Section 2 : La consécration de la jurisprudence

Un juris dictio unifié découle de l’articulation organisée entre l’action respective du groupe spécial et de l’Organe d’appel. Son existence est une contribution déterminante à la démonstration de la juridictionnalité du système mémorandaire. Cette diffusion temporelle du juris dictio à l’intérieur du règlement mémorandaire d’un différend assure la juridictionnalité de l’entier système mémorandaire et non pas seulement la juridictionnalité individuelle, cloisonnée et, de la sorte, atténuée de chacune des deux instances de règlement. Cette diffusion temporelle interne complète utilement la constatation de la diffusion spatiale d’un juris dictio et constitue un indice déterminant de la juridictionnalité du système mémorandaire.

Néanmoins, ce schéma d’une diffusion spatiale complétée par une diffusion temporelle interne de l’action de dire le droit ne suffit pas à identifier l’effectivité d’un juris dictio prononcé par le système mémorandaire. Une entité qui dit le droit à l’occasion du règlement d’un différend particulier va non seulement confronter les faits de la cause à des normes juridiques existantes mais elle va également, ce faisant, participer par son juris dictio à l’activation, l’effectivité, voire l’évolution, de la norme juridique sur laquelle elle se fonde, et ce du fait de l’interprétation qu’elle en donne 1647 . L’action de dire le droit doit donc bénéficier d’une double diffusion temporelle : en sus d’être interne, la diffusion du juris dictio doit être externe au seul différend qu’il traite, et ce malgré la contingence de ce traitement particulier. Cette diffusion externe implique que l’instance de règlement titulaire de la fonction juridictionnelle donne à ses conclusions une portée qui dépasse le cadre de l’espèce jugée. L’absence de cette dimension temporelle externe au différend est rédhibitoire pour la caractérisation d’un juris dictio véritable et, partant, pour la catégorisation en sa qualité de juridiction de l’entité agissant, car elle porterait atteinte à l’impact du juris dictio sur l’effectivité et le développement du droit applicable.

Bien entendu, il n’est pas question pour ladite instance de créer sciemment des normes juridiques générales et impersonnelles puisque la juridiction ne fait que dire le droit et n’a ni compétence ni légitimité pour construire ce droit. Cependant, l’instance juridictionnelle a pour fonction l’application de la norme juridique générale et impersonnelle au cas d’espèce qu’elle doit traiter et, dans ce cadre, devra dégager des interprétations qui viendront préciser ou encore compléter les normes juridiques concernées par le différend d’espèce, et ce dans l’unique but de remplir sa mission de règlement du différend qui lui est soumis. Et, à supposer que cette formulation soit claire, suffisamment générale pour être transposable à d’autres espèces, réitérée et constante, elle pourra également préciser ou encore compléter plus généralement le dispositif normatif existant, car le justiciable ou encore les autres instances juridictionnelles auront connaissance des positions claires et constantes de l’instance, issues plus ou moins directement des normes juridiques existantes, qui seront susceptibles de s’appliquer au comportement individuel pouvant faire l’objet d’un autre litige.

Ainsi, la juridictionnalité du système mémorandaire ne peut être avérée que si le juris dictio qu’elle formule ne se contente pas de contenir une diffusion spatiale et temporelle interne mais inclut également une diffusion temporelle externe – au différend de l’espèce. Plus clairement, cette juridictionnalité est conditionnée par la mise en évidence de règles contenues dans les décisions rendues par l’instance de règlement et susceptibles de constituer des principes juridiques généraux applicables en dehors du différend à l’occasion duquel ces règles ont été énoncées. La juridictionnalité matérielle du système mémorandaire doit donc se fonder sur l’identification d’une jurisprudence.

Cette jurisprudence doit immédiatement être définie car elle possède deux niveaux de sens. En effet, dans son sens commun, la jurisprudence est simplement l’‘ » ensemble des décisions rendues par une autorité judiciaire » 1648 . Des éléments déterminants de la juridictionnalité formelle et matérielle du système mémorandaire ayant déjà été posés, la jurisprudence du système mémorandaire constitue donc l’ensemble des rapports formulés à la fois par les groupes spéciaux et par l’Organe d’appel depuis la création de l’OMC. Elle est un simple corpus qui est présentement un sujet d’étude. Néanmoins, la notion de jurisprudence sur le plan du droit dépasse cette seule définition. Elle possède un second sens plus complet et à la portée plus grande, en étant l’‘ » ensemble des décisions des juridictions sur une matière ou dans un pays, en tant qu’elles constituent une source de droit ; ensemble des principes juridiques qui s’en dégagent » 1649 . Au titre de cette seconde définition, la jurisprudence du système mémorandaire est constituée par l’ensemble des ‘ « principes et règles de droit qui se dégagent des décisions rendues par les tribunaux auxquels on entend se référer ’ » 1650 , c’est-à-dire des décisions rendues par les groupes spéciaux et par l’Organe d’appel. Elle n’est donc pas qu’un simple corpus mais constitue le fruit de son analyse, fruit qui est composé de l’ensemble des règles à portée générale dégagées par les instances mémorandaires au fur et à mesure de leurs rapports et appréhendées comme une source du droit.

La première définition suppose que la jurisprudence soit le résultat d’une juridictionnalité avérée des instances de règlement étudiées. Cette première jurisprudence est un corpus qui a pour source une juridiction. Elle ne peut donc servir à la caractérisation d’une activité de type juridictionnel puisqu’elle en est le résultat. En revanche, la seconde définition présente la jurisprudence comme un ensemble de règles, issues de l’activité des instances de règlement, qui constituent des principes juridiques suffisamment généraux pour pouvoir être sortis des différends auxquels ils s’appliquent afin de constituer des règles juridiques à part entière applicables à d’autres différends. Elle est donc source du droit, et plus précisément la source du droit émise par les instances qui disent ce droit à l’occasion du règlement de différends. A ce titre, cette seconde définition présente la jurisprudence comme une caractéristique de la juridictionnalité. Or, il a déjà été dit que la diffusion temporelle externe du juris dictio, indispensable à la caractérisation de ce dictio, consiste, pour une instance de règlement, à participer de manière déterminante, par delà le différend de l’espèce, à l’interprétation du droit applicable, et ce de telle sorte que sont dégagés, voire créés, des principes juridiques qui n’appartenaient pas formellement et explicitement au dispositif normatif que la juridiction a en charge d’interpréter, ou encore que sont privilégiées telle norme sur telle autre ou telle interprétation sur telle autre. Par conséquent, la jurisprudence, source du droit, est le résultat de la diffusion temporelle externe d’un juris dictio et c’est la seconde définition de cette jurisprudence qui peut servir à la caractérisation d’une juridictionnalité et qui sera, à ce titre, présentement retenue.

La juridictionnalité matérielle du système mémorandaire doit se fonder sur l’identification d’une jurisprudence car, cette dernière étant ‘ « la ’ » source du droit émise par une instance de type juridictionnel, son identification permettra d’attribuer à l’instance de laquelle elle émane la qualification juridictionnelle. L’existence d’une jurisprudence doit donc être recherchée dans le dictio unifié tiré de l’articulation des rapports rédigés par les groupes spéciaux et par l’Organe d’appel. A ce stade, deux difficultés doivent être affrontées. La première tient dans la considération de la jurisprudence comme source du droit à l’encontre d’un droit international en apparence rétif à cette considération, alors même que cette source non seulement fonde la définition de la jurisprudence mais surtout justifie une qualification juridictionnelle donnée au système étudié. La seconde difficulté tient dans les critères d’identification d’une telle jurisprudence à partir du moment où l’appréciation du caractère jurisprudentiel de chaque constatation et conclusion des instances mémorandaires est quantitativement et qualitativement malaisé.

La première difficulté se situe au fondement même de la justification de la démarche adoptée. La présente recherche de l’existence d’une jurisprudence a pour objet de démontrer l’effectivité d’une diffusion temporelle externe du juris dictio, diffusion dont cette jurisprudence est le résultat. Cette relation particulière entre jurisprudence et diffusion est tirée de la définition même de la jurisprudence considérée comme source du droit. Cependant, cette définition est générale et commune ; elle ne prend pas en considération les particularismes de chaque branche du droit mais crée un lien logique entre l’existence de principes juridiques généraux se dégageant des décisions juridictionnelles et leur utilisation effective susceptible de les consacrer comme sources du droit. Or, c’est ce lien entre principes et sources qui est problématique. Bien souvent, les systèmes juridiques intra-étatiques considèrent communément la jurisprudence comme une source du droit et même la consacrent parfois sans mal comme source quasi-exclusive du droit 1651 . Néanmoins, la source prétorienne est objet de critiques inhérentes à son origine propre comme, par exemple, l’illégitimité de l’autorité juridictionnelle et la menace d’un gouvernement des juges, la contingence et le manque de clarté des principes jurisprudentiels formulés, ou encore le manque de continuité et la versatilité de ces règles. Le droit international public n’admet que difficilement la jurisprudence des juridictions internationales comme source à part entière du droit, comme le montre le récurrent débat doctrinal sur ce point 1652 .

Cependant, cette difficulté peut être facilement surmontée par une approche pragmatique. La jurisprudence des juridictions internationales n’est pas totalement exclue des sources du droit international public mais elle est seulement considérée comme annexe par rapport au traité et à la coutume 1653 . En réalité, cette subsidiarité est atypique si elle est confrontée aux modèles et systèmes juridiques nationaux. Elle est une conséquence de la nature même du fonctionnement du système juridique international. Par exemple, MM. Combacau et Sur considèrent que la jurisprudence internationale a une influence limitée ‘ « en raison de la relative rareté des décisions judiciaires, du principe du consentement préalable à la juridiction et de l’absence de hiérarchie entre juridictions internationales ’ » ce qui, d’ailleurs, n’empêche pas de lui reconnaître un rôle ‘ « nullement négligeable ’ » 1654 . De même, selon M. Dupuy, ‘ « ce n’est pas à dire que la jurisprudence soit au sens classique du terme une "source" de droit. Elle est plutôt en elle-même une occasion de travail sur la norme pour les besoins de son application, dont les bénéficiaires ne se limitent pas aux deux Parties au différend » 1655 . Finalement, ‘ « après tout, a-t-on vraiment eu besoin d’expliquer, autrement que par la nature de la société internationale, la "fonction de suppléance législative" (L. Condorelli) reconnue au juge international pour savoir que celui-ci occupait une place considérable dans le système normatif international ? » 1656 . Il faut donc croire que la reconnaissance d’une jurisprudence en sa qualité de source principale du droit international public n’est pas impossible mais qu’elle dépend essentiellement des caractéristiques propres au droit international public et de leur évolution future. Par conséquent, la reconnaissance d’une jurisprudence source du droit dans les constatations et conclusions formulées par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel n’est pas à exclure. En effet, non seulement la jurisprudence est une source annexe mais effective du droit international, mais elle peut également très bien constituer une source principale du droit de l’OMC à côté des normes écrites si les instances de règlement elles‑mêmes la considèrent et l’utilisent comme telle.

En outre, afin de caractériser une diffusion externe du juris dictio émanant du système mémorandaire, la question n’est pas de savoir si la jurisprudence est source du droit de l’OMC mais plutôt de constater que les instances mémorandaires utilisent pour fonder leurs constatations des règles générales prononcées par elles au cours de règlements antérieurs. Cette constatation conduira à la reconnaissance de la jurisprudence en tant que source du droit de l’OMC. Aussi la réponse à la question d’une jurisprudence source du droit n’est-elle pas un préalable à l’identification d’une diffusion temporelle externe du juris dictio mais sa conséquence, par ailleurs tout à fait acceptable théoriquement si l’observation de l’activité des instances mémorandaires relève le prononcé et l’utilisation de règles provenant du règlement de différends antérieurs. Plutôt que de considérer la jurisprudence comme source du droit, il suffit ainsi d’adopter sa définition moins polémique d’ensemble des règles générales énoncées par des instances juridictionnelles ; la qualité de source du droit découlera automatiquement de la constatation d’une utilisation généralisée de ces règles.

La seconde difficulté nécessite pour sa résolution la fixation d’une démarche de recherche particulière. En effet, l’identification d’une jurisprudence se heurte au problème quantitatif de la somme importante que représente le corpus des constatations et conclusions des instances mémorandaires à étudier ainsi qu’au problème qualitatif de la pertinence et de la rigueur d’une telle étude. Une analyse exhaustive de ce corpus est non seulement matériellement et techniquement quasiment irréalisable mais elle est également rationnellement inappropriée à caractériser la juridictionnalité du système mémorandaire, car l’unique énumération des règles générales dégagées et des rapports qui les reprennent serait fastidieuse, réductrice et inefficace. L’identification d’une jurisprudence ne saurait se contenter d’une liste de principes alors qu’elle découle de la mise en évidence de certains paramètres caractéristiques qui dépassent la seule énumération quantitative, et ce d’autant plus que la détection de tels principes jurisprudentiels ne peut se faire que par la vérification de l’effectivité des conditions qui les fondent.

En réalité, il suffit pour identifier une jurisprudence de relever dans le dispositif textuel organisant le système mémorandaire ainsi que dans le corpus des rapports rédigés par les instances de règlement l’existence de deux types de conditions : celles relatives à la formation d’une jurisprudence et celles relatives à son effectivité. Par cette démarche, l’obstacle quantitatif et qualitatif constitué par l’élaboration d’une liste de principes jurisprudentiel est contourné et dépassé. Dresser une telle liste devenant dès lors superflu, une jurisprudence sera plus rigoureusement authentifiée par l’étude de ses critères plutôt que par l’énumération de principes dont le caractère jurisprudentiel pourra être mis en doute ; elle sera également plus pertinemment certifiée par l’identification de l’effectivité de ses critères plutôt que par une énumération ne permettant pas de détecter une présence constante et pérenne de cette jurisprudence.

Aussi la dévolution du caractère juridictionnel au système mémorandaire passe-t-elle par l’identification d’une jurisprudence, résultat d’un juris dictio externe diffusé, identification qui nécessite un examen du texte du Mémorandum ainsi que du corpus des rapports rédigés par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel, examen qui doit se faire par référence aux critères constitutifs aussi bien de la formation que de l’effectivité de cette jurisprudence. Cette identification doit être menée en deux phases correspondant aux deux types de conditions susmentionnés : une première phase relative à la possibilité de formation d’une jurisprudence et la seconde phase relative à l’effectivité de cette jurisprudence.

En premier lieu, l’identification d’une jurisprudence doit passer par celle des critères de sa formation. Plus clairement, la question se pose de savoir si le dispositif normatif de l’OMC organise un système de règlement capable d’engendrer la formation d’une jurisprudence, cette dernière étant prise dans son sens de création d’un droit d’origine prétorienne. Les observateurs du système mémorandaire ont immédiatement relevé, dès la création textuelle dudit système et avant même qu’une analyse conséquente de son fonctionnement effectif ne puisse être formulée, que le Mémorandum offrait les garanties textuelles de formation d’une jurisprudence, surtout du fait de l’institution d’un Organe d’appel 1657 . En particulier, M. Goutal a pu constater dès 1994 que l’‘ » on risque d’aboutir, peut-être, à la formation d’une jurisprudence parce qu’on aura probablement et l’autorité et la permanence et quelque chose de substantiel à mettre en œuvre » 1658 . Cette constatation prospective se vérifie car ces trois caractéristiques supposées de la formation d’une jurisprudence données par cet auteur sont depuis devenues des certitudes. D’abord, l’autorité est assurée par le système du consensus négatif, assorti, au surplus, de voies d’exécution, ce qui rend obligatoires les décisions prises par les instances mémorandaires dans le cadre du règlement du différend initial 1659 . Ensuite, la permanence n’est plus à démontrer ; elle caractérise à la fois la phase du groupe spécial et la phase d’examen en appel. Enfin, la substance est consécutive à la fois au succès du recours au règlement mémorandaire et au dictio large du droit de l’OMC pour le respect duquel les instances mémorandaires ont entière compétence.

Il faut ajouter que l’articulation particulière entre les groupes spéciaux et l’Organe d’appel, articulation de type hiérarchique binaire unidirectionnel qui fonde la diffusion interne au système mémorandaire du juris dictio, contribue de manière déterminante à assurer les conditions de formation d’une jurisprudence. Cette articulation présuppose trois conditions : la permanence des instances de règlement ; un rapport hiérarchique assurant une autorité interne non seulement constante d’un triple point de vue formel, procédural et relationnel, mais aussi propice à générer une constance matérielle ; la solidarisation et la rationalisation d’un mécanisme unique afin que celui-ci puisse se confronter à une substance conséquente sur le plan quantitatif comme sur le plan qualitatif.

« Déjà, à l’époque du GATT, malgré une logique de fonctionnement éclatée, on avait constaté l’émergence d’un droit jurisprudentiel. Désormais, les conditions organiques optimales existant, une telle émergence devrait être encore plus favorisée. Ce rôle de "mémoire" permettra une continuité au-delà de l’extrême diversité des groupes spéciaux  ’» 1660 . Aussi n’est-il pas nécessaire d’aller plus loin pour constater que les conditions de formation d’une jurisprudence émanant du système mémorandaire sont réunies. Ces conditions sont relevées dans les premières analyses textuelles du système mémorandaire ; leur effectivité est alors immédiatement déterminée par une confirmation pratique qui est non seulement donnée mais également développée et assurée par une tendance à la juridictionnalisation largement reconnue 1661  ; leur réalité est confirmée de même par la juridictionnalité organique, procédurale et matérielle déjà établie. Par conséquent, la lecture du Mémorandum et des écrits doctrinaux, l’étude de la pratique et l’utilisation d’une grille de lecture ‘ « juridictionnelle ’ » pour l’analyse du système de règlement mémorandaire ne laissent planer aucun doute sur l’effectivité de ces conditions.

Une continuité de la décision est de la sorte assurée. Les instances de règlement mémorandaires contribuent en fonction de leur mission respective à assurer la formulation d’un juris dictio qui, parce qu’il est unifié, émane en réalité du système mémorandaire pris dans son intégralité. Une décision unique est donc prononcée à l’occasion du traitement de chaque différend soumis au groupe spécial puis, le cas échéant et en considération du rôle particulier inhérent à une fonction cassatoire, à l’Organe d’appel. En outre, ces instances de règlement sont permanentes, incontournables 1662 et hiérarchiquement ordonnées de telle façon qu’elles possèdent, à ce double titre, les moyens organiques et procéduraux de produire un travail continu débouchant sur ce juris dictio unifié. Ainsi, une seule décision est en réalité formulée par le système mémorandaire à l’occasion du différend de l’espèce et l’unification du juris dictio associée à la permanence des instances garantira une constance décisionnelle 1663 au fur et à mesure des différends traités, de telle sorte qu’une continuité de la décision 1664 – à travers les multiples et successifs cas d’espèce traités – peut être établie. Cette continuité de la décision, synthèse des conditions de formation d’une jurisprudence qui sont la première phase de son identification, est à même de constituer le terrain propice au développement effectif d’une telle jurisprudence.

En second lieu, la question de cette effectivité est l’autre question à laquelle il faut répondre pour qu’une jurisprudence provenant du système mémorandaire soit identifiée. En effet, il a été précédemment montré que l’organisation du système mémorandaire est de nature à permettre le développement d’une jurisprudence. Encore faut-il que des conclusions formulées par les instances mémorandaires puissent effectivement être considérées comme des règles jurisprudentielles, c’est-à-dire comme des principes généraux dégagés par ces instances à l’occasion d’un différend et utilisés par ces mêmes instances en tant que principes juridiques fondant leurs constatations et conclusions ultérieures.

Un signe explicite de cette considération réside dans l’intérêt porté par de nombreuses études doctrinales aux constatations et conclusions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. Dès les balbutiements pratiques des instances mémorandaires, de nombreux auteurs ont immédiatement senti qu’une jurisprudence du système mémorandaire, et en particulier de l’Organe d’appel, devait être suivie « ‘ dans l’avenir avec la plus grande attention » 1665 car ‘ « un droit jurisprudentiel du commerce interétatique, que l’on pressentait en formation dans le cadre du GATT, devrait logiquement, et heureusement, découler du système nouveau ’ » 1666 . Ensuite, une fois le développement progressif effectif de l’activité des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel, de nombreux écrits sont venus constater que ‘ « le bilan de la jurisprudence de l’Organe d’appel est nécessairement limité. Il ne peut aller très loin faute de normes de référence mais sa jurisprudence devrait l’inciter à l’élaboration de ces normes de référence et au développement de travaux en ce sens, dans une sorte de spirale ascendante » 1667 , de telle sorte qu’‘ » il semble (…) que L’Organe d’Appel participe à l’élaboration d’un véritable droit jurisprudentiel des échanges commerciaux internationaux ’ » 1668 . Enfin, au fur et à mesure de la multiplication des affaires traitées par les instances mémorandaires, des études doctrinales nombreuses et variées sont venues analyser ‘ « la jurisprudence – car on peut la qualifier ainsi, d’autant qu’on commence à voir se dessiner des catégories d’affaires » 1669 .

Ces dernières études sont actuellement en constante expansion et prennent des formes diverses. Pour exemple, il faut citer, outre des articles sur des sujets en lien étroit avec l’idée de jurisprudence 1670 , des recueils consacrés exclusivement aux affaires traitées par les instances mémorandaires 1671 ou encore l’ouverture depuis quelques années des chroniques de jurisprudence de différents périodiques du droit international public aux décisions des instances mémorandaires 1672 . Ce développement doctrinal signifie qu’il est communément admis que les décisions émanant du système mémorandaire contiennent des règles de nature jurisprudentielle et, partant, que la fonction qui lui incombe est bien de nature juridictionnelle. En effet, il a déjà été montré que les groupes spéciaux et l’Organe d’appel avaient pour mission un juris dictio qui ne pouvait être considéré comme tel que s’il contribuait à l’effectivité et à l’évolution du droit sur lequel il intervient ; ainsi l’action de la juridiction devait-elle être fermement et clairement distinguée de l’action du jurisconsulte, ce qui passait par la reconnaissance d’une jurisprudence. Dans ce cadre, la démarche doctrinale précédemment signalée, en montrant son intérêt croissant pour les décisions émanant du système OMC, montre qu’elle ne conçoit pas l’action des instances mémorandaires comme une œuvre de jurisconsulte mais comme une œuvre juridictionnelle. Nonobstant, cet indice de l’effectivité d’une jurisprudence tiré du comportement doctrinal ne suffit pas, loin s’en faut, à affirmer rigoureusement cette effectivité, et ce pour deux raisons.

La première est que les écrits doctrinaux précédemment cités se concentrent sur les décisions de l’Organe d’appel et ne font que peu de cas de celles des groupes spéciaux, alors même que l’action de ces derniers doit être analysée pour montrer la véracité d’un juris dictio du système mémorandaire et non pas seulement celui de l’instance d’appel. Evidemment, cette focalisation sur les décisions de l’Organe d’appel est tentante et justifiable dans la mesure où ces dernières sont cassatoires donc, en apparence, plus axées sur le droit que les rapports des groupes spéciaux qui s’intéressent en leur qualité d’instance de premier degré à l’aspect factuel du différend, et dans la mesure où les groupes spéciaux sont soumis à un Organe d’appel qui a le dernier mot en étant au sommet de la hiérarchie du système institutionnel organisé par le Mémorandum.

Il faut néanmoins d’emblée constater que le règlement des différends peut ne pas passer par un examen en appel mais rester sur la décision du groupe spécial si aucun appel n’est formulé dans les délais impartis au défendeur et au plaignant. En outre, la décision de l’Organe d’appel n’a pas formellement pour objet de régler le différend mais de confirmer ou infirmer la décision du groupe spécial, de telle sorte que ce dernier est en réalité au cœur du règlement et constitue la raison d’être de l’instance cassatoire. De même, à supposer que les règles jurisprudentielles n’émanent que de l’Organe d’appel, il faut croire que leur effectivité sera fortement atténuée s’il n’est pas constaté que les groupes spéciaux les utilisent et s’y soumettent. L’éventuelle constatation d’une jurisprudence effective appliquée au système mémorandaire dans son ensemble doit donc passer par la prise en considération de l’action de l’Organe d’appel et de celle des groupes spéciaux, puisqu’un juris dictio unifié est formulé et que l’étude de sa diffusion externe ne peut que passer par une analyse de l’ensemble des rapports mémorandaires.

Bien entendu, cette analyse fera la part belle aux constatations et conclusions de l’Organe d’appel car celles-ci ont une teneur juridique avérée du fait de leur fonction cassatoire et ont une autorité supérieure à celle des rapports des groupes spéciaux du fait de la position hiérarchique respective de chacune des deux instances 1673 . Il reste que l’effectivité d’une jurisprudence est forcément liée au comportement de l’instance inférieure face aux décisions de l’instance supérieure – qui plus est cassatoire – dans la mesure où les deux types de décisions – de première instance et cassatoire – sont inextricablement liés et où les instances mémorandaires concourent ensemble à la construction et à l’application de ces règles prétoriennes.

Une seconde raison de l’insuffisance de l’indice doctrinal tient au fait que les études doctrinales de la jurisprudence des instances de l’OMC ne se fondent essentiellement que sur la constatation des critères propices à la formation d’une telle jurisprudence mais n’établissent pas l’existence de critères théoriques d’effectivité de cette jurisprudence. Elles passent directement de l’observation de la réunion des conditions de formation d’une jurisprudence, s’appuyant pour ce faire essentiellement sur le texte du Mémorandum ainsi que parfois sur l’étude sommaire d’une pratique balbutiante, à l’analyse des décisions des instances mémorandaires, mais ne ressentent pas le besoin d’établir un lien théorique entre cette observation et cette analyse. En définitive, le plus grand pragmatisme règne, qui consiste à affirmer une effectivité jurisprudentielle en constatant simplement que les conditions de sa formation sont réunies et que l’identification de règles jurisprudentielles effectives montre bien que ces conditions étaient bien réunies et qu’elles sont, de plus, activées.

Bien sûr, ce pragmatisme est justifiable ; il est inhérent à la nature même de la jurisprudence qui ne peut se construire, et par conséquent être étudiée, qu’au fur et à mesure des décisions juridictionnelles successivement rendues. Après avoir constaté que le Mémorandum pouvait favoriser la formation d’une jurisprudence, les analystes du système mémorandaire doivent attendre les premières décisions rendues, et même au-delà puisque la jurisprudence se caractérise par une continuité, pour en déduire l’effectivité d’une telle jurisprudence. Cependant, en négligeant d’identifier des critères théoriques d’effectivité jurisprudentielle et de les considérer comme le prolongement des conditions de formation et comme le fondement de leur analyse des décisions, ces études doctrinales créent deux obstacles majeurs au bien-fondé de leurs conclusions : elles prêtent le flanc à une critique prompte à établir que l’identification de règles générales d’origine prétorienne ne suffit pas à caractériser une jurisprudence ; elles n’assurent pas une assise stable et pérenne de leurs conclusions et empêchent de la sorte de pouvoir dégager et utiliser une grille de lecture efficace des futures décisions étudiées. Sans critères théoriques d’effectivité vérifiés, l’analyse d’une décision des instances mémorandaires n’a d’autre effet que de décrire le règlement de l’affaire et, éventuellement, de dégager un principe qui s’appliquera peut-être lors du règlement d’un différend futur, mais elle n’a pas pour effet d’établir fermement une ‘ « jurisprudentialité ’ » et, partant, de contribuer à la compréhension et à l’étude du fonctionnement et de l’évolution du système mémorandaire.

Sur le premier obstacle, il faut constater que la reconnaissance doctrinale précédemment mentionnée n’est pas unanime. Par exemple, Mme Ruiz Fabri note que, ‘ « selon certains points de vue (…), l’effet "précédentiel" restera relativement cantonné, ce qui exclut sans doute toute perspective de stare decisis ’ » 1674 , ‘ « doctrine du (…) caractère obligatoire des précédents » 1675 . Et, dans le même sens, M. Nicora, Consultant juridique à l’OMC, affirme à propos des groupes spéciaux que ‘ « même si leur compétence a été souvent mise en cause, leur activité a été souvent qualifiée de jurisprudentielle ou quasi jurisprudentielle. Il ne semble pas que ce soit vraiment le cas ; la diversité des litiges est telle qu’il n’y a pas répétition des faits » 1676 . Ces illustrations d’opinions hostiles à la reconnaissance d’une jurisprudence ne peuvent que difficilement être battues en brèche par les études doctrinales consacrées à l’identification de règles posées par les instances mémorandaires à l’occasion du traitement d’un différend particulier, car ces études n’ont pas – et sans doute n’est-ce pas là leur objectif – une appréhension globale de l’action des instances mémorandaires. Aussi l’accumulation d’études sur des règles prétoriennes ciblées, même s’il est constaté que ces règles se répètent sur plusieurs affaires distinctes, ne peut-elle qu’illustrer l’affirmation et l’utilisation d’un principe et appréhender ses caractéristiques intrinsèques. Elle peut, à la rigueur, illustrer une continuité de décision qui constituera peut-être le premier pas vers la reconnaissance d’une effectivité jurisprudentielle. Mais cette démarche ne peut montrer de manière satisfaisante la réalité d’une jurisprudence émanant du système mémorandaire ; au mieux, elle suggèrera cette conclusion en participant à son établissement mais elle ne pourra s’opposer efficacement et durablement aux critiques excluant l’effectivité jurisprudentielle 1677 .

Quant au second obstacle, il est indubitablement lié à la contingence des études doctrinales se fixant sur l’analyse de principes prétoriens déterminés. Il n’est pas question de critiquer cette démarche qui est d’une utilité majeure dans la compréhension et l’analyse de questions juridiques essentielles, mais simplement de constater que l’approche doctrinale de la jurisprudence des instances mémorandaires est insuffisante à établir rigoureusement la démonstration d’une juridictionnalité du système mémorandaire. En ne montrant pas que telle règle étudiée correspond bien à des critères théoriques d’identification d’une effectivité jurisprudentielle, ces études doctrinales ne peuvent qu’apporter des indices épars d’une telle effectivité. Pour fonder efficacement la jurisprudentialité et, partant, la juridictionnalité du système mémorandaire, il faut adopter une démarche plus transversale qui appréhendera le comportement des instances dans sa globalité à travers la recherche d’indices prédéterminés par la fixation de critères théoriques significatifs d’une telle jurisprudentialité.

Pour confirmer ou infirmer la considération précédemment formulée selon laquelle les conclusions des instances mémorandaires peuvent constituer des règles jurisprudentielles, il est indispensable d’examiner le raisonnement suivi par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel à l’occasion du traitement des différends qui leur sont soumis. Pour ce faire, il n’est ni judicieux, ni nécessaire, ni même possible d’analyser l’ensemble du corpus formé de la totalité des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel jusque là rédigés. Il convient en revanche de préciser la définition de la jurisprudence afin de pouvoir ensuite en dégager les critères de l’effectivité qui pourra par la suite être attestée.

Comme il a été précédemment établi, la jurisprudence est le résultat de la diffusion temporelle externe du juris dictio, autrement dit un ensemble de règles issues de l’activité des instances de règlement qui constituent des principes juridiques suffisamment généraux pour pouvoir être sortis du différend auxquels ils s’appliquent afin de constituer des règles juridiques à part entière applicables à d’autres différends ; ou, plus clairement dit, elle est la source d’origine juridictionnelle du droit applicable. En appliquant cette définition au système mémorandaire, il ressort qu’une jurisprudence effective sera établie s’il est avéré que les instances mémorandaires utilisent pour la confrontation des faits de la cause avec les normes juridiques applicables au différend des conclusions antérieurement formulées par ces mêmes instances, c’est-à-dire considèrent que le droit qu’elles ont la charge de dire peut inclure des règles issues des conclusions qu’elles ont précédemment formulées.

Partant, des critères peuvent être dégagés qui concourent tous à l’identification d’une jurisprudence du fait qu’ils constituent les éléments de sa définition. Ils sont multiples mais peuvent être organisés en trois principaux. Le premier critère est celui de la validation de principe, critère selon lequel les instances produisant et se soumettant à des règles jurisprudentielles doivent y avoir consenti par principe. Le deuxième critère est celui de l’autonomie de la règle, autonomie qui s’entend par rapport au dispositif normatif de référence pour le juge ; ce critère permet non seulement de constater l’existence de règles prétoriennes énoncées mais également d’évaluer le lien – ou son absence – qui les unit aux normes juridiques non-prétoriennes qui ont pu leur servir de référence et, partant, d’évaluer la plus ou moins grande témérité du juge d’un point de vue matériel. Le troisième critère est celui de la propagation de la règle, critère qui vient en complément du deuxième et qui détermine la fréquence et le champ de création et d’utilisation, par les instances inférieures et par l’instance créatrice elle-même, des règles prétoriennes. La démarche de fixation de critères généraux de jurisprudentialité ainsi que le contenu desdits critères sont éminemment discutables. Ils se proposent simplement d’envisager une réponse à la question de l’effectivité jurisprudentielle tout en évitant et l’écueil d’une analyse textuelle des conditions de formation qui ne permettrait d’attester une effectivité, et l’écueil de la description exhaustive qui ne serait que paraphrase inefficace.

Le premier critère, celui de la validation de principe consiste en l’observation d’une volonté de principe formulée par les instances mémorandaires de créer et d’utiliser des règles jurisprudentielles. Il est en réalité double. Pour qu’une effectivité jurisprudentielle puisse être assurée, il faut non seulement que soit énoncée une reconnaissance explicite de la création de règles jurisprudentielles et de la soumission à ces règles, mais aussi que cette reconnaissance soit assurée par des mécanismes juridiques de garantie.

D’une part, cette énonciation par le système mémorandaires est manifeste. Tout d’abord, elle est implicitement formulée par les instances de règlement quand celles-ci acceptent et développent, pour fonder leurs constatations et conclusions, une base juridique d’origine jurisprudentielle externe. En clair, ces instances reconnaissent implicitement le bien-fondé de la source jurisprudentielle quand elles utilisent, à l’appui de leurs décisions, les règles jurisprudentielles formulées par des juridictions internationales extérieures au système OMC, et en particulier par la CIJ. Les groupes spéciaux comme l’Organe d’appel développent bien cette référence jurisprudentielle externe 1678 . Ensuite, les instances mémorandaires énoncent plus explicitement leur volonté de prendre en considération des règles jurisprudentielles et, partant, reconnaissent qu’elles en produisent. Cette dernière énonciation mérite des approfondissements.

Elle a été formulée par l’Organe d’appel dès 1996, dans son deuxième Rapport: ‘ « les rapports de groupes spéciaux adoptés sont une partie importante de l'"acquis" du GATT. Ils sont souvent examinés par les groupes spéciaux établis ultérieurement. Ils suscitent chez les Membres de l'OMC des attentes légitimes et devraient donc être pris en compte lorsqu'ils ont un rapport avec un autre différend. Mais ils n'ont aucune force obligatoire, sauf pour ce qui est du règlement du différend entre les parties en cause » 1679 . Ainsi l’Organe d’appel pose-t-il le principe d’une prise en considération par le groupe spécial, pour le différend d’espèce qu’il traite, des conclusions antérieurement rendues à propos d’un autre différend, et le fonde sur les ‘ « attentes légitimes ’ » des Membres. Bien plus, l’Organe d’appel construit une sorte de bloc de jurisprudentialité en reconnaissant ‘ « l'"acquis" du GATT ’ » et, ce faisant, en considérant la généralisation de la référence aux rapports antérieurs et la continuité de décision qui doit s’imposer aux groupes spéciaux.

Ce principe énoncé par l’Organe d’appel est par la suite repris par les groupes spéciaux 1680 ainsi que par l’Organe d’appel lui-même 1681 qui reconnaissent la pertinence de ce principe et acceptent de l’appliquer. En outre, il est développé par les instances mémorandaires qui en tirent des conclusions nouvelles. Par exemple, un groupe spécial, se fondant sur ce principe, a pu estimer qu’‘ » une décision qui donne des "orientations" n'est pas juridiquement contraignante, mais donne une direction à l'OMC. Il importe de noter que, comme l'Organe d'appel l'a indiqué, les rapports de groupes spéciaux adoptés devraient être pris en compte "lorsqu'ils ont un rapport avec un autre différend". À notre avis, cette considération s'applique également à toute autre décision, procédure ou pratique habituelle des PARTIES CONTRACTANTES du GATT de 1947 » 1682 .

Surtout, l’Organe d’appel lui-même étend l’obligation de prise en compte de ses propres rapports antérieurs par les groupes spéciaux. Ainsi a-t-il pu affirmer que le raisonnement qu’il a suivi dans son deuxième rapport 1683 « s'applique aussi aux rapports de l'Organe d'appel qui ont été adoptés. Ainsi, en prenant en compte le raisonnement figurant dans un rapport de l'Organe d'appel adopté – un rapport qui, de plus, avait un rapport direct avec le règlement par le Groupe spécial des questions dont il était saisi – le Groupe spécial n'a pas fait erreur. Le Groupe spécial a eu raison d'utiliser nos constatations comme instrument pour son propre raisonnement ’ » 1684 . ‘ « En réalité, nous nous attendions à ce qu'il le fasse. Le Groupe spécial devait nécessairement prendre en compte nos vues à ce sujet, puisque nous avions infirmé certains aspects des constatations du Groupe spécial initial relatives à cette question et, chose plus importante, que nous avions donné des indications en matière d'interprétation destinées aux groupes spéciaux futurs, comme le Groupe spécial chargé de la présente affaire » 1685 . L’Organe d’appel a même pu confirmer le Rapport du groupe spécial admettant qu’‘ » un groupe spécial [peut] (…) s'inspirer utilement du raisonnement présenté dans un rapport de groupe spécial non adopté qu'il [juge] en rapport avec l'affaire dont il [est] saisi » 1686 , tout en infirmant la démarche d’un groupe spécial qui ne fait pas que ‘ « s’inspirer utilement  ’» mais ‘ « fait largement fond » de ce rapport non adopté 1687 . Aussi faut-il conclure avec M. Weckel que ‘ « les rapports de l’Organe d’appel font jurisprudence » 1688 .

Toutefois, l’Organe d’appel, dans ce même deuxième rapport 1689 , prend soin de préciser que cette prise en considération par les groupes spéciaux des rapports antérieurs est liée à une similarité entre les deux différends et que la force obligatoire des conclusions antérieures s’arrête au différend auquel ces conclusions se consacrent sans rejaillir sur les différends futurs, particulièrement quand il affirme que les rapports des groupes spéciaux adoptés ‘ « n'ont aucune force obligatoire, sauf pour ce qui est du règlement du différend entre les parties en cause » 1690 . De la sorte, il semble immédiatement relativiser le principe d’effectivité jurisprudentielle en écartant le principe du stare decisis 1691 . Néanmoins, l’Organe d’appel déconnecte immédiatement le principe du stare decisis de l’effectivité jurisprudentielle en notant que ‘ « le Statut de la Cour internationale de justice prévoit expressément, à l'article 59, des dispositions semblables [à cette absence de force obligatoire]. Elles n'ont toutefois pas empêché la Cour (ni son prédécesseur) de créer une jurisprudence qui accorde de toute évidence une importance considérable à la valeur des décisions précédentes ’ » 1692 . Par conséquent, ‘ « la doctrine du stare decisis (caractère obligatoire des précédents) est clairement écartée. Certes les groupes spéciaux ont l’obligation de tenir compte de la jurisprudence de l’Organe d’appel, d’autant que ce dernier exerce à leur égard un pouvoir d’infirmation de leurs constatations. Ils pourraient toutefois s’en écarter si des motifs sérieux le justifiaient. (…) Ainsi, l’Organe d’appel prend une position, en ce qui concerne l’autorité de la jurisprudence, qui est très proche de celle de la Cour internationale de Justice » 1693 . Cette déconnexion n’est pas surprenante si l’on considère avec M. Pellet que, ‘ « bien que les tribunaux internationaux arbitraux ou permanents ne soient pas liés par des précédents, ceux-ci revêtent une importance fondamentale pour la constatation et la formulation des règles de droit (…) puisqu’il s’agit en principe de décisions mûrement pesées à la suite de débats contradictoires » 1694 .

Ainsi, cette ‘ « doctrine ’ » n'empêche pas l’effectivité d’une jurisprudence. Les critiques, précédemment évoquées, fondées sur le cantonnement de l’effet précédentiel et, partant, sur l’exclusion de toute perspective de stare decisis, ont une portée nettement atténuée. En effet, la pratique montre que l’Organe d’appel et les groupes spéciaux ont facilement instauré et développé le principe d’une reconnaissance des précédents en tant que sources juridiques possibles utilisables pour leurs constatations et conclusions. En outre, ils ont pu détacher le principe du stare decisis de l’effectivité jurisprudentielle de laquelle il n’est finalement pas une condition, le principe n’organisant pour les instances inférieures qu’une décision conforme difficilement admissible dans le cadre d’un processus de type juridictionnel. Un groupe spécial a d’ailleurs trouvé la parade pour concilier l’absence de ce principe et l’effectivité de la jurisprudence en concluant que ‘ « les groupes spéciaux ne sont pas liés par les décisions antérieures de groupes spéciaux ou de l'Organe d'appel même si la question traitée est la même. Lorsque nous examinons le différend WT/DS79, nous ne sommes pas juridiquement liés par les conclusions du Groupe spécial dans le différend WT/DS50 telles qu'elles ont été modifiées par le rapport de l'Organe d'appel. Toutefois, dans le cadre des "procédures normales de règlement des différends" prescrites à l'article 10: 4 du Mémorandum d'accord, nous tiendrons compte des conclusions et du raisonnement figurant dans les rapports du Groupe spécial et de l'Organe d'appel concernant le différend WT/DS50. En outre, lors de notre examen, nous pensons que nous devrions accorder beaucoup d'importance à la fois à l'article 3: 2 du Mémorandum d'accord, qui souligne le rôle du système de règlement des différends de l'OMC pour assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral, et à la nécessité d'éviter des décisions incohérentes ’ » 1695 .

D’autre part, le critère de validation de principe nécessite que la reconnaissance explicite de la création de règles jurisprudentielles et de la soumission à ces règles soit assurée par des mécanismes juridiques de garantie. Ils doivent être distingués des mécanismes textuels prévoyant les conditions de formation de la jurisprudence. En effet, les seconds organisent un cadre offrant aux instances mémorandaires l’opportunité d’élaborer des règles jurisprudentielles, alors que les premiers organisent un cadre garantissant la jurisprudentialité des règles prétoriennes. Il ne s’agit donc pas à travers la recherche de mécanismes de garantie de constater l’éventualité de règles jurisprudentielles mais bien de constater que les règles dégagées par les instances mémorandaires restent de caractère jurisprudentiel et ne débordent pas de ce cadre-ci. Deux mécanismes doivent ici être relevés : le premier est celui de l’effet utile par lequel les instances déterminent elles-mêmes la jurisprudentialité des règles qu’elles formulent en l’utilisant pour cadre ; le second est celui de l’adoption d’interprétations selon lequel le dispositif normatif de l’OMC assure le cantonnement jurisprudentiel de ces règles.

Le mécanisme de l’effet utile est fixé par les instances mémorandaires. Il est dégagé par l’Organe d’appel, dès la rédaction de ses deux premiers rapports, des jurisprudences de la CIJ et de la CPJI et constitue ‘ « un principe fondamental de l'interprétation des traités découlant de la règle générale d'interprétation énoncée à l'article 31 est celui de l'effet utile (ut res magis valeat quam pereat) » 1696 . En effet, ‘ « l'un des corollaires de la "règle générale d'interprétation" de la Convention de Vienne est que l'interprétation doit donner sens et effet à tous les termes d'un traité. Un interprète n'est pas libre d'adopter une interprétation qui aurait pour résultat de rendre redondants ou inutiles des clauses ou des paragraphes entiers d'un traité » 1697 . Ce faisant, l’Organe d’appel s’octroie, en le délimitant, un large pouvoir d’interprétation du dispositif normatif de l’OMC, alors même que, dans le cadre du GATT de 1947, ‘ « le principe de l’effet utile avait en revanche fait l’objet d’un refus non explicite par souci de ne pas conduire à la révision de la règle en quittant le domaine de l’interprétation ’ » 1698 . Or, comme le constate M. Canal-Forgues, ‘ « la règle de l’effet utile ou de l’interprétation effective ne doit pas être mal utilisée » 1699 . Ainsi, il faut croire que l’Organe d’appel, par la consécration du principe de l’effet utile, donne toute sa mesure à une interprétation extensive des dispositions que les instances mémorandaires ont en charge d’examiner. De la sorte, il pose le principe d’une effectivité jurisprudentielle large, à un point tel que la crainte d’une mauvaise utilisation de la règle de l’effet utile peut être légitime. Force est de ‘ « constater néanmoins une certaine incertitude quant à l’étendue de la reconnaissance du principe de l’effet utile dans le cadre de l’OMC » 1700 , ce qui freine la réalisation de cette crainte tout en assurant l’effectivité, par choix prétorien, du critère de validation de principe 1701 .

Quant au mécanisme de l’adoption d’interprétations, il concourt lui aussi à la ratification du critère de validation de principe. Ce second mécanisme assure une application mesurée du principe de l’effet utile et délimite explicitement par des normes écrites l’étendue du pouvoir normatif accordé au juge maître de sa jurisprudence en sus de la limitation intrinsèque à ce principe 1702 . En effet, l’Accord instituant l’OMC prévoit que ‘ « la Conférence ministérielle et le Conseil général auront le pouvoir exclusif d'adopter des interprétations du présent accord et des Accords commerciaux multilatéraux. S'agissant d'une interprétation d'un Accord commercial multilatéral figurant à l'Annexe 1, ils exerceront leur pouvoir en se fondant sur une recommandation du Conseil qui supervise le fonctionnement dudit accord. La décision d'adopter une interprétation sera prise à une majorité des trois quarts des Membres ’ » 1703 . Le Mémorandum renvoie à ce mécanisme en rappelant que ‘ « les dispositions du présent mémorandum d'accord sont sans préjudice du droit des Membres de demander une interprétation faisant autorité des dispositions d'un accord visé, par la prise de décisions au titre de l'Accord sur l'OMC ou d'un accord visé qui est un Accord commercial plurilatéral » 1704 .

Ainsi, le dispositif normatif de l’OMC prévoit, par l’institution d’un mécanisme d’interprétation, un frein aux ambitions jurisprudentielles des instances mémorandaires. Ce mécanisme d’interprétation est concurrent de celui qu’elles doivent utiliser pour remplir la fonction de juris dictio qui leur est attribuée et, comme l’atteste le Mémorandum, lui est supérieur. Bien entendu, il est de mise en œuvre difficile car les conditions d’adoption sont strictes et peuvent être rédhibitoires. Néanmoins, cette rigidité est indispensable à la stabilité et à la légitimité de la norme. Surtout, l’existence de ce mécanisme affirme la méfiance de l’Organisation et de ses Membres vis-à-vis de la menace d’un gouvernement des juges, menace d’autant plus grande en matière internationale que la loi, soumettant normalement le juge, est d’adoption difficile 1705 . Ce mécanisme est d’ailleurs souvent présenté comme une échappatoire, offerte aux Membres, au système du consensus négatif qui transfère autorité et contrainte de l’ORD aux instances mémorandaires 1706 . Il permet en toute logique aux parties de mieux accepter l’autorité et la contrainte émanant du système mémorandaire puisqu’il leur offre un moyen de lutte contre des règles jurisprudentielles qui ne les satisferaient pas.

Ce mécanisme d’interprétation cantonne donc les règles prétoriennes formulées par des instances mémorandaires à une dimension strictement jurisprudentielle qui est caractérisée par une certaine liberté limitée par la création de normes juridiques écrites. Il contribue de manière déterminante à la construction d’une hiérarchie normative au sein de l’OMC définie par la suprématie de la norme écrite ainsi que par l’acceptation implicite de normes jurisprudentielles inférieures, le Mémorandum rappelant à mots couverts que les instances mémorandaires créatrices de cette jurisprudence devront le cas échéant se plier à cette norme écrite. Par cette construction, le mécanisme d’interprétation reconnaît implicitement l’effectivité d’une jurisprudence puisqu’il en prévoit les limites. Ce faisant, il garantit le caractère jurisprudentiel des règles formulées par les instances mémorandaires en assurant le respect par le juge de la prévalence d’une autre catégorie de normes juridiques, les normes écrites conventionnelles. Outre le fait que l’interprétation extensive du principe de l’effet utile par le juge est empêchée, le mécanisme d’interprétation participe à l’identification du critère de validation de principe par délimitation explicite du pouvoir jurisprudentiel et, par voie de conséquence, par reconnaissance et protection implicite de la jurisprudentialité des règles prétoriennes que les instances mémorandaires peuvent être amenées à consacrer.

Le deuxième critère théorique d’effectivité jurisprudentielle est celui de l’autonomie de la règle prétorienne. ‘ « L’application de la règle de droit suppose, bien souvent, dans le passage du général au particulier, un processus intermédiaire d’interprétation. (…) [Cette interprétation] peut porter sur le droit (…) ou sur le fait (…) ’ » 1707 et elle est confiée au juge quand cette application concerne le règlement d’un différend. Or, c’est cette interprétation qui peut amener le juge à dégager des règles qui pourront être qualifiées de jurisprudentielles. Cependant, toute constatation ou conclusion du juge n’est pas forcément, loin s’en faut, un énoncé d’une règle jurisprudentielle entendue dans le sens de source prétorienne du droit. Pour qu’une jurisprudentialité d’une règle prétorienne soit reconnue, il faut qu’existe une certaine autonomie de la règle par rapport au droit existant. En effet, il ne serait pas pertinent de faire ressortir la jurisprudentialité d’une règle qui se contente en réalité d’appliquer mécaniquement une norme juridique écrite claire. En revanche, cette autonomie sera difficilement totale dans la mesure où le juge n’est pas a priori titulaire du pouvoir normatif mais est au contraire soumis au droit qu’il a simplement la charge de ‘ « dire ’ ». Aussi l’effectivité jurisprudentielle est-elle cernée d’un côté par l’application mécanique de la règle écrite et, de l’autre côté, par la substitution au titulaire principal du pouvoir normatif. Par conséquent, un critère de l’autonomie de la règle – par rapport au dispositif normatif de référence – vient utilement constater l’existence de règles prétoriennes énoncées et surtout évaluer le lien unissant les règles prétoriennes aux normes juridiques écrites. Ce lien doit être équilibré : trop fort, il substituerait l’application à la jurisprudence ; trop faible, il montrerait une audace outrancière du juge dans la création normative qui n’est normalement pas de sa compétence.

Le caractère équilibré de ce lien doit être recherché dans les constatations et conclusions formulées par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel à l’appui des règles prétoriennes qu’ils énoncent. Aussi cette recherche doit-elle, pour des raisons évidentes de commodité et de rigueur, être guidée par la mise en place d’une typologie traduisant l’échelle d’autonomie de ces règles prétoriennes. De la sorte, le critère d’autonomie de la règle, par la recherche induite de ce lien, fournit à l’étude de la jurisprudence des instances mémorandaires un schéma directeur et une grille de lecture. Ce schéma permettra d’éviter l’énumération désordonnée et peu significative des règles prétoriennes prétendument jurisprudentielles, et cette grille de lecture permettra d’apprécier leur jurisprudentialité. Une typologie possible se fonde sur le degré d’éloignement de la règle prétorienne par rapport aux normes juridiques existantes.

Quatre paliers peuvent être identifiés : le premier est celui des règles prétoriennes issues directement et explicitement du dispositif normatif écrit dont le dictio est de la compétence du juge considéré ; le second concerne les règles ajoutées en complément de normes de ce dispositif imprécises ; le troisième stade est celui de la reconnaissance de principes juridiques généraux découlant d’une norme conventionnelle ou d’un faisceau concordant de ces normes alors même que ces dernières ne les prévoient pas explicitement et qu’elles ne sont pas forcément incluses dans le dispositif normatif considéré ; le quatrième s’applique aux règles prononcées dans le silence généralisé du droit existant. Pour les raisons tenant à la difficulté et à l’incongruité précédemment invoquées, il n’est pas question ici de dresser une liste exhaustive des règles issues des instances mémorandaires, ni de procéder, qui plus est, à la classification des règles qui y seraient consignées en fonction des quatre paliers susmentionnés. L’évaluation de l’effectivité jurisprudentielle par le critère de l’autonomie de la règle nécessite simplement la reprise de ces quatre paliers et la recherche de leur illustration par des exemples tirés de l’examen des constatations et conclusions formulées par les instances mémorandaires.

Ces illustrations s’appliquent pour l’essentiel à des questions processuelles qui sont, il faut bien l’avouer, l’objet principal de la présente étude sur la juridictionnalité du système mémorandaire. D’autres problèmes d’ordre plus substantiel par rapport au droit de l’OMC ont pu être soulevés et traités, mais leur identification nécessiterait une analyse des constatations et conclusions appliquées aux dispositions des accords OMC. Or, celles-ci n’organisent pas le règlement des différends mais la régulation des échanges commerciaux dans les nombreux domaines que traite l’Organisation. Cette analyse ne sera pas présentement menée puisque étant fastidieuse et difficilement réalisable. Ce choix de raisonnement est susceptible d’affaiblir la présente démonstration d’une jurisprudentialité, mais la constatation de règles complémentaires ajoutées dans le cadre des questions processuelles affirme le volontarisme des instances mémorandaires sur l’élaboration de ces règles et suppose, par voie de conséquence, que ces instances procèdent de même sur les questions d’ordre substantiel. En outre, la régulation des échanges commerciaux internationaux est assurée, à titre principal, par le droit de l’OMC et, les instances mémorandaires étant en définitive les seuls organes compétents dans ce domaine, elles n’auront aucun mal à formuler des règles plus audacieuses que la simple application des dispositions conventionnelles. Partant, les illustrations venant appuyer l’évaluation d’une autonomie de la règle prétorienne peuvent n’être tirées que des seules questions processuelles dont il faut bien constater qu’elles sont centrales aussi bien dans le contentieux que dans la présente étude, qu’elles sont nombreuses du fait de l’insuffisance textuelle sur ce point 1708 , qu’elles sont problématiques en raison de l’autorité et de la contrainte exercées par le système mémorandaire sur les parties 1709 , et qu’elles sont à ce triple titre suffisamment significatives de la démarche jurisprudentielle que les instances mémorandaires ont choisie d’adopter.

L’illustration du premier palier est évidente. Elle découle du travail minimal d’interprétation que les instances mémorandaires doivent mener du fait de la fonction de juris dictio qui leur a été confiée, et peut être observée, par exemple, dans les différentes chroniques et autres écrits consacrés à l’analyse du corpus décisionnel de ces instances 1710 . Plus particulièrement, ces règles jurisprudentielles issues directement de l’interprétation du dispositif normatif de l’OMC se décomposent en deux parties. La première est celle du traitement des questions de fond qui est la fonction essentielle incombant aux instances mémorandaires et qui est bien évidemment mené avec le plus grand soin. De ce traitement découle l’énonciation de règles fondées sur l’interprétation des dispositions des accords OMC, règles aussi nombreuses que diverses du fait de l’hétérogénéité des domaines gérés par l’Organisation et des différends s’y rapportant. Et, par exemple, les multiples chroniques de jurisprudence font état de la réalité de ces règles potentiellement jurisprudentielles 1711 attachées à l’aspect matériel du dispositif normatif de l’OMC, comme l’abandon de recettes normalement exigibles, la subordination à l’exportation, la définition de la branche de production nationale, le calcul du taux de droit antidumping, etc. 1712 La seconde partie de ces règles rassemble celles issues des questions processuelles et préliminaires dont il faut immédiatement constater le ‘ « développement (…). L’émergence de ce type de questions était sans doute inévitable. C’est d’abord une conséquence logique du principe de juridiction obligatoire avec saisine unilatérale et issue contraignante. (…) Ce n’est guère surprenant si l’on se rappelle que le droit est d’abord procédure » 1713 . Les groupes spéciaux et l’Organe d’appel traitent ces questions par confrontation avec les dispositions mémorandaires et, de la sorte, formulent des règles rappelant et interprétant ces dispositions. Par exemple, ces instances ont pu se prononcer sur laprécision de l’acte par lequel une partie saisit le groupe spécial ou l’Organe d’appel et lui confie un mandat particulier 1714 .

Le deuxième palier concerne les règles ajoutées en complément de normes écrites du dispositif juridique de l’OMC trop imprécises ou incomplètes. L’exemple des règles d’interprétation du droit de l’OMC peut à cet égard être éloquent. Partant de l’article 3 : 2 du Mémorandum, les instances mémorandaires ont mis progressivement en place un processus d’interprétation tiré en grande partie des articles 31 à 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités 1715 . D’autres illustrations peuvent être décelées qui sont des questions auxquelles le droit conventionnel de l’OMC peine à répondre et qui nécessitent de la part du juge une formulation de règles particulières fondées sur des dispositions du droit de l’OMC et du droit extra-OMC, comme par exemple la question de l'intérêt pour agir ou encore celle de la participation de personnes privées à la procédure 1716 . Ainsi, il faut constater que les instances mémorandaires n’hésitent pas à construire et énoncer des règles dans l’imprécision textuelle et que, de la sorte, leur ensemble décisionnel atteint bien pour partie le palier de la formulation de règles complémentaires au droit conventionnel existant.

Ici peut s’arrêter l’identification de cette autonomie. En effet, le premier palier montre que les instances mémorandaires effectuent bien leur mission minimale d’interprétation du droit qu’elles ont la charge de dire, et le deuxième palier atteste la volonté de ces mêmes instances de prendre pleinement la mesure de leur mission juridictionnelle en adoptant une démarche foncièrement volontariste et extensive en matière d’interprétation dans le but de mener à bien cette mission. Le système mémorandaire se donne donc bien les moyens d’être le juge du droit de l’OMC en élaborant des règles prétoriennes suffisamment autonomes pour ne pas être le simple conseiller juridique rappelant la teneur du droit conventionnel auquel les Membres doivent se conformer. Néanmoins, ces règles pourraient prendre une autonomie encore plus large pour ne pas se cantonner au rôle d’interprète qui, certes, participe à l’effectivité du droit de l’OMC, mais ne contribue pas foncièrement à son évolution, alors même que la reconnaissance d’une jurisprudentialité ne peut que faiblement s’accommoder d’un juge interprète mais doit également être garantie par l’existence avérée d’une création normative d’origine jurisprudentielle. La constatation de l’atteinte des troisième et quatrième paliers peut aller dans le sens de cette garantie.

Le troisième palier d’autonomie de la règle prétorienne est celui selon lequel le juge dépassera la simple application de la norme conventionnelle existante et la seule clarification, voire le seul parachèvement, d’une norme conventionnelle imprécise. Ici, le juge va élaborer un raisonnement lui permettant de reconnaître et consacrer des principes juridiques généraux 1717 qu’il dégagera d’une telle norme ou d’un faisceau concordant de ces normes alors même que ces règles conventionnelles ne sont pas immédiatement, explicitement et spécialement applicables au différend de l’espèce, voire qu’elles ne sont pas, de plus, forcément incluses dans le dispositif normatif considéré. Cette démarche caractéristique de ce troisième palier est, par exemple, celle de l’identification et de la validation des principes généraux du droit que diverses juridictions – nationales et internationales – reconnaissent fréquemment.

Et les instances mémorandaires n’hésitent pas à accéder à ce troisième palier. Les exemples sont nombreux en ce sens, ne serait-ce que dans le traitement des questions processuelles. Une illustration éloquente est le mécanisme de la preuve qui est pour sa plus grande partie construit à partir de la pratique devant la CIJ et des mécanismes à l’œuvre dans les systèmes juridictionnels de droit interne 1718 . Une autre illustration peut être la prise en considération des droits de la défense qui ressort non seulement des dispositions mémorandaires mais également des pratiques habituellement en application devant les juridictions extra-OMC, qu’elles soient internationales ou étatiques 1719 . De même, l’appréhension par les instances mémorandaires du principe de précaution est également significative car ces instances se posent la question de sa reconnaissance en tant que principe de droit international coutumier ou général ; de la sorte, même si ce principe n’a pas été reconnu comme tel in fine, elles montrent implicitement la démarche d’étude des normes conventionnelles, des jurisprudences et de la doctrine – hors-OMC – qu’elles s’autorisent à mener 1720 . L’accès à ce troisième palier peut être aussi simplement réalisé par l’intégration de règles conventionnelles ou jurisprudentielles extérieures au droit de l’OMC dans le ‘ « bloc de normativité » ’utilisé par les instances pour le juris dictio qu’elles ont en charge de formuler. Les groupes spéciaux, comme l’Organe d’appel, intègrent volontiers dans le dispositif normatif conventionnel que les Membres doivent appliquer certaines jurisprudences et certaines règles de traités internationaux n’appartenant pas aux accords OMC 1721 .

Enfin, l’autonomie de la règle prétorienne par rapport au droit dans lequel elle évolue peut atteindre le quatrième et dernier palier qui est celui de la règle prononcée en l’absence totale et généralisée d’un droit existant. Il ne s’agit plus dans ce cas d’un jugement en droit mais d’un jugement en équité, cette dernière pouvant constituer un recours au silence complet du droit sur une question que le juge se doit pourtant de traiter. Ce jugement en équité, hors du droit, est communément accepté pour les juridictions, internationales ou étatiques, même s’il est rarement pratiqué. En revanche, les instances mémorandaires ne semblent pas, pour l’instant, l’appliquer. L’équité est abordée par elles mais l’est dans le sens de l’égalité et non dans celui d’une équité comme concept et outil de remplacement d’un droit défaillant 1722 . Certes, ce principe d’égalité peut être considéré comme fondé sur l’équité davantage que sur le droit qui ne le consacre pas explicitement, mais il faut constater qu’il peut aisément découler des nombreuses dispositions mémorandaires organisant une procédure qui se veut contradictoire et que l’équité communément conçue comme une substitution d’un droit absent ne peut se résumer à cette équité-égalité.

Aussi ce quatrième palier ne semble-t-il pas encore avoir été franchi par le système mémorandaire. Il a déjà été montré que, dans l’immédiat, l’absence de prise en considération de l’équité ne contrarie pas la constatation d’une juridictionnalité matérielle du système mémorandaire et permet même au contraire de l’assurer, même si, à terme, cette absence sera sans doute trop pesante pour assurer la qualification juridictionnelle du système 1723 . L’étude du comportement futur des instances mémorandaires sur ce point sera intéressante car il faut croire que l’assurance progressive que le système mémorandaire semble acquérir sur sa propre juridictionnalité, le conduira à des jugements en équité, une fois achevée la phase actuelle d’installation et de légitimation du processus mémorandaire.

Le critère de l’autonomie de la règle se trouve par conséquent pour sa majeure partie avéré. Le système mémorandaire franchit les deux premiers paliers par l’effectivité de son rôle de créateur de règles jurisprudentielles appliquant et précisant le droit de l’OMC. Les règles qu’il formule appliquent et interprètent le droit de l’OMC, au besoin en clarifiant et précisant des dispositions de ce droit qui seraient floues ou incomplètes. Ce système se présente alors comme un créateur de règles jurisprudentielles qui non seulement appliquent et donnent son sens au droit de l’OMC mais aussi participent à son effectivité et à son évolution. L’autonomie relative de la règle prétorienne, obtenue par le franchissement de ces deux premiers paliers, fait du système mémorandaire le producteur d’un droit jurisprudentiel indispensable à ce droit conventionnel. En outre, les instances mémorandaires ne se contentent pas de ce niveau de jurisprudentialité mais franchissent un troisième palier. De la sorte, elles insèrent dans le droit de l’OMC qu’elles ont en charge de dire des règles juridiques non explicitement posées par le droit conventionnel. Elles participent ainsi à l’évolution de ce droit de l’OMC en en dégageant des principes généraux, des mécanismes juridiques nouveaux, et en assurant l’applicabilité de sources juridiques extérieures à ce droit particulier. Elles font entrer des normes conventionnelles et jurisprudentielles du droit international public général dans le dispositif normatif auquel elles ont la charge de confronter les faits des espèces qu’elles examinent et, ce faisant, constituent au fur et à mesure des litiges qui leur sont soumis un ‘ « bloc de juridicité ’ » dont la dimension dépasse le seul dispositif normatif constitué du droit conventionnel de l’OMC. Malgré tout, la démarche de jurisprudentialité des instances mémorandaires reste prudente et progressive puisqu’elles ne hissent pas leurs décisions au niveau du quatrième palier en ne jugeant pas en équité, pour l’instant. Cette timidité relative reste cependant largement compréhensible eu égard à la phase actuelle de construction, de consolidation et de légitimation d’un système de règlement somme toute récent et novateur. Il reste que le critère de l’autonomie de la règle prétorienne est suffisamment développé, voire poussé au-delà même de sa viabilité minimale, pour qu’il soit possible de constater que l’effectivité jurisprudentielle prend forme.

Le troisième et dernier critère est celui de la propagation de cette règle prétorienne 1724 . Il s’agit de montrer que les règles issues des constatations et conclusions de l’Organe d’appel ou d’un groupe spécial à l’occasion d’un différend particulier peuvent bien être réutilisées par ces instances lors du règlement d’un différend ultérieur. Ce critère de propagation de la règle en dehors du différend pour le règlement duquel cette règle a été établie est indispensable pour parfaire la jurisprudentialité des constatations et conclusions formulées par les instances mémorandaires. Il est aussi sans doute le plus évident et le plus facilement identifiable, une fois que le principe d’une jurisprudence a été posé et que son application effective a été montrée.

Il est en réalité double et l’évidence précédemment mentionnée ne s’applique qu’à la première composante de ce critère. Premièrement, cette propagation de la règle prétorienne doit se faire à l’intérieur du système mémorandaire et dans des affaires 1725 distinctes. Secondement, cette propagation peut se faire en direction des instances juridictionnelles extérieures au système OMC ; et ce mouvement est d’autant plus concevable que l’inverse est déjà attesté. A ce stade, la dualité du critère de propagation doit être précisée. En effet, la règle jurisprudentielle est une source du droit, d’origine prétorienne, étant entendu que le droit considéré est celui dans lequel la juridiction créatrice évolue, celui dans le système duquel elle se trouve. Aussi cette règle n’est-elle source que du droit que la juridiction a pour mission de dire. De ce fait, si la propagation interne au système mémorandaire est indispensable à la caractérisation d’une jurisprudentialité, la propagation externe ne l’est pas. De plus, aucune norme conventionnelle, interne ou externe à l’OMC, ne vient établir une hiérarchie ou pour le moins des relations précises entre le système mémorandaire et les systèmes extérieurs de règlement des différends interétatiques, ou encore entre le droit de l’OMC et le droit international public général par exemple, car le système mémorandaire est un mécanisme de règlement des différends interne à une organisation internationale spécialisée particulière. Nonobstant, une propagation externe doit être également étudiée car son effectivité serait de nature à donner au système mémorandaire une dimension universelle et un poids considérable au sein du droit international public, ce qui reconnaîtrait son autorité contribuerait à la consécration de sa juridictionnalité.

La propagation interne des règles formulées par les instances mémorandaires semble évidente. L’Organe d’appel et les groupes spéciaux l’avaient déjà reconnue implicitement quand ils ont été amenés à valider le principe d’une jurisprudentialité 1726 . Ces mêmes instances la pratiquent couramment. En effet, il n’est pas rare, loin s’en faut, que les groupes spéciaux fondent leurs constatations et conclusions sur des règles formulées par des groupes spéciaux antérieurs, et encore davantage sur celles formulées par l’Organe d’appel. De même, l’Organe d’appel a fréquemment recours aux constatations et conclusions qu’il a même élaborées précédemment à l’affaire en cours. La simple et rapide consultation des rapports rédigés par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel depuis 1995 suffit à justifier cette constatation. ‘ « Ainsi y a-t-il référence systématique aux solutions et interprétations dégagées dans les rapports précédents, même si cela ne va pas jusqu’à l’introduction du stare decisis. L’Organe d’appel reprend, à l’occasion d’affaires de même type, ses propres raisonnements et incite vivement les groupes spéciaux à en faire autant  ’» 1727 .

D’ailleurs, ‘ « l’Organe d’appel n’hésite pas à saluer la reprise de ses raisonnements ou à censurer la mauvaise compréhension de ceux-ci ’ » 1728 . Il va même parfois jusqu’à reprendre des constatations et conclusions formulées dans un ‘ « rapport de groupe spécial tel qu’il a été modifié par le rapport de l’Organe d’appel » 1729 , rapports qui ne sont par ceux de l’affaire objet de l’appel de l’espèce ; ce faisant, même s’il reprend formellement ses propres décisions, l’Organe d’appel rappelle l’unification du juris dictio déjà constatée et donne une portée certaine au travail jurisprudentiel opéré par ledit groupe spécial. Les Etats Membres de l’OMC, qui y étaient pour certains opposés dans le cadre du GATT de 1947, reconnaissent et promeuvent l’effectivité jurisprudentielle des rapports des groupes spéciaux et, surtout, de l’Organe d’appel, sans jamais contester les interprétations du droit données par l’Organe d’appel 1730 . Pour rester sur le plan processuel, il faut d’ailleurs observer avec Mme Ruiz Fabri que ‘ « l’Organe d’appel accomplit de ce point de vue une véritable fonction "constitutionnelle"  ’» 1731 , ce qui montre bien que les décisions des instances mémorandaires ne s’arrêtent pas au règlement du différend de l’espèce mais construisent, en plus, un véritable droit jurisprudentiel s’ajoutant au droit conventionnel de l’OMC existant 1732 .

Quant à la propagation externe, une différence d’intensité entre la jurisprudence appliquée au droit processuel et celle appliquée au droit substantiel explique son ineffectivité. En effet, l’examen des décisions prises par les juridictions participant aux règlements de différends interétatiques externes à l’OMC ne montre pas une prise en considération de la jurisprudence du système mémorandaire 1733 . Seuls des écrits doctrinaux semblent voir dans cette dernière jurisprudence une composante de la jurisprudence internationale objet de chroniques doctrinales. Néanmoins, cette constatation ne remet pas en cause la jurisprudentialité mémorandaire. Plusieurs raisons peuvent être invoquées à l’appui de cette dernière conclusion. D’abord, le dispositif normatif de l’OMC se concentre essentiellement sur des questions relatives aux échanges commerciaux interétatiques et, de ce fait, les autres juridictions internationales n’ont que peu à voir avec ces questions qui sont gérées dans le cadre de l’organisation internationale spécialisée qu’est l’OMC. Ensuite, il n’est pas mis en place un mécanisme unifié de règlement des différends interétatiques et, si la CIJ semble avoir une compétence universelle, sa juridiction obligatoire est mise en doute non seulement par le faible volontarisme des Etats mais également par la spécialisation d’organisations internationales qui se dotent de leur propre mécanisme de règlement des différends. De même, le système OMC et la jurisprudence qui en découle sont récents et cette dernière a de ce fait, du moins actuellement, essentiellement pour objet de construire un système de règlement viable, renforcé et juridictionnalisé, de telle sorte que ce sont les instances mémorandaires qui vont s’inspirer des juridictions existantes et non l’inverse. Enfin, il n’est pas inconcevable, loin s’en faut, qu’une jurisprudence reste dans la sphère juridique dans laquelle elle évolue sans être forcément universalisée.

Nonobstant, il reste que les règles prétoriennes issues de l’OMC sont, sur les questions processuelles, relativement audacieuses dans la mesure où elles organisent des mécanismes processuels relativement complets. Deux exemples éloquents peuvent être donnés : le mécanisme des règles d’interprétation pour lequel ‘ « l’Organe d’appel a fait preuve d’une grande maturité et d’une grande vélocité. Tant la CIJ que la CJCE ont été – et restent (CJCE) – plus hésitantes » 1734  ; le mécanisme de la charge de la preuve dont le caractère général est précisé par l’Organe d’appel même si des difficultés ne sont pas encore surmontées 1735 . Ainsi, peut-être que de futurs mécanismes de règlement des différends interétatiques d’autres organisations internationales spécialisées s’inspireront des règles prétoriennes que les instances mémorandaires ont dégagées concernant ces questions processuelles. Peut-être également que de futurs droits conventionnels s’inspireront de ces mêmes règles pour parfaire le système de règlement qu’ils instaurent.

Pour conclure, il a donc bien été constaté que le système mémorandaire de règlement des différends interétatiques dans le cadre de l’OMC faisait œuvre jurisprudentielle. D’une part, les conditions de formation d’une jurisprudence sont réunies et, d’autre part, l’effectivité jurisprudentielle est avérée par ses trois critères qui sont la validation de principe, l’autonomie de la règle prétorienne et la propagation de ladite règle à l’intérieur de ce système mémorandaire. En outre, le second critère susmentionné montre que les instances mémorandaires ne se contentent pas d’une jurisprudentialité minimale. Aussi la ‘ « logique jurisprudentielle ’ » 1736 qui ‘ « devrait renforcer la tendance au juridicisme dans le cadre de l’OMC » 1737 est-elle aboutie. Bien entendu, certaines améliorations pourraient renforcer cette ‘ « jurisprudentialité ’ », comme la création d’un mécanisme de formation plénière se substituant au simple échanges de vues que les Procédures de travail pour l’examen en appel prévoient 1738  ; mais ces améliorations sont des évolutions, non des réformes, de telle sorte que leur absence n’altère pas l’effectivité d’une œuvre jurisprudentielle.

Dès lors, il ressort de la constatation de ce qu’il faut bien appeler désormais la jurisprudence du système mémorandaire que le juris dictio formulé par lui bénéficie d’une diffusion temporelle externe au seul différend d’espèce traité. Ajoutée à la caractérisation précédemment opérée d’une diffusion temporelle interne ainsi que d’une diffusion spatiale de ce juris dictio, cette diffusion temporelle externe atteste la réalité d’un juris dictio dans son sens le plus plein et parachève ainsi la démonstration de la juridictionnalité du système mémorandaire, aussi bien d’un point de vue formel que d’un point de vue matériel.

Encore faut-il qu’une dernière condition, et non des moindres, soit remplie : la décision de nature juridictionnelle doit bénéficier d’une autorité. Or, cet imperium n’est pas évident face au principe de respect des souverainetés étatiques et à la présence de l’ORD qui a pour fonction principale d’adopter ou non les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel.

Notes
1647.
Sur les fondements théoriques de la centralité du juris dictio dans l’effectivité et le développement du droit, se reporter, en particulier à la Section consacrée au décloisonnement du droit applicable (Chapitre précédent).
1648.
Union Académique Internationale (Publié sous le patronage de l’), Dictionnaire de la terminologie du droit international, Sirey, 1960, p. 359. Voir dans le même sens, pour exemples : P. Robert, Le Nouveau Petit Robert, op. cit., p. 1388 ; M. Gaillard, L’Intelligence Du Droit, op. cit., p. 126.
1649.
P. Robert, Le Nouveau Petit Robert, op. cit., p. 1388.
1650.
Union Académique Internationale (Publié sous le patronage de l’), Dictionnaire…, op. cit., p. 359.
1651.
Pour se convaincre de l’appréhension de la jurisprudence comme source du droit, voire de sa consécration comme source quasi-exclusive, il suffit de considérer deux exemples aussi communs que significatifs : le droit de common law et le droit administratif français, bien que la tendance actuelle soit à la concurrence nouvelle entre le droit jurisprudentiel et le droit écrit.
1652.
Voir par exemple : P. Le Jeune, Introduction au droit des relations internationales, op. cit., pp. 55-56 ; ou encore C.-A. Colliard, L. Dubouis, Institutions internationales, op. cit., pp. 124-125. De même, MM. Daillier et Pellet tentent de répondre à la question suivante : « peut-on soutenir que la jurisprudence est une véritable source du droit ? ». Le fait même de se poser cette question montre l’existence d’un débat doctrinal sur ce point et l’impossibilité de répondre définitivement à cette question. Voir leur analyse in P. Daillier et A. Pellet (N. Quoc Dinh †), op. cit., pp. 397-398. Cette interrogation n’est, d’ailleurs, pas spécifique au droit international ; voir F. Terré, Introduction générale au droit, Dalloz, coll. Précis, 4ème édition, Paris, 1998, pp. 244-251.
1653.
Voir sur ce point la Section 2 du Chapitre précédent.
1654.
J. Combacau, S. Sur, op. cit., p. 44.
1655.
P.-M. Dupuy, Droit international public, op. cit., p. 453.
1656.
E. Canal-Forgues, « La procédure d’examen en appel… », op. cit., p. 851.
1657.
Voir pour exemples E. Canal-Forgues, « La procédure d’examen en appel… », op. cit., p. 851 ; T. Flory, « Chronique de Droit international économique- Commerce international », A.F.D.I. XXXIX, 1993, p. 759 ; H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, p. 741 ; Y. Renouf, « Le règlement des litiges », in T. Flory (Sous la direction de), La Communauté européenne et le GATT…, op. cit., p. 51.
1658.
J.-L. Goutal, « Le rôle normatif de l’Organisation mondiale du commerce », P.A., n° 5, 11 janvier 1995, p. 26.
1659.
Cette autorité fait l’objet du Titre suivant.
1660.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, p. 741.
1661.
Se reporter sur ce point à l’Introduction.
1662.
Ce caractère incontournable découle de la combinaison de deux caractéristiques procédurales, propres au système mémorandaire en particulier et aux organes juridictionnels en général, qui sont l’attraction obligatoire et l’obligation de juger.
1663.
Cette constance décisionnelle n’est pas synonyme de continuité de jurisprudence mais de cohérence temporelle des décisions prises. Aussi admet-elle des revirements de jurisprudence sans pour autant disparaître, puisque de tels revirements s’inscrivent dans cette cohérence temporelle.
1664.
Bien évidemment, ce terme de « décision » n’est pas pris dans son sens contingent de conclusion d’un différend particulier mais dans celui plus général d’ensemble des conclusions formulées à l’occasion des multiples traitements de différend effectués.
1665.
P.-M. Dupuy, Droit international public, op. cit., p. 560.
1666.
E. Canal-Forgues, « La procédure d’examen en appel… », op. cit., p. 851.
1667.
H. Ruiz Fabri, « L’appel dans le règlement… », op. cit., p. 105.
1668.
V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et le renforcement de la réglementation juridique des échanges commerciaux, L’Harmattan, coll. Logiques Juridiques, Paris, 2000, p. 212. Voir dans le même sens M.N. Andrianarivony, L’émergence progressive d’une juridiction internationale des échanges…, op. cit., p. 418.
1669.
H. Ruiz Fabri, « L’appel dans le règlement… », op. cit., p. 54.
1670.
Voir pour exemples : E. Canal-Forgues, « Sur l’interprétation dans le droit de l’OMC », R.G.D.I.P., 2001, pp. 5-23 ; H. Ruiz Fabri, « L’appel dans le règlement… », op. cit., pp. 47-128.
1671.
Voir pour exemple E. Canal-Forgues et T. Flory (Sous la direction de), Recueil des contentieux GATT/OMC, Bruylant, Bruxelles, 2001.
1672.
Voir pour exemples : le Journal du droit international qui inclut dans sa rubrique « Jurisprudence » l’» Organisation mondiale du commerce » tenue par Mme Ruiz Fabri depuis 1999 ; la Revue générale de droit international public qui, à partir de l’année 2000 (Tome CIV), traite de « l’Organe d’appel de l’OMC » sous la plume de M. Weckel (pp. 250 s.), de l’» Organe de règlement des différends de l’OMC » (pp. 223 s., R.G.D.I.P. 2001-1) ou de l’» Organe de règlement des différends (OMC) » (pp. 183 s., R.G.D.I.P. 2002-1).
1673.
Encore que l’autorité de la décision du groupe spécial sera considérée comme suprême dans le différend qu’il traite si aucun appel n’est formulé, mais là n’est pas la question puisqu’il s’agit présentement d’étudier la diffusion externe et non interne du juris dictio.
1674.
H. Ruiz Fabri, « L’appel dans le règlement… », op. cit., p. 54, note 33. L’auteur renvoie à A. Chua, « The Precedential Effect of the WTO Panel and Appellate Body Reports », Leiden Journal of International Law 1998, pp. 45-61.
1675.
P. Weckel, « Chronique de jurisprudence internationale », R.G.D.I.P., Tome 106, 2002/1, p. 192.
1676.
P. Nicora, « L’organe de règlement des différends a-t-il un avenir ? », in F. Osman (Sous la direction de), L’Organisation Mondiale du Commerce : vers un droit mondial du commerce ?, Colloque, Lyon, 2 mars 2001, Bruylant, Bruxelles, 2001, p. 240.
1677.
L’étude de l’opinion doctrinale déniant au système mémorandaire la capacité d’élaborer une jurisprudence effective est opérée infra.
1678.
Le Chapitre précédent illustre bien la généralisation du recours aux jurisprudences internationales externes par des exemples tirés de la pratique et par des références doctrinales allant dans le même sens.
1679.
WT/DS8, 10 et 11/AB/R, p. 17.
1680.
Voir pour exemples les rapports : WT/DS27/R/ECU, paragraphes 7.40 et 7.114 ; WT/DS56/R, paragraphe 6.24, note 175 ; WT/DS58/R, paragraphe 7.16, note 623 ; WT/DS60/R, paragraphe 7.7 ; WT/DS90/R, paragraphe 5.46, note 288 ; WT/DS177 et 178/R, paragraphe 7.78, note 113.
1681.
Voir pour exemple le Rapport de l’Organe d’appel WT/DS50/AB/R, p. 16.
1682.
WT/DS108/R, paragraphe 7.78.
1683.
Voir la citation au paragraphe précédent des conclusions de l’Organe d’appel sur ce point dans son Rapport WT/DS8, 10 et 11/AB/R.
1684.
Rapport de l’Organe d’appel WT/DS58/AB/RW, paragraphe 109.
1685.
Ibid. paragraphe 107.
1686.
WT/DS8, 10 et 11/AB/R, p. 17. Il faut ajouter que cette conclusion n’est pas restée lettre morte puisque les groupes spéciaux utilisent comme fondement de leurs conclusions des rapports de groupes spéciaux non adoptés ; Voir par exemple le Rapport WT/DS135/R, paragraphes 8.76 et 8.77. Ces rapports non adoptés sont essentiellement ceux du GATT de 1947 puisque leur adoption est automatique au sein de l’OMC du fait du mécanisme du consensus négatif (étudié dans le Titre suivant).
1687.
WT/DS56/AB/R, pp. 20-21.
1688.
P. Weckel, « Chronique de jurisprudence internationale », R.G.D.I.P., Tome 106, 2002/1, p. 192.
1689.
Rapport WT/DS8, 10 et 11/AB/R.
1690.
WT/DS8, 10, 11/AB/R, p. 17, précité.
1691.
L’Organe d’appel écarte également ce principe dans son Rapport WT/DS58/AB/RW. Voir sur ce point P. Weckel, « Chronique de jurisprudence internationale », R.G.D.I.P., Tome 106, 2002/1, pp. 192-193
1692.
WT/DS8, 10 et 11, p. 17, note 42.
1693.
P. Weckel, « Chronique de jurisprudence internationale », R.G.D.I.P., Tome 106, 2002/1, pp. 192-193. Cet auteur formule la présente conclusion par rapport à l’étude qu’il a menée sur le Rapport de l’Organe d’appel WT/DS58/AB/RW mais il renvoie, tout comme ce rapport étudié, au rapport de l’Organe d’appel précité, fondateur en la matière, WT/DS8, 10 et 11/AB/R.
1694.
A. Pellet, Droit international public, P.U.F., coll. Mémentos Thémis, Paris, 1981, p. 35.
1695.
WT/DS79/R, paragraphe 7.30. Cette conclusion est reprise par le groupe spécial de l’affaire DS222. Voir sur ce point le Rapport WT/DS222/R, paragraphe 7.92, note 59.
1696.
WT/DS8, 10 et 11/AB/R, p. 14 et note 33, même page.
1697.
WT/DS2/AB/R, p. 26 et note 55, même page.
1698.
E. Canal-Forgues, « Sur l’interprétation dans le droit de l’OMC », R.G.D.I.P., 2001, p. 7.
1699.
Ibid., p. 22.
1700.
Ibid., p. 22.
1701.
Au surplus, il faut noter que l’Organe d’appel consacre par la voie jurisprudentielle l’application de la règle de l’effet utile, ce qui montre une effectivité jurisprudentielle à l’œuvre au sein du système mémorandaire. Ce point est évoqué infra.
1702.
Cette limitation est exprimée par l’Organe d’appel qui précise qu’» un interprète n'est pas libre d'adopter une interprétation qui aurait pour résultat de rendre redondants ou inutiles des clauses ou des paragraphes entiers d'un traité » (WT/DS2/AB/R, p. 26). Elle est inhérente à la définition même du principe de l’effet utile.
1703.
Article IX : 2.
1704.
Article 3 : 9.
1705.
Voir sur ce point H. Rasmussen, « Le juge international en évitant de statuer obéit-il à un devoir judiciaire fondamental ? », in Société Française pour le Droit International, La juridiction internationale permanente, Colloque de Lyon, Pedone, Paris, 1987, pp. 383-387.
1706.
Voir pour exemples : H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, p. 740 ; Y. Renouf, « Les mécanismes d’adoption et de mise en œuvre du règlement des différends dans le cadre de l’OMC sont-ils viables ? », A.F.D.I. XL, 1994, p. 783-784.
1707.
F. Terré, Introduction générale au droit, op. cit., pp. 466-467.
1708.
Voir par exemple H. Ruiz Fabri, « L’appel dans le règlement… », op. cit., p. 54. Il y est constaté que « le Mémorandum contient peu d’éléments relatifs aux aspects processuels du règlement des différends ». Peut-être serait-il d’ailleurs plus exact d’affirmer que des « éléments » sont insuffisants plutôt que rares dans la mesure où le Mémorandum a pour objet l’organisation d’un système de règlement des différends et que, dans ce cadre, il ne peut que contenir de tels éléments relatifs aux aspects processuels.
1709.
Autorité et contrainte font l’objet du Titre suivant.
1710.
Voir pour exemples bibliographiques supra, même Section.
1711.
Bien entendu, cette expression doit être précisée. La potentialité exprimée se justifie dans la mesure où l’observation des constatations et conclusions dans le cadre du critère d’autonomie de la règle ne fait que constater que les instances mémorandaires dégagent pour un différend donné une interprétation tirée de l’analyse de dispositions des accords OMC ; il manque pour caractériser une effectivité jurisprudentielle une diffusion de cette règle dans les différends futurs, diffusion fondée sur la validation de principe de cette effectivité.
1712.
Ces exemples sont tirés de l’article de Mme Ruiz Fabri, « Chronique du règlement des différends (2001) », J.D.I. 3, 2002, pp. 879-922. Ils ne sont que des illustrations des différents thèmes que l’auteur met en évidence après étude des décisions des instances mémorandaires et ne constituent en aucune façon une reconnaissance doctrinale de règles jurisprudentielles avérées mais tout juste des qualificatifs possibles de futures règles potentiellement jurisprudentielles. Voir pour une justification de cette potentialité la note précédente.
1713.
H. Ruiz Fabri, « L’appel dans le règlement… », op. cit., pp. 54-55.
1714.
Voir, pour une analyse détaillée de cette question de « la précision de la plainte/de l’appel/du mandat », ibid., pp. 62-68. D’autres illustrations de règles prétoriennes directement issues du droit processuel prévu par le Mémorandum peuvent être trouvées dans la Partie précédente consacrée aux aspects organiques et procéduraux du système mémorandaire.
1715.
Voir pour étude plus détaillée le Chapitre précédent, Section 2.
1716.
Ces deux thèmes sont traités dans la précédente Partie, (Titre II, Chapitre I, Section 1).
1717.
Cette expression « principes juridiques généraux » ne doit pas être ici assimilée aux principes généraux du droit qui, eux, constituent une source du droit communément identifiée, que ce soit en droit interne ou en droit international public. Elle comprend, certes, ces principes généraux du droit, mais est prise dans le sens plus général de l’ensemble des règles juridiques de portée générales qui sont dégagées par le juge à partir du droit existant mais que celui-ci ne prévoit explicitement.
1718.
Voir, par exemple, pour une étude détaillée H. Ruiz Fabri, « L’appel dans le règlement… », op. cit., pp. 68-72.
1719.
Voir pour détails la précédente Partie (Titre II, Section 1).
1720.
Voir la description plus détaillée de la démarche suivie par l’Organe d’appel par rapport à ce principe de précaution dans le Chapitre précédent (Section 2). Voir également pour étude détaillée E. Canal-Forgues, « Sur l’interprétation dans le droit de l’OMC », R.G.D.I.P., 2001, pp. 17-18.
1721.
Voir les nombreux exemples cités dans le Chapitre précédent (Section 2).
1722.
Voir pour une étude détaillée de l’équité dans le système mémorandaire le Chapitre précédent (Section 2)
1723.
Ibid.
1724.
Le terme de « propagation » peut prêter à confusion car il est synonyme du terme « diffusion », qui caractérise présentement, de manière plus générale, une diffusion externe du juris dictio. Néanmoins, la propagation est celle des règles issues des constatations et conclusions prononcées par les instances mémorandaires à l’occasion d’un différend à d’autres différends postérieurs alors que la diffusion est celle de la fonction juridictionnelle à l’intérieur du système mémorandaire entre les deux instances principales qui le composent. Dans le présent propos, la propagation caractérise une jurisprudence alors que la diffusion caractérise un juris dictio dont la jurisprudence est une composante mais n’est qu’une des composantes.
1725.
Il ne faut pas oublier que l’Organe d’appel est une instance de cassation et qu’elle n’est pas saisie d’un différend mais du rapport du groupe spécial qui, lui, était saisi de ce différend. Aussi, par commodité de langage, le terme « affaire » peut être employé dans la mesure où le groupe spécial et l’Organe d’appel ont pour point commun dans le règlement d’un différend donné le traitement de la même « affaire », malgré le rôle respectif de chacune de ces deux instances.
1726.
Voir l’étude du premier critère de l’effectivité jurisprudentielle, supra, même Section.
1727.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends au sein de l’OMC : naissance d’une juridiction… », op. cit., p. 319.
1728.
Ibid., note 41.
1729.
Voir pour exemple le Rapport de l’Organe d’appel WT/DS202/AB/R, paragraphe 97 et notes afférentes.
1730.
Voir sur ce point V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et…, op. cit., pp. 213-214.
1731.
H. Ruiz Fabri, « L’appel dans le règlement… », op. cit., p. 54.
1732.
Bien entendu, l’aspect substantiel des règles prétoriennes n’est pas présentement abordé et il ne faut pas oublier que l’essence de l’Organisation est la régulation des échanges commerciaux interétatiques. Partant, le droit conventionnel appliqué à ces échanges est à la fois très spécialisé par rapport au droit international public général et assez complet du point de vue des normes conventionnelles. De la sorte, l’autonomie de la règle jurisprudentielle appliquée à la substance du droit de l’OMC sera cantonnée à son premier palier – celui de l’application de la règle conventionnelle – et atteindra si nécessaire le deuxième palier – celui de la précision et du parachèvement de la règle – mais elle ne sera pas forcément très audacieuse pour ce qui est des troisième et quatrième paliers. Les instances mémorandaires n’en ressentiront pas le besoin face à la relative complétude du droit conventionnel et, peut-être également, dans la mesure où la matière juridique externe au droit de l’OMC sera difficilement convenable pour la résolution pertinente de questions plus substantielles que processuelles. Il reste que l’examen de la résolution par le système mémorandaire des questions processuelles montre la capacité de ce système à exercer une fonction jurisprudentielle conséquente et suppose une similarité comportementale en cas d’imprécision ou de défaillance du droit de l’OMC appliqué substantiellement aux règles de régulation des échanges commerciaux.
1733.
Si la CJCE est parfois amenée à traiter des questions relatives à l’Organe d’appel ou à l’ORD, ces questions portent sur les conséquences des décisions finales formulées par les instances mémorandaires constatant par exemple la non‑conformité du comportement des Communautés européennes par rapport aux dispositions d’accords OMC. Mais la CJCE n’a pas été amenée à se prononcer sur l’applicabilité de règles processuelles ou substantielles issues de la jurisprudence de ces instances.
1734.
E. Canal-Forgues, « Sur l’interprétation dans le droit de l’OMC », R.G.D.I.P., 2001, p. 19.
1735.
Voir H. Ruiz Fabri, « L’appel dans le règlement… », op. cit., pp. 68. Est cité dans cet article le Rapport WT/DS26 et 48/AB/R, paragraphe 98, dans lequel l’Organe d’appel note que les règles concernant la charge de la preuve sont applicables « à toute procédure relative à un différend ». Pour études doctrinales détaillées de la charge de la preuve devant les instances mémorandaires, voir particulièrement : H. Ruiz Fabri, « Chronique du règlement des différends 1996-1998 », J.D.I. 2, 1999, pp. 467-468, 482 et 487-488 ; H. Ruiz Fabri, « Chronique du règlement des différends 1999 », J.D.I. 2, 2000, pp. 389-390, 393-396, 400-401, 404, 408-409 et 420-421 ; H. Ruiz Fabri, « Chronique du règlement des différends 2000 », J.D.I. 3, 2001, pp. 951-952 ; Ehlermann (C.-D.), « Six Years on the Bench of the "World Trade Court" – Some personal Experiences as Member of the Appellate Body of the World Trade Organization », J.W.T. 36(4), 2002, pp. 618‑619.
1736.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, p. 741.
1737.
J. Lebullenger, « La Communauté européenne face au processus de réexamen du système de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce », R.M.C.U.E. n° 422, 1998, p. 631.
1738.
Règle 4 1). Voir sur ce point Lebullenger (J.), « La Communauté européenne face au processus de réexamen du système de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce », R.M.C.U.E. n° 422, 1998, p. 634.