Section 2 : La force exécutoire des décisions de règlement

En réalité, le caractère obligatoire de la décision émanant des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel, caractère donné par l’autorité de la chose jugée conférée à cette décision, est préparé précautionneusement par le Mémorandum. Ce dernier instille tout au long du mécanisme de règlement qu’il organise une ‘ « obligatoriété ’ » 1870 allant à l’encontre des souverainetés étatiques, allant croissante au fur et à mesure du déroulement du processus mémorandaire 1871 , et rendant évidente et nécessaire la force obligatoire des décisions rendues in fine. En effet, dans le souci d’éviter retards et blocages du mécanisme de règlement, le Mémorandum prévoit un cheminement procédural allant de l’attraction obligatoire à l’obligation de juger et caractérisé, entre autres, par de strictes conditions de délais et des processus de suppléance de la volonté commune défaillante des parties.

En bref, ‘ « la procédure (…) ne peut plus être bloquée, ni indûment retardée, que ce soit dans son initiation, son déroulement ou son aboutissement (…). Le caractère le plus frappant du nouveau mécanisme est incontestablement son caractère contraignant  ’» 1872 , même s’il ‘ « n’est quasiment aucune contrainte (…) qui ne soit assortie d’une soupape de sécurité » ’ et si ‘ « le mécanisme, pour contraignant qu’il soit devenu, comporte des possibilités de respiration » 1873 . Surtout, ‘ « la "soupape" de l’adoption par consensus n’existe plus » 1874 . Le système de règlement mémorandaire est dit ‘ « renforcé » car il va ‘ « dans le sens d’une plus grande automaticité et d’une plus grande juridictionnalisation » 1875 . Bien entendu, les parties peuvent à n’importe quel moment régler le différend et mettre fin à la procédure de règlement d’un commun accord ; mais, en l’absence d’un tel accord, le défendeur ne peut unilatéralement suspendre ou interrompre la procédure et le plaignant peut toujours refuser le compromis en remettant le sort du règlement entre les mains d’un système mémorandaire juridicisé et juridictionnalisé au déroulement procédural obligatoire.

Ce renforcement est provoqué par l’instauration d’une obligatoriété palliative d’une volonté commune défaillante des parties. Il aboutit logiquement et naturellement à l’effectivité d’une force obligatoire appliquée aux décisions qui sont le résultat du processus mémorandaire de règlement du différend initial. Cette effectivité est assurée principalement par la fonction d’adoption par consensus négatif des décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel dévolue à l’ORD. Cette force obligatoire est indispensable à l’effectivité et à la portée de cette juridictionnalité qu’elle contribue à caractériser. Certes, en théorie, une juridiction, stricto sensu, dit le droit, et l’autorité de chose jugée de sa décision est un effet qui peut ne pas participer directement à la définition de cette juridiction, qui peut ne pas garantir une juridictionnalité effective du système mémorandaire. Mais, il a été précédemment démontré que divers particularismes inhérents au système mémorandaire et au domaine organisationnel dans lequel il évolue rendent nécessaire la consolidation de la reconnaissance et de l’effectivité d’une juridictionnalité par la prise en considération de l’autorité de la chose jugée non comme un effet mais comme un élément de définition 1876 .

Ainsi, la démarche de caractérisation d’une juridictionnalité ne peut s’arrêter au prononcé de la décision, tout comme le système mémorandaire ne peut s’arrêter au prononcé d’un juris dictio mais doit organiser, pour sa propre efficacité, les effets de sa décision. Pour être plus rigoureuse et plus convaincante, cette démarche doit donc s’intéresser aux effets de cette décision, qui sont à titre principal au nombre de deux. Le premier d’entre eux est la force obligatoire de cette décision. Cette force obligatoire prend la forme d’une autorité de chose jugée dont l’effectivité est réelle et confirme la juridictionnalité du système mémorandaire. Un second effet peut être envisagé qui est celui de la force exécutoire de cette même décision 1877 , effet selon lequel la décision juridictionnelle, en plus d’être obligatoire, est contraignante 1878 . La distinction entre force obligatoire et force exécutoire – ou contraignante 1879 – tient dans le comportement des parties consécutif au prononcé de la décision : la force obligatoire rend la décision opposable par une partie à l’autre partie tandis que la force exécutoire contraint la partie dont l’action est l’objet de la décision à exécuter ladite décision. En définitive, la première est un effet direct entre les parties du juris dictio qui tranche le différend alors que la seconde s’applique davantage à garantir la suprématie du droit, l’autorité de l’instance qui l’a dit et la soumission de la partie condamnée à l’ordre juridique qui régule ses relations avec les autres justiciables. De la force obligatoire la partie à qui la décision donne raison peut se prévaloir ; à la force exécutoire la partie à qui la décision donne tort doit se soumettre.

En réalité, la force exécutoire est un effet de la décision juridictionnelle qui, elle, s’inscrit dans la ‘ « dynamique du droit » : ‘ « l’édiction des normes individuelles par les tribunaux représente une étape intermédiaire du processus qui, commençant avec l’établissement de la Constitution, conduit, à travers la législation et la coutume, jusqu’aux décisions juridictionnelles, et de celles-ci jusqu’à l’exécution des sanctions » 1880 . Plus précisément, la force exécutoire se situe à la frontière entre la décision et l’exécution. Elle caractérise une décision juridictionnelle en lui attribuant la qualité de décision contraignante, c’est-à-dire susceptible d’enclencher un mécanisme de contrainte. Elle n’est pas synonyme d’exécution car une décision exécutoire n’est pas une décision en cours d’exécution mais une décision qui doit être exécutée. Les décisions de justice sont assorties de la force exécutoire, ce qui signifie qu’elles doivent, ‘ « après le prononcé de la décision, être exécutées au besoin par la force publique si les parties ne s’y soumettent pas spontanément ’ », cette force publique étant ‘ « unique et exclusive ’ », avec ‘ « personnalisation de la forme exécutoire ’ » 1881 . Les mécanismes de contrainte ont pour origine et pour justification le caractère exécutoire de la décision mais ils sont dotés d’un fonctionnement propre.

De la sorte, la force exécutoire ne constitue pas à elle seule le second effet de la décision juridictionnelle, en sus du premier effet qui est la force obligatoire. L’effet entier de cette décision est l’exécution par la voie contraignante, exécution dont elle n’est qu’une composante. Aussi cette force exécutoire doit-elle être replacée dans le contexte dans lequel elle s’inscrit. Il faut constater avec Virally que ‘ « l’exécution d’office n’est une fonction de droit que si elle est juridiquement organisée, ce qui suppose deux choses : l’existence d’un appareil de justice, même très frustre, mais capable de dire le droit de façon raisonnée, c’est-à-dire de décider quand le droit autorise l’exercice de la contrainte ; l’existence d’une "force publique", même embryonnaire, c’est-à-dire d’un appareil de contrainte au service de celui ou de ceux qui rendent la justice » 1882 . Dans ce schéma théorique, l’‘ » appareil de justice » est nettement distingué de l’‘ » appareil de contrainte ’ ». Le premier est titulaire du ‘ « pouvoir de commandement (imperium), consistant en des injonctions destinées à l’exécution des décisions » 1883 et le second ‘ « constitue une des principales manifestations de la fonction exécutive, au côté de la fonction législative et de la fonction juridictionnelle ’ » 1884 . Malgré cette distinction, la fonction juridictionnelle et la fonction exécutive ne sont pas autonomes l’une par rapport à l’autre mais s’articulent pour participer ensemble à l’exécution de la décision juridictionnelle initiale. Cette articulation ressort des propos précédemment cités de Virally quand il affirme que la juridiction décide ‘ « quand le droit autorise l’exercice de la contrainte ’ » et que l’appareil de contrainte est ‘ « au service de celui ou de ceux qui rendent la justice ’ », ce que précise Kelsen notant que, même lorsque l’exécution est ordonnée par un tribunal, ‘ « l’organe d’exécution n’est pas un organe juridictionnel, mais un organe administratif  ’» 1885 .

Ces conclusions non seulement établissent une articulation mais également la qualifient en exprimant une hiérarchisation. Sans entrer dans des considérations théoriques approfondies de la contrainte et de ses rapports avec le droit, et, partant, dans le commentaire des nombreux écrits doctrinaux afférents 1886 , il faut constaterque ‘ « si le premier de ces appareils [l’appareil de justice] manque, la force n’est pas au service du droit : elle joue son jeu propre, dans une société livrée à la violence. Si le second [l’appareil de contrainte] fait défaut, le droit ne dispose plus de la contrainte, ou n’en disposera que par hasard, si celui auquel il donne raison se trouve être le plus puissant ou avoir les alliés les plus forts ’ » 1887 . En d’autres termes, d’une part, la contrainte ne peut s’exercer que dans le cadre du droit et, d’autre part, l’exécution consécutive au prononcé d’une décision juridictionnelle est indispensable à l’effectivité et au respect de ce droit. Par ricochet, cette place centrale du droit dans l’exécution des décisions rejaillit sur les juridictions qui sont chargées de son dictio. Dans ce schéma, en effet, l’organe juridictionnel a une place centrale car l’articulation entre la fonction juridictionnelle et la fonction exécutive est telle que la réalisation de la seconde procède de la première et doit être encadrée par elle. De la sorte, la fonction juridictionnelle ne s’arrête pas au prononcé de la décision initiale tranchant le différend mais se poursuit lors de l’exécution de cette décision. Une juridictionnalité doit donc être repérée non seulement, comme cela a déjà été établi, dans le règlement du différend mais aussi dans l’exécution de ce règlement, et ce avant même que puisse être envisagée la contrainte à proprement parler 1888 .

La force exécutoire occupe une place centrale dans cette fonction juridictionnelle d’exécution. C’est parce que la décision juridictionnelle est exécutoire que sa phase d’exécution peut être effective. Même si cette force exécutoire n’est pas la seule composante juridictionnelle de la phase d’exécution, elle en constitue non seulement le prélude mais aussi la source, puisque se situant à la frontière entre la décision et l’exécution. A ce titre, elle ne peut qu’occuper une place centrale dans la recherche d’une qualification juridictionnelle du système mémorandaire. Néanmoins, elle ne peut être considérée isolément car elle enclenche en théorie un mécanisme juridictionnel d’exécution qui doit également être identifié à partir du moment où le Mémorandum ne se contente pas du règlement des différends mais aussi de l’exécution de ce règlement. En outre, son existence ne peut être avérée qu’à la condition de démontrer son effectivité. Constater simplement que le principe d’une force exécutoire est consacré ne suffit pas car il serait sans portée s’il n’était suivi de l’organisation d’un véritable mécanisme juridictionnel d’exécution appuyant et légitimant une hypothétique contrainte qui sera par la suite étudiée 1889 . Le caractère exécutoire contribuant à l’identification d’une juridictionnalité passe donc d’abord par la reconnaissance du principe d’une force exécutoire et ensuite par la reconnaissance d’un mécanisme juridictionnel d’exécution. Cette force exécutoire est le prélude et le fondement du caractère exécutoire qui, lui, découle de l’articulation entre un mécanisme juridictionnel et un mécanisme de contrainte, le premier structurant et légitimant le second.

Cette force exécutoire peut être considérée comme annexe au règlement de nature juridictionnelle du différend, tout comme l’était a priori la force obligatoire, puisqu’elles constituent toutes deux les effets d’une décision déjà qualifiée de juridictionnelle. Bien plus, cette force exécutoire n’est pas forcément nécessaire à la qualification d’une juridictionnalité. Par exemple, le prononcé d’un juris dictio intra-étatique s’appliquant à une personne publique en droit interne ne connaît généralement pas de force exécutoire, bien que l’autorité de chose jugée lui soit conférée. En effet, il est difficile d’organiser un mécanisme de contrainte contre l’Administration nationale alors même que c’est elle qui est l’exécutante de la contrainte dont le monopole appartient à l’Etat. Cette absence de force exécutoire n’empêche pas la reconnaissance d’une juridictionnalité à l’instance qui a prononcé le dictio. Ce schéma du droit public interne peut s’appliquer au fonctionnement juridictionnel interétatique. Le droit applicable au niveau international est essentiellement conventionnel, tout comme l’organisation de mécanismes juridictionnels de règlement des différends interétatiques, de telle sorte que les justiciables – les Etats – en sont directement à l’origine ; de plus, il n’existe pas d’autorité supranationale susceptible de constituer la ‘ « force publique ’ » pouvant appliquer une contrainte ; celle-ci est en réalité confiée aux justiciables eux-mêmes

Plus clairement, ‘ « un dispositif centralisé de voies d’exécution ne peut se concevoir, car il y manque être supérieur aux Etats qui aurait la maîtrise de leur déclenchement comme l’a l’Etat en droit interne : ni juge pour ordonner l’exécution d’office, ni force publique pour y procéder sur sa réquisition. Il existe certes des mécanismes collectifs de garantie du respect de la légalité internationale (…) mais il ne s’agit là que d’entreprises collectives d’Etats coalisés autour d’une vision commune de la légalité, vision subjective de grand poids sans doute mais agrégat de représentations individuelles qui ne peut se prévaloir d’aucune autorité objective comme le peut celle d’un tiers agissant au nom d’une communauté supérieure aux parties et de ses intérêts distingués des leurs » 1890 . Ainsi, de manière schématique, il paraît logique que les mécanismes interétatiques de règlement des différends ne voient pas non plus leurs décisions être dotées d’une force exécutoire, dans la mesure où l’exécution serait confiée aux justiciables à l’encontre d’autres justiciables ; et cette démarche est peu conforme à l’acception traditionnelle de la fonction juridictionnelle et du pouvoir de contrainte tels qu’ils sont communément à l’œuvre au niveau national.

Néanmoins, tout comme la force obligatoire, la force exécutoire peut contribuer à identifier une juridiction et à assurer son effectivité. Le thème de la jurisprudence peut servir d’illustration de l’importance de cette force exécutoire pour la caractérisation d’une juridiction ainsi que pour la garantie de l’efficacité de sa mission. L’instance juridictionnelle dit le droit et peu lui importe si elle est écoutée et respectée dans la mesure où sa mission s’arrête a priori à cet énoncé. Cependant, sa qualité juridictionnelle est menacée si la mission de l’instance se contente d’un juris dictio appliqué au seul différend traité. Cette instance, du fait même qu’elle prononce un juris dictio, contribue à une fonction qui dépasse le simple règlement de l’affaire spécifique soumise à l’instance. Le juris dictio non seulement entraîne un règlement du différend de l’espèce mais aussi participe à l’effectivité et au développement du droit applicable par la création d’une jurisprudence 1891 . La décision juridictionnelle a donc besoin d’être exécutée afin que sa jurisprudentialité soit pleine et pérenne. Cette fonction de création d’un droit jurisprudentiel ne peut être logiquement réalisée que si ce droit est non seulement applicable – du fait de sa consécration par les instances juridictionnelles et de l’autorité de chose jugée qui caractérise ses décisions – mais aussi appliqué – par les justiciables au premier rang desquels les parties au différend qui donne lieu à la décision créatrice de telles règles jurisprudentielles. Il est difficilement concevable de reconnaître la jurisprudence comme source du droit si les justiciables concernés par la décision faisant œuvre jurisprudentielle n’appliquent pas eux-mêmes ladite décision. Les hésitations doctrinales quant à la reconnaissance de la jurisprudence comme source du droit international public pourraient bien avoir comme justification le caractère non-exécutoire grevant habituellement les décisions des juridictions internationales.

Certes, le caractère exécutoire n’est pas déterminant dans l’établissement et dans la garantie d’une jurisprudentialité. Preuves en sont certaines décisions juridictionnelles obligatoires pour l’administration nationale mais dont le caractère exécutoire est éminemment discutable, ce qui n'empêche pas la constitution d’un droit administratif essentiellement jurisprudentiel. Néanmoins, quand ce caractère exécutoire est formellement absent, la jurisprudentialité se construit sur la bonne volonté des justiciables exécutant les décisions malgré l’absence de voies d’exécution juridiquement prévues. De la sorte, le thème de l’exécution a une importance majeure dans la reconnaissance d’une juridictionnalité ; et la mise en place de principes et de mécanismes d’exécution est une garantie solide de la force et de la pérennité d’une juridictionnalité 1892 . L’effectivité d’une force exécutoire évite à l’instance juridictionnelle de s’en remettre totalement, pour ce qui est de la portée de la décision et de l’intégrité pérenne de la fonction, au bon vouloir des justiciables quant à l’exécution de cette décision.

En outre, la recherche d’une force exécutoire dans le cas des décisions des instances mémorandaires est d’autant plus pertinente que le droit international public éprouve les plus grandes difficultés à conférer aux décisions juridictionnelles une telle force exécutoire et que, partant, il fragilise leur juridictionnalité en soumettant cette force aux aléas du bon vouloir étatique. En effet, le droit international public n’est pas un ‘ « ordre de contrainte » 1893 et, même s’ils bénéficient de l’autorité de la chose jugée, ‘ « les actes juridictionnels n’ont pas de force exécutoire (…) ; en particulier le refus d’exécution engage plus manifestement la responsabilité de l’Etat défaillant, dont le comportement est devenu plus clairement illicite, et offre des facilités accrues à l’Etat lésé pour mettre en œuvre les techniques unilatérales de réalisation de droits dont il a maintenant obtenu la consécration juridictionnelle. Aussi n’accordera-t-on pas une grande attention aux dispositions de la Charte qui prévoit la possibilité de saisir le Conseil de sécurité en cas d’inexécution d’un arrêt de la C.I.J. » 1894 .

De la sorte, reconnaître aux décisions du système mémorandaire force exécutoire reviendrait à renforcer leur autorité de chose jugée en en constatant la concrétisation par une force exécutoire la prolongeant. En outre, la distinction précédemment énoncée entre force obligatoire et force exécutoire était la suivante : la force obligatoire permet à la partie à qui l’instance juridictionnelle a donné raison de se prévaloir de la décision, alors que la force exécutoire contraint la partie à qui cette instance a donné tort à exécuter cette décision. La première ne concerne que les parties au différend alors que la seconde s’applique à l’effectivité et la prévalence d’un ordre juridique troublé par le comportement fautif de la partie condamnée. Aussi, si la force obligatoire signifie simplement que le différend est réglé entre les parties par la voie juridictionnelle, la force exécutoire confère à cette décision et, partant, à l’instance qui en est l’auteur, une autorité bien plus conséquente. L’unilatéralisme étatique ennemi d’une force obligatoire effective et pérenne serait alors écarté, ce qui enlèverait tout aléa dépendant du bon vouloir des Etats dans l’exécution de la décision juridictionnelle rendue. La présence d’une force contraignante rapprocherait le système mémorandaire des systèmes juridictionnels nationaux qui, globalement, prononcent des décisions non seulement obligatoires mais également exécutoires et pallierait une lacune patente au sein du fonctionnement juridictionnel international.

Le Mémorandum ne pose pas explicitement le principe du caractère exécutoire de la décision issue de l’articulation entre groupe spécial et Organe d’appel. Au contraire, il est davantage fait appel au bon vouloir raisonnable des parties quand ‘ « il est entendu que les demandes de conciliation et le recours aux procédures de règlement des différends ne devraient pas être conçus ni considérés comme des actes contentieux, et que, si un différend survient, tous les Membres engageront ces procédures de bonne foi dans un effort visant à régler ce différend » 1895 . Néanmoins, certaines dispositions mémorandaires font plus facilement ressortir une telle force contraignante. En effet, le long article 21 est consacré, comme l’indique son intitulé, à la ‘ « surveillance de la mise en œuvre des recommandations et décisions ’ » ; il pose le principe suivant : ‘ « pour que les différends soient résolus efficacement dans l'intérêt de tous les Membres, il est indispensable de donner suite dans les moindres délais aux recommandations ou décisions de l'ORD » 1896 .

Ces ‘ « moindres délais ’ » sont flous et pourraient de la sorte remettre en cause le principe même d’une décision exécutoire. La partie devant régler le différend conformément à la décision rendue pourrait retarder indûment le règlement et, ainsi, trop tarder pour donner suite à la décision, ce qui atténuerait considérablement la force contraignante de ladite décision. Cependant, le Mémorandum prend bien soin de préciser que ‘ « s’il est irréalisable pour un Membre de se conformer immédiatement aux recommandations et décisions, ce Membre aura un délai raisonnable pour le faire » 1897 .Le principe de la force contraignante est donc l’immédiateté et il admet une exception soumise à deux conditions : l’immédiateté doit être ‘ « irréalisable », ce qui écarte toute libre volonté de la partie dans la fixation du délai ; le délai doit être ‘ « raisonnable ’ », ce qui enlève à la fixation du délai la liberté de choix étatique 1898 .

Cette consécration de la force exécutoire des décisions formellement adoptées par l’ORD est implicite. Il est simplement prévu une ‘ « surveillance de la mise en œuvre des recommandations » 1899 et la nécessité de leur ‘ « donner suite » 1900 , ce qui n’est pas à proprement parler la reconnaissance d’un principe général de force exécutoire des décisions mémorandaires. Nonobstant, le principe est affirmé d’une conformation immédiate du Membre concerné aux recommandations et décisions de l’ORD ; et la prévision d’exceptions à ce principe montre le souci du Mémorandum de garantir une exécution effective de la décision. Ainsi, une certaine force exécutoire des décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel peut bien être reconnue, avec toutes les précautions inhérentes à son absence de consécration explicite.

Cette reconnaissance étant cependant bien timide, la force exécutoire mémorandaire doit être évaluée par l’étude de mécanismes la garantissant. Cette évaluation est fondamentale car l’effectivité d’une force exécutoire appliquée aux décisions mémorandaires est particulièrement remarquable. En effet, cette force exécutoire apporte au système mémorandaire une dimension juridictionnelle que la constatation d’une autorité de chose jugée ne pouvait amener. Cette dernière a pour conséquence l’opposabilité de la décision aux parties et donne à la décision une portée certaine sur les relations entre les deux parties opposées par le différend de l’espèce. Néanmoins, la portée de la force obligatoire s’arrête au règlement de ce différend particulier et consiste simplement en l’attribution à la partie vainqueur d’un droit d’opposabilité de la décision à l’encontre de la partie perdante. Certes, cette opposabilité n’est pas négligeable puisque la décision qui en est revêtue rend définitif et sans recours le règlement du différend ; mais elle a pour seul objectif d’activer le rôle régulateur du droit applicable pour ce qui concerne les relations particulières sources du différend entre ces deux parties.

La force exécutoire approfondit la portée de la décision dans la mesure où elle a pour objectif de soumettre au respect du droit l’un de ses sujets et, de la sorte, d’imposer non seulement la suprématie de ce droit mais également l’autorité de l’instance qui a la charge de le dire. Appliquée à la décision issue du système mémorandaire, la force exécutoire ne donne pas à ce système l’unique fonction de régler le différend mais elle lui ajoute la fonction monopolistique de garantir le respect du droit de l’OMC par les Membres. Elle attribue de la sorte au système mémorandaire une dimension juridictionnelle que la seule force obligatoire ne permettait pas d’atteindre : par la force exécutoire dont ses décisions sont revêtues, le système jouera pleinement le rôle du juge titulaire du monopole de la légitimation et de l’enclenchement de la contrainte du fait même de la décision qu’il énonce. Cette dimension juridictionnelle nouvelle est loin être négligeable dans un contexte international qui, par nature, est réfractaire à toute contrainte supranationale. Encore faut-il que cette force exécutoire ne soit pas simplement supputée par la constatation d’une reconnaissance textuelle implicite de son principe mais qu’elle soit avérée par l’examen des mécanismes qui la garantissent et de la pratique qui l’avalise, et ce d’autant plus que le caractère interétatique du mode de règlement mémorandaire peut faire craindre une ineffectivité de cette force exécutoire face au principe du respect des souverainetés étatiques.

En réalité, la force exécutoire est assurée par l’articulation entre un mécanisme particulier de délais et un processus de surveillance de la mise en œuvre des décisions. Cette articulation doit être étudiée, dans son fondement textuel comme dans sa pratique. Comme il a été précédemment constaté, le Mémorandum prévoit l’obligation pour le Membre concerné de se conformer à la décision issue du système mémorandaire, par principe immédiatement ou par exception dans un ‘ « délai raisonnable ’ » pour cause d’immédiateté irréalisable 1901 . Encore cette immédiateté doit-elle être précisée. L’autorité de chose jugée est attribuée à la décision issue de l’articulation entre le rapport du groupe spécial et celui de l’Organe d’appel dès son adoption par l’ORD. Un délai – relativement court – est donc aménagé entre la publicité de cette décision et l’effectivité de son autorité par cette adoption. En revanche, le Mémorandum est confus quant à la fixation de la date d’attribution de la force exécutoire à la décision, même si Mme Ruiz Fabri considère que les délais d’exécution ‘ « commencent à courir à compter de l’adoption du rapport par l’ORD » 1902 . Il prévoit que, ‘ « à une réunion de l'ORD qui se tiendra dans les 30 jours suivant la date d'adoption du rapport du groupe spécial ou de l'Organe d'appel, le Membre concerné informera l'ORD de ses intentions au sujet de la mise en oeuvre des recommandations et décisions de celui-ci. S'il est irréalisable pour un Membre de se conformer immédiatement aux recommandations et décisions, ce Membre aura un délai raisonnable pour le faire » 1903 .

Le moment de l’attribution d’une force exécutoire est donc soit simultané à l’attribution de l’autorité de chose jugée si l’immédiateté se fixe au jour de l’adoption, soit non simultané si l’immédiateté est datée du jour de la réunion de l’ORD qui a lieu dans le mois suivant l’adoption de la décision. Le Mémorandum ne dit pas clairement si le Membre qui se voit imposer une décision obligatoire par adoption de l’ORD est également en même temps soumis à une force exécutoire par cette même adoption. Cette confusion est facilement compréhensible dans la mesure où il a déjà été constaté que le Mémorandum ne pose explicitement ni le principe d’une force obligatoire ni celui d’une force exécutoire ; il serait alors malaisé d’exiger de lui qu’il soit précis sur l’enclenchement temporel de principes qu’il ne prévoit pas. Cette confusion n’en reste pas moins problématique car la probabilité d’un décalage entre force obligatoire et force exécutoire est forte et peut sembler illogique dans un schéma juridictionnel ordinaire 1904 .

Cependant, il faut considérer le pragmatisme du Mémorandum, l’objet du différend ainsi que l’identité des justiciables pouvant être soumis à cette force exécutoire. La décision des instances mémorandaires porte sur la conformité d’une mesure nationale par rapport au droit applicable et la constatation de sa non-conformité implique que l’Etat ayant pris cette mesure la retire ou la modifie ; l’effectivité de l’exécution de la décision est donc soumise à l’organisation institutionnelle étatique et induit un respect difficile de l’immédiateté. En outre, le délai maximal de trente jours entre l’adoption et la réunion suivante de l’ORD est relativement bref tout en permettant à l’Etat fautif de retirer ou modifier la mesure en cause si cette opération est immédiatement réalisable. De la sorte, ce délai peut être considéré comme étant le ‘ « délai d’immédiateté  ’» au-delà duquel intervient le ‘ « délai raisonnable ». De toute manière, ces considérations ne sont que théoriques dans la mesure où ‘ « l’exécution immédiate (…) n’est évidemment pas la situation la plus courante  ’» 1905 .

Cette dernière conclusion issue de la pratique montre qu’en réalité la force exécutoire des décisions est soumise à certaines variations qui font craindre son atténuation ; en effet, le Membre auquel s’applique cette force exécutoire pourra l’enclencher immédiatement, ce qui est le principe, ou à l’issue d’un délai raisonnable. De la sorte, la décision juridictionnelle n’a force exécutoire qu’à partir du moment où le Membre en question l’a décidé. Cependant, cette variation ne remet pas en cause cette force exécutoire mais se contente de l’aménager. D’abord, la variation de cette force exécutoire s’applique à sa dimension temporelle et non à son effectivité qui, elle, semble inexorable. Ensuite, le Membre n’a pas un choix totalement libre quant à la mise à l’écart du principe d’immédiateté au profit de l’exception du délai raisonnable car le Mémorandum prend soin de préciser que seul le caractère ‘ « irréalisable » 1906 de la mise en œuvre immédiate peut justifier le recours au délai raisonnable exceptionnel. Enfin et surtout, il n’est pas certain que la force exécutoire de la décision soit bien enclenchée à l’issue de ce délai raisonnable et soit ainsi soumise à la volonté – même liée – du Membre auquel elle s’applique car le système mémorandaire met en place un processus de surveillance de la mise en œuvre de la décision susceptible de conférer immédiateté et efficacité à cette force exécutoire. Ce processus est susceptible de créer sur le Membre concerné une pression l’encourageant à mettre en œuvre le plus rapidement possible la décision. Ainsi, en recherchant l’exécution, il crée un ‘ « climat exécutoire » ’ qui, même s’il n’est pas juridictionnel ou même juridique, confère force exécutoire à la décision dès qu’il est enclenché.

Encore le déclenchement et le déroulement de ce processus de surveillance doivent-ils être précisés. En effet, ce processus paraît garantir que la force exécutoire soit bien intrinsèque à la décision juridictionnelle et ne dépende pas d’événements ou d’entités extérieurs susceptibles de l’atténuer, voire de l’annihiler. Mais, pour ce faire, il doit être enclenché assez tôt après le prononcé de la décision et il doit être suffisamment solide pour susciter chez le Membre concerné le sentiment d’une soumission nécessaire à cette décision. Le principe de la surveillance de la mise en œuvre des décisions est fixé par le Mémorandum de la manière suivante : ‘ « l’ORD tiendra sous surveillance la mise en oeuvre des recommandations ou décisions adoptées. La question de la mise en oeuvre des recommandations ou décisions pourra être soulevée à l'ORD par tout Membre à tout moment après leur adoption. A moins que l'ORD n'en décide autrement, la question de la mise en oeuvre des recommandations ou décisions sera inscrite à l'ordre du jour de la réunion de l'ORD après une période de six mois suivant la date à laquelle le délai raisonnable (…) aura été fixée et restera inscrite à l'ordre du jour des réunions de l'ORD jusqu'à ce qu'elle soit résolue. Dix jours au moins avant chacune de ces réunions, le Membre concerné présentera à l'ORD un rapport de situation écrit indiquant où en est la mise en oeuvre des recommandations ou décisions ’ » 1907 . En outre, le processus de surveillance est implicitement organisé par l’article 21 : 3 précité qui prévoit que, à la ‘ « réunion de l'ORD qui se tiendra dans les 30 jours suivant la date d'adoption du rapport du groupe spécial ou de l'Organe d'appel, le Membre concerné informera l'ORD de ses intentions au sujet de la mise en oeuvre des recommandations et décisions de celui-ci ’ ».

Aussi l’enclenchement du processus de surveillance semble-t-il avoir à première vue une date variable. La date par principe explicitement reconnue est fixée à six mois après la fixation du délai raisonnable, ce qui retarde singulièrement la reconnaissance d’une force exécutoire par rapport à l’autorité de chose jugée conférée formellement à la décision dès son adoption par l’ORD. Elle peut être substantiellement avancée si un Membre le veut 1908 ou si l’ORD le décide 1909 . Cependant, en réalité, cette variabilité et ce retard explicites ne doivent pas être pris en compte car un enclenchement implicite du processus de surveillance a lieu dans le ‘ « délai d’immédiateté ’ » susmentionné. Le Membre doit informer l’ORD de ses intentions au sujet de la mise en œuvre de la décision au cours de la réunion qui suit l’adoption de la décision, et cette réunion est séparée de l’adoption par trente jours maximum ; de la sorte, le système mémorandaire le sollicite immédiatement pour exécuter la décision ou du moins pour envisager solennellement cette exécution. Aussi cette surveillance est-elle enclenchée suffisamment tôt pour pouvoir appuyer immédiatement l’effectivité d’une force exécutoire et son caractère intrinsèque à la décision. En outre, elle est susceptible d’être, dès lors, constante à partir du moment où tout Membre peut soulever toute question concernant cette mise en œuvre et où, de toute façon, à l’issue d’un délai strictement prévu par le Mémorandum, cette question revient systématiquement devant l’ORD jusqu’à sa résolution.

Quant à la solidité de cette surveillance, elle est directement liée à la fonction de l’ORD qui a clairement en charge cette surveillance 1910  : il est le lieu de convergence des procédures de surveillance que le Mémorandum organise. L’ORD doit être informé des intentions du Membre concerné au sujet de cette mise en œuvre au cours de la réunion suivant l’adoption de la décision 1911 , et reçoit les rapports de situation que ledit Membre devra présenter et traite au cours de ses réunions la question de cette mise en œuvre jusqu’à résolution, à partir du moment où cette question doit être obligatoirement inscrite à l’ordre du jour 1912 . Néanmoins, cette centralité peut être discutée car l’ORD n’est que le destinataire passif des concrétisations procédurales que le Mémorandum prévoit quant à la surveillance de la mise en œuvre des décisions.

Plus précisément, il n’est que le prétexte au déroulement procédural 1913 . Il ne joue aucun autre rôle que celui de se réunir afin de constituer l’enceinte dans laquelle se déroulent les procédures qui doivent, d’après le Mémorandum, s’y dérouler et dans laquelle les Membres peuvent s’informer et s’exprimer. Ce rôle passif de lieu de réunion, se vérifiant bien souvent par ailleurs, est particulièrement avéré pour ce qui est du processus de surveillance. Certes, il a pour fonction de tenir sous surveillance la mise en œuvre des décisions 1914 , mais il ne joue aucun rôle actif dans cette surveillance : il assiste à la formulation des intentions du Membre concerné ; il assiste à l’action éventuelle d’un Membre soulevant une question concernant cette mise en œuvre ; il voit son ordre du jour être automatiquement complété par l’inscription de la question de la mise en œuvre une fois réunies les conditions de délais que le Mémorandum prévoit ; il reçoit les rapports de situation des Membres concernés. Ce rôle de prétexte au déroulement procédural fonctionne aussi bien pour l’impératif que pour l’optionnel. L’ORD est complètement passif pour les mécanismes procéduraux obligatoires que le Mémorandum prévoit, comme l’adoption des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel, l’information par le Membre concerné de ses intentions concernant la mise en œuvre de la décision, ou encore l’inscription automatique à l’ordre du jour de la question de la mise en œuvre passé un certain délai, etc. 1915 . L’ORD a cette même attitude pour les mécanismes procéduraux que les Membres décident d’enclencher, comme le fait, pour un Membre, de soulever à tout moment la question de la mise en œuvre 1916 .

Cependant, il reste que, pour ne prendre que le cas de la surveillance de la mise en œuvre des décisions, ce rôle formel est également essentiel et symbolique. Il est essentiel dans la mesure où les réunions de l’ORD permettent aux Membres de s’informer sur cette mise en œuvre, d’exprimer leurs points de vue et, de la sorte, de pouvoir en toute connaissance de cause déterminer leur intention d’enclencher tel ou tel mécanisme procédural que le Mémorandum prévoit comme une possibilité offerte 1917 . Il est symbolique dans la mesure où le Membre concerné par la mise en œuvre de la décision doit rendre des comptes devant un organe diplomatique composé des représentants de tous les Membres, c’est-à-dire devant la communauté internationale considérée à laquelle il appartient. Si cette surveillance peut paraître uniquement formelle, dans la mesure où aucune contrainte ne vient obliger le Membre à exécuter la décision, elle n’en reste pas moins conséquente. Elle constitue une double menace pour le Membre concerné : juridique car la circulation d’informations permise par l’ORD peut entraîner de la part de l’autre partie l’enclenchement de procédures mémorandaires véritablement contraignantes ; politique car cette ‘ « comparution ’ » devant l’ORD peut exposer ledit Membre à la diatribe de ses congénères.

En pratique, Le processus de surveillance est d’une effectivité certaine 1918 . Certes, certaines décisions ne donnent lieu à aucune procédure de mise en œuvre, mais cette absence est facilement explicable par le fait que, soit ces décisions donnent tort au plaignant, confortent le défendeur dans ses agissements et ainsi ne nécessitent aucune mise en œuvre 1919 , soit l’Organe d’appel constate l’incompétence du groupe spécial 1920 . En réalité, la décision induit logiquement une exécution dès qu’elle déclare non-conforme au droit de l’OMC les agissements du défendeur. La force exécutoire s’applique alors systématiquement et elle est assurée par l’enclenchement du processus de surveillance. En revanche, la décision donnant raison au défendeur ne nécessite pas une exécution mais entraîne seulement une opposabilité au bénéfice du défendeur à l’encontre du plaignant. Aussi la décision de conformation est‑elle simplement dotée de l’autorité de chose jugée alors que la décision de non-conformation est, quant à elle, dotée et de la force obligatoire et de la force exécutoire. Par conséquent, le processus d’exécution est enclenché systématiquement, dès que la décision induit une exécution.

En revanche, son développement complet est plus mesuré, bien qu’un fort petit nombre de décisions soient exécutées immédiatement 1921 . Cependant, un tiers des affaires donnent lieu à des rapports de situation effectivement rendus 1922 , ce qui indique que le mécanisme de l’ORD n’inscrit que peu souvent à son ordre du jour la question de la mise en œuvre après le délai de six mois suivant la date de fixation du délai raisonnable. Néanmoins, cette dernière proportion n’est pas négligeable : elle indique que les règlements de différends sont souvent ‘ « difficiles ’ » du point de vue de leur mise en œuvre mais que le dispositif mémorandaire permet tout de même d’assurer la surveillance de leur exécution. En outre, la faible proportion des rapports de situation rendus n’est pas le signe d’une ineffectivité de la force exécutoire mais peut au contraire être un indice de son efficacité. La procédure des rapports de situation est automatique six mois après la fixation du délai raisonnable, ce qui laisse au Membre concerné un temps assez long pendant lequel la mise en œuvre qu’il doit effectuer n’est pas exigée. Aussi la faiblesse du nombre des rapports de situation indique‑t‑elle que l’exécution de la décision a eu lieu avant la fin de ces six mois.

Ainsi, la surveillance de la mise en œuvre peut être considérée comme solide, en plus d’être immédiate. Par conséquent, il faut croire qu’elle instaure un climat exécutoire constituant un soutien non négligeable à cette force exécutoire dont le principe n’est qu’implicitement formulé. Cette dernière n’est donc pas atténuée mais au contraire renforcée par l’organisation d’un processus de surveillance effectif. Seule fragilisation possible de cette solidité, une durée excessive de ce délai raisonnable peut fortement atténuer la pertinence de cette force exécutoire. Certes, ce délai est ‘ « raisonnable » et ne peut être obtenu par le Membre concerné par la mise en œuvre de la décision que si le caractère irréalisable de l’exécution immédiate est avéré 1923 . En outre, le principe posé par le Mémorandum est que ‘ « le délai raisonnable pour la mise en œuvre des recommandations du groupe spécial ou de l’Organe d’appel ne devrait pas dépasser 15 mois à compter de la date d’adoption du rapport ’ » 1924 . Ainsi, la condition matérielle d’application de ce délai, son caractère ‘ « raisonnable » et la limite de principe de sa durée sont autant de garanties de modération. Cependant, deux paramètres de la fixation de ce délai peuvent relativiser l’application d’une force exécutoire. En effet, il a déjà été constaté que, si le principe temporel de l’exécution est l’immédiateté, l’exception que constitue le délai raisonnable devient en pratique la règle. Et, dans ce schéma, le mode de fixation du délai ainsi que sa durée peuvent être deux brèches ouvertes dans la solidité de cette force exécutoire.

Le mode de fixation du délai raisonnable est précisément organisé par le Mémorandum et comporte trois mécanismes alternatifs : le délai raisonnable est ‘ « le délai proposé par le Membre concerné, à condition que ce délai soit approuvé par l'ORD ; ou, en l'absence d'une telle approbation, (…) un délai mutuellement convenu par les parties au différend dans les 45 jours suivant la date d'adoption des recommandations et décisions ; ou, en l'absence d'un tel accord, (…) un délai déterminé par arbitrage contraignant dans les 90 jours suivant la date d'adoption des recommandations et décisions » 1925 . En réalité, les deux premiers mécanismes se rejoignent de manière telle que le premier se confond avec le deuxième, car l’approbation de l’ORD est une décision qui doit être prise par consensus 1926 . Ainsi, même à supposer que les Membres qui ne sont pas parties au différend acceptent par indifférence le délai proposé par le défendeur, le plaignant sera titulaire d’un droit de veto sur cette approbation, de telle sorte que ce délai, pour être approuvé par l’ORD, doit être le fruit d’un accord entre les deux parties, comme le deuxième mécanisme l’exige. La fixation du délai est donc, soit le fait d’un accord mutuel entre les parties, soit le fait de l’‘ » arbitrage contraignant ’ » de l’article 21 : 3 c).

En pratique, plus de la moitié des délais raisonnables est convenue entre les parties, les autres étant déterminés par arbitrage 1927 . Si les parties semblent préférer une fixation de ce délai d’un commun accord, la répartition entre les deux mécanismes de fixation est relativement équilibrée car le mode arbitral de détermination du délai est loin être négligé. Il reste que la présence d’un arbitrage suscite des interrogations quant à son fonctionnement. Cet arbitrage, en raison de sa seule dénomination, semble pallier le désaccord durable entre les parties sur la fixation d’un tel délai et semble leur imposer une effectivité de la force exécutoire de la décision adoptée par l’ORD. Mais sa seule qualification ‘ « arbitrale ’ » ne suffit pas à justifier de telles apparences. Si l’effectivité d’une procédure d’arbitrage au sein du mécanisme d’exécution est susceptible de renforcer la constatation d’une fonction juridictionnelle indispensable à cette exécution, encore faut-il que cet ‘ « arbitrage contraignant » de l’article 21 : 3 c) tienne ses promesses de juridictionnalité.

La juridictionnalité organique de l’arbitrage de l’article 21 : 3 c) ne fait aucun doute. Il a déjà été rappelé que le droit international public admet deux modes de règlement juridictionnels qui sont le mode judiciaire et le mode arbitral, étant entendu que leur fonction matérielle est similaire et que le second ne se différencie du premier que par sa non-permanence ou, autrement dit, son absence d’institutionnalisation 1928 . Aussi faut-il conclure qu’un arbitrage institutionnalisé n’est rien d’autre qu’une instance juridictionnelle, du moins d’un point de vue organique. Or, l’arbitrage de l’article 21 : 3 c) est l’objet d’une institutionnalisation au sein du système mémorandaire. Il bénéficie d’une permanence certaine essentiellement induite par la personne de cet arbitre qui est, en pratique, toujours un membre de l’Organe d’appel, bien que le Mémorandum ne l’exige ni ne le suggère 1929 . Cet arbitrage est donc un mécanisme de type juridictionnel d’un point de vue organique. Quant à sa juridictionnalité procédurale et matérielle, il faut reprendre les critères précédemment utilisés pour l’établissement du caractère juridictionnel du règlement du différend initial. Il n’est pas nécessaire de s’appesantir sur chacun de ces critères dans la mesure où, d’une part, l’arbitrage de l’article 21 : 3 c) ne bénéficie pas d’une pratique assez conséquente pour pouvoir en déduire une étude approfondie et complète et, d’autre part, il ne remplit que la mission annexe de fixation d’un délai ce qui limite foncièrement ses constatations et conclusions d’un point de vue matériel comme formel. Il faut tout de même brièvement examiner les critères procéduraux et matériels de la juridictionnalité.

D’abord, les critères procéduraux sont au nombre de trois principaux et leur effectivité peut être constatée. Le premier est celui de la saisine unilatérale de l’arbitre qui est un mécanisme suggéré par le Mémorandum et utilisé dans la pratique 1930 . Le deuxième critère est celui du caractère contradictoire de la procédure suivie devant ledit arbitre. Ce critère peut être vérifié par un examen rapide des sentences arbitrales déjà rendues et plus particulièrement de leur description de la procédure suivie. Cette description fait état d’un système constant de communications écrites des deux parties reçues le même jour par l’arbitre et suivies d’une audience 1931 . Quant à l’obligation de juger, troisième critère procédural, elle est également suggérée par le Mémorandum qui ne prévoit pas l’échec de l’arbitrage, ce dernier constituant même la garantie d’un délai raisonnable effectivement fixé 1932  ; elle est, de même, réalisée en pratique puisque le seul cas d’une absence de décision arbitrale s’applique à un accord entre parties trouvé après la constitution de l’arbitre 1933 .

Ensuite, les critères matériels peuvent être rassemblés en deux principaux qui sont, d’une part, la juridicité du raisonnement de l’arbitre et de la sentence qu’il énonce et, d’autre part, la continuité de la décision. Le premier critère est difficilement identifiable dans la mesure où l’arbitre a pour seule mission la fixation d’un délai, ce qui ne revient pas confronter explicitement des normes juridiques générales et impersonnelles au comportement précis d’une partie au différend de l’espèce. Nonobstant, l’arbitre énonce le droit applicable à une situation déterminée en déterminant un délai concret à partir d’une norme juridique prévoyant le caractère raisonnable de ce délai. En outre, la lecture des sentences arbitrales déjà formulées indique aisément que l’arbitre s’efforce de fonder son raisonnement sur des dispositions mémorandaires diverses nécessaires à sa démonstration. Par exemple, outre le travail d’interprétation de l’article 21 : 3 relatif à ce délai raisonnable 1934 , l’arbitre précise le concept de mise en œuvre des décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel 1935 ou encore applique les dispositions mémorandaires relatives aux pays en développement 1936 . Quant au second critère, l’arbitre le respecte bien en n’hésitant pas à fonder ses constatations et conclusions sur des décisions arbitrales antérieures 1937 ou encore sur des décisions extérieures au processus arbitral, émanant par exemple de l’Organe d’appel 1938 . Ce faisant, l’arbitre de l’article 21 : 3 c) est un organe de nature et de procédure juridictionnelles qui dit le droit.

Enfin, il manque à cette décision une autorité de chose jugée qui est le troisième critère de juridictionnalité. Cette autorité semble bien ne faire aucun doute dans le Mémorandum qui impose comme garantie de l’existence de ce délai cette décision arbitrale et qui ne paraît pas devoir imaginer le non-respect de cet arbitrage qui, au surplus, est qualifié de ‘ « contraignant » 1939 . L’utilisation de cet adjectif montre le souci du Mémorandum de rendre effective et obligatoire la décision arbitrale car il n’était pas nécessaire de préciser le caractère contraignant de l’arbitrage, à moins de supposer qu’existeraient des arbitrages ‘ « facultatifs ’ ». Cette autorité n’est pas, de plus, remise en cause en pratique par les parties auxquelles la sentence s’applique car elles ne peuvent contester cet arbitrage, même par la voie de l’ORD qui est totalement exclu de ce mécanisme 1940 . Cet arbitrage devient définitif et sans recours. Ainsi, et sans qu’il soit besoin d’identifier une force exécutoire dans la mesure où cet arbitrage appartient au mécanisme d’exécution, il faut constater que l’arbitrage de l’article 21 : 3 c) correspond bien à un processus juridictionnel.

D’ailleurs, cette qualification ‘ « arbitrale ’ » peut paraître étonnante dans la mesure où la caractéristique de l’arbitrage est sa non-permanence et que son institutionnalisation la lui fait perdre pour le faire entrer de plain-pied dans la juridiction stricto sensu. Sans doute la méfiance des rédacteurs du Mémorandum et des Membres vis-à-vis de tout système juridictionnel imposé justifie-t-il cette timidité terminologique. De même, les analystes du système mémorandaires, signalant une institutionnalisation de l’arbitrage au sein du système mémorandaire, et en en déduisant parfois une juridictionnalisation dudit système 1941 , restent sans doute trop timides dans leurs conclusions. En effet, l’arbitrage ainsi institutionnalisé devient clairement un organe juridictionnel et non pas seulement un arbitrage institutionnalisé dans un mécanisme en voie de juridictionnalisation. Il est un organe juridictionnel d’exécution des décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel et devrait, à ce titre, fonder une réflexion plus générale sur la juridictionnalité potentielle du système auquel il appartient.

Quant à la durée du délai raisonnable, le Mémorandum n’est pas très précis. Certes, il prévoit que ce délai ‘ « ne devrait pas dépasser 15 mois » ’ mais il s’empresse d’ajouter que, ‘ « toutefois, ce délai pourrait être plus court ou plus long, en fonction des circonstances ’ » 1942 . L’arbitre lui-même a pu estimer que ‘ « le sens ordinaire des termes de l'article 21: 3 c) indique que "l'arbitre devrait partir du principe" que le délai est de 15 mois, et non en faire une règle. (…) le principe de 15 mois est une limite supérieure ou un maximum dans un cas normal. Par exemple, lorsque la mise en oeuvre peut être effectuée par des moyens administratifs, le délai raisonnable devrait être beaucoup plus court que 15 mois. Toutefois, le délai raisonnable pourrait être plus court ou plus long, en fonction des circonstances, comme il est indiqué à l'article 21: 3 c) » 1943 . De même, un groupe spécial a pu suggérer ‘ « qu'un "délai raisonnable" pourrait dépasser 15 mois en l'occurrence  ’» 1944 , ce qui montre que, outre le fait que cette suggestion est plutôt surprenante de la part d’un groupe spécial qui de la sorte s’exprime sur un délai dont la fixation n’est pas de sa compétence, la détermination dudit délai est empreinte de pragmatisme.

Cette imprécision peut faire craindre, malgré la condition d’‘ » irréalisabilité ’ » de l’immédiateté qui est pourtant distincte de la simple convenance de l’Etat concerné, une extension outrancière d’un délai qui semble déjà suffisamment conséquent et, partant, une atténuation importante de l’effectivité de la force exécutoire. Cependant, la pratique montre qu’il n’en est rien. D’abord, la possibilité d’une fixation arbitrale par saisine unilatérale empêche la partie devant mettre en œuvre la décision de décider seule d’un délai excessivement long ou de faire pression sur la partie plus faible pour qu’elle accepte ce délai. Ensuite, la moyenne des délais fixés est ‘ « raisonnable ’ », qu’elle soit celle des délais convenus entre les parties ou celle des délais décidés par arbitrage. Elle ne dépasse que dans de très rares exceptions les quinze mois que le Mémorandum suggère 1945 et se fixe, dans le cas des délais convenus, entre neuf et dix mois et, dans les délais déterminés par arbitrage, à environ douze mois. Paradoxalement, le délai de quinze mois n’est pas la règle et les parties d’un commun accord semblent plus pressées que l’arbitre de rendre effective l’exécution, même s’il faut supposer que ce sont sans doute les exécutions les plus problématiques donc les plus nécessiteuses en temps qui seront soumises à arbitrage.

Par conséquent, le mode de fixation et la durée du délai raisonnable renforcent, au lieu de l’atténuer, l’efficacité du processus de surveillance et, partant, l’effectivité d’une force exécutoire. C’est donc bien l’articulation entre deux mécanismes particuliers, de délais et de surveillance, qui garantissent cette force exécutoire. Bien entendu, celle-ci n’est pas explicitement reconnue dans son principe ; de plus, elle n’est pas en pratique immédiate. Mais ces deux difficultés peuvent être justifiées par le particularisme du système mémorandaire : il est malaisé d’imposer une force exécutoire immédiate à l’encontre de justiciables qui restent, malgré leur engagement au sein d’une organisation internationale, des Etats souverains ; le Mémorandum n’a pas la prétention d’organiser un système de règlement explicitement juridictionnel mais il se contente d’une démarche pragmatique ; et la complexité des échanges commerciaux que le droit de l’OMC régule ainsi que les lourdeurs inhérentes à tout fonctionnement administratif et politique interétatique expliquent un besoin de temps afin que la mise en œuvre des décisions soit effective. Bien plus, ces deux difficultés peuvent être vues comme des atouts permettant d’imposer réellement, in fine, une force exécutoire que les modes de règlement des différends interétatiques ont en général beaucoup de mal à admettre. En effet, l’absence de reconnaissance du principe d’une force exécutoire a pour conséquence de ne pas brusquer des Etats qui pourraient se braquer contre le système mémorandaire et le rendre ineffectif s’ils se sentaient pris au piège d’une contrainte outrancière. De même, la possibilité de contourner le principe de l’immédiateté offre aux Membres la prévalence d’une fixation amiable de la date de la force exécutoire ainsi mieux acceptée et, par voie de conséquence, rendue effective et légitime.

Par ailleurs, la force exécutoire est dans certains cas rendue plus automatique par le dispositif textuel de l’OMC. En effet, même si cette occurrence est marginale par rapport au principe mémorandaire de l’immédiateté et par rapport à l’exception mémorandaire du délai raisonnable, l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires prévoit qu’un délai de mise en œuvre de la recommandation sera fixé par le groupe spécial même au sein de son rapport initial. Cet Accord dispose que ‘ « s’il est constaté que la mesure en question est une subvention prohibée, le groupe spécial recommandera que le Membre qui accorde la subvention la retire sans retard. A cet égard, le groupe spécial spécifiera dans sa recommandation le délai dans lequel la mesure doit être retirée » 1946 . Les groupes spéciaux n’hésitent pas le cas échéant à fixer ce délai 1947 . Dans ce cas, la force exécutoire est directement et précisément prévue, d’un point de vue temporel, par le groupe spécial dans la décision même De la sorte, la fixation amiable du délai d’exécution n’est pas privilégiée ; le groupe spécial impose ce délai à la partie concernée. Ce faisant, et même si le principe d’immédiateté est clairement mis à l’écart, le groupe spécial renforce considérablement l’effectivité d’une force exécutoire qu’il attribue sans intervention extérieure – des parties d’un commun accord ou de l’arbitre de l’article 21 : 3 c) – à sa propre décision. Cette automaticité ne peut être généralisée dans la mesure où cette fixation du délai par le groupe spécial ne concerne que l’application d’un accord particulier de l’OMC mais elle est significative d’une absence de réticence quant à l’imposition d’une force exécutoire effective.

Le caractère exécutoire de la décision du groupe spécial éventuellement modifiée par celle de l’Organe d’appel est assuré par un mécanisme obligatoire renforcé par la pression d’un processus de surveillance. Dans un premier temps le principe de l’immédiateté est prôné et son caractère irréalisable, finalement décidé par la partie concernée seule, ne met pas en danger l’effectivité d’une force obligatoire car est prévue l’exception du délai raisonnable confiée à l’accord amiable entre les parties. Dans un second temps, le caractère exécutoire ne peut être victime d’un désaccord durable entre ces mêmes parties puisqu’un mécanisme juridictionnel d’arbitrage vient garantir la fixation définitive et sans recours de ce délai raisonnable. De la sorte, la force exécutoire s’impose et son effectivité est assurée in fine par un mécanisme juridictionnel, soit de manière directe si cet arbitrage est la seule façon de fixer le délai raisonnable d’exécution, soit de manière indirecte si le caractère ‘ « contraignant » de cet arbitrage est un repoussoir, assorti d’un processus de surveillance, au service d’une fixation amiable.

Le caractère exécutoire des décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel contribue à l’identification d’une juridictionnalité. Comme souligné précédemment, il provient de l’articulation entre un mécanisme juridictionnel et un mécanisme de contrainte et a pour prélude et source la force exécutoire de la décision juridictionnelle initiale visant au règlement du différend. Cette force exécutoire est présentement établie et constitue un indice déterminant de l’effectivité du caractère exécutoire des décisions et, partant, de leur juridictionnalité. En outre, elle se réalise en cas de blocage de l’accord amiable entre parties par le biais d’un mécanisme juridictionnel qui est celui de l’arbitrage de l’article 21 : 3 c), de telle sorte que l’exécution des décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel comporte dès ses prémices un mécanisme juridictionnel. Celui-ci peut contribuer à la détermination d’un mécanisme d’exécution que la force exécutoire préfigure et fonde et qui, partant, parachèvera la juridictionnalité du système mémorandaire.

Notes
1870.
Ce terme désigne une situation ou encore un système de caractère obligatoire ; il est préféré au terme de « contrainte » dans la mesure où cette contrainte désigne une action à l’encontre d’une entité alors que l’obligatoriété désigne davantage une situation et, de la sorte, sied mieux à la description du système mémorandaire. En effet, le Mémorandum instaure une automaticité procédurale et non une contrainte exercée par exemple par les instances de règlement sur les parties. En outre, ce terme d’obligatoriété permet une différenciation avec la contrainte qui est traitée infra et qui concerne l’exécution des décisions mémorandaires par les Etats. Ce choix terminologique est critiquable parce qu’il formule un barbarisme et marginalisé parce que de nombreux auteurs n’hésitent pas à parler de contrainte procédurale (voir pour exemple G. Guibert, « L’Organisation mondiale du commerce (OMC), continuité, changement et incertitudes », Politique Etrangère, n°3, 1995, p. 813 ou encore H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, p. 717). Il conserve néanmoins le mérite de la clarté, ce qui est son unique objectif.
1871.
« Un peu sur le mode des vases communicants, la place du droit semble s’accroître au fur et à mesure que s’éloigne la perspective d’un accord amiable (…). C’est la traduction du fait que moins la contrainte est acceptée, plus elle doit être fondée. Le recours au droit est précisément la contrepartie du caractère désormais très contraignant du mécanisme de règlement » ; H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 3, 1997, p. 724.
1872.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement… », J.D.I. 3, 1997, p. 717. Voir dans le même sens, par exemple, G. Guibert, « L’Organisation mondiale du commerce (OMC), continuité, changement et incertitudes », Politique Etrangère, n°3, 1995, pp. 813-814.
1873.
H. Ruiz Fabri, « Le règlement… », J.D.I. 3, 1997, p. 710.
1874.
Y. Renouf, « Le règlement des litiges », in T. Flory (Sous la direction de), La Communauté européenne et le GATT…, op. cit., p. 57
1875.
T. Flory, « Chronique de Droit international économique- Commerce international », A.F.D.I. XXXIX, 1993, Paris, pp. 759-762.
1876.
Cette démonstration se trouve dans le Chapeau introductif du Présent Titre ainsi que dans la Section précédente.
1877.
M. Terré (in Introduction générale au droit, op. cit., pp. 595-604) distingue fort justement une multiplicité d’effets précis de l’acte juridictionnel : en plus de l’autorité de la chose jugée et de la force exécutoire, les effets sont, par exemple, le dessaisissement du juge, les jugements déclaratifs et constitutifs, ainsi que les jugements qui sont des ordonnances, des jugements et des arrêts, etc. Certes, le dessaisissement du juge est un effet important pour la qualification juridictionnelle, et force est de constater qu’il est évident dans le cadre du système mémorandaire du fait du mécanisme d’adoption des décisions confié à l’ORD. Cependant, l’examen des autres effets n’a que peu d’intérêt en l’espèce, soit parce qu’ils s’inscrivent dans une dimension étatique certainement plus aboutie que le système mémorandaire balbutiant et que le droit international public général plus « primitif », soit parce qu’ils ne sont pas déterminants pour la qualification juridictionnelle de ce système.
1878.
Les illustrations sont nombreuses et variées du caractère double des effets de la décision juridictionnelle en général. Il est couramment établi qu’une telle décision a, à la fois, force obligatoire et force contraignante ou, en tout cas, que ces deux effets sont distincts et que leur identification est examinable quand il s’agit d’analyser une décision juridictionnelle. Voir pour exemples : J.-L. Bergel, Théorie générale du droit, op. cit., pp. 312-317 ; F. Terré, op. cit., pp. 595-601 ; M. Gaillard, L’Intelligence Du Droit, op. cit., pp. 138-139 ; J. Combacau, S. Sur, op. cit., pp. 601-602.
1879.
Force exécutoire et force contraignante sont ici considérées comme synonymes, à l’instar de la pratique doctrinale sur ce point. Nonobstant, une nuance peut être relevée : la force exécutoire est attachée à la portée de la décision juridictionnelle, alors que la force contraignante, connotant évidemment et plus clairement l’idée de contrainte, peut être plus généralement considérée comme l’addition de la force exécutoire et de ses effets en termes d’exécution juridictionnelle et administrative.
1880.
H. Kelsen, Théorie pure du droit, op. cit., p. 238 ;
1881.
M. Gaillard, L’Intelligence Du Droit, op. cit., pp. 138 et 139.
1882.
M. Virally, « Sur la prétendue ‘primitivité’ du droit international », in Le droit international en devenir, op. cit., pp. 93-94.
1883.
J.-L. Bergel, Théorie générale du droit, op. cit., p. 313.
1884.
P. Daillier et A. Pellet (N. Quoc Dinh †), op. cit., p. 933.
1885.
H. Kelsen, Théorie pure du droit, op. cit., p. 261.
1886.
Cette démarche serait hors de propos dans la mesure où il est simplement question ici d’analyser les rapports entre juridiction et contrainte et non de traiter, par une approche théorique des fondements de la contrainte, de ses applications et de ses rapports avec le droit.
1887.
M. Virally, « Sur la prétendue ‘primitivité’ du droit international », in Le droit international en devenir, op. cit., pp. 93-94.
1888.
Cette contrainte est l’objet du Chapitre suivant.
1889.
Voir note précédente.
1890.
J. Combacau, S. Sur, op. cit., p. 27.
1891.
Voir pour une étude plus détaillée le Chapitre précédent.
1892.
En guise d’illustration des risques d’affaiblissement de cette juridictionnalité, il faut constater avec M. Pace que l’adoption par l’ORD des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel atténue leur autorité juridique réelle car ces rapports « ne deviennent (…) juridiquement contraignants qu’une fois adoptés par l’ORD ». Voir V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et…, op. cit., p. 204.
1893.
Se reporter, pour une étude théorique générale des rapports entre le droit international public et la contrainte, aux propos de Virally, in : « Sur la prétendue ‘primitivité’ du droit international », Recueil de travaux, publié à l’occasion de l’Assemblée de la Société suisse de juristes à Genève, du 3 au 5 octobre 1969, (mémoires publiés par la Faculté de Droit de Genève, N° 27) Librairie de l’Université Georg & Cie, 1969, Genève, pp. 201-213 ; et in« Un tiers droit ? Réflexions théoriques », Le droit des relations économiques internationales. Etudes offertes à Berthold Goldman, Litec, Paris, 1982, pp. 373-385.
1894.
J. Combacau, S. Sur, op. cit., p. 601.
1895.
Article 3 : 10.
1896.
Paragraphe 1.
1897.
Article 21 : 3.
1898.
Il n’est ici question que d’une étude sommaire du texte ayant pour objectif de reconnaître l’éventuelle consécration explicite d’une force exécutoire. Ce principe d’immédiateté, les mécanismes afférents et la pratique sont approfondis et discutés infra.
1899.
Intitulé de l’article 21.
1900.
Article 21 : 1.
1901.
Se reporter à l’article 21 : 3 précité.
1902.
H. Ruiz Fabri, « Le contentieux de l’exécution dans le règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce », J.D.I. 2000 n°3, p. 609.
1903.
Article 21 : 3.
1904.
Cette confusion pourrait être résolue par la suppression de la réunion de l’ORD suivant l’adoption. Une réunion unique pourrait être organisée, qui adopterait le rapport et entendrait le Membre informant l’ORD de ses intentions quant à la mise en œuvre de la décision. Le délai de trente jours entre les deux réunions de l’ORD peut être considéré comme un délai de réflexion que le Mémorandum ménage à la partie fautive afin qu’elle envisage concrètement la mise en œuvre de la décision. Cependant, le délai entre la publicité du rapport et son adoption oscille entre trente et soixante jours et peut très bien remplacer le délai de réflexion précédent, et ce d’autant plus qu’il ne subsiste aucun doute sur l’issue de l’adoption, en raison du mécanisme du consensus négatif qui la caractérise. Force obligatoire et force exécutoire seraient alors clairement simultanées et la juridictionnalité implicitement organisée par le Mémorandum et concrétisée par la pratique s’en trouverait pour partie explicitée et renforcée. Il reste qu’une telle suppression reviendrait à reconnaître plus explicitement le rôle exclusivement formel de l’ORD et l’automaticité de l’adoption ; et cette démarche est difficilement envisageable de la part d’Etats toujours soucieux du respect, même symbolique, de leur souveraineté nationale.
1905.
H. Ruiz Fabri, « Le contentieux de l’exécution… », op. cit., p. 609.
1906.
Article 21 : 3.
1907.
Article 21 : 6.
1908.
A cet égard, Mme Ruiz Fabri note qu’il « est vraisemblable que cette initiative provient surtout du ou des Etats concernés par l’exécution », in« Le contentieux de l’exécution… », op. cit., p. 621.
1909.
En pratique, cette décision de l’ORD est impossible puisque devant se prendre par consensus, d’après l’article 2 : 4 du Mémorandum, et que, au moins, la partie en charge de la mise en œuvre refusera une telle surveillance.
1910.
L’article 21 : 6 prévoit en effet que « l’ORD tiendra sous surveillance la mise en œuvre des recommandations ou décisions adoptées ».
1911.
Voir l’article 21 : 3.
1912.
Voir l’article 21 : 6.
1913.
Le « prétexte » s’entend ici comme synonyme du terme « occasion » et non comme celui du terme « échappatoire ». Il est, d’après le Dictionnaire Le Nouveau Petit Robert, op. cit., « ce qui permet de faire qqch. ; occasion » et non une « raison alléguée pour dissimuler le véritable motif d’une action ».
1914.
D’après l’article 21 : 6 précité.
1915.
Ces exemples sont uniquement tirés du thème de la surveillance de la mise en œuvre des décisions. Ils pourraient être multipliés par la prise en considération du déroulement procédural du règlement des différends proprement dit. Quelques illustrations : la notification à l’ORD des demandes de consultations, notification importante puisqu’elle fait courir des délais applicables pour la suite de la procédure ; l’établissement du groupe spécial à la réunion de l’ORD ; la notification de la décision de faire appel du rapport d’un groupe spécial ; etc.
1916.
Là encore, les illustrations pourraient être multipliées par la prise en considération du déroulement du règlement initial : la demande d’établissement du groupe spécial, la formulation d’un appel, etc.
1917.
Ces mécanismes d’exécution des décisions sont étudiés infra ainsi que dans le Chapitre suivant.
1918.
La question de la mise en œuvre des décisions concerne 57 affaires sur 68 examens de groupes spéciaux et de l’Organe d’appel terminés, soit plus de 80 % des rapports adoptés, au 26 juin 2003. Voir sur ce point l’Etat des différends soumis à l’OMC, document WT/DS/OV/14. En réalité, ce document comptabilise 71 examens et non 68 mais il sépare les affaires DS26 et DS48 alors qu’il les compte ensemble dans son point VI consacré à l’» état d’avancement de la mise en œuvre des rapports adoptés », fait de même avec les affaires DS136 et DS162, et traite de l’affaire DS241 qui était alors en attente d’une éventuelle demande d’appel.
1919.
Voir dans l’Etat des différends, référencé note précédente, les affaires DS22, DS44, DS62, 67 et 68, DS135, DS152, DS163, DS165, DS194, DS213 et DS221.
1920.
Voir l’affaire DS60.
1921.
La mise en œuvre de la décision dans le délai d’immédiateté précédemment mentionné est fort rare. Au 26 juin 2003, seules 3 décisions sur les 68 adoptées ont été exécutées immédiatement et définitivement. Il s’agit des affaires DS24, DS156 et DS192. D’autres décisions sont à signaler qui peuvent rentrer dans ce cadre de l’immédiateté, mais de façon partielle uniquement. Il s’agit de l’affaire DS121 dans laquelle la décision n’a été que partiellement exécutée immédiatement, des décisions exécutées de manière non-définitive puisque contestée par le plaignant comme par exemple dans l’affaire DS126, de l’affaire DS33 dont la décision a été exécutée avant même que le groupe spécial n’achève ses travaux, et de la décision de l’affaire DS138 dont l’exécution fut immédiate mais par la suite l’objet d’une nouvelle plainte donc d’une affaire distincte.
1922.
Au 26 juin 2003, Sur les 68 décisions ayant donné lieu à une procédure de surveillance, seules 23 affaires ont donné lieu à des rapports de situation. Il s’agit des affaires DS2, DS8, 10 et 11, DS26 et 48, DS27, DS31, DS34, DS46, DS50, DS54, 55, 59 et 64, DS56, DS70, DS75 et 84, DS76, DS79, DS87 et 110, DS90, DS98, DS99, DS103 et 113, DS122, DS126, DS136 et 162 et DS160.
1923.
Voir l’article 21 : 3.
1924.
Article 21 : 3 c).
1925.
Article 21 : 3, paragraphes a), b) et c).
1926.
D’après l’article 2 : 4 du Mémorandum.
1927.
Au 26 juin 2003, sur 46 décisions exécutées dans un tel délai raisonnable, 27 délais ont été convenus entre les parties pour 16 déterminés par arbitrage. 3 décisions s’ajoutent pour lesquelles le délai a été fixé par le groupe spécial conformément à l’article 4.7 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires ; il s’agit des affaires DS70, DS222 et DS108. Pour cette dernière affaire, le groupe spécial a dérogé à la règle du délai de 90 jours que cet Accord prévoit pour porter ce délai à 6 mois (délai ensuite prolongé de 1 mois).
1928.
Voir sur ce point la Section consacrée à l’attraction obligatoire (Partie I, Titre II, Chapitre I).
1929.
Voir sur ce point l’article 21 : 3 c). La pratique est constante : l’arbitre est un membre en activité de l’Organe d’appel.
1930.
Au 26 juin 2003, toutes les demandes d’arbitrage contraignant ont été intitulées comme suit : « Demande d'arbitrage au titre de l'article 21: 3 c) du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends présentée par [le plaignant] ». Elles sont ensuite formulées comme suit : « La communication ci-après, datée du (…), adressée par la Mission permanente de [le plaignant] au Président de l'Organe de règlement des différends, est distribuée à la demande de cette délégation ». Seule 2 des 18 demandes ont été formulées par le défendeur, dans l’affaire DS87 et 110, et dans l’affaire DS207. Se reporter aux documents WT/DS87/13 et 110/12, et WT/DS207/9.
1931.
Voir pour exemples les arbitrages rendus dans les documents WT/DS18/9, paragraphe 4, WT/DS114/13, paragraphe 4 ou encore WT/DS170/10, paragraphe 4.
1932.
D’après l’article 21 : 3, « le délai raisonnable sera (…) un délai déterminé par arbitrage contraignant » s’il n’est ni « proposé par le Membre concerné » ni « mutuellement convenu entre les parties ».
1933.
Voir le document WT/DS202/17. L’arbitre désigné n’a pas fixé de délai raisonnable puisque les parties se sont entendues sur une fixation amiable de ce délai après l’enclenchement de cette procédure d’arbitrage. Il reste que l’arbitre a tout de même rédigé un document faisant état de la procédure suivie jusqu’à la fixation amiable du délai. Cette démarche arbitrale particulière suppose le souci de respecter formellement une obligation de juger.
1934.
V. pour ex. les décisions WT/DS26/15 et 48/13, paragraphe 26, WT/DS155/10, paragraphe 49.
1935.
V. pour ex. la décision WT/DS155/10, paragraphes 40 et 41.
1936.
V. pour ex. la décision WT/DS155/10, paragraphes 50 et 51.
1937.
V. pour ex. la décision WT/DS114/13, paragraphes 39 et 40.
1938.
V. pour ex. la décision WT/DS184/13, paragraphes 25 et 26.
1939.
Article 21 : 3 c).
1940.
Non seulement l’ORD n’intervient pas pour adopter, même par la voie du consensus négatif, le délai raisonnable fixé par arbitrage de l’article 21 : 3 c), mais ce même article utilise un vocabulaire qui atténue l’importance de l’adoption des rapports quand il dispose que le délai concerne la mise en œuvre des « recommandations du groupe spécial ou de l’Organe d’appel » et non de l’ORD.
1941.
Voir pour détails et références la section consacrée à la concentration organique (Première Partie, Titre premier, Chapitre I).
1942.
Article 21 : 3 c).
1943.
Décision arbitrale WT/DS26/15 et 48/13, paragraphe 25.
1944.
WT/DS90/R, paragraphe 7.5.
1945.
Au 26 juin 2003, seuls 3 cas de dépassement peuvent être recensés. Encore sont-ils de bien piètres illustrations de ce dépassement. Il s’agit d’abord de l’affaire DS90 dans laquelle deux délais différents ont été fixés d’un commun accord entre les parties, le premier étant de 7 mois et le second de 19 mois en fonction des recommandations à mettre en œuvre. Ensuite, le délai de 12 mois fixé par arbitrage a été prolongé de 5 mois par accord entre les parties dans l’affaire DS160. Enfin, le délai raisonnable de l’affaire DS27 est fixé par arbitrage à 15 mois et une semaine, ce supplément permettant une date symboliquement plus claire.
1946.
Article 4.7
1947.
Voir les rapports WT/DS46/R, paragraphe 8.5, WT/DS70/R, paragraphe 10.4, WT/DS108/R, paragraphes 8.5 à 8.8, WT/DS126/R, paragraphes 10.3 à 10.7, WT/DS139 et 142/R, paragraphes 11.6 à 11.7, et WT/DS222/R, paragraphe 8.4. Cette liste est exhaustive au 26 juin 2003. La conclusion du groupe spécial de l’affaire DS70 (Rapport WT/DS70/R) fixant un tel délai a été rappelée par l’Organe d’appel ayant examiné ce Rapport (dans le Rapport WT/DS70/AB/R, paragraphe 221) ; de la sorte, l’Organe d’appel avalise la démarche dudit groupe spécial et, plus généralement, consacre cette pratique en relevant son importance.