Section 1 : La force obligatoire de la décision de règlement

Il est généralement considéré, plus ou moins explicitement, que l’autorité de la chose jugée est un critère essentiel de définition de la juridiction 1740 . Dans le cas d’une juridiction internationale, cette autorité de la chose jugée pourrait être fortement atténuée par exemple par le principe du respect de la souveraineté étatique dont chaque Etat justiciable pourrait se prévaloir. En effet, le sentiment est commun selon lequel ‘ « la physionomie des juridictions internationales a ses particularités qui, au moins pour beaucoup d’entre elles, ne répondent pas à l’idéal qu’on se fait d’une véritable juridiction en droit interne ’ » 1741 car, entre autres raisons, les juridictions internationales ne sont pas ‘ « une réplique de ce qui existe en droit interne étant donné qu’il n’existe pas d’autorité supérieure aux Etats ’ » 1742 . Nonobstant, même au niveau international, la décision juridictionnelle se caractérise par l’autorité de la chose jugée 1743 et cette autorité sert à distinguer les modes juridictionnels des modes diplomatiques de règlement des différends 1744 .

Il est même possible de considérer que, sur le plan international, l’autorité de la chose jugée est le critère essentiel d’une juridictionnalité. En effet, selon MM. Combacau et Sur, ‘ « les modes juridictionnels consistent en l’intervention dans le différend d’un organe tiers ayant pour fonction de le trancher par une solution fondée en droit et obligatoire pour les parties. Ces deux éléments sont caractéristiques de la "juridiction", entendue dans son sens matériel ’ ». Or, ‘ « l’incertitude relative au premier critère [celui du défaut de liberté dans la détermination des bases de règlement] conduit à accorder plus de prix au second [celui du défaut de liberté dans l’acceptation de la solution] : juridiction, le tribunal est plus encore une juridiction ; à supposer qu’il ne dise pas toujours le droit, du moins énonce-t-il ce qui fera droit désormais entre les parties. Cette affirmation doit être entendue dans le sens le plus fort : un acte n’est juridictionnel que s’il est revêtu de l’autorité de la chose jugée » 1745 .

Cette notion d’autorité de la chose jugée doit être définie. Si son sens paraît évident du fait de sa notoriété, une proposition de définition n’est pas aisée, surtout si elle doit structurer une étude du système mémorandaire. D’abord, sa qualification n’est pas unique. Le principe de cette autorité de la chose jugée est considéré comme l’un des ‘ « principes généraux de droit consacrés par la jurisprudence internationale » ’ et peut être classé parmi les ‘ « principes de procédure contentieuse ’ » 1746  ; il ressort également du Statut de la CIJ 1747 . De plus, cette dualité de qualification entraîne certains débats doctrinaux. Sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans ces débats, et ce pour des raisons de clarté stylistique et de pertinence structurelle, il faut constater, avec le groupe spécial de l’affaire DS146 et 175, que ‘ « deux dispositions du Statut de la Cour internationale de justice, les articles 59 et 60, (…) sont fréquemment citées comme source du principe de la chose jugée pour ce qui est des décisions de la Cour, bien qu'il semble y avoir quelques divergences de vues entre les commentateurs sur le rôle exact de ces deux dispositions et même sur la nécessité de les considérer comme la source de ce principe, puisqu'il s'agit, de toute façon, d'un principe général du droit ’ » 1748 .

Ensuite, quant au fond, la définition de la notion d’autorité de la chose jugée n’est pas absolue. Le même groupe spécial, en se fondant sur des études doctrinales, propose une définition du principe de la chose jugée. ‘ « Ce principe est généralement interprété comme signifiant qu'une question ayant fait l'objet d'une décision définitive, sous réserve des voies de recours disponibles, doit être considérée comme réglée entre les parties au différend. Par conséquent, la question qui a été tranchée ne peut pas être soulevée de nouveau dans une autre procédure » 1749 . ‘ « La chose jugée est généralement comprise comme englobant trois éléments : une décision définitive, sur une question donnée, entre les mêmes parties » 1750 . Si cette définition proposée et fondée sur d’éminents écrits doctrinaux ne peut fondamentalement être remise en cause, elle doit tout de même être relativisée par sa contingence. Il apparaît en effet, que ledit groupe spécial choisit une définition tournée vers la question du caractère relatif de la chose jugée et non vers la question de l’autorité de cette chose jugée. Or, si le caractère relatif est un élément de définition de cette chose jugée, il n’en est pas, loin s’en faut, la seule composante et peut même se présenter davantage comme une précision que comme une caractéristique essentielle. En outre, il faut bien avouer que cette orientation n’est guère utile présentement puisqu’elle ne permet pas de déterminer l’effectivité de l’autorité de la chose jugée mais plutôt sa portée. Par conséquent, une définition plus générale et plus complète doit être élaborée, qui englobera celle donnée par le groupe spécial mais la dépassera pour des motifs de complétude et de rigueur.

La notion d’autorité de la chose jugée peut être la suivante : appliquée à la décision d’une instance, elle donne à cet acte ‘ « force de vérité légale entre les parties ’ », c’est-à-dire qu’elle rend la solution qu’il contient ‘ « obligatoire pour les parties ’ » 1751 ou encore qu’elle crée une ‘ « opposabilité aux parties de l’énoncé juridictionnel ’ » 1752 . Elle peut d’ailleurs être considérée comme synonyme de la force obligatoire. Cependant, cette définition théorique est insuffisante à fonder une recherche de l’effectivité de cette autorité. En effet, ce principe peut être difficile à déceler en l’absence de sa reconnaissance explicite par les textes institutifs du système de règlement considéré. En outre, la clarté textuelle précédente n’entraîne pas en elle-même l’effectivité de cette autorité qui doit donc être recherchée ailleurs. Aussi faut-il identifier des signes de cette autorité afin de pouvoir établir le plus rigoureusement possible non seulement sa reconnaissance mais également son effectivité.

Ces signes sont relativement évidents et servent d’ailleurs bien souvent de critères négatifs de définition de l’autorité de la chose jugée alors qu’ils ne sont, en réalité, que les applications du principe de cette autorité. Deux principaux indices peuvent être identifiés qui sont la synthèse d’écrits doctrinaux et qui découlent directement du principe d’opposabilité de la décision, principe caractéristique de l’autorité de la chose jugée qu’ils définissent par la négative : l’absence de contestation de la décision qui est le signe le plus évident 1753 et l’absence d’acte juridique extérieur à la décision qui est un indice plus théorique 1754 . Par ailleurs, l’identification de ces signes doit s’accompagner de la prise en considération de nuances à la définition de l’autorité de la chose jugée, nuances qui sont doubles : la première concerne le caractère relatif de cette autorité 1755 et la seconde s’applique au qualificatif ‘ « jugée ’ » de cette ‘ « chose ’ » 1756 .

Pour autant, il n’est pas certain que l’autorité de la chose jugée soit un critère pertinent de définition d’une juridiction. Ce serait plutôt l’existence d’une juridiction qui attesterait cette autorité de la chose jugée, car ‘ « on ne peut pas faire de l’existence de l’autorité de la chose jugée, le critère de l’acte juridictionnel, précisément parce que, dans un grand nombre de cas, la question sera justement de savoir si une décision a autorité de la chose jugée » 1757 . L’autorité de la chose jugée serait considérée davantage comme un effet que comme un critère de définition 1758 . Dans le cadre du droit international, cette ‘ « question ’ » est particulièrement aiguë dans la mesure où, ‘ « en présence de la décision d’un organe, les gouvernements doivent savoir si elle offre l’autorité d’une sentence obligatoire ou si elle se ramène à une simple proposition, à une recommandation, à un conseil » 1759 . En outre, l’utilisation de ce critère pour déterminer la juridictionnalité peut même paraître à certains égards une démarche surannée qui consiste à ‘ « se contenter des apparences ’ » 1760 . L’autorité de la chose jugée peut donc être vue comme ‘ « un élément annexe dans la définition théorique de la fonction juridictionnelle » 1761 .

Néanmoins, si l’autorité de la chose jugée peut, certes, être appréhendée comme un effet et une apparence de juridictionnalité et non comme l’un de ses critères, il faut pourtant considérer le particularisme de la présente démarche : la recherche d’une qualification juridictionnelle d’un mécanisme de règlement des différends interétatiques se heurte à une double difficulté majeure qui tient au fait que ce mécanisme est imprécis à la fois dans ses effets et par ses apparences. Ce mécanisme est imprécis dans ses effets car, d’une part, la souveraineté étatique freine, voir bloque, habituellement toute notion d’autorité supra-étatique 1762 et, d’autre part, il est constitué d’un agencement entre des instances mémorandaires titulaires d’un dictio et un ORD à vocation politique. Ce mécanisme est imprécis par ses apparences car il semble à première vue emprunter à différents modes classiques de règlement des différends interétatiques. Aussi ces effets et ces apparences doivent-ils être abordés et clarifiés dans la mesure où ils pourraient justement plaider en défaveur de la reconnaissance d’une juridictionnalité qui peine à s’affirmer dans un contexte contingent – parce que commercial – et spécifique – parce qu’international. En réalité, s’il faut considérer avec Mme Ruiz Fabri que ‘ « le fait que le terme [d’autorité de la chose jugée] ne soit pas employé ne fait pas en soi obstacle à la qualification de juridiction ’ » 1763 , il faut également considérer que l’établissement d’une autorité de la chose jugée renforcerait considérablement la démonstration d’une juridictionnalité et que, partant, cette recherche devient incontournable eu égard aux difficultés particulières de cette démonstration appliquée à un système de règlement des différends qui sont interétatiques, commerciaux et dans le cadre d’une Organisation spécialisée.

Bien entendu, la considération précédente selon laquelle la caractérisation d’une juridiction peut s’arrêter à la démonstration d’un juris dictio est toujours valable mais la remarque liée à la fragilité de cette considération l’est également 1764 . Dans ce cadre, les effets et les apparences deviennent des critères de définition puisque, justement, se sont eux qui risquent de mettre à mal la démonstration d’une juridictionnalité. L’autorité de la chose jugée peut donc à bon droit être considérée comme un critère déterminant de la définition d’une juridiction. Elle reste tout de même et un effet et une apparence de juridictionnalité ce qui, en réalité, en fait une condition nécessaire mais non suffisante de cette juridictionnalité. Mais ce statut particulier n’est pas ignoré puisque son étude s’inscrit dans une analyse bien plus générale qui a déjà abordé les aspects formels et certains aspects matériels du système mémorandaire. Le pragmatisme préside, de la sorte, à l’établissement d’une juridictionnalité et il est éminemment critiquable du fait d’une théorisation, par voie de conséquence, timide. Cependant, il constitue sans doute la moins mauvaise démarche dans le souci d’une approche la plus large et la plus complète possible de ce système particulier de règlement des différends. La recherche du critère de l’autorité de la chose jugée peut donc bien participer efficacement à la qualification juridictionnelle du système mémorandaire.

La reconnaissance d’une autorité de la chose jugée appliquée aux décisions des groupes spéciaux ou de l’Organe d’appel est souvent difficilement admise. Certains auteurs – minoritaires – sont catégoriques et affirment sans détour que les ‘ « rapports des groupes spéciaux ou de l’Organe d’appel (…), tout comme à l’époque du GATT, ne bénéficient pas de l’autorité de la chose jugée. Ces rapports tirent leur force juridique non pas de leur propre nature, mais de leur adoption par l’Organe de Règlement des Différends (…). (…) Il est intéressant de constater que, à la différence de l’article 59 du Statut de la Cour Internationale de Justice, le Mémorandum ne contient aucune disposition relative au caractère contraignant des décisions de l’ORD » 1765 . Une majorité d’autres auteurs sont moins péremptoires en n’excluant pas totalement l’idée d’autorité. Ils hésitent pourtant à reconnaître explicitement une véritable autorité de la chose jugée et utilisent une palette de nuances assez large. Ils préfèrent, par exemple, parler d’‘ » une sorte d’autorité proche de "l’autorité de la chose jugée" caractérisant les procédures juridictionnelles ordinaires ’ » 1766 acquise ‘ « de facto (…) en droit international du commerce » 1767 ou encore considérer que ‘ « les rapports n’ont pas l’autorité de la chose jugée » 1768 mais plutôt ‘ « l’autorité de la chose interprétée » que l’‘ » on ne peut sous-estimer » 1769 . Dans le même sens, certains démontrent une gradation qui commencerait par ‘ « l’autorité juridique atténuée des groupes spéciaux », passerait par ‘ « l’autorité juridique renforcée de l’Organe d’appel » ’et se conclurait par ‘ « l’autorité juridique obligatoire conférée par l’ORD » 1770 , tout en précisant que ‘ « les décisions et recommandations de l’Organe d’appel, une fois adoptées par l’ORD, n’acquièrent pas une véritable "autorité de chose jugée", au sens strictement juridique » car ‘ « l’Organe d’appel n’est pas une véritable juridiction. Si ses décisions sont juridiquement contraignantes, elles ne sont pas juridiquement obligatoires » 1771 .

Ces hésitations doctrinales sont facilement compréhensibles par la prise en considération de la participation d’une entité particulière au règlement mémorandaire des différends : l’ORD. En effet, le Mémorandum attribue à cet organe un rôle central et déterminant dans le règlement des différends qu’il organise : l’ORD a pour fonction d’adopter les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel 1772 . Du fait de ce mécanisme d’adoption, le juris dictio unifié obtenu par l’articulation fonctionnelle des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel doit subir une décision d’acceptation ou de rejet de la part d’un organe extérieur à ceux qui l’ont produit. De la sorte, une autorité de la chose jugée est difficile à établir. Elle devrait, étant par définition la conséquence d’un processus juridictionnel, s’appliquer en toute logique à la décision unique issue d’un juris dictio unifié assuré par l’articulation entre les deux instances mémorandaires formellement de type juridictionnel ; elle devrait ainsi parfaire la juridictionnalité d’un système mémorandaire composé d’un degré unique – le groupe spécial – et d’une instance cassatoire – l’Organe d’appel. Or, le mécanisme d’adoption des rapports de ces instances par l’ORD induit un risque de rejet ou de modification de ces rapports, de telle sorte que cette autorité ne peut s’appliquer aux décisions des instances qu’avec l’aval de l’ORD ; organe adoptant, et s’applique donc formellement aux décisions de l’ORD.

Le Mémorandum confirme l’absence d’autorité des rapports au profit de l’ORD. Le groupe spécial se présente clairement comme une aide à la prise de décision de l’ORD. En effet, ‘ « la fonction des groupes spéciaux est d'aider l'ORD à s'acquitter de ses responsabilités au titre du présent mémorandum d'accord et des accords visés. En conséquence, un groupe spécial devrait procéder à une évaluation objective de la question dont il est saisi (…) et formuler d'autres constatations propres à aider l'ORD à faire des recommandations ou à statuer ainsi qu'il est prévu dans les accords visés ’ » 1773 . Ce rôle d’aide est confirmé par le mandat type énoncé par le Mémorandum et formulé de manière très similaire à la disposition précédemment citée 1774 . Si le Mémorandum est moins explicite sur la fonction de l’Organe d’appel par rapport à l’ORD, le rôle cassatoire précédemment établi de l’Organe d’appel lui donne pour fonction d’examiner le rapport du groupe spécial et non le différend initial. Aussi faut-il croire que l’Organe d’appel s’inscrit également parfaitement dans le rôle d’aide de l’ORD en ce sens qu’il confirme, infirme ou modifie des constatations qui constituent une telle aide. Par conséquent, le traitement effectif du différend appartient bien aux groupes spéciaux et à l’Organe d’appel mais il ne constitue que la préparation d’une décision formellement prise par l’ORD.

Certes, cette centralité de l’ORD ne serait pas problématique pour la reconnaissance d’une autorité de la chose jugée si cet organe pouvait être considéré comme une juridiction hiérarchiquement supérieure aux groupes spéciaux et à l’Organe d’appel. Alors, la décision juridictionnelle à laquelle s’applique l’autorité de la chose jugée serait celle qui, in fine, émane de l’ORD. Cependant, la caractérisation de cette autorité appliquée à la décision de l’ORD est mise à mal par l’identité et la fonction de cet organe qui ne sont pas de nature juridictionnelle. En effet, l’ORD est organiquement, le Conseil général réuni ‘ « pour s'acquitter des fonctions de l'Organe de règlement des différends prévu dans le Mémorandum » 1775  ; et ledit Conseil général est ‘ « composé de représentants de tous les Membres » et doit exercer, ‘ « dans l'intervalle entre les réunions de la Conférence ministérielle, les fonctions de celle-ci » 1776 . Quant à cette Conférence ministérielle, elle est l’organe politique essentiel de l’Organisation puisqu’elle est ‘ « composée de représentants de tous les Membres, qui se réunira au moins une fois tous les deux ans. La Conférence ministérielle exercera les fonctions de l'OMC, et prendra les mesures nécessaires à cet effet. La Conférence ministérielle sera habilitée à prendre des décisions sur toutes les questions relevant de tout Accord commercial multilatéral » 1777 . De la sorte, l’ORD est une réunion particulière d’un organe directeur de l’OMC qui exerce la fonction politique de et en l’absence de la Conférence ministérielle, pouvoir décisionnel fondamental. Aussi l’ORD peut-il apparaître comme ‘ « un organe fondamentalement politique ’ » 1778 , en raison de sa composition et de sa fonction.

Cette identité politique de l’ORD peut être discutée à la lumière du droit conventionnel de l’OMC. Ce caractère politique est évident au vu de la composition, de nature diplomatique, de l’ORD ; il est également significatif d’une différenciation de la nature de cet Organe par rapport à une entité juridictionnelle qui serait, elle, composée de juges et non d’une représentation diplomatique de chaque Etat membre de l’organisation internationale. Pourtant, les textes ne semblent pas faire ressortir une fonction clairement politique. L’Accord instituant l’OMC prévoit que, au titre des ‘ « fonctions de l’OMC ’ » 1779 , ‘ « l’OMC administrera le Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends ’ » 1780 . Cette fonction particulière est exercée par la Conférence ministérielle 1781 qui s’en s’acquittera par l’intermédiaire du Conseil général 1782 , lui-même réuni pour s’acquitter des fonctions de l’ORD 1783 . Ce dernier a donc pour fonction l’administration du Mémorandum, ce que ce dernier confirme en disposant que ‘ « l’Organe de règlement des différends est institué pour administrer les présentes règles et procédures et, sauf disposition contraire d'un accord visé, les dispositions des accords visés relatives aux consultations et au règlement des différends » 1784 . Ces dispositions insistent donc sur le caractère ‘ « administratif ’ » de la fonction attribuée à l’ORD, terme qui renvoie aussi bien à l’idée de gestion qu’à celle de fonction consistant à assurer l’application des normes et la marche des mécanismes conformément à une volonté politique 1785 . Aussi le caractère politique de l’ORD, tiré de sa composition, est-il atténué par la mise en valeur de sa fonction administrative.

En réalité, une ambiguïté demeure car, du fait de son rôle administratif, « l’ORD aura le pouvoir d’établir des groupes spéciaux, d’adopter les rapports de groupes spéciaux et de l’organe d’appel, d’assurer la surveillance de la mise en œuvre des décisions et recommandations, et d’autoriser la suspension de concessions et d’autres obligations » 1786 . Ainsi, cette fonction administrative contient donc un ‘ « pouvoir ’ » de décision attaché à l’adoption des rapports 1787 . L’ORD apparaît donc comme un organe essentiellement administratif assorti d’une compétence politique résidant dans le pouvoir d’adoption des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. Le Mémorandum place donc l’ORD au cœur du système décisionnel en lui attribuant le pouvoir politique d’adopter les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel.

Cette ambiguïté est particulièrement significative de la singularité de l’ORD : son pouvoir politique assuré par les textes devient administratif en considération du mode d’adoption de ses décisions. En effet, le mécanisme du consensus négatif présidant à l’adoption des rapports enlève à l’ORD tout pouvoir de décision en rendant l’adoption automatique, de telle sorte que le rôle politique de l’ORD devient administratif 1788 . Aussi faut-il plutôt considérer l’ORD comme un organe administratif que comme un organe politique.

En tout cas, que l’ORD soit de nature politique et/ou administrative, il n’est en aucune façon un organe juridictionnel à part entière ni une composante d’un ordre juridictionnel. L’ambiguïté de sa fonction hésite entre le politique et l’administratif mais ne considère pas le juridictionnel. Deux raisons principales président à cette absence de juridictionnalité. La première est organique et tient au fait que l’ORD a une composition de nature diplomatique qui ne peut, à ce titre, constituer le fondement organique adéquat d’une juridictionnalité. La seconde raison est procédurale et substantielle ; elle réside dans le fait que l’ORD ne participe en aucun cas directement à l’examen et au traitement du différend de l’espèce mais dispose simplement d’une fonction d’administration des règles et procédures organisant le règlement mémorandaire des différends. Ces deux raisons justifient la mise à l’écart, déjà opéré précédemment, de l’ORD dans la recherche de la juridictionnalité formelle et matérielle du système mémorandaire. Cette juridictionnalité provient en effet, de l’articulation entre groupes spéciaux et Organe d’appel et se caractérise par la décision issue du juris dictio unifié qui est alors prononcée. Elle n’a donc pas besoin de tenir compte de l’ORD qui n’a comme activité que d'être le cadre dans lequel se déroule la constitution organique et le déroulement procédural du système mémorandaire.

En revanche, elle a besoin qu’une autorité de la chose jugée soit conférée à la décision qui en est la conséquence ; et là se situe l’hésitation des auteurs sur la reconnaissance d’une autorité effective de la chose jugée. Le rôle effacé de l’ORD dans le processus d’élaboration d’une solution de règlement du différend semble, à la lecture du Mémorandum, redevenir central lors du processus de décision en transformant la solution en décision. De la sorte, l’autorité de la chose jugée, qui aurait pu caractériser la décision unifiée des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel, est annihilée par le processus d’adoption, pouvoir politique confié par le Mémorandum à un organe, externe à ces deux instances, de nature non-juridictionnelle. Si cette phase d’adoption ne porte pas atteinte à la teneur de ce juris dictio dans la mesure où l’ORD n’a comme alternative que de l’adopter ou de le refuser, elle est susceptible de porter atteinte à son effectivité en cas de rejet. Ainsi, au lieu d’une autorité de chose jugée, les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel se voient conférer soit, par le rejet de l’adoption, une invalidation soit, par cette adoption, une autorité. Cette invalidation et cette adoption sont de nature politique puisqu’elles sont la conséquence de la décision politique de l’ORD. C’est cette conclusion qui provoque l’embarras des auteurs cherchant à caractériser l’autorité des décisions émanant du fonctionnement mémorandaire et, partant, cherchant à qualifier le système de règlement organisé par le Mémorandum.

Nonobstant, cette conclusion est simpliste et, pour tout dire, inexacte. L’effectivité et l’autorité des décisions semblent découler de l’adoption des rapports de ces instances par l’ORD, ce qui fonde une absence d’autorité de la chose jugée et, partant, l’absence de juridictionnalité véritable des instances de règlement pourtant titulaires du juris dictio. Cette autorité serait politique car elle proviendrait de l’ORD. Or, le système mémorandaire n’est pas pour autant qualifié de système politique mais plutôt de ‘ « système quasi-juridictionnel de règlement des litiges » 1789 . Les observateurs du Mémorandum et de son fonctionnement, s’ils hésitent à reconnaître une véritable autorité de la chose jugée, ne concluent pas immédiatement au caractère politique du système mémorandaire. En outre, la question se pose de savoir pourquoi le Mémorandum et sa pratique, par les instances comme par les Etats Membres, confèreraient une juridictionnalité à la fois formelle et matérielle au système mémorandaire alors que cette dernière aboutirait, in fine, à une décision politique prononcée par l’ORD. Il est difficile de concevoir une aide à la décision politique qui soit sous la forme juridictionnelle. En conséquence, il serait illogique que cette autorité de la chose jugée n’existât pas.

Ainsi, cette apparente exclusion de la juridictionnalité du système mémorandaire comprenant les groupes spéciaux et l’Organe d’appel doit être discutée. La conclusion d’une autorité politique omet de se fonder sur le processus d’adoption prévu par le Mémorandum ainsi que sur sa pratique. La question se pose donc de savoir si cette adoption concurrence et, de ce fait, annihile une autorité de la chose jugée qui pourrait confirmer la juridictionnalité du système mémorandaire ou si, au contraire, cette adoption n’est que formelle. Il serait en effet possible de supposer que le défaut d’adoption ne porte pas atteinte à l’existence et à la portée de la décision que le groupe spécial et, éventuellement, l’Organe d’appel ont élaborée. Aussi cette autorité de la chose jugée doit-elle être confrontée, dans sa définition, au fonctionnement même du système mémorandaire afin de déduire de cette confrontation l’effectivité ou l’absence d’une telle autorité et, partant, d’une telle juridictionnalité. Les critères de définition précédemment dégagés – à savoir un principe accompagné de deux indices négatifs et de deux nuances – peuvent, pour ce faire, constituer une utile base de confrontation entre définition et réalité. Cette recherche pragmatique est nécessaire car, si d’aventure l’autorité de chose jugée n’apparaissait pas explicitement dans le Mémorandum, elle n’en serait pas pour autant exclue et devrait être identifiée.

Le principe d’une autorité de la chose jugée doit être reconnu par le Mémorandum qui ne paraît pourtant pas enclin à le poser. En effet, d’un point de vue lexical, l’action respective des groupes spéciaux, de l’Organe d’appel et de l’ORD n’est pas clairement distinguée. S’il semble que le travail des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel débouche sur un ‘ « rapport ’ » et se distingue de celui de l’ORD qui consiste en des ‘ « recommandations » 1790 ou des ‘ « recommandations et décisions ’ » 1791 , le Mémorandum reste parfois flou sur l’origine de ces recommandations et décisions 1792 . Il parle même de ‘ « constatations et recommandations » contenues dans les rapports des groupes spéciaux 1793 , de ‘ « recommandations d’un groupe spécial ou de l’Organe d’appel » 1794 , ou encore de ‘ « leurs constatations et leurs recommandations » 1795 . En outre, il semble supposer quand il traite de « l’adoption des recommandations et décisions » que celles-ci existent avant leur adoption et sont donc le fait des groupes spéciaux ou de l’Organe d’appel 1796 . Il reste que le terme ‘ « décision ’ » est explicitement lié à l’ORD – quand cette liaison est précisée – et non aux groupes spéciaux ou encore à l’Organe d’appel 1797 . Malgré cette liaison assez claire, l’identification d’une autorité et sa qualification – soit de chose jugée soit politique – ne peuvent être menées du fait d’une confusion lexicale qui n’aide pas à la clarté du texte.

De même, d’un point de vue substantiel, le mécanisme organisé par le Mémorandum est confus sur l’existence même d’une autorité s’imposant aux parties. En effet, ce texte n’affirme jamais explicitement un objectif clair de règlement des différends par imposition d’une solution aux parties mais préfère disposer que ‘ « les demandes de conciliation et le recours aux procédures de règlement des différends ne devraient pas être conçus ni considérés comme des actes contentieux, et (…), si un différend survient, tous les Membres engageront ces procédures de bonne foi dans un effort visant à régler ce différend  ’» 1798 . Cette disposition est emblématique de l’esprit du texte : il n’est pas question d’organiser un système aboutissant au prononcé d’une décision que les parties devront respecter mais plutôt d’établir un cadre dans lequel les parties pourront elles-mêmes régler leurs différends. D’autres articles du Mémorandum véhiculent cette même idée quand, par exemple, il est dit que le système mémorandaire ‘ « a pour objet de préserver les droits et les obligations résultant pour les Membres des accords visés, et de clarifier les dispositions existantes de ces accords ’ » 1799 , ou encore que, ‘ « en formulant ses recommandations ou en statuant sur la question, l’ORD visera à la régler de manière satisfaisante ’ » 1800 .

D’aucuns semble confirmer cette absence totale d’autorité qui ressortirait de la confusion suscitée par le texte du Mémorandum, en constatant que, ‘ « à la différence de l’article 59 du Statut de la Cour Internationale de Justice, le Mémorandum ne contient aucune disposition relative au caractère contraignant des décisions de l’ORD » 1801 . Cependant, ce propos doit être nuancé. En énonçant que ‘ « la décision de la Cour n'est obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé  ’», cet article 59, s’il induit une telle autorité, a pour objectif principal de préciser son caractère relatif. En outre, même l’article 60 de ce Statut, en prévoyant que ‘ « l’arrêt est définitif et sans recours ’ » 1802 , insiste davantage sur la procédure que sur les effets de la décision. Surtout, ces deux articles qui fondent habituellement l’effectivité d’une autorité ne la prévoient pas formellement. Elle est en réalité dégagée par les études doctrinales relevant – quand elle est clairement une autorité de chose jugée car s’appliquant à une décision émanant directement d’une juridiction – qu’elle est un principe général de droit consacré par la jurisprudence 1803 . Ainsi, si le Statut de la CIJ est moins implicite que le Mémorandum, il n’est pas pour autant explicite sur la reconnaissance d’une autorité effective. Le Mémorandum n’est pas sur ce point totalement muet puisque, en disposant, comme il a déjà été constaté, que le ‘ « rapport de l'Organe d'appel sera adopté par l'ORD et accepté sans condition par les parties au différend » 1804 et que, ‘ « pour que les différends soient résolus efficacement dans l'intérêt de tous les Membres, il est indispensable de donner suite dans les moindres délais aux recommandations ou décisions de l'ORD » 1805 , il semble suggérer l’existence d’une telle autorité. En prévoyant une acceptation « sans condition » ainsi que le caractère ‘ « indispensable ’ » de la suite à donner ‘ « aux recommandations ou décisions de l’ORD » ’, le Mémorandum montre la nécessité d’un respect de la décision par les parties.

Le Mémorandum reconnaît donc, bien qu’implicitement, l’existence d’une autorité dévolue aux décisions prises dans le cadre du fonctionnement du système de règlement qu’il organise. La confusion lexicale et substantielle sur l’existence même d’une quelconque autorité ne peut aboutir à la conclusion d’une absence totale d’autorité. Au contraire, le Mémorandum consacre explicitement la centralité décisionnelle de l’ORD et l’autorité de sa décision politique. En effet, deux dispositions semblent principalement assurer la centralité de la condition d’adoption, même si elles le font de manière implicite. La première prévoit qu’‘ » un rapport de l'Organe d'appel sera adopté par l'ORD et accepté sans condition par les parties au différend, à moins que l'ORD ne décide par consensus de ne pas adopter le rapport de l'Organe d'appel, dans les 30 jours suivant sa distribution aux Membres  ’» 1806 . La seconde affirme que, ‘ « pour que les différends soient résolus efficacement dans l'intérêt de tous les Membres, il est indispensable de donner suite dans les moindres délais aux recommandations ou décisions de l'ORD » 1807 .Cette acceptation ‘ « sans condition ’ » semble signifier que les parties ne peuvent que reconnaître la teneur de la décision à partir du moment où celle-ci a été adoptée par l’ORD, et le caractère ‘ « indispensable ’ » de la suite à donner ‘ « aux recommandations ou décisions de l’ORD » ’ montre que c’est l’adoption des rapports par l’ORD – qui ne formule pas même de telles recommandations ou décisions – qui entraîne la nécessité d’un respect de la décision par les parties.

Néanmoins, la garantie d’une autorité ne signifie pas que la juridictionnalité du système est assurée car cette autorité n’est pas forcément de chose jugée. Elle semble même être au contraire une autorité politique peu compatible par nature avec une autorité de chose jugée, du fait de la participation déterminante de l’ORD. Le Mémorandum semble donc exclure toute autorité de chose jugée au bénéfice d’une décision politique. Si ces deux dernières dispositions citées ne sont pas explicites quant à la catégorisation de l’autorité des décisions émanant du système mémorandaire, elles semblent pourtant suggérer que les parties ne doivent se conformer aux conclusions des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel qu’à partir du moment où ces rapports ont été adoptés par l’ORD. L’Organe d’appel confirme le rôle substantiel de l’adoption quand il confirme la conclusion du groupe spécial selon laquelle les rapports des groupes spéciaux non adoptés ‘ « "n'[ont] aucun statut juridique dans le système du GATT ou de l'OMC car ils n'[ont] pas été approuvés sur décision des PARTIES CONTRACTANTES du GATT ou des Membres de l'OMC" ’ » alors que les rapports ‘ « adoptés ’ » ont une ‘ « force obligatoire ’ » ‘ « entre les parties en cause » 1808 .

A ce stade, les hésitations doctrinales précédemment mentionnées se trouvent pleinement justifiées par la centralité d’un organe non-juridictionnel dans un mécanisme d’adoption qui s’ajoute au prononcé d’un juris dictio unifié émanant des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. Le principe d’une autorité de la chose jugée n’est pas explicitement posé par le Mémorandum et semble victime de la prédominance de l’autorité politique de l’adoption décidée par l’ORD. Il reste que, si ces dispositions mémorandaires ne permettent pas, loin s’en faut, d’affirmer la consécration d’une autorité de la chose jugée des décisions, l’Organe d’appel est moins catégorique sur ce point. Il reconnaît, dès son deuxième rapport, que ‘ « les rapports de groupes spéciaux adoptés (…) n'ont aucune force obligatoire, sauf pour ce qui est du règlement du différend entre les parties en cause » 1809 . Surtout, l’Organe d’appel note dans le même Rapport ‘ « que le Statut de la Cour internationale de justice prévoit expressément, à l'article 59, des dispositions semblables » 1810 . Ce faisant, il rapproche explicitement la force obligatoire, qu’il attribue aux décisions des groupes spéciaux et qu’il destine aux parties, de l’article du Statut de la CIJ qui est un fondement du principe de l’autorité de la chose jugée.

Nonobstant, cette clarification de l’effectivité de la chose jugée n’est pas suffisante. En effet, comme le constate un groupe spécial, ‘ « la question générale de l'applicabilité du principe de la chose jugée dans les procédures de règlement des différends de l'OMC a une importance systémique. Il semble qu'elle n'a jamais été abordée explicitement dans le cadre de ces procédures. De même, un principe général de la chose jugée n'a jamais été évoqué ou adopté par ailleurs par un groupe spécial ou par l'Organe d'appel, bien qu'il soit indéniable que certains principes largement admis du droit international ont été jugés applicables dans les procédures de règlement des différends de l'OMC, en particulier eu égard à des questions de procédure fondamentales » 1811 . ‘ « Le texte du Mémorandum d'accord ne traite pas directement de cette question. Plus généralement, il ne renferme aucune disposition expresse concernant le statut des rapports de groupes spéciaux ou de l'Organe d'appel qui ont été adoptés ’ » 1812 .

Ainsi, malgré quelques signes implicites, le principe d’une autorité de la chose jugée appliquée aux décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel n’est pas posé. Au contraire, semble dominer le principe d’une autorité politique découlant de la décision d’adoption qui incombe à l’ORD. Cette autorité de la chose jugée n’étant pas consacrée dans son principe, ni par le droit conventionnel de l’OMC ni par la jurisprudence des instances de règlement mémorandaires, elle doit être recherchée dans les indices et nuances précédemment établis qui sont des signes déterminants de son effectivité en l’absence d’une telle consécration. Cette démarche pragmatique pourrait être critiquée au motif que l’absence d’un principe garanti textuellement ou, à la rigueur, assuré par la jurisprudence mémorandaire, suffit à rejeter cette notion d’autorité particulière. Néanmoins, force est de constater que, même en droit international public général, cette notion ne fait pas l’objet d’une consécration textuelle explicite. En outre, l’organisation du système mémorandaire est telle qu’il est difficile pour les groupes spéciaux et l’Organe d’appel de reconnaître une telle autorité à l’encontre de la légitimité politique de l’ORD, comme il est impossible pour un ORD cantonné à un rôle administratif d’établir cette autorité.

Le premier signe précédemment énoncé de l’effectivité d’une autorité de la chose jugée est celui de l’absence de contestation de la décision. En d’autres termes, il faut que la décision juridictionnelle ne puisse pas ou plus faire l’objet d’un recours devant une autre juridiction. Dans le cadre du règlement des différends relatifs à l’application des accords OMC, la recherche de ce signe implique d’identifier la décision et d’examiner son devenir. La décision finale formulée par le système mémorandaire est fondamentalement le rapport du groupe spécial modifié ou non par le rapport de l’Organe d’appel – et juridiquement ce même rapport adopté par l’ORD. Le Mémorandum dispose que, ‘ « dans les 60 jours suivant la date de distribution du rapport d'un groupe spécial aux Membres, ce rapport sera adopté à une réunion de l'ORD, à moins qu'une partie au différend ne notifie formellement à l'ORD sa décision de faire appel (…). Si une partie a notifié sa décision de faire appel, le rapport du groupe spécial ne sera pas examiné par l'ORD, en vue de son adoption, avant l'achèvement de la procédure d'appel » 1813 . En outre, le ‘ « rapport de l'Organe d'appel sera adopté par l'ORD et accepté sans condition par les parties au différend (…) dans les 30 jours suivant sa distribution aux Membres » 1814 . Le devenir de la décision est donc le suivant : le caractère définitif pour les parties de la décision issue du système mémorandaire est dû à l’acceptation ‘ « sans condition par les parties  ’» du rapport de l’Organe d’appel ‘ « adopté par l’ORD ’ » 1815 et ce rapport, étant cassatoire, est la confirmation et/ou la modification du rapport du groupe spécial 1816 .

Plus clairement, la décision du groupe spécial peut être contestée devant l’Organe d’appel pendant un certain délai strictement fixé et la décision de l’Organe d’appel, ou celle du groupe spécial si aucun appel n’est formulé, ne peut plus être contestée directement par les parties. De la sorte, une absence de contestation équilibrée est assurée, qui n’empêche pas un recours d’une partie mécontente par la voie de l’appel 1817 mais le limite à la fois par des délais et par son unicité. La contestation est donc possible mais enfermée dans un certain cadre afin qu’elle ne puisse porter atteinte de manière déterminante au caractère définitif de la décision. Cette contestation équilibrée pourrait fort bien établir une autorité de la chose jugée attachée au rapport du groupe spécial ou, en cas d’appel, au rapport de l’Organe d’appel puisque le premier rapport est définitif si aucun recours à l’Organe d’appel n’est effectué dans un délai strictement fixé par le Mémorandum et le second rapport n’est pas susceptible de recours.

Cependant, une autre contestation existe qui vient bouleverser ce schéma éminemment juridictionnel. Elle n’est pas directement le fait des parties mais elle provient du refus d’adopter décidé par l’ORD. Cette contestation est forte puisque le rapport du groupe spécial, tel qu’éventuellement modifié par l’Organe d’appel, est systématiquement soumis à l’ORD qui peut décider de ne pas l’adopter. Si la contestation par les parties est limitée et ne peut aboutir à une absence de décision, la contestation par l’ORD est, quant à elle, définitive puisque la décision politique du refus d’adoption est insurmontable et conduit à la remise en cause totale de la décision du groupe spécial ou de l’Organe d’appel. L’effectivité de l’autorité de la chose jugée est ainsi niée et remplacée par l’autorité politique du refus d’adoption. Certes, ‘ « par l’adoption, l’ORD endosse les conclusions du panel et rend le rapport opposable aux parties en litige » 1818 . Néanmoins, la force de cette contestation doit être discutée et peut être foncièrement relativisée.

D’une part, cette contestation est limitée au refus d’adoption. L’ORD n’a pas la possibilité de modifier ou d’infirmer partie du rapport. Il ne peut qu’adopter ou refuser d’un bloc le rapport. Bien entendu, cette contestation est, de la sorte, limitée à l’essentiel qui est l’effectivité du rapport soumis à l’adoption. Mais cette alternative peut influencer de manière déterminante l’ORD qui n’aura d’autre choix que d’accepter le passage en force d’un rapport globalement satisfaisant et d’adopter ce rapport même si certaines de ses constatations ou conclusions sont l’objet de contestations, dans la mesure où une adoption sélective ou la modification de parties de ce rapport sont impossibles. Bien entendu, l’ORD peut également refuser d’adopter un rapport globalement satisfaisant au motif qu’il ne veut pas ‘ « laisser passer » ’des approximations ou des points avec lesquels il ne serait pas en accord. Néanmoins, cette démarche sévère, si elle a le mérite d’inciter les groupes spéciaux et l’Organe d’appel à la rigueur et à la complétude, aboutit au non-traitement du différend et à l’absence totale de décision sur ce différend puisque l’ORD ne peut substituer sa propre décision à un rapport qu’il aurait rejeté.

D’autre part, surtout, le mécanisme d’adoption est très particulier, au point qu’il enlève toute force de contestation alors que le positionnement et la fonction de l’ORD au sein du système mémorandaire semblaient pourtant la garantir et même en assurer la suprématie. En effet, le mode de prise de décision est le suivant : ‘ « dans les cas où les règles et procédures du présent mémorandum d'accord prévoient que l'ORD doit prendre une décision, celui-ci le fera par consensus » 1819  ; et ‘ « l'ORD sera réputé avoir pris une décision par consensus sur une question dont il a été saisi si aucun Membre, présent à la réunion de l'ORD au cours de laquelle la décision est prise, ne s'oppose formellement à la décision proposée ’ » 1820 . Ce principe étant posé, le Mémorandum va lui donner une application spécifique puisque le rapport du groupe spécial ‘ « sera adopté à une réunion de l'ORD, à moins qu'une partie au différend ne notifie formellement à l'ORD sa décision de faire appel ou que l'ORD ne décide par consensus de ne pas adopter le rapport » 1821 et que, pareillement, ‘ « un rapport de l'Organe d'appel sera adopté par l'ORD et accepté sans condition par les parties au différend, à moins que l'ORD ne décide par consensus de ne pas adopter le rapport de l'Organe d'appel, dans les 30 jours suivant sa distribution aux Membres » 1822 .

Le Mémorandum instaure donc un mécanisme de consensus négatif 1823 sur lequel il faut s’attarder puisqu’il détermine le processus d’adoption des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel par l’ORD et, partant, la dimension politique du système mémorandaire. Ce mécanisme particulier de consensus présidant à l’adoption des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel est dit négatif dans la mesure où la décision de l’ORD ne concerne pas l’adoption de ces rapports mais le refus de leur adoption. Toute décision de l’ORD devant être prise par consensus, c’est le refus d’adoption qui devra être pris par consensus et non la décision d’adopter, celle-ci étant induite par l’absence d’un consensus sur le rejet du rapport examiné. Or, il faut croire, d’après le seul examen du texte, que ce consensus ne sera jamais trouvé et que, partant, les rapports ne seront jamais rejetés. En effet, le rapport d’un groupe spécial, tel que complété ou non par le rapport de l’Organe d’appel, découle du traitement par ces instances d’un différend opposant deux parties. Il est l’expression d’un juris dictio qui tranche le différend en déclarant le comportement étatique objet du différend conforme ou non conforme au droit applicable. Ce faisant, ce rapport va satisfaire l’une des deux parties – le plaignant si le défendeur est condamné ou le défendeur si son comportement est déclaré conforme – qui en sa qualité de Membre de l’OMC est membre de l’ORD. Cette partie satisfaite n’aura aucun intérêt à voir le rapport rejeté par l’ORD. Elle ne participera donc pas à un éventuel consensus visant à rejeter ledit rapport et, ainsi, fera échouer de son seul fait le rejet, provoquant par voie de conséquence l’adoption dudit rapport.

Le rejet par consensus devient ainsi ‘ « pure hypothèse d’école » 1824 . En outre, même à supposer que le rapport soit mitigé en ne donnant qu’une déclaration partielle de conformité et que les deux parties soient insatisfaites, elles le sont pour des raisons diamétralement opposées. Il devient alors fort peu probable qu’elles soient en accord sur le rejet de ce rapport alors qu’elles étaient opposées par le différend que ce rapport tente de régler, qui plus est à l’initiative d’une des deux parties qui bénéficie du système de l’attraction obligatoire et qui admettra difficilement le rejet d’un rapport qui est le résultat du mécanisme qu’elle a voulu enclencher.

Plus généralement, le système du consensus donne un droit de veto à chacun des membres de l’assemblée en charge de la décision, et ce de manière individuelle. L’ORD étant composé des représentants de tous les – nombreux – Membres de l’OMC, chacun d’entre eux pourra bloquer la formation d’un consensus sur le rejet de l’adoption d’un rapport d’un groupe spécial ou de l’Organe d’appel. Ce droit de veto pourra être utilisé facilement pour de nombreuses raisons par de multiples acteurs : des ‘ « petits ’ » Etats en quête d’une affirmation de leur poids diplomatique sur la scène commerciale internationale ; des Membres liés à l’une des deux parties par des objectifs similaires ou encore des politiques communes ; des relations extra-commerciales fortes qui ne supporteraient pas des dissensions ou des accords de circonstance ; des désaccords profonds ou des tensions qui trouveraient un nouveau terrain d’expression dans la recherche d’un consensus sur ce rejet ; une volonté de monnayer des soutiens dans des domaines qui peuvent parfaitement dépasser les seules relations commerciales ; un enjeu faible de l’utilisation de ce droit de veto puisque ce dernier s’applique au rejet d’un rapport qui concerne le règlement d’un différend particulier et borné au problème qu’il soulève. D’autres raisons et d’autres acteurs peuvent être identifiés, qui tous relèvent du caractère diplomatique de l’ORD, organe en charge de la décision d’adoption de ces rapports.

De la sorte, un consensus sur le rejet du rapport du groupe spécial, tel qu’éventuellement complété par celui de l’Organe d’appel ne sera jamais trouvé. Le mécanisme du consensus négatif aboutit donc, par le simple examen du texte du Mémorandum, à l’adoption automatique des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel par l’ORD. L’étude de la pratique confirme cette conclusion puisque, depuis 1995, l’ORD a toujours adopté les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel qui lui étaient soumis. La supposition de M. Jackson selon laquelle ‘ « cette sorte de "consensus négatif" pourra être détruite par toute objection majeure, émanant d’un groupe considérable d’Etats membres ou de tel ou tel des plus importants d’entre eux » 1825 ne s’est pas réalisée et ne semble finalement pas devoir l’être. Par ailleurs, un blocage de l’adoption pourrait être effectif par l’absence d’examen de ces rapports en vue de leur adoption. Si la décision d’adoption est automatique du fait de l’impossibilité de réunir un consensus contre cette adoption, elle pourrait très bien ne pas être prise si l’ORD n’examine pas ou examine trop tardivement ledit rapport. Néanmoins, le Mémorandum organise des conditions strictes de délais 1826 qui, en pratique, sont relativement bien respectées 1827 . L’adoption des rapports par l’ORD est, par conséquent, automatique. Ce dernier caractère est implicitement organisé par le Mémorandum et consacré par la pratique, de telle sorte que les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel ne peuvent, en réalité, être contestés par l’ORD.

Les observateurs du système mémorandaire ont immédiatement relevé la centralité de ce mécanisme de consensus négatif et les implications qu’il pouvait avoir sur l’autorité des décisions émanant des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. L’adoption des rapports n’est pas ‘ « assortie d’une soupape de sécurité » 1828 mais se caractérise par une ‘ « absence d’aléa » 1829 . Ainsi, le mécanisme du consensus négatif a ‘ « pour effet de renforcer singulièrement les effets de la procédure jusqu’à leur conférer une sorte d’autorité proche de "l’autorité de la chose jugée" caractérisant les procédures juridictionnelles ordinaires  ’» 1830 . Il résulte de ce mécanisme que ‘ « les rapports sont devenus en pratique, sinon en droit, automatiquement contraignants » 1831 . Le ‘ « caractère automatique de l’adoption (…) débarrasse la phase d’adoption de la charge politique » et ‘ « ne laisse pas de marge de manœuvre et, en ce sens, peut "coincer" les parties » ’ ; ‘ « une échappatoire : réussir à faire adopter une interprétation authentique qui infirme la position endossée par l’ORD, ce qui suppose seulement de convaincre les ¾ des membres  ’» 1832 . Ce mécanisme du consensus négatif est d’ailleurs à ce point central et audacieux que son application peut faire craindre, par exemple, un manque de souplesse pourtant nécessaire pour des raisons politiques ou encore un manque de considération de la notion de souveraineté, manque risquant de mettre en péril le système mémorandaire 1833 .

Cependant, ces remarques sont souvent hésitantes dans la reconnaissance explicite de l’impuissance de l’ORD et, partant, d’une autorité de chose jugée effective et pleine. Il est question de ‘ « quasi-automaticité de l’adoption des rapports » 1834 et non clairement d’une adoption automatique. En outre, l’existence d’une adoption par l’ORD, fut-elle formelle et automatique, bloque la juridictionnalité du système mémorandaire car l’existence d’une fonction d’adoption confiée à un organe de type diplomatique parasite cette conclusion. Certains vont considérer l’ORD, du fait d’un consensus négatif, comme un ‘ « organe quasi juridictionnel » 1835 ou comme un ‘ « organe politique ’ » dont l’intervention implique que ‘ « le rapport établi en appel n’a pas l’autorité de la chose jugée, n’est pas obligatoire per se pour les parties à l’instance » ’ ‘ 1836 ’ ‘ et concluent que « ce dispositif, même s’il réduit à la simple hypothèse d’école la possibilité que les Etats membres refusent (…) d’adopter un rapport d’un groupe spécial ou de l’Organe d’appel (…), il n’exclut pas que cette possibilité soit toujours existante, et préserve ainsi la souveraineté des Etats en la matière » 1837 . Le système mémorandaire est, par conséquent, au mieux ‘ « quasi-juridictionnel ’ » 1838 et la nature juridique exacte des rapports adoptés par l’ORD serait plus proche de la ‘ « décision individuelle de l’organisation ’ » que de la ‘ « décision à caractère juridictionnel  ’» 1839 . Le consensus négatif est ‘ « une solution intermédiaire » ’ entre l’acceptation inconditionnelle et le maintien de règles d’adoption menant au pouvoir d’obstruction d’une partie 1840 .

L’hésitation ainsi formulée est issue de la gêne éprouvée face à la dualité texte/pratique qui assure à l’ORD un rôle dans le déroulement de la procédure de règlement mémorandaire. Les propos tenus témoignent d’un souci de prudence et de déférence à l’égard du caractère diplomatique de l’ORD. Par exemple, il est affirmé que ‘ « le caractère quasi-automatique de l’adoption rend le rôle de l’ORD presque résiduel ’ » 1841  ; ‘ « son rôle politique a été considérablement réduit par l’instauration de la règle du consensus inversé pour l’adoption de ses décisions les plus importantes. Un consensus inverse étant très improbable en pratique, l’ORD se trouve quasiment lié, perdant tout pouvoir réel de peser sur le règlement des différends. S’ils ont besoin de la caution de l’ORD pour entrer en vigueur, les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel sont virtuellement surs de l’obtenir » 1842 . Certes, il est généralement admis que la décision d’adoption confiée à l’ORD est dénuée de toute autonomie politique. Mais cette conclusion n’aboutit pas à la mise à l’écart de cette phase pour ne prendre en considération que les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. Cette prudence empêche la reconnaissance d’une autorité réelle de la chose jugée alors même qu’il est communément admis que l’ORD ne peut contester la décision issue de ces rapports.

Néanmoins, l’analyse précédemment menée du texte et de la pratique fait ressortir le caractère automatique et non simplement ‘ « quasi-automatique ’ » de l’adoption des rapports par l’ORD, ainsi que l’annulation et non la seule altération d’une quelconque fonction politique de l’ORD dans le processus d’adoption du fait même de la mise en place d’un mécanisme de consensus négatif. ‘ « L’ORD, en définitive, ne fait que ratifier, a posteriori, les conclusions et constatations des groupes spéciaux, le cas échéant confirmées ou infirmées par l’Organe d’appel » 1843 . Cette ratification étant automatique, le processus d’adoption apparaît comme la publicité en direction de l’ensemble des Etats Membres composant l’ORD d’un constat de l’achèvement de la procédure de règlement par prononcé d’une décision émanant du groupe spécial et, le cas échéant, de l’Organe d’appel. La prudence généralement de mise face à l’intervention en apparence décisive d’un organe politique titulaire du pouvoir d’adoption n’est justifiable ni par l’analyse du texte ni par l’observation de la pratique, car l’adoption n’est que formelle et liée, et cet organe n’exerce donc pas de fonction politique réelle dans le sens où il n’est maître ni de l’effectivité ni de la teneur de la décision qu’il doit prendre. De la sorte, les rapports des groupes spéciaux tels qu’éventuellement confirmés ou modifiés par ceux de l’Organe d’appel ne peuvent faire l’objet d’une contestation et ont de ce fait force obligatoire.

Bien entendu, la prudence doctrinale présidant à la reconnaissance d’une pleine et effective autorité de la chose jugée par absence de contestation se fonde sur des éléments en apparence pertinents. D’abord, c’est l’ORD ‘ « qui confère une autorité incontestable aux rapports » puisque seule l’adoption est « ‘ à même de leur donner une existence juridique » 1844 . Ensuite, cette adoption crée, avant sa réalisation par l’ORD, un délai pendant lequel la décision est formulée mais n’a pas encore d’autorité 1845 . Enfin, le Mémorandum prévoit la possibilité pour chaque Membre de contester le rapport puisque ‘ « cette procédure d’adoption est sans préjudice du droit des Membres d’exprimer leurs vues sur le rapport ’ » 1846 . Ces trois derniers points semblent justifier amplement le réflexe doctrinal qui consiste à assortir la constatation d’une absence de contestation d’une nuance liée à la présence de l’ORD.

Nonobstant, la pertinence de ces trois derniers points peut être mise en doute par la constatation de leur marginalité dans la remise en cause d’une autorité effective de la chose jugée. En effet, l’attribution d’une existence juridique des rapports par adoption n’est pas une étape décisive du règlement dans la mesure où non seulement cette adoption est inexorable mais où également le rapport est distribué aux Membres avant adoption donc porté à leur connaissance, de telle sorte que tant les parties que les Membres tiers, pourront admettre cette existence juridique dès la distribution du rapport. En outre, le délai entre la remise du rapport et son adoption est relativement court et toujours respecté, ce qui a pour seul résultat de retarder de quelques semaines les ‘ « moindres délais » dans lesquels la partie au différend doit donner suite aux recommandations et décisions 1847 . Enfin, le droit à la contestation des rapports ouvert pour tous les Membres est somme toute assez limité car il n’est accompagné d’aucun mécanisme ne pouvant remettre en cause le contenu, les délais, voire l’adoption de ces rapports ; il se traduit simplement par des déclarations formulées au cours des diverses réunions de l’ORD et précédant l’adoption automatique de ces rapports 1848 .

Par conséquent, est pertinente l’affirmation franche d’une absence de contestation des décisions prononcées par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel dans leurs rapports 1849 . Partant, le pragmatisme du texte souhaitant simplement éviter les blocages procéduraux, allié à une pratique respectueuse des règles mémorandaires, induisent, bien qu’en n’en prévoyant pas explicitement le principe, une autorité effective de la chose jugée dévolue à la décision unifiée émanant de l’articulation entre groupe spécial et Organe d’appel. Si le pouvoir politique de l’ORD tiré de sa nature diplomatique semble bien souvent sacralisé de telle sorte qu’il freine la reconnaissance d’une autorité de la chose jugée pourtant essentielle à la caractérisation d’une juridictionnalité, une approche pragmatique du texte et de la pratique viennent mettre à mal cette sacralité pour, au contraire, conclure à un rôle formel de l’ORD. Ce dernier ne prend pas de décision d’adoption et se contente, par le biais du consensus négatif, de constater le caractère définitif de la décision tirée des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. Il constitue une chambre d’enregistrement doublée d’un centre de diffusion d’information et d’un forum dans lequel les Membres peuvent s’exprimer.

Bien plus, l’ORD contribue de manière déterminante et, finalement, à son corps défendant, à assurer cette autorité de la chose jugée caractéristique d’une juridictionnalité. Au-delà de la simple et directe considération de l’impuissance de l’ORD, ce dernier garantit par sa fonction centrale paradoxalement marginale l’effectivité et la pérennité de l’autorité des décisions émanant des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. Plusieurs réflexions peuvent justifier ce rôle central de l’ORD dans la reconnaissance de cette autorité.

D’abord, la mise en place du consensus négatif pour l’adoption des rapports rend impossible le blocage du processus décisionnel, alors que ce blocage était un problème majeur du système de règlement des différends dans le cadre du GATT de 1947 1850 . Ce faisant, les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel ne peuvent être ignorés car ils bénéficient automatiquement d’une diffusion vers chaque Etat Membre de l’OMC et d’une reconnaissance diplomatique généralisée par l’ORD.

Ensuite, la composition de nature diplomatique de l’ORD assure une légitimation des rapports. L’Organe d’appel et ses sections possèdent une légitimité certaine, directement due aux conditions et au mode de sa composition qui lui confèrent une autorité scientifique et morale conséquente, ce qui rejaillit sur le fruit du travail de l’instance. Cependant, cette légitimité de l’Organe d’appel est fragile et difficile à obtenir, même si la contribution à l’élaboration d’un juris dictio lui a été confiée – preuve en sont par exemple la durée et l’intensité des débats ayant présidé à la nomination des premiers membres de l’Organe d’appel et à leur entrée en fonction. Elle doit donc être pérennisée, ce qui passe non seulement par un travail rigoureux constant de l’Organe d’appel mais également par le renouvellement périodique de cette légitimité. De même, les groupes spéciaux ont aussi besoin d’une crédibilité pérennisée par un même renouvellement périodique de légitimité, puisque leur établissement et leur composition sont effectifs une fois le différend né et actuel, même si une tendance à la permanence et à l’indépendance se dégage. Etant un organe permanent de type diplomatique faisant partie des plus hautes institutions politiques de l’OMC, l’ORD va attribuer et/ou renforcer par l’adoption des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel la légitimité affaiblie ou défaillante de ces instances mémorandaires, et va assurer et renforcer l’autorité de ces rapports.

Dans le même sens, l’autorité conférée à une décision juridictionnelle est classiquement renforcée par une symbolique particulière. Ainsi, la juridiction est le siège de rites qui ‘ « sont destinés à faire sentir confusément qu’une autorité supérieure se manifeste à travers eux. Ils visent à provoquer délibérément une distanciation entre le justiciable, vulgum pecus, et l’acte de justice qui sanctionne ceux qui ont méconnu le droit » 1851 . Ces rites sont à même de renforcer prestige et autorité morale 1852 ressortant de la composition et du fonctionnement de cette juridiction. Cette constatation contribue de manière non négligeable à fonder la légitimité et l’autorité des juridictions internationales dans la mesure où leur juridictionnalité et leur autorité sont souvent problématiques, s’appliquant dans un cadre international pauvre en supranationalité et riche en souverainetés étatiques. Certes, l’aspect rituel du système mémorandaire est ténu : ni les groupes spéciaux ni l’Organe d’appel ne mettent en place des rites équivalents à ceux caractérisant les juridictions intra-étatiques ou encore certaines cours ou tribunaux internationaux, et cette absence nuit au prestige et à l’autorité morale de ces instances mémorandaires. Néanmoins, certains éléments contribuent à les renforcer : les règles de composition de ces instances tentent d’assurer la participation de personnalités à l’autorité reconnue et renforcée par l’assurance d’une permanence et d’une spécialisation ; le mode unilatéral de la saisine et le caractère contradictoire de la procédure mémorandaire contribuent à une certaine sacralisation des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel ; l’organisation d’une phase orale et d’un mécanisme de questionnements des parties par les instances implique l’organisation d’échanges particuliers et de réunions qui renforcent une certaine symbolique qui serait atténuée si la seule phase d’échange des prétentions était de forme écrite. Surtout, l’adoption des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel par l’ORD devient un rite immuable parce qu’automatique et cette phase diplomatique représente ainsi le symbole d’une universalisation des rapports en raison de la publicité des rapports et la connotation politique qu’elle contient. L’ORD, même impuissant, apporte au système mémorandaire un aspect rituel et, partant, un prestige et une autorité morale à des rapports qui peuvent difficilement en être pourvus du fait de l’identité de leurs rédacteurs et de leur fonction particulière dans un environnement international soumis à la spécialisation thématique et à la souveraineté étatique.

Enfin, paradoxalement, c’est la présence de l’ORD qui permet d’assurer que la décision unifiée issue de l’articulation entre les groupes spéciaux et l’Organe d’appel soit insusceptible de recours. En effet, les conditions de délais et de procédures prévues par le Mémorandum organisent le processus suivant : le rapport du groupe spécial est définitif du fait de son adoption par l’ORD dans un délai précis pendant lequel la formulation d’un appel est possible ; si cet appel est formulé, le rapport du groupe spécial est l’objet d’un recours devant l’Organe d’appel qui, à son tour, formulera un rapport ‘ « accepté sans condition par les parties  ’» après son adoption par l’ORD enfermée elle aussi dans un délai précis. De la sorte, par sa fonction d’adoption enfermée dans des délais stricts, l’ORD est au centre de ce processus. D’une part, il assure que le rapport du groupe spécial ne puisse faire l’objet d’un recours en appel que pendant un temps limité au-delà duquel il deviendra définitif et, d’autre part, il garantit la force obligatoire pour les parties du rapport de l’Organe d’appel par une adoption devant intervenir dans un délai prédéfini. Aussi le positionnement de l’ORD au sein de la procédure mémorandaire et les conditions de délais limitant son action lui permettent-ils de limiter les possibilités de recours contre les décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. De ce fait, l’indice précédemment recherché de l’absence de contestation de la décision est avéré par la présence et la fonction de l’ORD.

Si l’ORD est bien une garantie procédurale d’une limitation des recours et de l’affirmation du caractère définitif des décisions prises par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel, la question se pose tout de même de savoir si sa présence était incontournable ou si l’absence de contestation des décisions des instances, caractéristique d’une autorité de la chose jugée, aurait pu être assurée sans l’ORD. En effet, les groupes spéciaux et l’Organe d’appel forment, du fait de leur articulation, un système juridictionnel à part entière composé d’un degré unique de juridiction et d’un recours cassatoire. Il ne manque à ce système que l’autorité de la chose jugée afin que sa juridictionnalité soit rigoureusement établie. Or, dans une conception communément admise du fonctionnement d’un système juridictionnel, cette autorité de la chose jugée s’accommode mal d’une intervention obligatoire, ne serait-ce que formelle, d’une entité tierce aux instances de règlement.

Nonobstant, le système mémorandaire est particulier pour trois raisons. Premièrement il n’est pas explicitement de nature juridictionnelle et le texte du Mémorandum ne suffit pas à établir cette nature qui nécessite une pratique confirmative passant par la consécration d’une autorité de la chose jugée. Deuxièmement, le cadre de ce système de règlement est à double titre réfractaire à une autorité extra-étatique : ce système s’inscrit dans un cadre international qui accepte toujours difficilement le mode juridictionnel de règlement des différends et qui ne parvient à créer au mieux que des équilibres instables entre une autorité s’imposant aux Etats sujets de droit international et des souverainetés étatiques incontournables et même fondatrices de ce droit ; ce système traite des questions techniques d’application de règles commerciales qui ont pour simple objectif le développement des échanges commerciaux interétatiques, c’est-à-dire la régulation d’une sphère particulière de la société internationale. Troisièmement, le système OMC est novateur par rapport au système du GATT de 1947 qu’il remplace, et son effectivité et son efficacité ont besoin d’une légitimation renforcée et renouvelée.

Par conséquent, et pour ces trois raisons, un rôle effacé mais effectif de l’ORD par un mécanisme d’adoption automatique est indispensable à assurer une absence de contestation des décisions et, partant, à leur conférer une autorité de la chose jugée : le caractère effacé du rôle de l’ORD insiste sur une autorité conférée à des organes formellement et matériellement juridictionnels ; le caractère effectif du rôle de l’ORD installe, légitime, renforce et pérennise le caractère obligatoire de la décision émanant des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. Ainsi, le mécanisme d’adoption des rapports, en ce qu’il confère à l’ORD un rôle paradoxal puisque à la fois effectif et effacé, apporte au règlement des différends opéré par les instances mémorandaires une caution indispensable à la mise en place et au développement d’un mécanisme juridictionnel et une légitimité nécessaire à une décision obligatoire que ces instances ne pourraient assurer à elle seules, au moins dans la phase actuelle d’installation, de consolidation et de développement. L’effectivité et la crédibilité d’une autorité nouvelle de la chose jugée ne pourraient se développer sans une intervention diplomatique renouvelée et réitérée de l’ensemble des membres de l’OMC à travers l’ORD. Ce dernier n’exerce pas une fonction politique quand il décide de l’adoption des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel mais cette adoption est considérée comme indispensable par le Mémorandum et n’est pas remise en cause par la pratique. C’est précisément cette ‘ « passivité active » ’ irréductible de l’ORD qui consacre et pérennise l’autorité de la chose jugée des décisions prises par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel.

Plus clairement, à ce stade de l’identification d’une autorité de la chose jugée, la conclusion peut être la suivante : cette autorité n’est pas dans son principe explicitement consacrée ; au contraire, la présence d’une adoption des décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel par l’ORD organise un mécanisme de contestation de nature à l’invalider ; néanmoins, l’autorité de la chose jugée est dévolue aux décisions de ces instances car l’ORD, non seulement, n’a qu’un rôle passif du fait de l’adoption automatique des décisions par la voie du consensus négatif, mais tient également un rôle effectif, bien qu’effacé, garantissant la réalité et le renforcement de cette autorité. Cette conclusion semble être peu ou prou celle de M. Pace qui, dans sa Thèse de doctorat, affirme que ‘ « c’est l’ORD qui parachève le processus quasi-juridictionnel de règlement des différends. Bien que lié, il n’en dispose pas moins de pouvoirs considérables. C’est lui qui confère une autorité incontestable aux rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. Ces derniers deviennent contraignants, à travers leur adoption par l’ORD ; seule à même de leur donner une existence juridique. Ce n’est qu’une fois adoptées par l’ORD que les décisions et recommandations des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel s’imposent aux parties au différend ’ » 1853 .

Nonobstant, des précisions s’imposent quant à la pertinence de cette dernière conclusion citée. Une contradiction existe entre l’affirmation selon laquelle l’ORD ‘ « dispose (…) de pouvoirs considérables ’ » en conférant ‘ « une autorité incontestable aux rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel » ’ et la constatation dans la même première phrase que l’ORD est ‘ « lié ’ ». Par ailleurs, l’auteur déduit de la conclusion précédemment citée que, ‘ « si l’ORD est un organe fondamentalement politique, c’est paradoxalement sa fonction juridictionnelle qui est la plus importante et la plus caractéristique ’ » 1854 . Cependant, l’ORD n’est pas dans le cadre du processus d’adoption des rapports un organe politique au pouvoir ‘ « considérable ’ ». Il possède une compétence liée du fait de l’automaticité de l’adoption. Il n’existe donc pas de paradoxe avec une éventuelle fonction juridictionnelle. En outre, cette fonction juridictionnelle est difficile à admettre du fait de cette compétence liée qui implique une action induite et non originelle, un rôle davantage formel que véritablement décisionnel. Ainsi, l’auteur a bien exprimé le malaise lié au paradoxe d’un organe – l’ORD – au rôle actif exclu mais à la présence effective remarquable ; néanmoins, une approche globale du système mémorandaire n’a pas été préférée à l’attribution d’un caractère juridictionnel à la fonction de l’ORD. La conclusion citée est donc acceptable mais elle n’est pas suffisamment approfondie. En réalité, c’est parce que l’ORD tient un rôle à la fois central et effacé qu’il assure la juridictionnalité du système mémorandaire constitué de l’articulation entre le travail des groupes spéciaux et celui de l’Organe d’appel. Cette juridictionnalité n’est donc pas celle de l’ORD mais celle de la décision unifiée émanant des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. L’ORD n’a qu’un rôle de légitimation automatisée. Aussi, ‘ « l’O.R.D. n’est pas une juridiction » 1855  ; mais cette conclusion de M. Santulli n’implique pas pour autant que le système de règlement des différends mémorandaire ne soit pas une juridiction.

Le second indice, plus théorique, de l’absence d’acte juridique extérieur à la décision doit être à présent considéré, une fois établie l’absence de contestation, premier indice évident de l’effectivité d’une autorité de la chose jugée. Or, l’identification du premier indice a aboutit à la conclusion d’une absence de contestation garantie par la présence passive de l’ORD, c’est-à-dire garantie par l’acte juridique extérieur à la décision unifiée des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel que l’ORD crée par l’adoption des rapports. Ainsi, l’affirmation d’une autorité de la chose jugée par la constatation d’une absence de contestation induit immédiatement l’infirmation de cette autorité par l’identification d’un acte juridique qui est extérieur à la décision et qui fait écran à son autorité. De la sorte, l’identification du premier indice aboutit au rejet de l’effectivité du second, du fait de l’intervention nécessaire, même passive, de l’ORD. Néanmoins, le particularisme de cette intervention extérieure peut faire vaciller cette infirmation.

Il importe avant tout de considérer avec exactitude cette identification d’une autorité de la chose jugée liée à la constatation d’une absence d’acte juridique extérieur. MM. Combacau et Sur développent avec clarté et rigueur cette argumentation. ‘ « La force légale de l’énoncé juridictionnel est une vertu intrinsèque de la sentence, qu’elle tire de sa nature même et non d’actes juridiques extérieurs (…). La sentence est opposable aux parties parce que, seules ou avec d’autres, elles ont donné au tribunal le pouvoir de statuer en tant que tel par l’acte même qui l’a institué, et cette opposabilité ne dépend d’aucun acte supplémentaire. La sentence n’est donc pas soumise à une ratification ou à une autre forme d’acceptation par les parties, elle s’impose par elle-même en tant qu’acte fait par le tribunal conformément à son statut (lequel résulte de son acte institutif) et à l’acte qui lui donne pouvoir de connaître du litige » 1856 . Et, en apparence, l’ORD, en adoptant obligatoirement les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel, supprime la force légale intrinsèque de ces rapports en la déplaçant sur la décision d’adoption.

Cependant, cette difficulté peut être bien vite déminée par la prise en considération du mécanisme du consensus négatif qui rend automatique cette adoption et évite aussi bien le rejet que la modification de la décision contenue dans les rapports de ces instances. L’acte juridique extérieur établi par l’ORD n’a concrètement pour effet que de retarder de quelques semaines l’opposabilité de la décision aux parties. Les groupes spéciaux et l’Organe d’appel savent pertinemment que le rapport du groupe spécial tel qu’éventuellement modifié par le rapport de l’Organe d’appel sera automatiquement doté de l’autorité de la chose jugée, à un terme très proche de sa publication. De même, les Etats Membres connaissent, dès la saisine d’un groupe spécial par la demande d’établissement de cette instance, le caractère automatique de l’adoption de ces rapports ; et les parties savent bien que la procédure menée à son terme aboutira à une décision d’un groupe spécial et éventuellement de l’Organe d’appel dotée de l’autorité de la chose jugée puisque adoptée automatiquement. La force légale de la décision issue des rapports est donc finalement intrinsèque à cette décision.

De plus, le traitement du problème de l’autorité ne peut se satisfaire de l’unique approche juridique du système étudié. Cette autorité peut exister en dehors du droit, si les entités auxquelles elle est susceptible de s’appliquer la reconnaissent comme telle et font acte d’obéissance. Pour rester sur le plan du système mémorandaire, il faut constater avec M. Renouf que ‘ « ce qui importe en fait est l’intention de la partie de mettre en œuvre le rapport. Sans cette intention, l’adoption n’a qu’un rôle formel, certes juridiquement nécessaire dans le cadre du GATT et de l’OMC, mais en pratique sans effets » 1857 . Dans le même sens, M. Pace affirme que ‘ « les Etats doivent (…) avoir le sentiment d’être liés par les recommandations (…), ce qui n’est possible que s’ils sont convaincus qu’elles servent leurs intérêts communs. Il y a là un élément psychologique (…). Or, dans le cadre de l’OMC, intérêt bien compris des Membres, la réciprocité généralisée des avantages mutuels, les incitent à respecter les décisions et recommandations ’ » 1858 . Même en l’absence d’un mécanisme juridique précis consacrant et organisant cette autorité, celle-ci sera réalisée par l’intention des parties la reconnaissant et s’y soumettant. Cette intention est liée au comportement des instances de règlement qui élaborent la décision. D’un point de vue formel, la motivation des décisions a pour effets principaux l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire 1859 . D’un point de vue matériel, comme l’énonce M. Canal-Forgues, ‘ « c’est la pertinence et la justesse des interprétations juridiques qui, seules, assoiront l’autorité de l’Organe d’appel et, partant, commanderont le respect envers le système. En même temps qu’elles assureront son avenir… » 1860 .

Bien entendu, la présence même passive et formelle d’un mécanisme d’adoption contrevient à la constatation d’une absence d’acte juridique extérieur à la décision juridictionnelle. Partant, une autorité de la chose jugée ne peut théoriquement être identifiée. Néanmoins, il serait réducteur et peu rigoureux de ne pas considérer la structure de ce mécanisme d’adoption alors même que son particularisme en fait un fondement d’une reconnaissance de juridictionnalité. Ce mécanisme n’a pour fonction que d'être automatique et passif de telle sorte que l’autorité de la chose jugée s’en trouve affirmée par absence avérée de contestation politique. Son objectif est moins la mise à l’écart d’une juridictionnalité au profit d’une qualification plus politique que la lutte contre les ralentissements et blocages rendant inefficace le système de règlement mémorandaire des différends. Ainsi, l’adoption assure l’effectivité du système au lieu de conditionner l’existence même d’un résultat.

De la sorte, le problème de l’acte juridique extérieur ne concerne pas le système mémorandaire. Cet acte existe formellement mais il ne fait pas écran à la force légale des décisions. Bien plus, cet acte ne peut être considéré comme extérieur à la décision juridictionnelle dans la mesure où l’ensemble des protagonistes du règlement connaît son automaticité et son invariabilité et où, ce faisant, le pouvoir a bien été donné aux instances de prendre une décision obligatoire. D’un point de vue formel, l’adoption peut être un acte juridique extérieur qui contrevient à l’effectivité d’une autorité de la chose jugée. Mais, du même point de vue formel, l’adoption n’a comme résultat que de fixer la date à partir de laquelle la décision du groupe spécial et/ou de l’Organe d’appel aura autorité de chose jugée. Par conséquent, au lieu d’être un acte extérieur, l’adoption peut être formellement considérée comme un fait de procédure juridictionnelle. L’incompatibilité entre l’indice de l’absence de contestation et l’indice de l’absence d’acte juridique extérieur ne peut donc être avérée. Au contraire, ces deux indices existent et se substituent à l’affirmation défaillante du principe d’une autorité de la chose jugée pour identifier l’effectivité de cette autorité et, partant, confirmer la reconnaissance d’une juridictionnalité qualifiant le système de règlement dans lequel les groupes spéciaux et l’Organe d’appel jouent un rôle central.

Les décisions de ces instances bénéficient de l’autorité de la chose jugée, ce qui parachève la constatation d’une juridictionnalité du système. Certes, cette conclusion omet la phase des consultations qui fait partie intégrante du mécanisme de règlement mémorandaire et en constitue l’incontournable commencement. Ces consultations constituent une phase préparatoire à la phase juridictionnelle et incluse dans celle-ci, à l’image des procédés de transaction que le fonctionnement juridictionnel intra-étatique connaît et développe. Elles doivent donc être incluses en tant que telles dans la constatation d’une juridictionnalité, constatation qui passe présentement par l’étude et l’identification d’une autorité de la chose jugée caractéristique des décisions rendues. Bien entendu, il est difficile de parler d’une telle autorité pour les consultations dans la mesure où aucune instance ne vient formuler une décision sur laquelle cette autorité pourrait s’appliquer. Cependant, les parties produisent elles-mêmes, en commun, une décision expresse ou tacite : soit l’accord mutuel entre elles sur la réussite ou l’échec de ces consultations, soit le passage à la phase suivante de règlement qui équivaut à un accord tacite sur l’échec de ces consultations. Cette décision a une autorité puisque les parties vont la respecter en cessant les consultations en cas d’accord, en passant à la phase du groupe spécial en cas de désaccord. De la sorte, il faut croire que les consultations ont force obligatoire. La pertinence de cette conclusion se trouve d’ailleurs confirmée si l’on considère avec M. Terré que, par exemple en droit civil français, la transaction a entre les parties autorité de la chose jugée 1861 .

Pour conclure, l’identification de ces deux signes d’effectivité d’une force obligatoire doit s’accompagner de la prise en considération de deux nuances à la définition de cette autorité. La première concerne le caractère relatif de cette autorité. La définition de ce dernier est communément admise et rapprochée de l’article 59 du Statut de la CIJ 1862 qui prévoit clairement que ‘ « la décision de la Cour n'est obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé  ’». Ce caractère relatif est intrinsèque à l’autorité de la chose jugée et la distingue de la doctrine du stare decisis en même temps qu’il est d’application variable selon la partie de la décision considérée – dispositif ou motifs 1863 . Il est avéré pour les décisions issues des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. Ce dernier l’a consacré dès son deuxième Rapport en affirmant que les rapports des groupes spéciaux ‘ « n'ont aucune force obligatoire, sauf pour ce qui est du règlement du différend entre les parties en cause » 1864 et en précisant que ‘ « le Statut de la Cour internationale de justice prévoit expressément, à l'article 59, des dispositions semblables ’ » 1865 .

Le caractère relatif de la chose jugée s’appliquant aux décisions mémorandaires ne semble faire aucun doute 1866 . La question a pu se poser ‘ « de savoir si les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel adoptés par l’ORD sont des actes obligatoires seulement pour les parties au différend ou s’ils constituent une pratique ultérieure de l’organisation telle qu’envisagée par l’article 31.3.b de la Convention de Vienne sur le droit des traités. (…) On est (…) plus proche d’une analyse en termes d’autorité relative de la chose jugée » 1867 . Ce caractère relatif contribue à ne pas nier l’effectivité de cette autorité.

Cette négation de l’autorité de la chose jugée peut trouver un appui sur la seconde nuance. La question se pose de savoir si le qualificatif ‘ « jugée ’ » de cette ‘ « chose ’ » est pertinent. En effet, si l’autorité de la décision des instances mémorandaires est avérée, encore faut-il pour qu’une juridictionnalité soit confirmée que cette décision soit considérée comme ‘ « chose jugée ’ » et non, par exemple, comme simple ‘ « chose décidée » 1868 ou encore comme ‘ « chose interprétée  ’» 1869 . Néanmoins, cette difficulté terminologique ne saurait grever la reconnaissance d’une autorité de la chose jugée des décisions mémorandaires dans la mesure où il suffit de constater la juridictionnalité de ces décisions pour en déduire que la ‘ « chose ’ » est ‘ « jugée ’ » et non simplement ‘ « décidée ’ » ou encore ‘ « interprétée ’ ». Or, les trois Titres précédents montrent bien que le système mémorandaire est formellement de nature juridictionnelle et que les décisions qui en émanent sont, d’un point de vue matériel, frappées du sceau de la juridictionnalité, même si celle-ci n’est jamais consacrée explicitement. Ainsi, la décision issue de l’articulation entre le groupe spécial et l’Organe d’appel bénéficie bien d’une autorité de la chose jugée et peut donc être, à ce titre, qualifiée de juridictionnelle, puisque sa teneur ainsi que ses auteurs se caractérisent bien par leur juridictionnalité.

La décision juridictionnelle est obligatoire et cette considération peut suffire à parachever la constatation d’une juridictionnalité complète du système mémorandaire. Cependant, cette dernière n’étant explicitement consacrée ni par le droit conventionnel de l’OMC ni par la pratique des constatations et conclusions des instances mémorandaires, il peut être utile, pour appuyer cette constatation, de rechercher le caractère contraignant de cette décision. L'intérêt de cette démarche est double : la juridictionnalité du système mémorandaire s’en trouvera confortée et l’aspect novateur de ce système sera révélé. Ce dernier point est fondamental car, d’une part, le pouvoir de contrainte ne peut caractériser que le seul mode juridictionnel de règlement – à savoir arbitral et judiciaire – et non les modes diplomatiques de règlement et, d’autre part, attaché aux décisions des juridictions internationales existantes, ce pouvoir est difficilement admis et effectif du fait de l’identité des sujets du droit international, de la centralité de leur action de construction de ce droit, du principe de leur souveraineté et, plus généralement, de l’existence d’une autorité supranationale.

Notes
1740.
Voir pour exemples : J.-L. Bergel, Théorie générale du droit, op. cit., p. 311 s. ; L. Condorelli, « L’autorité de la décision des juridictions internationales permanentes », in La juridiction internationale permanente, Colloque de Lyon, Pedone, Paris, 1987, pp. 289-294 ; M. Virally, « Le droit international en question », in Le droit international en devenir, op. cit., p. 13 ; G. Vedel, P. Delvolvé, Droit administratif, tome 2, op. cit., p. 20 ; A. Van Lang, G. Gondouin, V. Inserguet-Brisset, Dictionnaire de droit administratif, Armand Colin/Masson, coll. Cursus Droit, Paris, 1997, p. 168.
1741.
L. Cavaré, « La notion de juridiction internationale », A.F.D.I. 1956, pp. 499.
1742.
P.-M. Martin, Droit international public, Masson, coll. Droit-Sciences Economiques, Paris, 1995, p. 228. Aussi M. Condorelli parle-t-il des « faiblesses du système traditionnel en matière d’effets internationaux des décisions et [des] (…) tentatives d’y remédier dans le cadre des organisations internationales », in « L’autorité de la décision des juridictions internationales permanentes », op. cit., p. 294.
1743.
Voir pour exemples : à propos de la Cour européenne des droits de l’homme et de la CIJ, P.-M. Dupuy, op. cit., respectivement pp. 221 et 497 ; à propos de la CIJ, P.-M. Martin, op. cit., p. 238.
1744.
Voir pour exemple P.-M. Dupuy, op. cit., pp. 477 et 559 et J. Combacau, S. Sur, op. cit., pp. 564-565.
1745.
J. Combacau, S. Sur, op. cit., pp. 564-565.
1746.
P. Daillier et A. Pellet (N. Quoc Dinh †), op. cit., pp. 352-353.
1747.
Voir pour exemple P.-M. Dupuy, op. cit., p. 497.
1748.
WT/DS146 et 175/R, paragraphe 7.62, note 336.
1749.
Ibid., paragraphe 7.62.
1750.
Ibid., note 335. Au passage, le même groupe spécial précise que le principe de la chose jugée est distinct du principe de l’économie jurisprudentielle. Voir sur ce point son Rapport, paragraphe 7.56, note 330.
1751.
J. Combacau, S. Sur, op. cit., pp. 564-565. Voir dans le même sens, par exemple : M. de Villiers, Dictionnaire de droit constitutionnel, Armand Colin/Masson, Paris, 1998, p. 113 ;
1752.
J. Combacau, S. Sur, op. cit., p. 598.
1753.
Voir pour exemples : G. Vedel, P. Delvolvé, Droit administratif, tome 2, op. cit., p. 25 ; M. de Villiers, op. cit., p. 113 ; M. Gaillard, L’Intelligence Du Droit, op. cit., pp. 138‑139 ; . J.-L. Aubert, Introduction au droit, Armand Colin, 5ème édition, Paris, 1992, p. 126 et s. ; M. Kdhir, Dictionnaire juridique de la Cour Internationale de Justice, Bruylant, Bruxelles, 1997, pp. 20‑21.
1754.
Voir pour exemple J. Combacau, S. Sur, op. cit., p. 566.
1755.
Voir en particulier P.-M. Dupuy, op. cit., pp. 316, 452-454 et 497.
1756.
Voir par exemple : G. Vedel, P. Delvolvé, op. cit., p. 25 ; P. Daillier et A. Pellet (N. Quoc Dinh †), op. cit., p. 704.
1757.
G. Vedel, P. Delvolvé, op. cit., p. 21.
1758.
Voir par exemple l’ouvrage de M. Terré, op. cit., pp. 597-601, qui place l’autorité de la chose jugée parmi les effets de la décision juridictionnelle.
1759.
L. Cavaré, op. cit., p. 497.
1760.
Voir sur ce point L. Cavaré, op. cit., pp. 498-499..
1761.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends au sein de l’OMC : naissance d’une juridiction… », op. cit., p. 311.
1762.
Voir pour une étude détaillée de la question de l’autorité du droit international public M. Virally, Guy Ladreit de Lacharrière et la politique extérieure de la France, Masson, Paris/Milan/Barcelone/Mexico, 1989, pp. 394-402.
1763.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends au sein de l’OMC : naissance d’une juridiction… », op. cit., p. 311.
1764.
Voir sur ce point le chapeau introductif du présent Chapitre.
1765.
M. Garcia-Rubio, « Réflexion sur le prétendu exercice des fonctions supranationales par les organes de règlement des différends de l’Organisation Mondiale du Commerce », in F. Osman (Sous la direction de), L’Organisation Mondiale du Commerce : vers un droit mondial du commerce ?, Colloque, Lyon, 2 mars 2001, Bruylant, Bruxelles, 2001, pp. 257.
1766.
P.-M. Dupuy, Droit international public, op. cit., p. 559. Voir dans le même sens V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et…, op. cit., p. 211.
1767.
J. H. Jackson, « Observations sur les résultats du cycle de l’Uruguay », R.G.D.I.P. 1994, pp. 686.
1768.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, p. 741.
1769.
Ibid., note 82.
1770.
V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et…, op. cit., pp. 195-227.
1771.
Ibid., p. 211, note 371.
1772.
Voir sur ce point les articles 16 : 4 et 17 : 14.
1773.
Article 11 intitulé « fonction des groupes spéciaux ».
1774.
Se reporter à l’article 7, à mettre en parallèle avec l’article 11.
1775.
Article IV : 3 de l’Accord instituant l’OMC.
1776.
Article IV : 2 de l’Accord instituant l’OMC.
1777.
Article IV : 1 de l’Accord instituant l’OMC.
1778.
V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et…, op. cit., p. 218. Pour une autre illustration de l’affirmation du caractère politique de l’ORD, voir pour exemple H. Ruiz Fabri, « L’appel dans le règlement… », op. cit., p. 53, note 29.
1779.
Intitulé de l’article III de l’Accord instituant l’OMC.
1780.
Article III : 3.
1781.
Article IV : 1.
1782.
Article IV : 2.
1783.
Article IV : 3.
1784.
Article 2 : 1.
1785.
Voir sur cette définition double : P. Robert, Le Nouveau Petit Robert, op. cit., p. 34. La définition présentement donnée s’appuie sur celle du mot administration délivrée dans l’ouvrage susmentionné.
1786.
Article 2 : 1.
1787.
Ne sera présentement considéré que le pouvoir d’adoption, indispensable à la recherche d’une autorité de la chose jugée. Les trois autres pouvoirs que l’article 2 : 1 énonce ne sont pas traités dans la présente Section, car le pouvoir d’établissement des groupes spéciaux a déjà fait l’objet d’une étude détaillée dans la première Partie et les pouvoirs de surveillance et d’autorisation font partie des mécanismes d’exécution qui sont traités dans les trois Sections suivantes.
1788.
Ce mécanisme du consensus négatif est central dans la détermination de la fonction de l’ORD. Il est étudié infra.
1789.
J. Lebullenger, « L’Organisation mondiale du commerce », in T. Flory (Sous la direction de), La Communauté européenne et le GATT, op. cit., pp. 38. Voir dans le même sens, par exemple : J.-L. Goutal, « Le rôle normatif de l’Organisation mondiale du commerce », P.A., n° 5, 11 janvier 1995, p. 25 ; Y. Renouf, « Le règlement des litiges », in T. Flory (Sous la direction de), La Communauté européenne et le GATT, op. cit., pp. 217 et 240. A cet égard, M. Goutal a constaté dès 1994 que « des observateurs (…) disent déjà que le nouveau système fait passer d’un mécanisme de règlement (…) des différends à base diplomatique à un mécanisme (…) de nature juridictionnelle, quasi juridictionnelle », in « Le rôle normatif… », op. cit., p. 24.
1790.
Voir pour exemples les articles 3 : 4, 7 : 1, et 11.
1791.
V. pour ex. les articles 3 : 2, 21 : 1.
1792.
V. pour ex. les articles 2 : 1, 21 : 5, et 22 : 1.
1793.
Voir l’article 12 : 7.
1794.
Intitulé de l’article 19. Voir dans le même sens, par exemple, les articles 21 : 3 c) et 26, ainsi que la note 9.
1795.
Article 19 : 2.
1796.
V. pour ex. l’article 21, paragraphes 3 b) et 6.
1797.
V. pour ex. les articles 2 : 1, 3 : 2, 21 : 1, 21 : 3 et en particulier l’intitulé de l’article 20.
1798.
Article 3 : 10.
1799.
Article 3 : 2.
1800.
Article 3 : 4.
1801.
M. Garcia-Rubio, « Réflexion sur le prétendu exercice des fonctions supranationales… », op. cit., p. 257.
1802.
Article 60.
1803.
Voir pour exemple P. Daillier et A. Pellet (N. Quoc Dinh †), op. cit., pp. 352-353.
1804.
Article 17 : 14.
1805.
Article 21 : 1.
1806.
Article 17 : 14.
1807.
Article 21 : 1.
1808.
WT/DS8, 10 et 11/AB/R, p. 17.
1809.
WT/DS8, 10 et 11/AB/R, p. 17.
1810.
Ibid., note 42.
1811.
WT/DS146 et 175/R, paragraphe 7.57.
1812.
Ibid., paragraphe 7.58. Selon ce groupe spécial, seul le Rapport de l’Organe d’appel WT/DS8, 10 et 11/AB/R, précité, aborde cette question mais, « lorsqu'il a examiné le statut des rapports de groupes spéciaux adoptés, l'Organe d'appel a indiqué qu'ils lient les parties "pour ce qui est du différend" entre les parties en cause. Cette déclaration n'abordait pas directement la notion de chose jugée, mais elle semble plutôt avoir été faite principalement dans l'optique de la détermination du statut des rapports adoptés en tant que tels et de leur pertinence à titre de précédent pour les groupes spéciaux suivants ». Ces conclusions du groupe spécial peuvent être relativisées par le fait que cette instance ne cherchait pas l’édiction d’un principe général mais plus modestement et surtout plus pragmatiquement une réponse à l’acceptation d’une nouvelle constatation des mêmes questions objets du différend. Il n’en demeure pas moins que cette démarche pragmatique suscitait alors un intérêt pour l’effectivité d’un principe de l’autorité de la chose jugée et un traitement de cette question formulé dans le rapport.
1813.
Article 16 : 4.
1814.
Article 17 : 14.
1815.
Article 17 : 4.
1816.
D’après l’article 17 : 13.
1817.
Par souci de clarté, est présentement utilisé le terme « appel » qui renvoie explicitement au vocabulaire employé par le Mémorandum. Toutefois, il ne faut pas oublier que cet appel est en réalité un pourvoi en cassation sans renvoi. L’» appel » sera ainsi qualifié car il renvoie à l’Organe d’» appel ».
1818.
Y. Renouf, « Les mécanismes d’adoption et de mise en œuvre du règlement des différends dans le cadre de l’OMC sont-ils viables ? », A.F.D.I. XL, 1994, p. 778.
1819.
Article 2 : 4 du Mémorandum.
1820.
Note 1 à laquelle l’article 2 : 4 renvoie.
1821.
Article 16 : 4.
1822.
Article 17 : 14.
1823.
Cette expression « consensus négatif » n’existe pas dans le Mémorandum. Elle apparaît très tôt dans les études doctrinales analysant le mécanisme mémorandaire, et ce avant même que ce dernier soit en application. Elle désigne, en outre, de manière suffisamment pertinente ce mécanisme particulier pour qu’elle puisse être présentement consacrée et employée. Voir pour exemples d’étude détaillée de cette technique du consensus négatif : T. Flory, « Chronique de Droit international économique- Commerce international », A.F.D.I. XXXIX, 1993, p. 753 ; Y. Renouf, « Les mécanismes d’adoption et de mise en œuvre du règlement des différends dans le cadre de l’OMC sont-ils viables ? », A.F.D.I. XL, 1994, p. 779 ; H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, pp. 740 et 744.
1824.
H. Comte, « Le renforcement des mesures de surveillance et de contrôle », P.A., n° 5, 11 janvier 1995, p. 23. Voir dans un sens similaire Y. Renouf, « Les mécanismes d’adoption… », op. cit., p. 780 ; H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, pp. 740, 744-745 ; H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends au sein de l’OMC : naissance d’une juridiction, consolidation d’un droit », op. cit., p. 311.
1825.
J. H. Jackson, « Observations sur les résultats du cycle de l’Uruguay », R.G.D.I.P. 1994, p. 686.
1826.
D’après l’article 16 : 4, le rapport du groupe spécial doit être adopté par l’ORD dans les 60 jours suivant la date de distribution de ce rapport aux Membres. D’après l’article 17 : 14, le rapport de l’Organe d’appel doit être adopté dans les 30 jours suivant sa distribution aux Membres. Le Mémorandum ajoute même dans ses notes 7 et 8 auxquelles les articles précédents renvoient respectivement que « s’il n’est pas prévu de réunion de l’ORD pendant cette période, (…) l’ORD tiendra une réunion à cette fin ». De la sorte, le Mémorandum insiste sur le respect de ces délais et organise dans le détail des mécanismes pouvant s’appliquer à des situations conduisant à ce non-respect.
1827.
Voir sur ce point la Partie précédente (Titre II, Chapitre II, Section II).
1828.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, p. 710.
1829.
Ibid., p. 719.
1830.
P.-M. Dupuy, Droit international public, op. cit., p. 559. Voir dans le même sens : J.-L. Goutal, « Le rôle normatif de l’Organisation mondiale du commerce », op. cit., pp. 25-26 ; J. H. Jackson, « Observations sur les résultats du cycle de l’Uruguay », R.G.D.I.P. 1994, p. 686 ; V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et…, op. cit., pp. 211-212.
1831.
Y. Renouf, « Les mécanismes d’adoption… », op. cit., p. 780. Voir dans le même sens, par exemple, V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et…, op. cit., pp. 222-223.
1832.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, p. 740. Voir dans le même sens Y. Renouf, « Les mécanismes d’adoption… », op. cit., pp. 780-784.
1833.
Pour une étude plus détaillée de ces questionnements, voir Y. Renouf, « Les mécanismes d’adoption… », op. cit., pp. 780-784. M. Renouf se pose la question suivante et tente d’y répondre : « fallait-il vraiment revenir sur le principe du consensus ? ». Le seul fait de se poser cette question montre l’impact considérable du système du consensus négatif sur l’autorité des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel, rapports auxquels ce système confère une autorité sans précédent.
1834.
E. Canal-Forgues, « Le système de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce », R.G.D.I.P., 1994, p. 703. Voir dans le même sens, par exemple : Y. Renouf, « Les mécanismes d’adoption… », op. cit., p. 777 ; H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, p. 724.
1835.
J.-L. Goutal, « Le rôle normatif de l’Organisation mondiale du commerce », op. cit., p. 25.
1836.
E. Canal-Forgues, « Le système… », op. cit., p. 704. Voir dans le même sens H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends au sein de l’OMC : naissance d’une juridiction, consolidation d’un droit », op. cit., p. 311.
1837.
M. Garcia-Rubio, « Réflexion sur le prétendu exercice des fonctions supranationales… », op. cit., p. 256.
1838.
Voir pour exemple J. Lebullenger, « L’Organisation mondiale du commerce », ainsi que Y. Renouf, « Le règlement des litiges », in T. Flory (Sous la direction de), La Communauté européenne et le GATT, op. cit., pp. 38 et 57.
1839.
H. Ruiz Fabri, « L’appel dans le règlement… », op. cit., p. 53, note 29.
1840.
Voir sur ce point V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et…, op. cit., p. 211.
1841.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, p. 745.
1842.
V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et…, op. cit. p. 217.
1843.
Ibid.
1844.
Ibid., pp. 217-218.
1845.
Ce délai est au maximum de 60 jours entre la distribution du rapport aux Membres et son adoption par l’ORD, pour ce qui concerne les groupes spéciaux (article 16 : 4) et de 30 jours pour le rapport de l’Organe d’appel (article 17 : 14).
1846.
Article 16 : 4, relatif aux rapports des groupes spéciaux. L’article 17 : 14 adopte une formulation très similaire pour les rapports de l’Organe d’appel.
1847.
Se reporter à l’article 21 traitant comme l’indique son intitulé de la « surveillance de la mise en œuvre des recommandations et décisions ». Le thème de l’exécution des décisions mémorandaires est l’objet des trois Sections suivantes.
1848.
Les comptes-rendus des réunions de l’ORD reproduisent les interventions des Membres souhaitant commenter l’affaire soumise aux instances mémorandaires ou encore la procédure suivie, la décision rendue, etc. Ces déclarations étatiques sont juxtaposées au sein du point de l’ordre du jour relatif à ladite affaire puis se concluent sommairement par une formulation récurrente : « L'ORD a pris note des déclarations et a adopté le rapport de l'Organe d'appel (…) ainsi que les rapports du Groupe spécial (…), tel qu'il avait été confirmé par le rapport de l'Organe d'appel ». L’identité formelle de ces différentes formulations est constante, même si quelques variations propres au particularisme de chaque affaire sont parfois perceptibles.
1849.
Sous la seule réserve d’un hypothétique et limité recours à l’Organe d’appel pour examen du rapport du groupe spécial.
1850.
Sur ce point, voir par exemple : E. Canal-Forgues, L’institution de la conciliation…, op. cit., pp. 206-211 et 572-579 ; Y. Renouf, « Les mécanismes d’adoption… », pp. 778-779 ; E. Canal-Forgues, « Le système de règlement des différends de l’Organisation du commerce », R.G.D.I.P., 1994, p. 703 ; T. Flory, « Chronique de Droit international économique- Commerce international », A.F.D.I. XXXIX, 1993, p. 761.
1851.
M. Gaillard, L’Intelligence Du Droit, op. cit., p. 99.
1852.
Par exemple, les écrits doctrinaux consacrés au droit international public insistent souvent sur cette autorité morale et ce prestige caractérisant par exemple la CIJ. Voir pour illustration : P.-M. Dupuy, Droit international public, op. cit., p. 497 ; D. Ruzié, Droit international public, Dalloz, coll. Mémentos, 15ème édition, Paris, 2000, p. 226.
1853.
V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et…, op. cit., pp. 217-218.
1854.
Ibid., p. 217.
1855.
C. Santulli, « Qu’est-ce qu’une juridiction internationale ? », op. cit., pp. 79 s.
1856.
J. Combacau, S. Sur, op. cit., p. 566.
1857.
Y. Renouf, « Les mécanismes d’adoption… », op. cit., p. 778.
1858.
V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et…, op. cit., p. 223. Se reporter utilement à cet ouvrage pour une étude plus générale fort intéressante sur le caractère juridiquement non-obligatoire des recommandations, pp. 220-224.
1859.
Voir sur ce point M. Gaillard, L’Intelligence Du Droit, op. cit., pp. 138-139.
1860.
E. Canal-Forgues, « La procédure d’examen en appel… », op. cit., p. 863.
1861.
Voir sur ce point F. Terré, op. cit., p. 578.
1862.
Voir pour exemple P.-M. Dupuy, op. cit., p. 316.
1863.
Voir détails ibid., pp. 452-454.
1864.
WT/DS8, 10 et 11/AB/R, p. 17.
1865.
Ibid., note 42.
1866.
De nombreux auteurs remarquent ce caractère relatif de l’autorité des décisions des instances mémorandaires et aucune trace de contestation de cette affirmation n’est trouvée. Voir pour exemple H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends au sein de l’OMC : naissance d’une juridiction, consolidation d’un droit », op. cit., pp. 311-312.
1867.
Voir pour une étude détaillée H. Ruiz Fabri, « Chronique du règlement des différends (2000) », J.D.I. 3, 2001, pp. 908-909.
1868.
Voir pour un exemple d’» autorité de la chose décidée » qui est dévolue aux actes administratifs G. Vedel, P. Delvolvé, Droit administratif, tome 2, op. cit., p. 25.
1869.
Voir par exemple l’» autorité de la chose interprétée » reconnue aux décisions issues de recours individuels par la jurisprudence communautaire et par celle de la Cour européenne des droits de l’homme P. Daillier et A. Pellet (N. Quoc Dinh †), op. cit., p. 704.