Chapitre II : La diffusion temporelle du juris dictio

L’action de dire le droit se caractérise par une diffusion spatiale du juris dictio mais elle est doit être également assurée par une diffusion temporelle. Elle doit s’inscrire dans une cohérence temporelle indéniable car la portée du juris dictio dépasse le seul différend traité ; elle l’inscrit dans l’effectivité et l’évolution du droit. Le dictio ne peut pas être soupçonné de ne constituer qu’une succession de tentatives diplomatiques de règlements de différends n’ayant entre elles aucun lien, alors que ce lien affirme le poids et la centralité d’un juris dictio véritable dans la dynamique du droit qu’il énonce.

De ces considérations appliquées au système mémorandaire de règlement des différends interétatiques, une difficulté majeure surgit immédiatement : une cohérence du juris dictio est difficile à trouver et à assurer. La raison est double : le système de règlement est composé de plusieurs phases et acteurs distincts ce qui, à première vue, semble révéler une hétérogénéité patente ; le système doit se confronter à des dispositions et des différends matériellement très hétéroclites puisque appartenant aux multiples accords gérés par l’OMC et qui n’ont en commun que la sphère commerciale, vaste au demeurant. Les conséquences de cette difficulté pourraient donc être, soit un conflit entre instances juridictionnelles au sein du même système de règlement, soit l’hétérogénéité de ce système qui ne serait composé que pour partie d’instances juridictionnelles, soit encore une inconstance des actions effectuées.

Le juris dictio, pourtant indispensable à la caractérisation d’une juridiction, serait alors divergent, concurrencé ou faible et, de la sorte, perdrait de sa centralité et de sa crédibilité. Il ne possèderait pas cette cohérence et cette constance qui en font un moteur d’efficacité et de développement du droit. Partant, il perdrait de sa force, du fait de sa trop grande dilution dans un système qui deviendrait alors un simple règlement juridique contingent des différends et non un système véritablement et durablement juridictionnel. L’incohérence du juris dictio n’ôterait pas au système sa juridicité mais sa juridictionnalité, dans la mesure où la juridiction, par son action de dire le droit, ne se contente pas de participer au règlement du différend d’espèce mais remplit de la sorte un rôle essentiel constant dans l’effectivité et l’évolution du droit de manière générale.

Aussi l’action de dire le droit doit-elle bénéficier d’une diffusion temporelle d’un juris dictio unifié, d’abord au fur et à mesure du déroulement de la procédure de règlement d’un seul différend (Section 1), ensuite par-delà le seul différend d’espèce, par le biais d’une continuité des décisions et non plus seulement par celui de la décision s’appliquant au différend, c’est-à-dire, en d’autres termes, par la reconnaissance d’une jurisprudence (Section 2).