la mesure où la conception les valorisant ‘ « a le grand mérite d’isoler le droit de la politique et de permettre son analyse systématique » 1484 . Même si ‘ « la notion de "sources" est composite, manque de rigueur et qu’il est préférable de ne pas l’utiliser » 1485 , la prise en considération des sources formelles est présentement d’un intérêt indéniable du fait de la relative clarté de leur sens commun, même trop simpliste, qui peut être : ‘ « procédés techniques de création et de validation des normes juridiques » 1486 .

Un certain ‘ « consensus universel ’ » sur une liste exhaustive des sources formelles du droit international public peut être trouvé dans ‘ « un texte prenant clairement position et engageant la quasi-totalité des Etats » ’ comme peut l’être ‘ « le statut de la C.P.J.I., puis celui de la C.I.J. (…) article 38 » 1487 . Bien sûr, la centralité de cette disposition n’est pas exempte de toute critique. Au contraire, elle se voit adresser des reproches tenant à son ambiguïté, à son manque d’exhaustivité, ou encore à sa sénescence 1488 . Il reste que l’article 38 est ‘ « une énumération universellement acceptée des sources formelles du droit international ’ » 1489 et, ‘ « en dépit de ses limites, (…) une référence indispensable ’ » 1490 . Cette liste des sources formelles du droit international public peut donc être la suivante, d’après l’article 38 du Statut de la CIJ : ‘ « les conventions internationales (…) ; (…) la coutume internationale (…) ; (…) les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées (…) ; (…) les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination de la règle de droit ’ », ainsi que l’équité qui est ‘ « la faculté pour la Cour, si les parties sont d’accord, de statuer ex æquo et bono ’ ».

De nombreux questionnements découlent de l’énoncé de cette liste de sources. Ils sont liés essentiellement à la définition de la coutume et des principes généraux de droit, à la place et au rôle de la doctrine et de la jurisprudence, à la hiérarchie des sources, ou encore aux sources non citées par cette disposition. Une étude détaillée de ces questionnements, voire un positionnement particulier au sein des débats en découlant, seraient vains dans la mesure où la démarche du présent propos est de repérer l’utilisation par les instances mémorandaires de sources formelles du droit international et non de discuter de l’apport du système mémorandaire à l’évolution des sources de ce droit international. Aussi suffit-il, pour illustrer cette utilisation, de se borner à détecter dans les constatations et conclusions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel d’éventuels exemples significatifs de l’utilisation, pour les besoins de leur dictio, des sources principales du droit international extra-OMC ainsi que de quelques sources annexes confirmatives.

« Traité et coutume restent les deux piliers du droit international. Des éléments apparemment ignorés ou novateurs s’y rattachent par inclusion ’ » 1491 au rang desquels peuvent figurer les principes généraux de droit, la jurisprudence et la doctrine, ainsi que l’atypique équité 1492 . Ce sont ces six sources qui seront recherchées dans les rapports de l’Organe d’appel et des groupes spéciaux. Ce choix de raisonnement est éminemment incomplet et discutable, surtout en ce qui concerne les sources annexes et atypiques. Il permet néanmoins de cerner à travers d’éloquentes illustrations, l’utilisation effective d’un droit extra-OMC par les instances mémorandaires remplissant leur mission de dictio 1493 .

D’abord, la prise en considération de conventions internationales n’appartenant pas au dispositif normatif de l’OMC est avérée concernant les règles d’interprétation des accords OMC, comme le suggère le Mémorandum renvoyant implicitement à la Convention de Vienne sur le droit des traités. En outre, en dehors de toute prescription mémorandaire, les groupes spéciaux et l’Organe d’appel vont se référer pour les besoins de leurs constatations à de tels accords internationaux. L’Organe d’appel a fixé le principe d’une telle utilisation dès son premier rapport, en affirmant qu’‘ » il ne faut pas lire l’Accord général en l’isolant cliniquement du droit international public » 1494 . De même, l’Organe d’appel considère le droit de l’OMC comme un simple domaine du droit international public quand il énonce que ‘ « les règles d'interprétation des traités figurant aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne s'appliquent à tout traité, dans tout domaine du droit international public, et pas seulement aux Accords de l'OMC » 1495 . Ainsi, ‘ « le droit de l’OMC n’est pas une bulle dans laquelle ne seraient prises en compte que la propre terminologie et la propre pratique de l’organisation. D’ailleurs, selon certains points de vue, même si le Mémorandum n’avait pas renvoyé au droit international, une évolution en ce sens était inévitable. On peut y trouver deux raisons essentielles. La première est la complexité croissante des différends. (…). La deuxième raison tient à ce que le système juridique de l’OMC n’est pas clos » 1496 .

De plus, l’Organe d’appel considère concrètement l’absence de cloisonnement du droit de l’OMC par rapport aux traités internationaux qui lui sont extérieurs. Ainsi, il est recouru à des dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités distinctes des articles 31 à 33 formant les règles d’interprétation : l’article 28 de cette Convention énonce le ‘ « principe général de droit international » de la non-rétroactivité des traités 1497  ; la ‘ « bonne foi » est considérée par cette instance en référence à l’article 26 de cette Convention 1498 . De même, l’Organe d’appel estime que la Convention de Lomé doit être examinée par les instances mémorandaires dans l’affaire DS27 1499 . En outre, il utilise dans son Rapport sur l’affaire DS58 des accords internationaux extérieurs comme la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, la Convention sur la diversité biologique, la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, ainsi que des actes unilatéraux émanant de l’ONU 1500 .

De même, les groupes spéciaux fondent leurs constatations sur des accords internationaux extérieurs au dispositif normatif de l’OMC et mêlent, à l’appui de leur raisonnement, des références à ces accords, à la doctrine ainsi qu’aux principes généraux de droit. Par exemple, cette même Convention de Vienne est souvent utilisée : dans son article 28 sur la non-rétroactivité des traités, principe souvent considéré, au surplus, comme un ‘ « principe général du droit international ’ » 1501 ou encore un ‘ « principe établi du droit international coutumier ’ » 1502  ; dans son article 26 sur le principe Pacta sunt servanda, par ailleurs un des ‘ « principes généraux du droit international public ’ » 1503 , duquel découle le principe de bonne foi, ‘ « principe fondamental du droit des traités » d’après ce même article, d’après la jurisprudence de la CIJ et d’après la doctrine 1504  ; dans ses articles 30 et 59 ‘ « qui ressortissent d'une manière générale au principe juridique de la lex posterior derogat prior ’ » 1505  ; dans son article 27 concernant les rapports entre le droit interne et la non-exécution des traités 1506  ; dans son article 30 sur la relation entre traités successifs portant sur la même matière 1507  ; dans son article 48 sur l’erreur, ‘ « notion qui est apparue dans le droit international coutumier par le biais de la jurisprudence » ’de la CPJI et de la CIJ, et a été codifiée par cette disposition 1508  ; dans ses articles 19 et 23 concernant les réserves au titre d’un traité 1509  ; dans son article 41 sur la modification d’un traité pour certains des Etats parties à ce traité 1510  ; dans ses articles 15 à 29 dont l’examen appuie, avec celui d’écrits doctrinaux, la conclusion selon laquelle la transmission ou l’extension d’un droit tiré d’un traité aux autres Membres d’une union douanière est une ‘ « fiction juridique ’ » par rapport au droit international public 1511  ; dans son article 7 sur la représentation de l’Etat par son exécutif 1512  ; dans son article 60 dont l’application est écartée au motif que le Mémorandum prévoit des dispositions plus précises 1513 . De même, les groupes spéciaux examinent l’Arrangement concernant le commerce international des textiles (AMF) contracté dans le cadre du GATT 1514 .

Ensuite, la coutume tient également, à l’instar des traités internationaux, une place non négligeable dans les fondements des constatations de l’Organe d’appel et des groupes spéciaux. Dans le cadre de l’interprétation des accords OMC, de nombreux rapports reprennent le caractère coutumier exprimé dans les articles 3 : 2 du Mémorandum et 17 : 6 ii) de l’Accord antidumping 1515 et considèrent que la règle d’interprétation de la Convention de Vienne sur le droit des traités est une ‘ « règle du droit international coutumier ou général ’ » en se fondant sur la jurisprudence de la CIJ ainsi que sur des écrits doctrinaux 1516 . De plus, en dehors de cette suggestion textuelle, les instances mémorandaires considèrent la coutume comme l’un des fondements de leurs constatations. Ainsi, l’Organe d’appel examine le droit international coutumier, par exemple pour rejeter l’acceptation du principe de précaution comme principe coutumier 1517 , pour traiter de la question de la composition de la délégation d’une partie en se fondant également sur les normes mémorandaires et ‘ « la pratique des tribunaux internationaux » 1518 , ou encore pour rappeler ‘ « l’attention sur les règles du droit international coutumier concernant la responsabilité des États » ’, principe confirmé par les travaux de la Commission du droit international ainsi que par la jurisprudence de la CIJ 1519 .

De même, les groupes spéciaux insistent parfois également sur la coutume en dehors des règles d’interprétation. Un groupe spécial a clairement supprimé la frontière que le Mémorandum semblait tracer entre le droit international coutumier qui peut être utilisé à des fins d’interprétation, et le reste du droit coutumier qui ne fait l’objet d’aucune attention de la part de ce texte. En effet, le groupe spécial de l’affaire DS163 n’a pas hésité à affirmer que ‘ « l'article 3: 2 du Mémorandum d'accord exige que nous cherchions, dans le contexte d'un différend particulier, à clarifier les dispositions existantes des Accords de l'OMC conformément aux règles coutumières d'interprétation du droit international public. Cependant, le lien entre les Accords de l'OMC et le droit international coutumier est plus large que cela. Le droit international coutumier s'applique d'une façon générale aux relations économiques entre les Membres de l'OMC. Il s'applique dans la mesure où les Accords de l'OMC ne contiennent pas de clauses qui les excluent de son champ d'application. En d'autres termes, dans la mesure où il n'y a pas de conflit ni d'incompatibilité, ni d'expression dans un accord visé de l'OMC donnant à entendre qu'il en va autrement, nous estimons que les règles coutumières du droit international s'appliquent au traité de l'OMC et au processus d'élaboration des traités à l'OMC » 1520  ; et d’ajouter que ‘ « nous ne voyons rien ici qui laisserait supposer a contrario que les règles du droit international autres que les règles d'interprétation ne s'appliquent pas » 1521 . Ce même groupe spécial a ainsi pu affirmer que ‘ « rien ne permet de faire valoir que le mandat vise à exclure toute référence aux règles plus larges du droit international coutumier dans l'interprétation d'une allégation dont le Groupe spécial est saisi à bon droit » 1522 . Les groupes spéciaux vont illustrer cette conclusion en renvoyant au Statut de la CIJ et à la doctrine pour une définition de la coutume 1523 , en traitant explicitement du principe Pacta sunt servanda et de celui de la bonne foi comme des ‘ « principes généraux du droit international coutumier ’ » repris par la Convention de Vienne sur le droit des traités et précisés par des rapports de la Commission du droit international 1524 , en détectant une évolution de ce principe Pacta sunt servanda 1525 , en discutant du droit international coutumier sur les expropriations pour constater que certains points ne sont pas entièrement fixés 1526 , ou encore en se référant au ‘ « Projet d'articles sur la responsabilité des États de la Commission du droit international (CDI) – dont on peut considérer qu'il reflète le droit coutumier international » 1527 .

Ensuite, quant aux sources formelles annexes du droit international public que sont la jurisprudence, la doctrine et les principes généraux de droit, leur utilisation par les instances mémorandaires, à l’appui de l’utilisation des traités et de la coutume, est courante 1528 . Par ailleurs, ces sources annexes sont également utilisées en dehors de toute complémentarité des deux sources principales. L’Organe d’appel pose le principe selon lequel, en vertu de l’article 31 : 3 c) de la Convention de Vienne sur le droit des traités, ‘ « notre tâche consiste en l'occurrence à interpréter (…), en cherchant d'autres indications à cet effet, s'il y a lieu, dans les principes généraux du droit international ’ » 1529 . De même, un groupe spécial estime que ‘ « tant l'article 3: 2 du Mémorandum d'accord que la pratique de l'Organe d'appel montrent bien que nous devons, chaque fois qu'il y a lieu, définir notre démarche en nous appuyant sur celle des juridictions internationales dans des circonstances semblables  ’» 1530 . En outre, les membres du groupe spécial de l’affaire DS160 n’hésitent pas à se déclarer, citant l’article 38 du Statut de la CIJ, ‘ « prêts à tenir compte de "la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations" comme "moyen auxiliaire de détermination des règles de droit" » 1531 .

De plus, ces instances mémorandaires vont baser certaines de leurs constatations sur différents faisceaux d’indices. Elles peuvent d’abord se fonder sur la jurisprudence des juridictions internationales, à l’image de l’Organe d’appel qui consacre implicitement sa soumission à la CIJ en examinant sa jurisprudence pour en conclure que le principe de précaution ‘ « n’a pas encore fait l’objet d’une formulation faisant autorité ’ » 1532 , ou encore qui constate sur la question de l'intérêt juridique l’absence d’une règle générale fixée par la CPJI ou la CIJ établissant un tel intérêt 1533 . De même, des groupes spéciaux comparent leur ‘ « approche (…) du poids qu’il convient d’accorder aux éléments de preuve indirects » et celle de la CIJ 1534 , ou encore traitent du problème de la décision judiciaire sans examen de la position d’un Etat tiers par référence à la CIJ et à l’opinion individuelle d’un de ses juges – qui ‘ « n'est pas une opinion dissidente mais rend compte de l'analyse additionnelle faite par l'un des juges de la CIJ ’ » 1535 . Puis ces mêmes instances peuvent ne se fonder que sur des écrits doctrinaux comme quand un groupe spécial admet l’examen d’informations parues dans la presse en se fondant sur des écrits doctrinaux étudiant la jurisprudence de la CIJ 1536 ou encore considère ‘ « que l'objet et le but d'un traité peuvent notamment ressortir de son préambule ’ » 1537 .

De même, les groupes spéciaux et l’Organe d’appel font appel à différents concepts ou principes connus du droit international public comme le ‘ « principe général de la chose jugée » 1538 , ‘ « certains principes largement admis du droit international ’ » et ‘ « jugés applicables dans les procédures de règlement des différends de l'OMC » 1539 comme la bonne foi ou la présomption d’absence de conflit 1540 , le principe de la chose jugée comme ‘ « principe général du droit » 1541 , un terme juridique comme le ‘ « locus standi ’ » 1542 , les ‘ « règles habituelles du droit international public » 1543 , ‘ « un principe général » du caractère cumulatif des obligations découlant de l'Accord sur l'OMC 1544 , ou encore ‘ « la doctrine dite des "petites réserves" ou "exceptions mineures" » ’ concernant la Convention de Berne à laquelle l’Accord ADPIC renvoie 1545 . A contrario, les instances mémorandaires rejettent certaines notions après avoir évalué leur juridicité. Ainsi, ‘ « la notion d'"erreur sans conséquence" (…) n'a pas encore valeur de principe général du droit international public » 1546 , de même que le principe de précaution après examen des débats doctrinaux et de la jurisprudence de la CIJ 1547 . Il est difficile de déduire de ces quelques illustrations la constatation d’une utilisation de la source du droit international que représente les ‘ « principes généraux de droit ’ » prévus par le Statut de la CIJ car les dénominations varient beaucoup en pratique et ne sont jamais identiques à celle prévue par ce Statut. Néanmoins, ces illustrations montrent que les instances mémorandaires s’intéressent à des principes ou notions extérieurs au droit de l’OMC, et ce sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans les subtilités doctrinales ayant trait à la définition de ces principes généraux 1548 .

Par ailleurs, les instances mémorandaires peuvent utiliser une combinaison jurisprudence-doctrine : l’Organe d’appel interprète un article du GATT de 1994 à la lumière de décisions – consultatives ou contentieuses – de la CIJ et d’écrits doctrinaux 1549  ; un groupe spécial utilise la technique de l’‘ » estoppel ’ » 1550 définie par cette combinaison 1551  ; un autre groupe spécial aborde la question de la naissance d’une obligation internationale du fait d’une déclaration d’un représentant d’un Etat en se fondant sur la jurisprudence de la CIJ et sur des références doctrinales 1552  ; la question de la présomption légale face aux exigences de la charge de la preuve est traitée par référence à la pratique des tribunaux internationaux, à la jurisprudence de la CIJ et à des écrits doctrinaux 1553 . Pour finir, les instances mémorandaires font parfois ‘ « feu de tout bois ’ » à l’appui de leurs constatations quand, par exemple, l’Organe d’appel tire le principe d’un pouvoir de déduction de ‘ « la pratique générale et l'usage des tribunaux internationaux » ’en se fondant sur ‘ « tous les systèmes de droit », la jurisprudence de la CIJ, une opinion individuelle d’un juge de la CIJ, des sentences arbitrales, ainsi que des références doctrinales 1554 .

Enfin, l’équité doit être abordée avec soin, étant une source atypique du droit international public du fait de sa non-juridicité. Statuer en équité revient à statuer ‘ « en dehors des règles de droit, selon des critères tels que la raison, l’utilité, la morale, le sentiment de justice, l’amour de la paix… » 1555 . Si les groupes spéciaux et l’Organe d’appel ont bien pour fonction de dire le droit, la question se pose de la concurrence que peut exercer l’équité sur ce juris dictio. Cette interrogation n’est pas forcément pertinente. Certes, ‘ « l’équité a souvent été opposée au droit (…). Cette opposition n’a peut-être nulle part été marquée avec plus d’insistance qu’en droit international  ’» 1556 . Et, dans ce cadre, l’équité porterait atteinte à la juridicité de la fonction exercée par les instances mémorandaires, empêchant leur qualification juridictionnelle. Néanmoins, cette opposition entre droit et équité est réductrice car les relations entre droit et équité sont très complexes ; le concept d’équité ne doit pas être confondu avec ‘ « l’usage qui en est fait dans l’expression ex æquo et bono ’ », de même qu’elle n’est pas non plus synonyme de justice 1557 . «‘ Dans l’usage le plus habituel, l’équité est comprise comme une intuition directe de ce qui est juste ou injuste dans une situation particulière ’ » ; elle se rapproche de l’égalité dans le sens où il s’agit de prendre en compte une mesure, une proportionnalité 1558 . Ainsi, l’on peut observer ‘ « la part importante inhérente à tout jugement en équité. Il serait trop simple, cependant, de l’opposer au jugement en droit ’ ». L’équité ‘ « a sa place (…) au moment de la création du droit. Comme le droit aussi, l’équité (…)est un remède à l’arbitraire. (…) L’équité trouve alors tout naturellement sa place dans le processus d’application du droit. Lorsque la règle est imprécise, lorsqu’elle est insuffisante, ou inadaptée, a fortiori lorsqu’aucune règle n’existe, l’équité peut, au contraire, devenir un système alternatif de traitement juridique de la situation particulière » 1559 . ‘ « C’est dans l’application de la loi, et donc dans la subordination à la loi que l’équité trouve sa place dans les systèmes juridiques » 1560 . En outre, la CIJ considère l’équité comme ‘ « partie intégrante des conditions d’interprétation et d’application de la règle de droit  ’» 1561 et certains auteurs placent l’équité au sein des sources du droit international public, même si ce classement n’est pas unanime et s’opère de manière précautionneuse 1562 . Aussi l’absence d’opposition entre droit et équité renforce la juridictionnalité de la fonction des instances mémorandaires et rend la question précédente sans intérêt.

Nonobstant, la juridictionnalité matérielle du système mémorandaire peine à s’affirmer car les instances de règlement sont soupçonnées de chercher à garantir un équilibre entre les parties plutôt qu’à trancher le différend qui les oppose, et ce d’autant plus que le droit de l’OMC serait davantage axé sur l’atteinte d’objectifs que sur le respect d’une légalité. Aussi l’identification d’une équité généralisée dans la démarche de ces instances serait-elle une brèche considérable ouverte dans la qualification juridictionnelle, brèche dans laquelle s’engouffrerait la qualification diplomatique. L’effectivité de cette équité dans le système mémorandaire doit donc être précisée et évaluée.

Le dispositif normatif de l’OMC ne prévoit pas le respect d’un quelconque principe d’équité. Seules les Procédures de travail pour l’examen en appel posent le principe d’une ‘ « équité et [du] bon déroulement d’une procédure d’appel ’ » 1563 , principe parfois explicitement repris et activé 1564 . De même est affirmé, en dehors de toute disposition écrite, un principe d’équité appliqué au déroulement de la procédure du groupe spécial 1565 . Plus généralement, le Président de l’ORD parle d’un ‘ « système de règlement des différends (…) équitable, efficace et impartial ’ » 1566 et l’Organe d’appel de ‘ « l'équité élémentaire, ou ce qui est connu dans nombre de systèmes juridiques comme les droits de la défense ou la justice naturelle » 1567 . En outre, l’Organe d’appel oppose explicitement ‘ « la mise au point de techniques en matière de contentieux [et] (…) le règlement équitable, rapide et efficace des différends commerciaux » 1568 . En outre, l’adjectif ‘ « équitable ’ » est très souvent employé par les parties pour caractériser des évaluations ou comparaisons quantitatives, des relations commerciales ou autres liens entre les Membres.

Néanmoins, cette équité n’est pas ‘ « une intuition directe de ce qui est juste ou injuste dans une situation particulière » 1569 , n’a pas la force d’une ‘ « justice naturelle ’ » 1570 qui pourrait, à ce titre, être un concept comparable, complémentaire voire concurrent du concept de droit 1571 . Les instances emploient plus volontiers l’adjectif ‘ « équitable ’ » que le nom commun d’équité qui connote une conception peu en rapport avec la notion d’équité telle que ces instances l’envisagent. En effet, il ne s’agit pas de juger en équité mais plus modestement d’organiser un déroulement procédural du règlement mémorandaire qui soit soucieux de l’impartialité des instances et respectueux de l’égalité entre les parties, ou encore de qualifier des relations ou des évaluations en lien avec les échanges commerciaux que les accords de l’OMC organisent 1572 . Cette équité est donc bien loin de concurrencer la juridicité du travail des instances mémorandaires et, partant, de mettre en doute leur qualification juridictionnelle. Au contraire, l’équité procédurale conforte cette qualification dans la mesure où elle est à même d’assurer les principes du contradictoire et de l’impartialité, deux caractéristiques essentielles de la définition formelle d’une juridiction.

Le concept d’équité n’est pratiquement jamais évoqué au sein du fonctionnement du système mémorandaire. Quand il l’est, c’est pour le rejeter. Ainsi, un groupe spécial a-t-il considéré être ‘ « tenu de fonder ses constatations sur le libellé du Mémorandum d'accord. Nous ne pouvons tout simplement pas rendre une décision ex æquo et bono pour répondre à une préoccupation systémique sans lien avec le libellé explicite du Mémorandum d'accord » 1573 . De même, bien que de manière marginale, si un Etat Membre a pu énoncer une ‘ « doctrine du "préjudice" que l’Organe d’appel et les groupes spéciaux ont greffée en équité, sur les dispositions du Mémorandum » 1574 , ce raisonnement n’a pas été repris par le groupe spécial auquel il avait été soumis.

L’acceptation et l’utilisation d’un principe d’équité, en dehors de considérations liées à la procédure, ne sont pas totalement bannies du raisonnement des instances mémorandaires. Bien que portant sur des questions rares et marginales, certains propos de l’Organe d’appel laissent croire à une possible future prise en considération explicite du principe d’équité comme critère de jugement. En effet, cette instance semble implicitement admettre qu’‘ » une raison impérative liée, par exemple, à la notion fondamentale d'équité ou à un cas de force majeure » ’ aurait pu l’inciter à ne pas respecter ses propres Procédures de travail 1575 . De même, un groupe spécial a pu traiter la question d’‘ » un "principe" autonome interdisant le "fractionnement abusif" des différends » ’ et conclure : ‘ « on pourrait essayer de faire valoir qu'un tel principe relève des principes généraux relatifs à la régularité de la procédure ou d'un principe équitable comme la bonne foi ou l'abus de droit. Bien que ces notions puissent être pertinentes, dans certaines circonstances, pour le règlement des différends dans le cadre de l'OMC, le Groupe spécial n'est pas convaincu que les conditions qui pourraient justifier une telle décision sont réunies en l'espèce » 1576 . Il reste que l’équité ici abordée par les instances mémorandaires est celle qui se rapproche du concept d’égalité et non celle qui s’oppose ou se substitue au concept de droit. Ainsi, sans pour autant constater une effectivité d’un jugement en équité, que les instances mémorandaires se gardent bien d’admettre explicitement, elles ne semblent pas foncièrement hostiles à la reconnaissance d’un principe d’équité qu’elles pourraient mettre en œuvre.

Paradoxalement, l’acceptation mesurée d’une certaine équité renforce la juridictionnalité du système mémorandaire en l’état actuel de son développement. En effet, d’un côté, l’avènement de l’équité en tant que principe concurrent du droit dans la fonction du dictio n’est pas à l’ordre du jour ; et cette préférence marquée pour le droit positif au détriment de l’équité renforce la constatation d’un juris dictio et, partant, d’une juridictionnalité matérielle du système mémorandaire. Nonobstant, d’un autre côté, l’absence de prise en considération sporadique de l’équité par les instances mémorandaires peut inversement caractériser une faible juridictionnalité matérielle : quand la règle est imprécise, incertaine, insuffisante ou inexistante, l’équité peut devenir ‘ « un système alternatif de traitement juridique de la situation particulière  ’» 1577  ; et l’équité sera à ce titre indispensable au bon fonctionnement général de l’instance de règlement. Son utilisation évitera le manque de rigueur, voire le blocage du raisonnement ; elle sera surtout le signe de la maturité et de la solidité d’une juridictionnalité avérée, ce que le système mémorandaire n’admet pas encore.

Ayant une existence récente et une mission toujours délicate face à des Etats souverains, les instances mémorandaires doivent fonder leur action sur le droit qui est à la fois leur compétence et leur limite ; et c’est cette fonction de bornage qui permet au système de fonctionner et de se consolider, aux Membres de l’accepter, de l’encourager et de s’y soumettre, et aux instances de règlement d’en tirer une certaine légitimité. Admettre immédiatement et largement l’équité comme fondement des décisions romprait l’équilibre instable actuel favorisant une instauration recevable, légitimée et durable de la juridictionnalité et instaurerait un déséquilibre inacceptable au profit des instances, à l’encontre des souverainetés étatiques, de telle sorte que la viabilité du système serait condamnée.

Ainsi, dans le contexte d’un système de règlement récent consacré aux différends nés de l’application des accords OMC, l’absence de prise en considération de l’équité ne contrarie pas la constatation d’une juridictionnalité matérielle du système mémorandaire, et permet même de l’assurer. A terme, cette absence sera sans doute trop pesante pour garantir une qualification juridictionnelle pérenne du système ; elle risque de déstabiliser, voire de détruire des instances incapables de traiter sans l’équité des questions qui leur seront quand-même soumises. Cependant, l’attitude des instances de règlement à l’égard du principe d’équité n’est pas fermée ; elle n’est que précautionneuse. Aussi ces dernières pourront-elles certainement se donner les moyens d’activer au besoin le jugement en équité et le feront-elles sans effaroucher leurs interlocuteurs quand la maturité et la solidité de la juridictionnalité du système le permettra.

Ces quelques illustrations de l’utilisation par les instances mémorandaires de différentes sources formelles du droit international public extra-OMC ne prétendent ni à l’exhaustivité ni à la rigueur, quant à l’analyse matérielle de la fonction de ces instances. L’imperfection de leur choix ne remet cependant pas en cause l’observation d’une effective et large prise en considération du droit international extra-OMC par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel à l’appui de leurs constatations. Bien entendu, le système mémorandaire n’est pas un ‘ « tribunal à la juridiction générale » ; mais il n’est pas pour autant un ‘ « système fermé » 1578 . Bien plus, une certaine ‘ « banalisation juridique du système OMC » est observable et il faut croire que ‘ « le droit de l’OMC est pensé comme un droit mondial ’ » 1579 .

De la sorte, le juris dictio,qui est la fonction de ces instances, n’est pas altéré par une contingence juridique trop importante de ses fondements. Au contraire, il n’est pas refermé sur le droit de l’OMC mais s’inscrit dans la pratique du droit international public général du fait, non seulement, d’une suggestion du Mémorandum relayée et amplifiée par les instances de règlement quant aux règles d’interprétation du dispositif normatif de l’OMC mais, également, du volontarisme des instances provoqué par des Membres usant, à l’appui de leurs positions, d’arguments liés au droit international public général. Ainsi est mise à bas la critique d’une contingence inhérente à la nature même du droit de l’OMC. A la mission de dictio incombant aux groupes spéciaux ainsi qu’à l’Organe d’appel peut vraiment être accolé le qualificatif « juris ». La juridicité est intrinsèque, du fait de la pratique essentiellement, à la fonction que le Mémorandum assigne à ces instances. Encore cette juridicité peut-elle être fragile si elle venait à manquer de cohérence sous l’effet du temps. Aussi doit-elle être pérenne.

Notes
1402.
Article 3 : 10.
1403.
WT/DS108/AB/R, paragraphe 166.
1404.
P. Robert, Le Nouveau Petit Robert, op. cit., p. 511.
1405.
Souvent, le terme de « contentieux » est employé comme synonyme de « litige » qui est , selon ce même dictionnaire, ibid., soit une « contestation donnant matière à procès », soit plus simplement une « contestation », un « différend », une « dispute », sans que la référence au juge apparaisse. Ainsi, le raisonnement selon lequel le contentieux a une connotation juridictionnelle serait infirmé. Néanmoins, l’admission d’une synonymie entre le contentieux et le différend ôterait tout sens à l’article 3 : 10 qui a justement pour fonction principale de formuler une opposition entre le contentieux et le différend. Cette synonymie n’est donc pas admissible et la conclusion d’un rapprochement entre le système mémorandaire et un système diplomatique, opérée par l’article 3 : 10, s’en trouve renforcée.
1406.
M. de Villiers, Dictionnaire de droit constitutionnel, Armand Colin/Masson, Paris, 1998, p. 113. Voir également une définition similaire du « contentieux » appliquée au droit international public in P.-M. Dupuy, Droit international public, Dalloz, 4ème édition, Paris, 1998, pp. 450-461.
1407.
Voir sur ce point G. Vedel, « Excès de pouvoir législatif et excès de pouvoir administratif », Les cahiers du Conseil constitutionnel, n° 1 et 2, 1996, points 12 et 18 (disponible sur le site Internet du Conseil constitutionnel).
1408.
Sur ce dernier point, voir P.-M. Dupuy, op. cit., définit, sur le plan international, « le contrôle non contentieux de l’application du droit ». Il « désigne l’ensemble des procédures par lesquelles sont vérifiés et qualifiés juridiquement les comportements des Etats hors du cadre d’intervention entre deux ou plusieurs d’entre eux d’une procédure de règlement pacifique des différends ». Il se distingue « de l’action du juge ou de l’arbitre [par] (…) son moment d’intervention. Ce dernier se place dans une majorité des cas avant même la naissance d’un différend entre deux ou plusieurs Etats intéressés à la mise en œuvre d’un certain corps de règles ». Il « consiste le plus souvent en une vérification plus ou moins systématique, organisée sur une base conventionnelle et destinée à vérifier le respect par tous les Etats parties à un traité ou membres d’une organisation des obligations spécifiques qu’ils ont souscrites.Il n’est pas nécessairement subordonné à la naissance préalable d’un litige interétatique lié à leur application ». Voir dans le même sens P. Sands, « Vers une transformation du droit international ? », Droit international 4, Cours à l’IHEI, Pedone, Paris, 2000, pp. 238 et 242.
1409.
G. Vedel, P. Delvolvé, Droit administratif, tome 2, P.U.F., coll. Thémis Droit Public, 12ème édition, Paris, 1992, p. 20.
1410.
Voir sur ce point P. Robert, Le Nouveau Petit Robert, op. cit., p. 511.
1411.
Pour une distinction entre contentieux et non-contentieux fondée sur la portée obligatoire de la décision, voir par exemple P.-M. Dupuy, op. cit., pp. 450-461.
1412.
Voir sur ce point P.-M. Dupuy, op. cit., pp. 487-491.
1413.
Le Titre précédent traitant en détail de la procédure suivie par les parties, de leur capacité à saisir les instances à leur place dans le déroulement du système jusqu’à sa conclusion par formulation d’une décision.
1414.
Le Titre suivant est entièrement consacré à la démonstration de l’effectivité d’un mécanisme d’exécution des décisions comprenant un pouvoir réel de contrainte.
1415.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, p. 721.
1416.
Voir sur ce point ibid.
1417.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends au sein de l’OMC : naissance d’une juridiction, consolidation d’un droit », in C. Leben, E. Loquin, M. Salem (A l’initiative de), Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du 20 ème siècle. Mélanges en l’honneur de Philippe Kahn, Litec-CREDIMI, 2000, p. 309 (Démonstration pp. 306-309).
1418.
J.-L. Bergel, Méthodologie juridique, P.U.F., coll. Thémis, 1ère éd., 2001, p. 379.
1419.
M. Virally, « Notes sur la validité du droit et son fondement », in Le droit international en devenir, P.U.F., Publications de l’Institut Universitaire des Hautes Etudes Internationales (Genève), Paris, 1990, p. 76.
1420.
H. Kelsen, Théorie pure du droit, Editions Dalloz, Inst. Kelsen, 1962, L.G.D.J., E.J.A., 1999, Paris, et Editions Bruylant, 1999, Belgique ; traduction française de la deuxième édition par C. Eisenmann ; p. 238.
1421.
Ibid., p. 239.
1422.
Ibid., p. 259.
1423.
J. Carbonnier, Flexible droit, L.G.D.J., 7ème éd., Paris, 1992, pp. 86-89.
1424.
Voir pour illustration l’exemple de la CIJ in D. Ruzié, Droit international public, op. cit., p. 226.
1425.
Voir sur ce point l’Introduction.
1426.
Ibid.
1427.
Se reporter sur ce point à la dernière Section du Titre précédent.
1428.
Voir sur ce point le chapeau introductif de la Deuxième Partie.
1429.
Ces conclusions constituent systématiquement la dernière partie de chacun des rapports, qu’ils soient du groupe spécial ou de l’Organe d’appel.
1430.
Seules certaines conclusions énoncées par des groupes spéciaux de l’exécution sont fondées non pas sur de telles dispositions mais sur les recommandations précédemment adoptées par l’ORD, pour constater l’effectivité ou l’absence de leur mise en œuvre. Voir pour exemples les rapports WT/DS70/RW et WT/DS126/RW. Cependant, leur fondement textuel est non seulement explicite dans le raisonnement suivi par le groupe spécial et reproduit dans le rapport, mais également obtenu par ricochet puisque les recommandations de l’ORD sont en réalité celles du groupe spécial initial qui, lui, a fondé ses propres conclusions sur des dispositions issues des accords OMC. Par ailleurs, certains rapports de groupes spéciaux de l’exécution précisent explicitement dans leurs conclusions les accords OMC que l’absence de mise en œuvre viole. Voir pour exemple le Rapport WT/DS132/RW.
1431.
Voir pour exemple le Rapport WT/DS160/R.
1432.
Voir pour exemple le Rapport WT/DS176/R.
1433.
Accord ADPIC, article 2 : 1.
1434.
Accord ADPIC, Article 9 : 1.
1435.
Il peut s’agir, par exemple, de loi nationale (WT/DS108/RW), de décret (WT/DS135/R), de résolution (WT/DS155/R), de codes et tarifs (WT/DS31/R), de programmes (WT/DS46/R), de taxes (WT/DS56/R), d’ordonnances (WT/DS212/R), etc.
1436.
Voir pour exemple le Rapport WT/DS2/R.
1437.
Il peut s’agir, par exemple, de prêt ou encore de contrat de don (WT/DS126/R).
1438.
Il peut, s’agir par exemple, d’ouverture d’une enquête antidumping (WT/DS132/R), de mesure antidumping (WT/DS122/R), de limitations d’importation et de leur prorogation (WT/DS33/R), de l’octroi de subventions (WT/DS108/R), de l’imposition de droits compensateurs (WT/DS138/R), etc.
1439.
Voir par exemple les conclusions des rapports WT/DS163/R sur l’identité des entités ayant passé des marchés publics, WT/DS166/R, WT/DS177 et 178/R ou encore WT/DS18/RW sur le respect des procédures incluses dans les accords OMC.
1440.
Voir sur ce point le Rapport du groupe spécial WT/DS152/R, paragraphe 8.1.
1441.
Par exemple, article 3, paragraphes 7 et 8.
1442.
Article 3 : 7 du Mémorandum.
1443.
Article 17 : 6 du Mémorandum.
1444.
Rapport WT/DS136 et 162/AB/R.
1445.
Rapport WT/DS138/AB/R.
1446.
Voir pour détails la Section précédente.
1447.
Voir le Rapport WT/DS69/AB/R, paragraphes 2 et 79 à 84.
1448.
Voir pour exemple les rapports WT/DS75 et 84/AB/R, WT/DS76/AB/R.
1449.
WT/DS33/AB/R, point IV, pp. 14-19. Ce Rapport reproduit l’une des conclusions majeures de l’Organe d’appel sur la question de l’attribution de la charge de la preuve et il est régulièrement renvoyé à ces conclusions dans différentes constatations de groupes spéciaux ou de sections d’appel. Cette question n’est pas traitée par le droit de l’OMC et mérite, à ce titre, une attention toute particulière.
1450.
Article 3 : 2.
1451.
Article 17.6 ii).
1452.
Cette « règle générale d’interprétation » constitue l’intitulé de cet article 31.
1453.
WT/DS2/AB/R, p. 20.
1454.
WT/DS8, 10 et 11/AB/R, p. 12.
1455.
Voir le Rapport WT/DS135/AB/R, paragraphe 91, note 52.
1456.
Et de l’article 19 : 2 du Mémorandum qui renvoie à l’article 3 : 2 en disposant que « conformément au paragraphe 2 de l'article 3, dans leurs constatations et leurs recommandations, le groupe spécial et l'Organe d'appel ne pourront pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords visés ». Cette liaison entre ces deux dispositions mémorandaires est explicitement opérée dans le Rapport de l’Organe d’appel WT/DS50/AB/R, pp. 21-22.
1457.
Cette Section 3 étant composée des articles 31 à 33.
1458.
Voir pour détails le Rapport WT/DS2/AB/R, p. 19, note 44.
1459.
Voir pour détails le Rapport WT/DS8, 10 et 11/AB/R, p. 12, note 29. Le renvoi à l’article 33 de la Convention de Vienne ne fait pas l’objet, de la part de l’Organe d’appel, de justifications étoffées. Il est seulement relié à l’Accord sur l’OMC qui précise faire foi en langues française, anglaise et espagnole (voir le Rapport WT/DS135/AB/R, paragraphe 91, note, 52).
1460.
Article 2 : 1 a) de la Convention de Vienne, à lire avec l’article 1 de cette même Convention.
1461.
Voir le Rapport WT/DS62, 67 et 68/AB/R, paragraphe 86. Voir pour les références doctrinales le même paragraphe, notes 54 et 55.
1462.
WT/DS184/AB/R, paragraphe 60.
1463.
Ibid., note 40.
1464.
WT/DS2/AB/R, p. 26 et note 55, même page.
1465.
WT/DS8, 10 et 11/AB/R, p. 14 et note 33, même page. Voir dans le même sens le Rapport WT/DS103 et 113/AB/R, paragraphe 133, qui reformule la définition du principe de l’effet utile. Se reporter également au Rapport WT/DS98/AB/R qui, dans ses paragraphes 80 et 81, traite en détail de ce principe et cite des références jurisprudentielles de la CPJI, de la CIJ, ainsi que des références doctrinales et un certain nombre de rapports de l’Organe d’appel abordant et précisant ce principe. Celui-ci est également utilisé par de nombreux groupes spéciaux ; voir par exemple les rapports WT/DS170/R, paragraphe 6.49, note 30, ou encore WT/DS176/R, paragraphe 8.79, note 122.
1466.
WT/DS50/AB/R, pp. 20-21.
1467.
WT/DS62, 67 et 68/AB/R, paragraphe 84.
1468.
WT/DS202/AB/R, paragraphe 159. Voir dans un sens similaire, pour exemple, le Rapport WT/DS161 et 169/AB/R, paragraphe 159.
1469.
WT/DS108/RW, paragraphe 8.145, note 257. De nombreux autres rapports de groupes spéciaux emploient cette expression ou une formulation très similaire. Voir pour exemple le Rapport WT/DS136/R, paragraphe 6.172, qui traite des « principes généraux d'interprétation du droit international public, consacrés par la Convention de Vienne ».
1470.
Voir pour exemple le Rapport WT/DS139 et 142/R, paragraphes 10.10 à 10.13, WT/DS152/R, paragraphes 7.21 et 7.22, WT/DS/176/R, paragraphes 8.14 à 8.16, WT/DS192/R, paragraphes 7.16 à 7.20. Ces rapports ne sont que des illustrations de la généralisation des articles 31 et 32 de la Convention de Vienne en leur qualité de règle d’interprétation par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel des dispositions OMC. Ils sont néanmoins particulièrement significatifs de la démarche que les groupes spéciaux ont globalement adoptée quant aux règles d’interprétation. Le soin et la rigueur apportés par ces groupes spéciaux particuliers à leurs conclusions sont d’efficaces illustrations de ce thème.
1471.
Voir pour exemple le Rapport WT/DS114/R, paragraphes 7.13 à 7.15.
1472.
Voir pour exemple le Rapport WT/DS90/R, paragraphe 5.59, note 299, qui fonde des règles particulières d’interprétation non seulement sur l’article 31 de la Convention mais également sur son interprétation par un avis consultatif de la CPJI et par une analyse doctrinale.
1473.
Voir pour exemple le Rapport WT/DS207/R, paragraphe 7.35, notes 595 à 597.
1474.
Comme dans les rapports WT/DS136/R, paragraphe 6.53 et WT/DS162/R, paragraphe 6.52, dans lesquels le groupe spécial estime pouvoir apprécier la jurisprudence des tribunaux internes à l’appui de l’interprétation d’une mesure nationale.
1475.
Voir pour exemples les rapports WT/DS121/R, paragraphe 8.166, note 530, et WT/DS135/R, paragraphe 8.29.
1476.
Le dénombrement et les références des rapports des groupes spéciaux ne sont pas ici précisés car rares sont ceux d’entre eux qui ne traitent pas explicitement de la Section 3 de la Convention de Vienne. En outre, les règles d’interprétations de cette Convention sont parfois utilisées sans mention explicite de ce texte. Aussi faut-il croire que l’écrasante majorité des rapports applique au moins une disposition de cette Section consacrée à l’» interprétation des traités ».
1477.
Voir pour exemples les rapports WT/DS135/R, paragraphe 8.46, WT/DS139 et 142/R, paragraphes 10.10 à 10.13, ou encore WT/DS160/R, paragraphes 6.43 et s.
1478.
WT/DS152/R, paragraphe 7.21.
1479.
WT/DS155/R, paragraphe 10.12.
1480.
Se reporter, pour un catalogue relativement complet des rapports des instances mémorandaires traitant de ces règles d’interprétations, au Rapport du groupe spécial WT/DS192/R, paragraphes 7.16 à 7.20. Se reporter, pour analyse de la méthode d’interprétation adoptée par les instances mémorandaires, à : C.-D. Ehlermann, « Six Years on the Bench of the "World Trade Court" – Some personal Experiences as Member of the Appellate Body of the World Trade Organization », J.W.T. 36(4), 2002, pp. 615-618 ; Shanker (D.), « The Vienne Convention on the Law of Treaties, the Dispute Settlement System of the WTO and the Doha Declaration on the TRIPs Agreement », J.W.T. 36(4), 2002, pp. 723-736.
1481.
Article 11.
1482.
Article 17 : 6.
1483.
P. Daillier et A. Pellet (N. Quoc Dinh †), Droit international public, L.G.D.J., E.J.A., 7ème éd., Paris, 2002, pp. 111-112. Voir un autre exemple de définition in J. Combacau, S. Sur, op. cit., p. 42.
1484.
P.-M. Dupuy, op. cit., p. 231.
1485.
J. Combacau, S. Sur, op. cit., p. 42.
1486.
P.-M. Dupuy, op. cit., p. 231.
1487.
P. Daillier et A. Pellet (N. Quoc Dinh †), op. cit., p. 113. Voir dans le même sens J. Combacau, S. Sur, op. cit., p. 43-44.
1488.
Voir par exemple : J. Combacau, S. Sur, op. cit., pp. 43-44 ; P. Daillier et A. Pellet (N. Quoc Dinh †), op. cit., p. 114.
1489.
P. Daillier et A. Pellet (N. Quoc Dinh †), op. cit., p. 114.
1490.
J. Combacau, S. Sur, op. cit., p. 44.
1491.
J. Combacau, S. Sur, op. cit., p. 44.
1492.
Ce caractère atypique provient de la nature particulière de l’équité qui la place en dehors du droit. Il est étudié en détail infra.
1493.
L’incongruité de cette démarche peut être atténuée par la constatation d’un rapprochement, entre les sources de l’article 38 du Statut de la CIJ et la question des sources au sein de l’OMC, opéré par MM. Palmeter et Mavroidis, in « The WTO Legal System : Sources of Law », A.J.I.L. Vol. 92, n° 3, 1998, pp. 398-413.
1494.
WT/DS2/AB/R, p. 19.
1495.
WT/DS184/AB/R, paragraphe 60.
1496.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends au sein de l’OMC : naissance d’une juridiction… », p. 329.
1497.
WT/DS170/AB/R, paragraphes 71 à 74. Voir dans le même sens, pour exemples, les rapports de l’Organe d’appel : WT/DS22/AB/R, p. 18, et WT/DS27/AB/R, p. 124.
1498.
Voir sur ce point le Rapport WT/DS202/AB/R, paragraphe 110 et sa note 117.
1499.
Voir le Rapport WT/DS27/AB/R, paragraphe 167.
1500.
Voir le Rapport WT/DS58/AB/R, paragraphe 130.
1501.
WT/DS26/R/USA, paragraphe 8.25.
1502.
WT/DS22/R, p. 96. Les exemples sont nombreux de rapports allant dans le même sens. Voir pour illustration le rapport, WT/DS170/R, paragraphe 6.42. Se reporter en particulier au Rapport WT/DS46/RW qui, dans son paragraphe 6.15, note 22, montre implicitement la prise en considération extensive des traités hors-OMC quand il précise que, « bien que cet article [28 de la Convention de Vienne] concerne l'application dans le temps des traités, et non des recommandations de l'ORD, il donne néanmoins certaines indications au sujet de la signification de la notion de rétroactivité en droit international public »
1503.
WT/DS58/R, paragraphe 6.5.
1504.
Voir le Rapport WT/DS58/R, paragraphe 7.41 et notes 644 et 645. Voir également pour exemples les rapports WT/DS56/R, paragraphe 6.14, note 167, et WT/DS79/R, paragraphe 7.69, note 135, même paragraphe.
1505.
WT/DS69/R, p. 70.
1506.
Voir pour exemple WT/DS152/R, paragraphe 7.80 et note 564, même paragraphe.
1507.
Voir WT/DS160/R, paragraphe 6.41.
1508.
WT/DS163/R, paragraphe 7.123. En relation avec cette notion d’erreur, le même groupe spécial discute, dans le paragraphe 7.126, note 769, de l’applicabilité de l’article 65 de cette même Convention et se réfère à la « Cour européenne de justice ».
1509.
Voir pour exemple WT/DS160/R, paragraphe 6.49.
1510.
WT/DS34/R, paragraphe 9.181.
1511.
Voir le Rapport WT/DS34/R, paragraphe 9.184, note 373.
1512.
Voir WT/DS136/R, paragraphe 6.63, note 340.
1513.
Voir WT/DS165/R, paragraphe 6.133, note 170.
1514.
Voir pour exemple le Rapport WT/DS192/R, paragraphes 7.74 à 7.77.
1515.
Voir pour exemples le Rapport du groupe spécial WT/DS122/R et de l’Organe d’appel WT/DS184/AB/R.
1516.
Voir pour exemple le Rapport WT/DS2/AB/R, p. 19.
1517.
Voir le Rapport WT/DS26 et 48/AB/R, p. 57.
1518.
WT/DS27/AB/R, p. 7.
1519.
WT/DS202/AB/R, paragraphe 259.
1520.
WT/DS163/R, paragraphe 7.96.
1521.
Ibid., note 753.
1522.
Ibid., paragraphe 7.101, note 755.
1523.
Voir le Rapport WT/DS58/R, paragraphe 7.59, note 673.
1524.
Voir pour exemple le Rapport WT/DS163/R, paragraphes 7.93 et 7.94.
1525.
Ibid.
1526.
WT/DS176/R, paragraphe 8.55, note 108.
1527.
WT/DS103 et 113/R, paragraphe 7.77, note 427.
1528.
Voir supra.
1529.
WT/DS58/AB/R, paragraphe 158.
1530.
WT/DS136/R, paragraphe 6.40.
1531.
WT/DS160/R, paragraphe 6.111, note 114.
1532.
WT/DS26 et 48/AB/R, p. 57.
1533.
WT/DS27/AB/R, paragraphe 133. Cette question est largement traitée par les instances mémorandaires. Se reporter au Titre précédent sur ce point.
1534.
Voir le Rapport WT/DS155/R, paragraphe 11.28, note 340.
1535.
Voir le Rapport WT/DS34/R, paragraphes 9.8 à 9.10 et note 248, paragraphe 9.9.
1536.
Voir sur ce point le Rapport WT/DS126/R, paragraphe 9.65, note 210.
1537.
WT/DS135/R, paragraphe 8.47. Voir note 35, même paragraphe.
1538.
WT/DS146 et 175/R, paragraphe 7.57. Dans son paragraphe 7.62, cette « chose jugée » n’est qu’un « principe » applicable « dans les juridictions internationales »
1539.
Ibid.
1540.
Ibid. note 332 dans laquelle le principe de bonne foi, « en même temps un principe juridique général et un principe général du droit international », est relié au Rapport de l’Organe d’appel WT/DS58/AB/R, paragraphe 158 et le principe de présomption d’absence de conflit au Rapport du groupe spécial WT/DS54, 55, 59 et 64/R, paragraphe 14.28.
1541.
D’après la doctrine étudiant le Statut de la CIJ ainsi que la jurisprudence de cette dernière, et citée par le groupe spécial dans son Rapport WT/DS146 et 175/R, paragraphe 7.62, note 336.
1542.
WT/DS27/ABR, p. 77, note 65. L’Organe d’appel définit ce terme par référence à des dictionnaires juridiques.
1543.
WT/DS152/R, paragraphe 7.80.
1544.
WT/DS34/R, paragraphe 9.92.
1545.
WT/DS160/R, paragraphe 6.48.
1546.
WT/DS156/R, paragraphe 8.22.
1547.
Voir le Rapport de l’Organe d’appel WT/DS26 et 48/AB/R, p. 57.
1548.
Voir pour exemples de l’état des débats : P.-M. Dupuy, Droit international public, Dalloz, 4ème édition, Paris, 1998, pp. 301-308, ou encore J. Combacau, S. Sur, op. cit., p. 104.
1549.
Voir pour exemple le Rapport WT/DS58/AB/R, paragraphe 130, note 109.
1550.
Cette technique anglo-saxonne en matière de preuve, utilisée par les juridictions et arbitres internationaux, est, par exemple, définie in P. Daillier et A. Pellet (N. Quoc Dinh †), op. cit., p. 884.
1551.
Voir le Rapport WT/DS135/R, paragraphe 8.60, note 45.
1552.
Voir le Rapport WT/DS136/R, paragraphe 6.63, note 338.
1553.
Voir le Rapport WT/DS56/R, paragraphe 6.39 et notes de ce même paragraphe.
1554.
Voir le Rapport WT/DS70/AB/R, paragraphe 202, note 128.
1555.
J.-L. Bergel, Méthodologie juridique, op. cit., p. 358.
1556.
M. Virally, « L’équité dans le droit », in Le droit international en devenir, P.U.F., Publications de l’Institut Universitaire des Hautes Etudes Internationales (Genève), Paris, 1990, p. 405.
1557.
Voir ibid., p. 406.
1558.
Voir ibid., pp. 406-407.
1559.
Ibid., pp. 410-411.
1560.
Reuter (P.), « Quelques réflexions sur l’équité en droit international », in Le développement de l’ordre juridique international – Ecrits de droit international, Economica, coll. Droit international, Paris, 1995, p. 24.
1561.
P.-M. Dupuy, op. cit., p. 496. Voir dans le même sens : D. Ruzié, op. cit., p. 224 ; J. Combacau, S. Sur, op. cit., p. 565.
1562.
Voir pour exemples : P. Le Jeune, Introduction au droit des relations internationales, L.G.D.J., coll. Systèmes, Paris, 1994, pp. 54-55. ; C.-A. Colliard, L. Dubouis, Institutions internationales, Dalloz, coll. Précis, 10ème éd., Paris, 1995, p. 125 ; A. Pellet Droit international public, P.U.F., coll. Mémentos Thémis, Paris, 1981, pp. 33-34.
1563.
Règle 16 1), document WT/AB/WP/7.
1564.
Voir les rapports de l’Organe d’appel WT/DS135/AB/R, paragraphes 50 et 52, et WT/DS138/AB/R, paragraphe 8.
1565.
Voir pour exemples : les rapports de l’Organe d’appel WT/DS122/AB/R, paragraphe 88, et WT/DS132/AB/R, paragraphe 107 ; les rapports de groupes spéciaux WT/DS121/R, paragraphe 7.20, et WT/DS163/R, paragraphes 6.1 et 6.15.
1566.
Compte-rendu de la réunion de l’ORD du 31 mai 1995, point 2.
1567.
WT/DS26 et 48/AB/R, paragraphe 133.
1568.
WT/DS108/AB/R, paragraphe 166.
1569.
M. Virally, « L’équité dans le droit », op. cit., p. 406.
1570.
P. Robert, Le Nouveau Petit Robert, op. cit., p. 902.
1571.
Couramment, l’équité est comparée et opposée au droit positif. Voir pour exemple ibid.
1572.
Impartialité et égalité peuvent être considérées comme des notions proches de l’équité. Voir par exemple P. Robert, Le Nouveau Petit Robert, op. cit., pp. 902-903.
1573.
WT/DS79/R, paragraphe 7.23. Le raisonnement du groupe spécial est le suivant : « conformément à l'article 11 du Mémorandum d'accord, le rôle du Groupe spécial est "de procéder à une évaluation objective de la question dont il est saisi, y compris une évaluation objective des faits de la cause, de l'applicabilité des dispositions des accords visés pertinents et de la conformité des faits avec ces dispositions". En outre, au titre de l'article 3: 2 du Mémorandum d'accord, le but de la procédure de groupe spécial est de "clarifier les dispositions existantes [des] accords [visés] conformément aux règles coutumières d'interprétation du droit international public". Dans le même paragraphe il est dit ensuite que "Les recommandations et décisions de l'ORD ne peuvent pas accroître ou diminuer les droits ou obligations énoncés dans les accords visés", et l'article 19: 2 dispose également que "… dans leurs constatations et leurs recommandations, le groupe spécial et l'Organe d'appel ne pourront pas accroître ou diminuer les droits ou obligations énoncés dans les accords visés" ». Par ailleurs, il remarque, pour parfaire son raisonnement, que « le Mémorandum d'accord n'est pas compris dans la définition des "accords visés" figurant à la première phrase de l'article 1: 1. Toutefois, la deuxième phrase de l'article 1: 1 indique clairement que les règles et procédures du Mémorandum d'accord sont applicables aux différends concernant les droits et obligations des Membres au titre du Mémorandum d'accord » (note 96).
1574.
WT/DS194/R, paragraphe 5.132.
1575.
Voir son Rapport WT/DS2/AB/R, pp. 13-14.
1576.
WT/DS146 et 175/R, paragraphe 7.140.
1577.
M. Virally, « L’équité dans le droit », op. cit., p. 411.
1578.
Marceau (G.), « A Call for Coherence in International Law – Praisers for the Prohibition Against “Clinical Isolation” in World Trade Organization Dispute Settlement », J.W.T. 33(5), 1999, pp. 107-115.
1579.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends au sein de l’OMC : naissance d’une juridiction… », pp. 328-334.