Section 1 : L’encadrement juridictionnel de l’exécution

L’identification d’un processus d’exécution des décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel est à même de renforcer la juridictionnalité du système mémorandaire. Si la contrainte peut contribuer de manière déterminante à garantir l’exécution des décisions de règlement des différends, elle s’insère dans un processus plus large dont dépend, qui plus est, son efficacité. L’exécution suit la production, par le système juridictionnel considéré, d’une décision ayant force exécutoire. Elle ‘ « est juridiquement organisée, ce qui suppose deux choses : l’existence d’un appareil de justice (…) capable (…) de décider quand le droit autorise l’exercice de la contrainte ; [et] (…) d’un appareil de contrainte au service de celui ou de ceux qui rendent la justice ’ » 1949 . L’exécution se compose donc de deux ‘ « appareils », de justice et de contrainte, le premier délimitant et légitimant le second. Aussi le mécanisme de contrainte doit-il être structuré par un mécanisme juridictionnel d’exécution à même de garantir l’effectivité de la force exécutoire en assurant le bien-fondé et la réalisation d’une contrainte et en en déterminant le contenu.

L’identification d’un processus d’exécution des décisions rendues par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel est à même de parachever la juridictionnalité du système mémorandaire. Ce processus particulier peut être supposé non seulement par l’effectivité d’une force exécutoire précédemment démontrée mais aussi par une simple et rapide lecture du Mémorandum. Sur le premier point, la force exécutoire attachée à la décision de règlement constitue le prélude et le fondement d’un mécanisme proprement exécutoire ; en outre, dans le cadre mémorandaire, cette force exécutoire est assurée in fine par un mécanisme juridictionnel de telle sorte que l’articulation entre contrainte et juridiction se trouve dans ce cas existante et pourrait très bien préfigurer une articulation identique caractéristique d’un mécanisme exécutoire que cette force exécutoire pourrait fonder. Le système mémorandaire comporte ainsi un mécanisme susceptible de favoriser un processus exécutoire plein. Sur le second point, le Mémorandum semble indiquer que la décision issue de l’articulation entre le groupe spécial et l’Organe d’appel est suivie d’un mécanisme exécutoire : il ne s’arrête pas à l’organisation d’un processus décisionnel de règlement des différends assorti d’une force exécutoire mais complète l’effet exécutoire de la décision par des dispositions axées sur la ‘ « surveillance de la mise en œuvre des recommandations et décisions ’ » 1950 , les ‘ « compensation et suspension de concessions ’ » 1951 et la ‘ « réparation ’ » 1952 constituant un ‘ « renforcement du système multilatéral ’ » 1953 .

Le système mémorandaire semble donc bien prévoir un processus d’exécution des décisions qu’il formule. Ces indices restent cependant insuffisants et la reconnaissance d’un tel processus d’exécution doit passer, avant la reconnaissance d’un appareil de contrainte 1954 , par l’identification d’un mécanisme juridictionnel d’exécution susceptible de structurer et légitimer une contrainte effective. La garantie d’une force exécutoire est assurée par un mécanisme juridictionnel qui est celui de l’arbitrage de l’article 21 : 3 c), ce qui constitue le premier pas d’une juridictionnalité de l’exécution. Cette garantie doit être complétée par la reconnaissance d’un processus juridictionnel capable d’organiser une contrainte stricto sensu.

Une fois effective la force exécutoire de la décision émanant des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel, par principe immédiatement ou par exception après un délai raisonnable, la partie concernée doit exécuter ladite décision Est alors susceptible de s’appliquer un processus d’exécution fondé sur la force exécutoire de la décision rendue et pouvant aller jusqu’à la contrainte encadrée par un mécanisme juridictionnel d’exécution. Or, si la recherche et la caractérisation d’un processus d’exécution est indispensable au parachèvement de l’identification d’une juridictionnalité, encore faut-il non seulement que le contenu même de la décision donne matière à exécution, mais également que cette matière exécutoire soit caractérisée. En effet, le contenu exécutoire de la décision est soumis à une double variabilité : son existence n’est pas automatiquement avérée ; sa matérialité n’est pas constante. Pour appréhender cette variabilité existentielle et matérielle, il n’est nécessaire ni de dresser une liste exhaustive de toutes les formes d’exécution qu’une décision a priori juridictionnelle peut induire ni d’envisager tous les mécanismes juridictionnels d’exécution ainsi que tous les types de contraintes qui les accompagnent ; cette démarche n’est pas pertinente dans le cadre de la présente recherche de juridictionnalité d’un système particulier de règlement des différends. En réalité, il est assez aisé de distinguer cette double variabilité à travers quelques exemples de types distincts d’exécution qui peuvent se rencontrer dans la diversité des décisions issues de multiples systèmes juridictionnels différents 1955 .

Ces exemples de types distincts d’exécution découlent immédiatement des conclusions diverses que peuvent formuler différents types de décisions juridictionnelles envisagés. Le juge dit le droit applicable à la situation concrète qui lui est soumise et la conclusion de la décision exprimant ce juris dictio varie en fonction du droit que ledit juge applique. Ainsi, ce juge pourra par exemple prononcer une sanction, une réparation, une nullité, une illégalité, l’application d’un régime juridique particulier ou encore la reconnaissance d’une situation juridique précise. Cette liste de catégories de conclusions n’est pas exhaustive, loin s’en faut, et les illustrations qu’elle donne ne sont pas exclusives les unes des autres. Elle suffit néanmoins à révéler que le processus d’exécution sera, dans son existence comme dans sa matérialité, variable en fonction de la conclusion exécutoire de la décision juridictionnelle. Par exemple, le prononcé d’une sanction nécessite un traitement juridictionnel de l’application et du suivi de cette sanction ainsi qu’un mécanisme de contrainte réalisant cette sanction, alors que le prononcé d’une nullité est a priori exécuté dès qu’il est formulé du seul fait du caractère obligatoire de la décision.

La double variabilité du contenu exécutoire de la décision est donc théoriquement avérée. En effet, le critère unique de juridictionnalité attribué à un ensemble de décisions n’implique pas une unicité matérielle du contenu exécutoire de ces décisions. En réalité, certaines d’entre elles ne nécessitent qu’un processus d’exécution sommaire pouvant se cantonner à la seule force exécutoire de la décision alors que d’autres impliquent un processus d’exécution plus ou moins conséquent pour que leur force exécutoire soit suivie d’une exécution effective. Ainsi, la matérialité exécutoire de la décision, étant variable, est susceptible d’agir de manière déterminante sur le contenu du processus d’exécution dans sa réalité aussi bien juridictionnelle que contraignante. Le visage et l’action, tant du juge de l’exécution que de la contrainte qui peut en découler, seront soumis à des variations en fonction du type d’exécution que la décision juridictionnelle induit.

Ayant de manière évidente une influence déterminante sur le processus d’exécution considéré et, au premier chef, sur le mécanisme juridictionnel d’exécution constitutif de ce processus, la matérialité exécutoire de la décision doit être recherchée et caractérisée. Cette démarche constitue l’indispensable préalable à l’identification d’un processus d’exécution, car non seulement l’absence de matérialité exécutoire de la décision induirait l’inutilité et, partant, l’absence d’un processus effectif d’exécution, mais également les caractéristiques de cette matérialité, si elle est avérée, sont autant de spécificités de ce processus. En outre, la question de la matérialité exécutoire des décisions issues du fonctionnement du système mémorandaire prend un relief particulier, d’abord du fait de la nécessité de rassembler un maximum de preuves d’une juridictionnalité loin d’être évidente, ensuite du fait de l’originalité apparente de décisions qui ne sont pas explicitement juridictionnelles et qui s’appliquent à des Etats traditionnellement hostiles à tout mécanisme de contrainte extérieure à leur propre souveraineté. Dans ce cadre, l’établissement d’une réelle matérialité exécutoire des décisions mémorandaires aura pour vertu de contribuer à la constatation d’une juridictionnalité par la démonstration de la nécessité d’un processus d’exécution ; et la caractérisation de cette matérialité exécutoire participera à l’identification d’un mécanisme juridictionnel d’exécution en le définissant.

La matérialité exécutoire de la décision du groupe spécial telle qu’éventuellement modifiée par l’Organe d’appel doit clairement apparaître dans le Mémorandum. Certes, il a déjà été montré l’effectivité d’une force exécutoire assurée par le Mémorandum et systématiquement garantie par la pratique. Mais cet effet de la décision des instances mémorandaires ne reste qu’un vœu pieux dans un cadre uniquement théorique si ladite décision ne donne pas matière à exécution, c’est-à-dire si la décision est exécutoire mais n’est point exécutable. En bref, il a déjà été établi que la fonction des instances de règlement mémorandaires était de dire le droit applicable au comportement d’un Membre qu’un autre Etat Membre considère comme non-conforme avec le droit de l’OMC et pour lequel il décide d’enclencher le système de règlement mémorandaire.

Aussi la décision issue des instances mémorandaires devrait-elle logiquement répondre à la question de la conformité dudit comportement avec le droit applicable et, par voie de conséquence, contenir une matérialité exécutoire du fait même de cette décision : soit les instances concluent à une conformité du comportement et la matérialité exécutoire se traduit simplement par l’opposabilité de la décision au plaignant de la part du défendeur 1956  ; soit elles concluent à la non-conformité dudit comportement, auquel cas la matérialité exécutoire consiste en l’obligation pour le défendeur de stopper son comportement non-conforme ou de le rendre conforme au droit de l’OMC. La décision que les instances mémorandaires rendent est une décision de conformité qui est supposée, à ce titre, contenir une matière exécutoire susceptible d’induire l’enclenchement d’un processus d’exécution.

Cependant, le Mémorandum est particulièrement confus sur ce point, de telle sorte qu’il est a priori difficile d’affirmer la présence d’une telle matérialité exécutoire. Il n’affirme pas clairement que la décision rendue est une décision de conformité ou de non-conformité du comportement par rapport au droit de l’OMC applicable. Quand il traite de l’aboutissement du processus de règlement qu’il organise relativement au différend initial, le Mémorandum préfère parler de ‘ « décisions et recommandations » 1957 , de ‘ « constatations et recommandations » 1958 ou encore d’une action de ‘ « formuler des recommandations ou (…) statuer sur la question » 1959 , tant et si bien que la décision issue des instances mémorandaires semble davantage se présenter comme un conseil technique que comme une déclaration de conformité. Certes, le Mémorandum semble exprimer l’idée d’une décision de conformité quant il précise que ‘ « dans les cas où un groupe spécial ou l'Organe d'appel conclura qu'une mesure est incompatible avec un accord visé, il recommandera que le Membre concerné la rende conforme audit accord » 1960 . Mais ce type de décision n’est qu’implicitement reconnu et sa réalité est fragilisée par deux nuances : il est question d’incompatibilité et non de non-conformité, ce qui induit la reconnaissance d’une liberté assez grande des Membres dans la détermination de leurs propres comportements qui doivent simplement ne pas être incompatibles mais qui ne doivent pas être forcément conformes au droit de l’OMC applicable ; il est question de recommandation visant à atteindre la conformité et non d’exigence de conformité ou encore d’obligation contraignante de mise en conformité.

Nonobstant, cette confusion du Mémorandum n’est qu’apparente. Encore une fois, le pragmatisme et la prudence du texte empêchent la reconnaissance explicite d’une contrainte imposée aux Etats Membres. Le système mémorandaire préfèrera formellement constater que juger, recommander que condamner. Il faut rechercher à nouveau dans le fonctionnement effectif du système de règlement quel est en réalité le type d’exécution qu’induit la décision, même si cette dernière n’est en apparence qu’un conseil technique. Aussi les deux nuances, précédemment évoquées, fragilisant la détermination d’une matérialité exécutoire doivent-elles être examinées.

La première nuance concernait la préférence marquée pour l’incompatibilité au détriment de la non-conformité. En réalité, elle ne saurait menacer la reconnaissance d’une telle matérialité car le droit de l’OMC a pour objectif la régulation des échanges commerciaux entre les Etats Membres, la fixation de limites et de mécanismes de promotion de ces échanges, et non l’imposition d’un régime juridique strict auquel les Etats n’auraient d’autre choix que de se conformer pour tout échange commercial entrepris. Et, à ce titre, le droit de l’OMC n’est pas un ensemble de règles juridiques hiérarchiquement supérieures auxquelles les actes juridiques des Etats Membres doivent automatiquement se conformer mais il est un cadre dans lequel se réalisent et se développent les échanges commerciaux entre Etats. En outre, et plus généralement, un mécanisme juridictionnel est à distinguer d’un mécanisme de contrôle stricto sensu, le premier étant saisi pour prononcer le droit applicable à une situation factuelle déterminée c’est-à-dire pour vérifier une compatibilité entre faits et droit, alors que le second vérifie le respect d’une hiérarchie juridique, c’est‑à‑dire la conformité d’une norme à une autre norme qui lui est supérieure. Il est donc parfaitement normal que les groupes spéciaux et l’Organe d’appel n’exercent pas un réel contrôle de conformité des actes étatiques par rapport au droit de l’OMC mais plutôt jugent de la compatibilité de ces actes avec ce droit.

Quant à la seconde nuance, relative à la préférence marquée pour la recommandation au détriment de l’exigence, elle n’est en réalité que formelle. M. Pace, certes, constate que ‘ « les recommandations (…) n’ont en théorie aucun caractère obligatoire. Il est généralement admis que la recommandation se définit négativement par son absence de force obligatoire. D’un point de vue strictement juridique, la recommandation adressée aux Etats Membres se présente comme une simple proposition : son destinataire n’est obligé de rien, ni à l’appliquer, ni même à tenir compte de son existence » 1961  ; mais ce même auteur s’empresse de préciser qu’‘ » il faut (…) dépasser l’acception classique et l’insuffisance de la définition traditionnelle des recommandations » ’ et constater que ‘ « les recommandations de l’ORD n’ont pas seulement des effets juridiques renforcés. Elles ont aussi une force juridique obligatoire ’ » 1962 . Aussi la préférence donnée à la recommandation sur l’obligation n’a-t-elle que peu d’effet sur le contenu exécutoire de la décision formulée par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel. Le manque de clarté du Mémorandum ne fait donc pas obstacle à la matérialité exécutoire des décisions des groupes spéciaux telles qu’éventuellement modifiées par l’Organe d’appel.

Cette constatation issue de l’analyse textuelle du Mémorandum est confirmée en pratique par la lecture des conclusions des différents rapports rédigés par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel. Les groupes spéciaux non seulement énoncent systématiquement dans leurs conclusions la compatibilité ou l’incompatibilité du comportement étatique en cause avec les obligations de la partie défenderesse au titre de tel accord OMC 1963 , mais également recommandent que l’ORD demande à la partie concernée de rendre le comportement en cause conforme à ses obligations au titre de tel accord de l’OMC 1964 . Aussi les groupes spéciaux formulent-ils et des conclusions et des recommandations 1965 . Ils ne se contentent pas d’examiner la compatibilité d’un comportement étatique avec le droit applicable mais insistent également sur la nécessité d’une mise en conformité. Certes, il est bien précisé dans chaque rapport que cette mise en conformité passe par l’ORD, le groupe spécial ne faisant que recommander que l’ORD la demande à la partie concernée. Cependant, cette précision du groupe spécial n’est en réalité que formelle puisque le rôle intermédiaire de l’ORD est annihilé par le mécanisme du consensus négatif 1966 . Ainsi, les groupes spéciaux formulent explicitement une matière exécutoire dans les décisions qu’ils énoncent, implicitement en traitant de la compatibilité d’un comportement étatique avec le droit de l’OMC et plus explicitement en recommandant que la mise en conformité par le Membre concerné de son comportement lui soit demandée.

Quant à l’Organe d’appel, ses rapports ne contiennent pas une matière exécutoire aussi explicite, car la fonction de cet Organe n’est pas l’examen de la compatibilité des agissements étatiques avec les dispositions du droit de l’OMC mais elle consiste en la confirmation ou l’infirmation des constatations et conclusions juridiques formulées par les groupes spéciaux. Cependant, comme les groupes spéciaux, l’Organe d’appel, après avoir confirmé ou infirmé ces constatations et conclusions, recommande le cas échéant que l'ORD demande à la partie concernée de rendre son comportement conforme à ses obligations au titre de tel accord de l’OMC. Il précise d’ailleurs dans ce cas qu’il s’agit du comportement ‘ « qui, dans le présent rapport et dans le rapport du Groupe spécial, tel qu'il est modifié par le présent rapport, est jugée incompatible avec ’ » 1967 les obligations au titre de telles dispositions de tel accord de l’OMC. La matière exécutoire est donc bien, ici aussi, formulée par les conclusions et recommandations de l’Organe d’appel qui, à cet égard, renvoie clairement à la matière exécutoire formulée par le groupe spécial dont il examine le rapport d’un point de vue juridique. En outre, l’Organe d’appel constituant au sein du système mémorandaire une instance de cassation sans renvoi, il a non seulement pour fonction de confirmer ou d’infirmer les rapports des groupes spéciaux mais également de les modifier le cas échéant. A ce titre, il va pouvoir parfois formuler ses propres constatations quand celles du groupe spécial ont été infirmées. Aussi l’Organe d’appel insère-t-il également dans ce cas une matière exécutoire aux décisions qu’il prend, matière qui sera, soit celle du groupe spécial confirmée voire revue, soit celle distincte de la matière formulée par le groupe spécial puisque s’y substituant.

De plus, en pratique, la matérialité exécutoire ne semble pas s’arrêter aux conclusions et recommandations formulées par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel. Le Mémorandum prévoit en effet que, ‘ « outre les recommandations qu'il fera, le groupe spécial ou l'Organe d'appel pourra suggérer au Membre concerné des façons de mettre en oeuvre ces recommandations » 1968 . De la sorte, le Mémorandum paraît bien, de même, insister sur la matérialité exécutoire des décisions prises par les instances de règlement mémorandaires. Cette constatation est cependant à manier avec précaution. D’abord, il ne s’agit que de suggestions et non de règles obligatoires que le Membre concerné doit appliquer dans le cadre de l’exécution de la décision. Ensuite, la formulation de ces suggestions n’est pas systématique ; elle n’est qu’une possibilité offerte aux instances mémorandaires. Enfin, les instances mémorandaires ‘ « ont fait preuve jusqu’à présent d’une très grande retenue en la matière. Il est clair que les groupes spéciaux hésitent à s’engager dans un domaine où les Etats ont une obligation de résultat et non de moyens » 1969 .

Cette ‘ « retenue ’ » des instances mémorandaires relative à la pratique des suggestions doit être précisée. Elle est d’abord observable dans le comportement des groupes spéciaux qui n’utilisent en général la possibilité de suggérer qu’à la condition que la partie plaignante le leur demande 1970 , alors que le Mémorandum n’impose nullement la condition préalable d’une demande étatique 1971 . Partant, elle est ensuite consécutive à la rareté des demandes de suggestions formulées par les parties plaignantes et, par voie de conséquence, au faible nombre des rapports traitant de la question des suggestions, que ce soit pour les formuler ou pour les refuser 1972 . En outre, un tiers des rapports les traitant refuse de formuler des suggestions demandées par une partie 1973  : ils estiment qu’il n’existe pas une seule façon de mettre en œuvre des recommandations formulées 1974  ; ils considèrent la limitation du domaine des suggestions prévu par le Mémorandum 1975 ou la distinction entre recommandation et suggestion 1976 , compte tenu des lacunes de la demande de suggestions formulée par le plaignant 1977 du fait du traitement insuffisant de la question dans le rapport 1978  ; ou plus simplement ils estiment qu’une telle suggestion n’est pas nécessaire 1979 ou n’est qu’un pouvoir discrétionnaire 1980 . Enfin, les groupes spéciaux mettent en place un régime strict des suggestions de telle sorte que leur effectivité et leur développement sont particulièrement limités.

Sur ce dernier point, il faut noter que les groupes spéciaux ne profitent pas de l’opportunité que leur offre le Mémorandum, en leur autorisant la formulation de suggestions, pour augmenter la matière exécutoire des décisions qu’ils prennent. En effet, ils envisagent de manière très restrictive cette opportunité. La constatation d’un ‘ « éventail des possibilités » 1981 s’offrant à la partie devant mettre en œuvre les recommandations empêche la formulation de suggestions 1982 qui, en définitive, ne devient possible que s’il n’existe qu’un seul moyen de mise en œuvre 1983 . Une ouverture est perceptible quand deux groupes spéciaux fondent les suggestions qu’ils énoncent non pas sur l’unicité du moyen de mise en œuvre mais sur le fait que ce moyen est ‘ « la meilleure manière de réaliser cette mise en conformité » 1984 . Néanmoins, cette ouverture est bien mince car cette condition de pertinence est très restrictive et ne supprime pas réellement la condition d’unicité, comme l’a récemment affirmé un groupe spécial en ne considérant ‘ « pas que la suggestion demandée (…) soit la seule façon, ou nécessairement la façon la plus appropriée, dont (…) [la partie concernée pourrait] mettre en œuvre notre recommandation  ’» 1985 .

En outre, les groupes spéciaux s’abstiennent de systématiser la formulation de suggestions mais préfèrent considérer que, ‘ « en vertu de l'article 19: 1 du Mémorandum d'accord, les groupes spéciaux ont le pouvoir discrétionnaire ("pourr[ont]") de suggérer à un Membre des façons de mettre en œuvre la recommandation (…). Toutefois, un groupe spécial n'est évidemment pas tenu de formuler une suggestion s'il estime qu'il n'y a pas lieu de le faire. » 1986 . Ils s’auto-limitent quant à la priorité qu’ils donnent à leurs propres suggestions en estimant que ‘ « le groupe spécial peut, tout au plus, suggérer au Membre des façons de mettre en œuvre adéquatement cette recommandation. Toutefois, c'est au Membre concerné qu'il appartient en premier lieu de déterminer les modalités de mise en œuvre d'une recommandation d'un groupe spécial ou de l'Organe d'appel, comme le confirme le libellé de l'article 21: 3 » 1987 qui ‘ « établit nettement une distinction entre la recommandation d'un groupe spécial et les moyens par lesquels cette recommandation doit être mise en œuvre. La première est régie par l'article 19: 1 et se limite à une forme particulière. Les seconds peuvent être suggérés par un groupe spécial, mais le choix des moyens est décidé, en premier lieu, par le Membre concerné ’ » 1988 .

La seule exception à cette absence de systématisation pourrait résider dans l’article 4.7 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires qui dispose que si ‘ « la mesure en question est une subvention prohibée, le groupe spécial recommandera que le Membre (…) la retire sans retard » ’. Dans ce cas, il n’est pas question d’une suggestion discrétionnaire telle que le Mémorandum l’envisage mais d’une recommandation ‘ « améliorée ’ » dans le sens où elle ne se contente pas de constater le caractère prohibé de la mesure en cause mais en déduit la nécessité de son retrait. Néanmoins, même si cette recommandation s’apparente à une suggestion dans le sens où elle exprime une mise en œuvre, elle est trop impérative – donc trop éloignée du modèle de la suggestion mémorandaire – et trop rare – donc trop peu imposante – pour constituer une véritable exception 1989 .

Aussi, ‘ « ces suggestions relatives à la mise en œuvre ne font pas partie de la recommandation et ne sont pas contraignantes pour le Membre concerné ’ » 1990 . Les suggestions formulées sont, en définitive, relativement techniques, annexes au règlement du différend et semblent parfois être simplement les conséquences naturelles des problèmes que le différend et sa résolution posent. Par exemple, les suggestions concernent la prise en compte particulière des situations contemporaines de la période d’activité du comportement étatique litigieux 1991 , la fixation future du délai raisonnable de mise en œuvre des recommandations 1992 ou encore la révision des pratiques administratives nationales afin que la violation constatée par le groupe spécial ne puisse se reproduire à l’avenir 1993 . Cette approche de la suggestion est empreinte de pragmatisme. Elle répond au souci d’assurer efficacement et sans heurts le bon développement des échanges commerciaux que le droit de l’OMC encadre.

En réalité, les suggestions moins techniques et plus centrales par rapport à la mise en œuvre des recommandations concernent toutes l’abrogation de la mesure en cause ou plus généralement la suppression du comportement déclaré non-conforme au droit applicable 1994 . Elles ne contiennent donc pas un processus technique élaboré et strict de mise en conformité qui pourrait conférer au groupe spécial une compétence d’aide technique au règlement des problèmes particuliers que les Etats pourraient rencontrer dans la mise en œuvre des dispositions du droit de l’OMC. Au contraire, cette vacuité quantitative et qualitative des suggestions contribue à établir encore la juridictionnalité du système mémorandaire à travers des groupes spéciaux axés sur le règlement des différends et non sur l’élaboration de conseils techniques d’activation et de respect du droit de l’OMC.

Et cette juridictionnalité est confirmée moins implicitement par les groupes spéciaux qui considèrent clairement que leur mission est d’examiner prioritairement les questions soulevées par le différend et non les ‘ « questions systémiques importantes concernant la nature des actions nécessaires pour mettre en œuvre une recommandation faite ’ » 1995 , ce qui les incite d’ailleurs à refuser la formulation de suggestions. De même, un groupe spécial précise se cantonner à son rôle juridictionnel de règlement des différends et ne pas s’immiscer dans une fonction de conseiller technique quand il renvoie pour les problèmes de mise en œuvre des recommandations au processus que le Mémorandum organise, en affirmant que, ‘ « bien entendu, il se peut que le Membre ayant obtenu gain de cause dans le différend ne soit pas satisfait de la façon dont le Membre a mis en œuvre la recommandation. Le Mémorandum d'accord envisage cette possibilité et prévoit le recours aux procédures de règlement des différends pour résoudre pareils désaccords » 1996 .

Quant à l’Organe d’appel, la pratique des suggestions lui est étrangère malgré la disposition du Mémorandum qui, comme pour les groupes spéciaux, lui permet de formuler de telles suggestions 1997 . En outre, il n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur la pratique des suggestions menée par les groupes spéciaux 1998 . La question lui a été posée à l’occasion d’une affaire particulière mais, ayant constaté l’incompétence du groupe spécial pour examiner le différend en question, il en a conclu n’avoir pas ‘ « d'autre possibilité que de ne formuler aucune conclusion sur le point de savoir si le Groupe spécial avait raison ou tort (…) lorsqu'il a formulé ses recommandations et sa suggestion au titre de l'article 19: 1 du Mémorandum d'accord ’ » 1999 . L’Organe d’appel est donc très restrictif sur la question des suggestions puisqu’il se cantonne à son rôle cassatoire et n’a encore jamais éprouvé le besoin de formuler des suggestions relativement à la mise en œuvre des recommandations qu’il énonce. Cette démarche semble faire l’objet d’un consensus dans la mesure où l’Organe d’appel n’a jamais eu à traiter des demandes de suggestions adressées par une partie, alors même que cette pratique est relativement courante devant le groupe spécial. Cette absence de demandes montre que les Etats parties considèrent bien l’Organe d’appel comme une instance cassatoire et non comme un second degré de juridiction leur permettant un ‘ « rattrapage ’ » consécutif à la rédaction d’un premier rapport par le groupe spécial.

Il reste cependant que les groupes spéciaux et l’Organe d’appel formulent parfois, en sus de leurs recommandations, des remarques qui peuvent s’apparenter à des suggestions ‘ « déguisées ’ ». Par exemple, l’Organe d’appel a pu préciser certains points relatifs à la question de l’autonomie des Membres dans le choix du type de régime fiscal national 2000 , l’articulation entre le droit de l’OMC et l’autonomie des Membres ‘ « pour déterminer leurs propres politiques en matière d’environnement » 2001 ou encore certains aspects de ‘ « la question de la validité de l'expropriation des droits de propriété intellectuelle ou d'autres droits de propriété quels qu'ils soient » ’ ‘ 2002 ’ ‘ . ’ De même, des groupes spéciaux ont pu, par exemple, donner des limites à la manière pour une partie d’administrer un programme national de telle sorte que ce dernier ne soit pas incompatible avec un accord de l’OMC 2003 , refuser de formuler des suggestions tout en suggérant tout de même une révision des pratiques administratives nationales pour prévenir la naissance d’un nouveau différend 2004 , énoncer des conditions justifiant un comportement étatique au regard d’une disposition de droit de l’OMC 2005 , encourager ‘ « les parties à poursuivre leurs efforts pour parvenir à une solution mutuellement acceptable qui soit compatible avec (…) [les accords de l’OMC considérés] afin de parvenir à un règlement rapide du présent différend ’ » 2006 ou encore fonder leur conclusion de conformité sur les engagements d’une Administration nationale et ainsi ‘ « guider ’ » le comportement étatique par l’aval donné à ces engagements 2007 .

Nonobstant, ces suggestions déguisées n’en sont pas car elles ne concernent pas directement l’exécution mais s’appliquent davantage à l’application générale matérielle ou formelle du droit de l’OMC. En revanche, elles pourraient atténuer la constatation d’une juridictionnalité appliquée aux décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel dans le sens où elles ne sont pas directement consécutives à la fonction de juris dictio tranchant le différend de l’espèce mais délivrent un conseil juridique général à destination des parties comme des autres Membres de l’OMC. De la sorte, elles font apparaître les instances mémorandaires non comme des juridictions mais comme des jurisconsultes, voire comme des exégètes des normes du droit de l’OMC. Encore faudrait-il qu’elles soient plus fréquentes, plus significatives et plus intégrées au sein même de la décision de ces instances, qu’elles constituent l’objectif majeur du travail de ces instances. Leur marginalité quantitative et qualitative est trop grande pour qu’elles puissent enlever aux décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel leur caractère juridictionnel.

Par conséquent, la possibilité de suggestions de mise en œuvre et leur application vont plus loin que la simple ‘ « retenue ’ » précédemment citée. La faiblesse quantitative et qualitative de ces suggestions peut ne pas être considérée comme une simple hésitation d’instances mémorandaires timides face à la souveraineté étatique mais plutôt comme l’affirmation implicite – et peut-être inconsciente – de la juridictionnalité de la fonction de ces instances. Les groupes spéciaux et l’Organe d’appel n’estiment pas nécessaire de formuler systématiquement et précisément des suggestions de mise en œuvre de leurs recommandations car ils ne conçoivent pas leur fonction comme étant celle d’un jurisconsulte mais comme étant de nature juridictionnelle. Certes, cette démarche n’alimente pas la matérialité exécutoire des décisions que ces instances prononcent. Cependant, cette matérialité s’incarne dans les recommandations qu’elles formulent et l’effectivité d’un processus d’exécution – dont les prémices ont déjà été relevées – est à même d’encadrer efficacement la mise en œuvre des décisions, de telle sorte que cette matérialité déjà présente au sein même de la décision initiale sera complétée au fur et à mesure que se déroule le processus d’exécution.

La matérialité exécutoire de la décision initiale est suffisante à fonder et justifier un processus effectif d’exécution. Sa limitation est même significative de l’existence d’une juridictionnalité appliquée à ladite décision. En effet, le juge dit le droit mais il ne saurait se substituer à l’action de la partie concernée par l’exécution. En outre, le juge tranche le différend mais ne saurait dicter ni même conseiller à la partie concernée la conduite qu’elle doit tenir. En bref, il reste dans le cadre du juris dictio qu’il a pour fonction de prononcer et qui consiste, dans le cadre mémorandaire, à examiner la conformité des comportements étatiques par rapport au droit de l’OMC.

Aussi la matérialité exécutoire d’une décision juridictionnelle peut-elle logiquement s’arrêter au prononcé de la décision, le mode d’exécution n’étant pas explicitement défini par ledit juge mais étant à la charge de la partie concernée aidée et encadrée en cas de difficulté par un mécanisme d’exécution distinct du mécanisme de règlement du différend initial. Dans le cadre mémorandaire, la suggestion formulée par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel ne peut que faire basculer le rôle juridictionnel dans un rôle de jurisconsulte et il est donc logique que ces instances fassent sur ce point preuve de ‘ « retenue ’ ». La matérialité exécutoire de la décision initiale est contenue dans la recommandation, s’y porte bien, et sera naturellement complétée, le cas échéant, lors du fonctionnement du processus d’exécution qui reste à caractériser, présentement dans sa partie juridictionnelle.

La lecture du Mémorandum a déjà permis de supposer l’existence d’un processus exécutoire organisé, processus étant, qui plus est, préfiguré par une force exécutoire garantie par un mécanisme juridictionnel qui est celui de l’arbitrage de l’article 21 : 3 c). Aussi la question de l’existence d’un système juridictionnel d’exécution des décisions des instances mémorandaires reçoit-elle un début de réponse positive à travers la constatation d’un premier mécanisme juridictionnel qui est celui de l’arbitrage de l’article 21 : 3 c) et qui s’applique à la détermination du délai d’exécution de ces décisions. Cet arbitrage ne suffit cependant pas à lui seul à structurer une contrainte garantissant la bonne exécution des décisions si la partie concernée refuse ou retarde ladite exécution 2008 . Ce début de juridictionnalité doit être maintenant confirmé par la recherche d’un caractère juridictionnel appliqué à l’ensemble du système d’exécution que le Mémorandum semble organiser.

Il n’est pas nécessaire à ce stade de procéder à une description approfondie du mécanisme d’exécution que le Mémorandum organise, du fait de la redondance d’une telle description 2009 . A l’appui de la caractérisation d’une juridictionnalité du système d’exécution mémorandaire, il suffit de considérer chacun des mécanismes participant à ce système ainsi que leur articulation. Concrètement, le système d’exécution que le Mémorandum organise se compose de trois mécanismes distincts. Il s’agit d’abord de l’arbitrage contraignant de l’article 21 : 3 c) consistant en la fixation du délai raisonnable d’exécution. Ensuite, une fois le délai d’exécution déterminé par cet arbitrage contraignant, est prévu le mécanisme de l’article 21 : 5 organisant le recours au système mémorandaire de règlement initial pour tout différend nouveau consécutif à l’exécution. Enfin, un autre arbitrage, celui de l’article 22 : 6, traite de la contestation du niveau des mesures contraignantes s’appliquant à la partie concernée par l’exécution 2010 .

Ces trois mécanismes participent diversement à la procédure d’exécution qui, en réalité, se décompose en deux phases. La première phase est celle de la concrétisation de l’exécution, sous surveillance de l’ORD 2011  ; elle comprend l’arbitrage de l’article 21 : 3 c) et la procédure de l’article 21 : 5. La seconde phase est celle des mesures temporaires qui peuvent être appliquées à l’encontre de la partie soumise à l’obligation d’exécuter ; elle est constituée du recours possible à l’arbitrage de l’article 22 : 6, consécutif à la fin du délai raisonnable éventuellement déterminé par arbitrage contraignant de l’article 21 : 3 c). Une troisième phase pourrait être distinguée à la lecture de l’article 23 du Mémorandum qui prescrit que ‘ « lorsque des Membres chercheront à obtenir réparation en cas de violation d'obligations ou d'annulation ou de réduction d'avantages résultant des accords visés, ou d'entrave à la réalisation d'un objectif desdits accords, ils auront recours et se conformeront aux règles et procédures du présent mémorandum d'accord » 2012 . L’utilisation du terme ‘ « réparation ’ » pourrait signifier que le Membre victime d’un comportement étatique non-conforme au dispositif normatif de l’OMC peut obtenir de l’Etat fautif le versement de prestations du type ‘ « dommages et intérêts ’ », par le biais de la procédure normale organisée par le Mémorandum, auquel cas cette procédure n’aurait plus pour objet le règlement du différend initial mais l’attribution à la victime de réparations pour le préjudice qu’elle a pu subir.

Cette troisième phase n’existe cependant pas. Cette interprétation de la lettre du Mémorandum doit être rejetée. En réalité, l’article 23 est consacré au ‘ « renforcement du système multilatéral » 2013 et le terme ‘ « réparation » qui s’y trouve ne qualifie pas quelque mécanisme de prise en considération et d’indemnisation d’un préjudice subi par un Membre du fait du comportement non-conforme d’un autre Membre. Aucun mécanisme de cette sorte n’est prévu et le paragraphe 2 de cette disposition n’a d’autre contenu que de résumer brièvement le fonctionnement global du système mémorandaire en affirmant que les Membres doivent recourir ‘ « au règlement des différends conformément aux règles et procédures du présent mémorandum d'accord » 2014 , et doivent suivre ‘ « les procédures énoncées à l'article 21 » 2015 ainsi que ‘ « les procédures énoncées à l'article 22 » 2016 . Malgré la maladresse terminologique du Mémorandum, l’article 23 doit être interprété comme visant ‘ « de manière générale à empêcher les Membres de l'OMC de régler unilatéralement leurs différends en ce qui concerne leurs droits et obligations au regard de l'OMC en les obligeant à suivre les règles et procédures multilatérales du Mémorandum d'accord » 2017 .

La ‘ « réparation » telle que le Mémorandum l’entend est en réalité le retour à une situation exempte de tout comportement litigieux. Comme l’a établi un groupe spécial, ‘ « le terme "réparation" est défini comme suit dans le New Shorter Oxford English Dictionary : "dédommagement ou compensation pour un tort ou un préjudice subi; fait de remédier à ou d'atténuer des problèmes ; correction ou redressement de quelque chose d'illicite". La "réparation" implique donc une réaction d'un Membre contre un autre Membre en raison d'une violation perçue des règles de l'OMC (ou déterminée dans le cadre de l'OMC), afin de remédier à la situation » 2018 . Aussi l’article 23 ne met-il pas en place un mécanisme de réparations de préjudices mais interdit toute action étatique unilatérale. A cet égard, différents groupes spéciaux ont pu, à l’occasion des différends qu’ils ont eu à traiter, préciser le sens et la portée de cet article 23. Ils n’ont jamais évoqué l’éventualité d’une indemnisation d’un préjudice, quelle que soit la forme de cette indemnisation, mais se sont systématiquement axés sur les problèmes d’unilatéralisme, comme l’ont d’ailleurs fait les Etats Membres parties à ces différends dans l’expression de leurs prétentions respectives 2019 .

Trois mécanismes relatifs au processus d’exécution ont été relevés, qui participent aux deux phases composant ce processus, qui sont la phase de la concrétisation de l’exécution et celle de l’application de mesures temporaires contraignantes. La juridictionnalité de ces trois mécanismes est à même de fonder la constatation de l’existence d’un système juridictionnel d’exécution des décisions, à la condition toutefois que leur articulation en fonction de ces deux phases soit telle qu’elle garantisse la juridictionnalité de l’ensemble du système d’exécution. En effet, même s’il est avéré que ces trois mécanismes peuvent individuellement être qualifiés de juridictionnel, ce fait ne suffit pas à transférer cette juridictionnalité à l’ensemble du processus d’exécution. Ce dernier peut être organisé de telle sorte que ces mécanismes soient contournés ou encore marginalisés, de telle sorte que le processus d’exécution comporte des caractéristiques l’excluant du modèle juridictionnel. Ainsi, la juridictionnalité doit non seulement caractériser chacun des mécanismes composant le processus d’exécution mais également le processus dans son ensemble.

Le premier mécanisme d’exécution est l’arbitrage de l’article 21 : 3 c) qui consiste en la détermination du délai raisonnable d’exécution et qui peut aisément être qualifié de juridictionnel puisqu’il a déjà été précédemment montré qu’il en comportait les caractéristiques essentielles 2020 . Le deuxième mécanisme est celui de l’article 21 : 5 qui semble à première vue plus complexe. Il permet de résoudre le différend pouvant naître d’une exécution litigieuse. Comme l’organise le Mémorandum, ‘ « dans les cas où il y aura désaccord au sujet de l'existence ou de la compatibilité avec un accord visé de mesures prises pour se conformer aux recommandations et décisions, ce différend sera réglé suivant les présentes procédures de règlement des différends, y compris, dans tous les cas où cela sera possible, avec recours au groupe spécial initial ’ » 2021 . En réalité, ce mécanisme est identique à celui que le Mémorandum prévoit pour le règlement du différend initial.

Le mécanisme de l’article 21 : 5 a pour fonction de trancher le différend induit par la solution donnée au différend initial et il n’est, en définitive, et d’un point de vue textuel, que la reprise du mécanisme mémorandaire de résolution du différend initial, le Mémorandum précisant même que le groupe spécial initial sera remobilisé, autant que faire se peut, pour le règlement de ce différend induit. En outre, l’étude de la pratique montre que cette reprise du système mémorandaire de règlement du différend est une véritable reconduction de ce système dans la mesure où la consistance organique, le cheminement procédural et le contenu matériel du système mémorandaire tel qu’enclenché par cet article 21 : 5 sont renouvelés à l’identique 2022 . Certes, ‘ « la procédure au titre de l’article 21 : 5 peut néanmoins présenter certaines spécificités », ’ comme ‘ « exclure (…) la phase de réexamen intérimaire », ‘ « annexer les communications des parties au rapport » ou encore ‘ « ne rencontrer les parties qu’une seule fois (en accord avec elles)  ’» 2023 , mais ces spécificités peuvent somme toute rester à la marge. Elles ne remettent pas foncièrement en cause les caractéristiques essentielles et le déroulement général du système mémorandaire ; en outre, elles ne sont pas propres, du moins pour les deux premières, au règlement du différend induit. Seule se pose la question de l’effectivité des consultations. Néanmoins, l’existence de ces consultations est souvent problématique, mais cette phase n’est que préparatoire au règlement proprement juridictionnel et n’est pas déterminante dans la remise en cause d’une juridictionnalité.

Par conséquent, le mécanisme de l’article 21 : 5 peut être identifié au mécanisme ‘ « normal ’ » de règlement du différend initial organisé par le Mémorandum, les différences entre ces deux mécanismes étant à ce point marginales qu’elles ne sauraient remettre en cause cette identification. Partant, ce mécanisme de l’article 21 : 5 peut être facilement qualifié de juridictionnel. Même le processus d’exécution confirmatif d’une juridictionnalité existe : le mécanisme mémorandaire d’exécution pourra s’appliquer consécutivement à une décision rendue par le groupe spécial ou l’Organe d’appel conformément à l’article 21 : 5 2024 .

Bien entendu, des interrogations surgissent sur l’articulation entre deux systèmes identiques successifs et, partant, sur la structure réelle du système de règlement mémorandaire. En effet, ‘ « la procédure aménagée par l’article 21 : 5 permet (…) un retour sur l’affaire mais en raccourci. C’est une nouvelle occasion donnée au groupe spécial d’expliquer la motivation du rapport initial, tout en s’alignant sur les solutions dégagées par l’Organe d’appel quand il y a eu appel. Il a même sans doute l’occasion d’y apporter certaines nuances puisqu’il s’agit de préciser la portée concrète des recommandations. A la lecture des rapports, on ne peut se défendre de l’impression d’une deuxième, voire troisième en cas d’appel, occurrence de contrôle si la mise en œuvre suscite des difficultés. Elle peut même être portée à quatre s’il y a appel du rapport du groupe spécial rendu au titre de l’article 21 : 5 ’ » 2025 .

Néanmoins, il faut immédiatement remarquer que l’effectivité de l’article 21 : 5 découle d’une situation particulière qui est celle dans laquelle l’exécution réalisée par la partie concernée suscite un différend, ce qui n’est pas toujours le cas, loin s’en faut. De nombreuses exécutions, et d’abord celles consistant en la suppression du comportement litigieux, ne suscitent pas de difficultés particulières et n’entraînent pas des contestations significatives. De ce fait, le recours à l’article 21 : 5 est loin d’être systématique. En outre, le mandat donné aux instances mémorandaires n’est logiquement pas le même selon qu’il est question de régler le différend initial ou le différend induit. De même, le rôle cassatoire de l’Organe d’appel empêche de considérer que le différend soit traité jusqu’à quatre fois consécutivement et identiquement. Certes, des questions similaires peuvent être présentées dans les deux systèmes de règlement, mais l’imposition pratique progressive d’une jurisprudence par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel non seulement limitera les prétentions des parties mais également atténuera l’impression de ‘ « rejugements ’ » successifs. D’ailleurs, les groupes spéciaux et l’Organe d’appel l’ont bien compris, qui rendent des décisions en général plus concises au cours de leur fonction exécutoire, tout comme les parties qui restreignent la longueur des questions posées à ces instances ainsi que le contenu de leurs arguments et prétentions. Si la question d’un ‘ « retour sur l’affaire » peut légitimement se poser et peut logiquement trouver des justifications dans l’observation de la pratique, elle ne saurait être considérée comme une déviance majeure du fonctionnement du système mémorandaire.

Le troisième mécanisme d’exécution est celui de l’arbitrage de l’article 22 : 6. Son caractère juridictionnel n’est guère difficile à relever. Il peut être rapidement constaté en identifiant le caractère juridictionnel des critères organique, procédural et matériel de ce dernier arbitrage. D’abord, la juridictionnalité organique de l’arbitre de l’article 22 : 6 est aisément décelable en considérant l’institutionnalisation dont cet arbitrage est l’objet. En effet, il a déjà été rappelé que, en droit international public, l’arbitre ne se distingue de la juridiction que par son absence de permanence 2026 et que, en définitive, un arbitrage institutionnalisé n’est rien d’autre qu’une instance juridictionnelle, du moins d’un point de vue organique. Or, l’arbitrage de l’article 22 : 6 est institutionnalisé au sein du système de règlement que le Mémorandum organise, tout comme l’était l’arbitrage de l’article 21 : 3 c). Il bénéficie d’une permanence certaine essentiellement consécutive à l’identité de l’arbitre qui est, comme le souhaite le Mémorandum et comme le consacre la pratique, le groupe spécial initial. L’arbitre de l’article 22 : 6 peut donc être considéré comme une instance de type juridictionnel d’un point de vue organique 2027 .

Ensuite, les critères procéduraux, sont au nombre de trois principaux. Le premier est celui de la saisine unilatérale de l’arbitre : le Mémorandum la prévoit distinctement et en attribue la compétence au défendeur soumis à l’obligation d’exécution, en disposant que ‘ « si le Membre concerné conteste (…), la question sera soumise à arbitrage » 2028 . Le deuxième critère est celui du caractère contradictoire de la procédure suivie devant ledit arbitre. L’examen des différentes sentences arbitrales rendues n’est pas très explicite sur la description de la procédure suivie mais certains indices montrent une similitude forte entre cette procédure et celle que suivent les groupes spéciaux traitant du différend initial ou induit : une ‘ « réunion d’organisation ’ » 2029 permet d’établir des ‘ « procédures de travail et (…) [un] calendrier » 2030  ; les parties présentent ‘ « leurs communications initiales » puis ‘ « leurs communications à titre de réfutation » à la suite desquelles ‘ « une réunion avec les parties » se tient 2031  ; une audition des parties par l’arbitre peut être également organisée 2032 . Plus clairement, l’arbitre de l’affaire DS26 ‘ « fait référence par analogie dans les procédures de travail des arbitres  ’» aux ‘ « dispositions du Mémorandum d'accord relatives à la procédure des groupes spéciaux » 2033 . De la sorte, le caractère contradictoire de ces procédures arbitrales peut être relevé ; il s’appuie sur l’identité organique entre les arbitres de l’article 22 : 6 et le groupe spécial initial. Quant à l’obligation de juger, troisième critère procédural, elle est également suggérée par le Mémorandum qui ne prévoit pas l’échec de l’arbitrage et elle est globalement réalisée en pratique 2034 . Sur ce point, l’arbitre de l’affaire DS27 a pu confirmer le souci d’une sentence effective en ne remettant jamais en cause la caducité ou l’interruption de ses travaux, quand il a considéré que, ‘ « conformément à l'article 22: 6 du Mémorandum d'accord, les arbitres doivent mener à bien leurs travaux dans les 60 jours suivant la date à laquelle le délai raisonnable prévu pour la mise en œuvre est venu à expiration. (…) étant donné qu'il ne peut pas être fait appel de nos propres décisions, nous avons jugé impératif d'arriver au plus grand degré de clarté possible en vue d'éviter des désaccords futurs entre les parties » 2035 .

Enfin, les critères matériels sont principalement liés à la juridicité et à la jurisprudentialité de la sentence. Contrairement à la fonction de l’arbitrage de l’article 21 : 3 c) qui ne résidait que dans la détermination d’un délai et qui, partant, n’avait qu’une juridictionnalité matérielle implicite, l’arbitrage de l’article 22 : 6 n’a pas qu’une fonction d’évaluation quantitative du niveau de la mesure contraignante. Il peut également déterminer si cette mesure ‘ « est autorisée en vertu de l’accord visé ’ » 2036 . Aussi faut-il supposer que le caractère implicite de la juridicité de la sentence sera renforcé par une juridicité plus explicite. La lecture des décisions arbitrales prises au titre de l’article 22 : 6 confirme cette hypothèse. En effet, l’arbitre est systématiquement amené à traiter au minimum de diverses questions de procédure ayant trait, par exemple, à la participation de tierces parties 2037 , à la charge de la preuve 2038 ou encore à l’interprétation de dispositions d’accords de l’OMC qui, en sus du Mémorandum, ont un rapport plus ou moins proche avec ces mesures contraignantes 2039 . En revanche, dans la partie de la décision consacrée à l’évaluation, la lecture des décisions arbitrales indique que l’arbitre tient un raisonnement pragmatique éloigné du travail juridictionnel consistant à confronter règles juridiques et faits. Il reste que ce pragmatisme est facilement justifiable par la nature même de la fonction arbitrale dans le cadre de cet article 22 : 6 et que, par ailleurs, l’arbitre s’efforce d’adopter un raisonnement rigoureux et précautionneux fondé sur une démarche tout aussi objective et, tant que faire se peut, juridique 2040 . La jurisprudentialité matérielle de la décision arbitrale est facilement identifiable par la constatation selon laquelle l’arbitre fonde ses conclusions non seulement sur des décisions arbitrales antérieures 2041 mais également sur des rapports de l’Organe d’appel ou des groupes spéciaux 2042 . Ce faisant, l’arbitre contribue à la cohérence du système mémorandaire déjà constatée par ailleurs.

Par conséquent, l’arbitre de l’article 22 : 6 peut bien être considéré comme un organe d’aspect, de procédure et de fonction juridictionnels. Bien entendu, il manque a priori à cette décision arbitrale une autorité de chose jugée qui est le troisième critère de juridictionnalité. Cependant, le Mémorandum est très clair sur ce point : ‘ « les parties accepteront comme définitive la décision de l'arbitre et les parties concernées ne demanderont pas un second arbitrage. L'ORD sera informé dans les moindres délais de cette décision et accordera, sur demande, l'autorisation de suspendre des concessions ou d'autres obligations dans les cas où la demande sera compatible avec la décision de l'arbitre, à moins que l'ORD ne décide par consensus de rejeter la demande » 2043 . Certes, refuser la demande d’autorisation de suspension découlant de la décision arbitrale équivaudrait pour l’ORD à désavouer cette décision ; mais ce désaveu, en sus de n’être qu’implicite, est en pratique impossible du fait du mécanisme d’autorisation qui est celui du consensus négatif. Force obligatoire et force exécutoire sont attribuées explicitement à la décision arbitrale : la première du fait du caractère définitif et de l’absence de recours ; la seconde du fait du mécanisme du consensus négatif présidant à l’adoption de cette décision. Une remarque identique à celle formulée à propos de l’arbitrage de l’article 21 : 3 c) peut être formulée : cette qualification ‘ « arbitrale ’ » peut paraître étonnante dans la mesure où ce mécanisme peut aisément être qualifié de juridictionnel stricto sensu. Les mêmes explications peuvent être données, tenant à la méfiance des rédacteurs du Mémorandum et des Membres auxquels il s’applique vis-à-vis de tout système juridictionnel imposé. La même constatation d’une timidité doctrinale peut être formulée à l’encontre des auteurs ne constatant qu’une juridictionnalisation de l’arbitrage alors que ce dernier peut apparaître comme une instance juridictionnelle participant au processus d’exécution de la décision du groupe spécial et de l’Organe d’appel.

Si l’attribution d’une qualification juridictionnelle aux trois mécanismes participant à l’exécution des décisions des instances mémorandaires peut pertinemment fonder la constatation d’un mécanisme juridictionnel constituant le processus d’exécution, elle n’est cependant pas suffisante à elle seule à révéler un encadrement juridictionnel de ce processus. Ce dernier doit être l’objet d’une analyse l’appréhendant de manière globale, c’est-à-dire en étudiant la place et le rôle de chacun de ces mécanismes au sein du processus qui les contient. Ici encore, une description détaillée du fonctionnement du processus d’exécution organisé par le Mémorandum serait fastidieuse et redondante. En revanche, la détermination d’une structure juridictionnelle attachée au processus d’exécution doit passer par l’individualisation de certains aspects procéduraux de ce processus. En effet, la consistance formelle et la matérialité, toutes deux juridictionnelles, du processus d’exécution découlent directement de l’identification de mécanismes juridictionnels participant à ce processus. Cependant, certaines conditions procédurales doivent être réunies afin que cette juridictionnalité ne soit pas mise à l’écart. Il s’agit en réalité de reconnaître d’abord l’impossibilité pour la partie à laquelle s’applique l’obligation d’exécuter de se soustraire à ce processus du seul fait de sa volonté et, ensuite, la centralité des mécanismes juridictionnels dans la concrétisation de cette exécution et, partant, dans la structuration et la légitimation d’une éventuelle contrainte appliquée à ladite partie.

D’une part, l’inéluctabilité du déroulement du processus d’exécution ressort des termes mêmes du Mémorandum. Ce déroulement est le suivant : une fois fixé le délai d’exécution, éventuellement par l’arbitre de l’article 21 : 3 c), la décision doit être exécutée ; une fois passé le délai d’exécution, l’exécution litigieuse de cette décision donne lieu, le cas échéant, au règlement du différend induit par cette exécution, par enclenchement de l’article 21 : 5 ; cette même exécution litigieuse ou encore l’inexécution de la décision initiale peut, de plus, conduire au mécanisme des suspensions de concessions dont le niveau et la conformité seront déterminés in fine par l’arbitre de l’article 22 : 6 en cas de conflit sur ce point entre les parties 2044 . L’inéluctabilité, quant à elle, commence par la fixation du délai d’exécution, fixation soumise à la libre volonté commune des parties puis, en cas de désaccord, à la décision de l’arbitre de l’article 21 : 3 c) ; elle se poursuit par le règlement de l’éventuel différend issu de l’exécution, règlement effectué par les instances mémorandaires initiales ; elle s’achève par le système de la ‘ « compensation et suspension de concessions » 2045 comprenant une phase interpartite puis, en cas d’absence d’accord amiable, une seconde phase plus contraignante dominée par la participation décisive de l’arbitre de l’article 22 : 6 2046 . Elle s’accompagne, sous réserve d’une date d’enclenchement variable mais effective, d’un mécanisme de surveillance par l’ORD de la mise en œuvre, mécanisme qui s’applique à cette question ‘ « jusqu’à ce qu’elle soit résolue ’ » 2047 . En bref, les trois étapes du processus d’exécution se déroulent, chacune, d’abord selon un accord entre les deux parties puis par le biais, en cas d’échec d’un accord amiable, d’instances de nature juridictionnelle qui, à ce titre, sont saisies unilatéralement et soumises à l’obligation de juger. La partie défenderesse ne peut, sans l’accord du plaignant, échapper à l’exécution de la décision dans la mesure où cette exécution est fixée dans le temps, contrôlée dans son contenu et commandée par une contrainte. Le tout est déterminé par un accord entre les deux parties ou en cas d’échec par un mécanisme juridictionnel enclenché unilatéralement 2048 .

D’autre part, après avoir établi l’inéluctabilité du processus d’exécution, il s’agit de reconnaître la centralité des mécanismes juridictionnels dans la concrétisation de cette exécution. Cette centralité découle directement de l’inéluctabilité du processus car cette dernière est inhérente à la présence d’instances juridictionnelles qui, se caractérisant par une saisine unilatérale et une obligation de juger, assurent malgré un désaccord des parties le déroulement jusqu’à son terme de chacune des étapes du processus d’exécution. Plus clairement, ce processus est inéluctable parce que les instances juridictionnelles qui le constituent y occupent une place centrale. Par ailleurs, cette centralité est plus précisément celle du groupe spécial initial et de l’Organe d’appel puisque ce sont eux qui incarnent l’ensemble des instances juridictionnelles de l’exécution.

Cette dernière remarque appuie la constatation précédente d’une concentration organique et contribue à préciser le visage du système mémorandaire composé, en définitive, de deux instances : les groupes spéciaux et l’Organe d’appel 2049 . Plus précisément, il faut remarquer la place importante tenue par les groupes spéciaux qui constituent non seulement la seule instance jugeant en fait et en droit, et le différend initial et le différend de l’exécution, mais aussi la seule instance intervenant, de manière définitive et sans recours, dans le mécanisme de la contrainte réalisée par suspension de concessions. Cette centralité du groupe spécial rend difficile l’occultation de cette instance quand est traitée la juridictionnalité du système mémorandaire, bien que celle-ci se résume encore souvent à celle du seul Organe d’appel dans de nombreux écrits doctrinaux. Le groupe spécial n’est pas qu’une réminiscence de l’ancien système du GATT de 1947 mais il semble avoir été réhabilité et redéployé par le Mémorandum. Si l’aspect novateur de l’Organe d’appel ne doit pas être oublié, il est finalement relativisé par cette nouvelle considération attachée au groupe spécial dans le cadre de l’OMC.

Bien entendu, l’intervention des instances est précédée par la recherche d’un accord amiable, son effectivité est conditionnée par le défaut d’obtention de cet accord, et ce dernier peut mettre fin prématurément à une procédure juridictionnelle déjà engagée. Cette triple constatation peut faire perdre leur caractère central aux mécanismes juridictionnels pour l’attribuer à l’accord entre parties. Nonobstant, il est évident que la perspective d’une issue juridictionnelle de chacune des étapes de l’exécution a une influence déterminante sur l’effectivité d’un accord amiable. Le défendeur pourra se comporter de manière conciliante afin de ne pas se voir imposer une attraction obligatoire dans une procédure juridictionnelle dont l’aboutissement pourrait le contrarier ; à l’inverse, il pourra refuser tout accord amiable, étant confiant dans l’issue d’un règlement juridictionnel malgré l’incertitude que ce règlement comporte nécessairement pour lui, ou désirant retarder voire embourber le processus d’exécution. Quant au plaignant, il pourra également opter pour le règlement juridictionnel pour les mêmes raisons que le défendeur ou pourra, au contraire, préférer un accord peut‑être moins positif mais certainement plus rapide et plus efficace. En revanche, l’éventualité d’un accord entre les parties suspendant ou bloquant le fonctionnement juridictionnel n’a pas d’influence sur la teneur du raisonnement et de la décision de ces instances.

En bref, la perspective d’un règlement juridictionnel inéluctable constitue pour chacune des parties une motivation ou un repoussoir qui influent grandement sur le comportement de ces parties lors de la recherche d’un accord amiable et, partant, sur l’effectivité et la teneur de cet accord. C’est à ce titre que les mécanismes juridictionnels peuvent être considérés comme centraux dans le processus d’exécution. Par conséquent, le processus d’exécution des décisions des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel se compose bien d’un mécanisme juridictionnel le structurant et à même de structurer et de légitimer le mécanisme de contrainte qui est la seconde composante de ce processus.

Notes
1949.
M. Virally, Le droit international en devenir, op. cit., pp. 93-94.
1950.
Intitulé de l’article 21.
1951.
Intitulé de l’article 22.
1952.
Article 23 : 1.
1953.
Intitulé de l’article 23.
1954.
Cet appareil de contrainte fait l’objet de la Section suivante.
1955.
Le contenu exécutoire d’une décision juridictionnelle peut, par ailleurs, n'être pas présent si la décision donne raison au défendeur. Dans ce cas, l’exécution se résume à la force obligatoire de la décision que le défendeur pourra opposer au plaignant. Cette éventualité n’est pas envisagée ici avec beaucoup d’insistance dans la mesure où elle ne remet pas en cause la réalité d’un processus d’exécution. En effet, si une instance juridictionnelle peut donner raison au défendeur, elle peut aussi lui donner tort et la décision formulant ces torts devra, quant à elle, être exécutée. Aussi un processus d’exécution s’appliquera bien au système de règlement ayant abouti à ce type de décision, même s’il ne sera pas, en l’espèce, activé.
1956.
Ici, la matérialité exécutoire ne se traduit que par l’opposabilité découlant de la force obligatoire de la décision mais ce mouvement n’induit pas pour autant un rejet de cette matérialité, car cette traduction n’est que la résultante de la conclusion particulière d’une conformité.
1957.
Article 2 : 1. Voir dans le meme sens, pour exemple, l’article 21 : 1.
1958.
Voir pour exemple l’article 19 : 2.
1959.
Article 7 : 1. Voir également pour exemples les articles 3 : 4 et 11.
1960.
Article 19 : 1.
1961.
V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et…, op. cit., p. 220.
1962.
Ibid., pp. 220 et 225. Se reporter pour une analyse détaillée de la recommandation dans le cadre mémorandaire et de son caractère exécutoire réel à la pertinente étude de M. Pace, pp. 218-226.
1963.
Dans la grande majorité des cas, les groupes spéciaux emploient une formule récurrente peu ou prou identique à celle présentement énoncée (voir sur ce point le Titre Précédent) ; la plus grande variété observable est celle des comportements des Membres qui sont qualifiés très diversement. Parfois, la formulation de la conclusion varie de manière plus significative ; par exemple, il est énoncé que « les versements au titre du contrat de don sont des subventions au sens de l'article premier de l'Accord SMC » (WT/DS126/R, paragraphe 10.1), que « le Décret viole l'article III: 4 du GATT de 1994 » (WT/DS135/R, paragraphe 9.1), que « la Loi de 1916 est contraire aux articles 1 er , 4 et 5.5 de l'Accord antidumping » (WT/DS136/R, paragraphe 7.1), que la partie « n'a pas rempli les obligations qui lui incombent au titre de l'article 70: 8 a) (…) de l'Accord sur les ADPIC » (WT/DS50/R, paragraphe 8.1) ou encore que « les mesures en cause (…) contreviennent aux articles XI: 1 et XVIII: 11 du GATT de 1994 et qu'elles ne sont pas justifiées par l'article XVIII: B » (WT/DS90/R, paragraphe 6.1). Néanmoins, il s’agit toujours de répondre à la question de la compatibilité d’un comportement avec une disposition tirée des accords constituant le droit de l’OMC.
1964.
Ici aussi, la formule présentement énoncée est quasi-systématiquement, quand une incompatibilité a préalablement été constatée, employée sous une forme fortement similaire. Les seules variations de cette formule sont inhérentes à la diversité des comportements visés par le groupe spécial.
1965.
Quelques rapports de groupes spéciaux se contentent de conclusions et s’abstiennent de formuler explicitement des recommandations. Il s’agit, au 26 septembre 2003, des rapports WT/DS44/R, WT/DS152/R, WT/DS243/R, WT/DS58/RW, et WT/DS126/RW. Ce faisant, ces cinq groupes spéciaux ont négligé de montrer clairement la soumission formelle de leurs rapports à l’adoption automatique de l’ORD puisque ce sont les recommandations qui, normalement, précisent la mission d’aide à la décision de l’ORD, aide impartie aux groupes spéciaux. De la sorte, ces instances n’ont sans doute pas estimé nécessaire de rechercher une légitimation de leurs constatations et conclusions auprès de l’ORD. Certes, les trois premiers rapports concluent à une absence totale d’incompatibilité du comportement du Membre concerné avec le dispositif juridique écrit de l’OMC, ce qui explique l’absence de recommandations. Certes, les deux derniers rapports découlent de l’enclenchement de l’article 21 : 5, ce qui rend cette négligence plus facilement justifiable par le seul fait que, des recommandations initiales ayant déjà été formulées, il est concevable qu’elles ne soient pas répétées lors de cette nouvelle procédure de règlement. Néanmoins, il reste que, ce faisant, ces groupes spéciaux font fi de l’autorité politique de l’ORD et de la légitimité qu’il peut leur apporter. S’il est trop tôt pour conclure à une émancipation progressive des groupes spéciaux et à l’affirmation de leur fonction juridictionnelle, ces cinq cas peuvent tout de même constituer des exemples pour les futurs groupes spéciaux de l’inutilité de recommandations adressées à un ORD de toute façon impuissant du point de vue juridique.
1966.
Il faut d’ailleurs noter qu’ici encore l’ORD n’est que le prétexte permettant au groupe spécial de ne pas se contenter d’un rôle de conseiller technique mais d’imposer indirectement une exécution à la partie concernée sans pour autant prendre seul la responsabilité de l’imposition d’une exécution et conférer seul une légitimité certaine à la décision prise et à ses effets induits en termes d’opposabilité et d’exécution.
1967.
Cette formulation est tirée du Rapport de l’Organe d’appel WT/DS108/AB/R, paragraphe 178 mais elle n’est qu’une illustration de la formule récurrente et quasiment identique que tous les rapports de l’Organe d’appel emploient. Seules quelques exceptions sont notables ; elles concernent des rapports, en nombre très faibles, qui concluent à une nécessaire absence de recommandations, par exemple du fait d’une absence d’incompatibilité (WT/DS135/AB/R, paragraphe 193) ou encore du fait d’une mesure en cause qui a cessé d’exister (WT/DS165/AB/R, paragraphe 129), ou qui semblent négliger de préciser cette formule peut-être redondante (voir pour exemple les rapports WT/DS56/AB/R, WT/DS60/AB/R et WT/DS62, 67 et 68/AB/R). Cette dernière négligence insiste implicitement sur la centralité du rapport du groupe spécial et sur le rôle particulier de l’Organe d’appel qui se limite aux questions de droit ; l’Organe d’appel, en n’adressant pas de recommandations particulières et en ne prenant pas même soin de celles formulées par le groupe spécial, s’en remet totalement pour ce qui est de ces recommandations à celles préalablement énoncées par ledit groupe spécial.
1968.
Article 19 : 1.
1969.
H. Ruiz Fabri, « Le contentieux de l’exécution… », op. cit., p. 621.
1970.
Au 26 juin 2003, seuls les rapports WT/DS24/R, paragraphe 8.3, WT/DS50/R, paragraphe 8.2, et WT/DS90/R, paragraphes 7.1 à 7.7, font état de suggestions qui ne paraissent pas avoir été demandées par la partie plaignante mais semblent spontanées, soit 3 rapports sur les 18 traitant de la question des suggestions.
1971.
Se reporter à l’article 19 : 1 qui dispose simplement que « le groupe spécial ou l’Organe d’appel pourra suggérer (…) ».
1972.
Au 26 juin 2003, sur 72 rapports de groupes spéciaux contenant des recommandations, seuls 18 d’entre eux traitent de la question des suggestions.
1973.
Soit, au 26 juin 2003, 11 rapports sur les 15 traitant de la question des suggestions demandées par des parties. Ce chiffre doit être relativisé car certains refus sont partiels (voir pour exemple le Rapport WT/DS60/R, paragraphes 8.1 à 8.6) et, par ailleurs, certains groupes spéciaux formulent des considérations qui ne sont pas formellement des suggestions mais qui peuvent s’y apparenter (sur ce dernier point, voir infra). Cette dernière pratique est cependant très marginale.
1974.
Voir dans ce sens les rapports WT/DS99/R, paragraphe 7.4, WT/DS179/R, paragraphe 7.10, WT/DS202/R, paragraphe 8.6.
1975.
Voir le Rapport WT/DS46/RW, paragraphe 7.3. Voir dans le même sens le Rapport WT/DS70/RW, paragraphe 6.4.
1976.
Voir le Rapport WT/DS60/R, paragraphe 8.1 à 8.6.
1977.
Voir le Rapport WT/DS138/R, paragraphe 8.2.
1978.
Voir le Rapport WT/DS184/R, paragraphes 8.12 à 8.14.
1979.
Voir le Rapport WT/DS206/R, paragraphe 8.8.
1980.
Voir le Rapport WT/DS231/R, paragraphe 8.3. Voir dans le même sens le Rapport WT/DS219/R, paragraphe 8.11.
1981.
WT/DS99/R, paragraphe 7.4.
1982.
Voir dans le même sens les rapports WT/DS179/R, paragraphe 7.10 et WT/DS202/R, paragraphe 8.6.
1983.
Voir les rapports WT/DS60/R, paragraphe 8.6, et WT/DS156/R, paragraphe 9.6.
1984.
WT/DS24/R, paragraphe 8.3, et, dans le même sens, WT/DS192/R, paragraphe 8.5.
1985.
WT/DS202/R, paragraphe 8.6.
1986.
WT/DS156/R, paragraphe 9.5. Voir dans le même sens les rapports WT/DS179/R, paragraphe 7.8, WT/DS202/R, paragraphe 8.6, WT/DS231/R, paragraphe 8.3.
1987.
WT/DS60/R, paragraphe 8.3. Voir dans le même sens les rapports WT/DS184/R, paragraphe 8.11, WT/DS206/R, paragraphe 8.8.
1988.
WT/DS60/R, paragraphe 8.8. Voir dans le même sens le Rapport WT/DS184/R, paragraphe 8.11.
1989.
Voir pour une étude plus détaillée du mécanisme de l’article 4.7 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires la Section précédente.
1990.
WT/DS60/R, paragraphe 8.2. Voir dans le même sens le Rapport WT/DS184/R, paragraphe 8.6.
1991.
Voir sur ce point le Rapport WT/DS50/R, paragraphe 8.2.
1992.
Voir sur ce point le Rapport WT/DS90/R, paragraphes 7.1 à 7.7.
1993.
Voir sur ce point le Rapport WT/DS138/R, paragraphe 8.2.
1994.
Voir les recommandations formulées dans les rapports WT/DS24/R, WT/DS60/R, WT/DS156/R et WT/DS192/R.
1995.
WT/DS156/R, paragraphe 9.7. Voir dans le même sens le Rapport WT/DS184/R, paragraphe 8.13.
1996.
WT/DS60/R, paragraphe 8.3. Dans un sens similaire, le Rapport WT/DS46/RW2, paragraphe 7.3, dispose que « l'article 19: 1 semble envisager des suggestions concernant ce qui pourrait être fait pour rendre une mesure conforme (…). Il n'apparaît pas clairement si l'article 19: 1 vise aussi la question de la surveillance des dispositions prises à ces fins. Cela dit, tout accord que des Membres de l'OMC pourraient conclure pour améliorer la transparence en ce qui concerne la mise en œuvre des obligations au regard de l'OMC ne peut être qu'encouragé ». Plus clairement, le groupe spécial limite les suggestions à la manière de mettre en conformité les mesures condamnées mais n’accepte pas qu’elles se consacrent également à la surveillance des dispositions induites par cette mise en conformité. De la sorte, le groupe spécial limite le champ d’application de ces suggestions et se pose ainsi en instance de règlement des différends et non en instance de surveillance de l’effectivité de la force exécutoire des décisions qu’il a prises.
1997.
Se reporter à l’article 19 : 1.
1998.
Au 26 juin 2003, aucun rapport de l’Organe d’appel ne traite de suggestions au titre de l’article 19 : 1 du Mémorandum, que ces suggestions soient formulées ou qu’elles soient rejetées.
1999.
WT/DS60/AB/R, paragraphe 89.
2000.
Se reporter pour détails au Rapport WT/DS108/AB/R, paragraphes 179 et 180.
2001.
WT/DS2/AB/R, dernier paragraphe.
2002.
WT/DS176/AB/R, paragraphes 362 et 363.
2003.
Voir le Rapport WT/DS46/RW2, paragraphes 6.2 et 6.3.
2004.
Voir sur ce point le Rapport WT/DS138/R, paragraphe 8.2.
2005.
Voir le Rapport WT/DS58/RW, paragraphes 6.1 et 6.2.
2006.
WT/DS18/RW, paragraphe 8.3. Voir dans un sens similaire le Rapport WT/DS46/RW, paragraphe 7.3.
2007.
Voir sur ce point le Rapport WT/DS152/R, paragraphe 8.1.
2008.
Bien entendu, il est possible, et même fréquent, que le processus d’exécution ne soit pas nécessaire. En effet, la partie concernée peut très bien exécuter volontairement et efficacement la décision. Cependant, l’organisation d’un processus d’exécution est toujours nécessaire, au moins pour servir de repoussoir donc pour inciter les parties à une exécution volontaire et pertinente, si ce n’est pour les contraindre à une telle exécution qu’elles rechigneraient à mener d’elles-mêmes. Aussi, et sans mettre en doute ni la bonne volonté des parties concernées ni la réalisation fréquente d’une exécution spontanée, le présent propos n’envisagera-t-il que l’éventualité du développement complet du processus d’exécution du fait du refus de la partie concernée d’exécuter spontanément et efficacement la décision initiale de règlement. Il ne faut cependant pas oublier que l’exécution spontanée peut à tout moment suspendre ou interrompre le déroulement complet de ce processus d’exécution.
2009.
De nombreuses sources bibliographiques s’attachent à décrire le mécanisme d’exécution mémorandaire. Voir en particulier : H. Ruiz Fabri, « Le contentieux de l’exécution… », op. cit., pp. 603-645 ; H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends… », J.D.I. 3, 1997, pp. 745-748 ; H. Ruiz Fabri, « Organisation mondiale du commerce ; Droit institutionnel », Juris-Classeur de Droit international, Volume 1, Fascicule 130-10 de mai 1998, éd. Du Juris-Classeur, 1998, pp. 29-31 ; Y. Renouf, « Les mécanismes d’adoption… », op. cit., pp. 784-790 ; V. Pace, L’Organisation Mondiale du Commerce et…, op. cit., pp. 248-260 ; M.N. Andrianarivony, L’émergence progressive d’une juridiction internationale des échanges…, op. cit., pp. 366-370 et 391-408.
2010.
Un autre mécanisme d’arbitrage peut être distingué dans l’article 22 : 7 du Mémorandum mais il peut aisément être assimilé à l’arbitrage de l’article 22 : 6 dans la mesure où l’identité de l’arbitre est la même et que l’objet de l’arbitrage est identique, puisqu’il est question pour le même arbitre de traiter la contestation relative au niveau de la mesure contraignante (article 22 : 6) et la conformité de cette mesure avec le dispositif normatif de l’OMC ainsi qu’avec la procédure mémorandaire (article 22 : 7).
2011.
Sur le thème de cette surveillance de l’ORD, se reporter pour une étude plus détaillée à la Section précédente.
2012.
Paragraphe 1.
2013.
Comme son intitulé l’indique.
2014.
Article 23 : 2 a).
2015.
Article 23 : 2 b).
2016.
Article 23 : 2 c).
2017.
Rapport du groupe spécial WT/DS152/R, paragraphe 7.35.
2018.
Rapport WT/DS165/R, paragraphe 6.22.
2019.
Certains rapports de groupes spéciaux s’attardent avec rigueur sur l’interprétation de l’article 23 du Mémorandum, les différends particuliers traités ayant trait à la conformité de comportements étatiques unilatéraux par rapport à cette disposition. Voir en particulier les rapports WT/DS152/R, paragraphes 7.35 à 7.185 et WT/DS165/R, paragraphes 6.12 à 6.23. Se reporter également au Rapport WT/DS27/RW/EEC, paragraphes 4.13 à 4.15. L’Organe d’appel ne s’est pas encore prononcé clairement sur l’interprétation de l’article 23. Dans le cadre de l’affaire DS165, il a été amené à aborder ce thème mais il l’a fait sous l’angle de la compétence du groupe spécial, ce qui n’apporte guère de précisions quant à l’interprétation à donner à cet article 23. Tout au plus ne trouve-t-il « aucune raison de modifier la constatation du Groupe spécial selon laquelle (…) [le défendeur a ] agi de manière incompatible avec "les articles 23: 2 c), 3: 7 et 22: 6 du Mémorandum d'accord" » (WT/DS165/AB/R, paragraphe 128 e)).
2020.
Se reporter pour une démonstration complète à la Section précédente.
2021.
Article 21 : 5.
2022.
Au 26 juin 2003, 12 affaires ont fait l’objet d’une mise en œuvre de l’article 21 : 5, dont 2 d’une double mise en œuvre. Parmi ces 12 affaires, 7 recours à l’Organe d’appel ont été effectués dont 1 double recours. Voir sur ce point l’» état des différends soumis à l’OMC », WT/DS/OV/14.
2023.
H. Ruiz Fabri, « Le contentieux de l’exécution… », op. cit., pp. 624-625.
2024.
Dans deux affaires distinctes, le groupe spécial a été convoqué deux fois au titre de l’article 21 : 5. Voir les rapports WT/DS46/RW2 et WT/DS103 et 113/RW2. Dans cette dernière affaire, l’Organe d’appel a également été convoqué deux fois.
2025.
H. Ruiz Fabri, « Le contentieux de l’exécution… », op. cit., pp. 621-622.
2026.
Voir sur ce point la précédente Section (qui renvoie à l’avant-dernier Chapitre de la précédente Partie).
2027.
Il convient ici de rappeler que le mécanisme d’arbitrage de l’article 22 : 6 a été une fois remplacé par un arbitrage au titre de l’article 25. Cependant, cette exception doit être marginalisée et, finalement, être considérée comme un « accident » de procédure dans la mesure où cette procédure est unique et où, surtout, elle est identique à celle qui aurait pu être suivie au titre de l’article 22 : 6, y compris concernant la composition de l’arbitre qui était le groupe spécial initial – en considérant que deux des trois membres de ce groupe spécial ont été remplacés en raison de leur indisponibilité. La lecture de la décision arbitrale prise au titre de l’article 25 est très largement comparable à celle qui aurait été consécutive à la mise en œuvre de l’article 22 : 6.
2028.
Article 22 : 6.
2029.
WT/DS26/ARB, paragraphe 7, et WT/DS48/ARB, paragraphe 7.
2030.
WT/DS27/ARB, paragraphe 2.1. Voir dans le même sens la Décision WT/DS46/ARB, paragraphes 2.1 et 2.2.
2031.
Voir la Décision WT/DS27/ARB, paragraphe 2.1. La Décision WT/DS46/ARB, paragraphe 2.3 fait également état d’une procédure qui, bien que plus complexe, organise entre les parties la tenue d’une contradiction et permet un dialogue avec l’arbitre par le mécanisme de questions et de réponses.
2032.
Voir la Décision WT/DS46/ARB, paragraphe 2.1, note 5.
2033.
WT/DS26/ARB, paragraphe 7. Il est question en l’espèce de traiter une demande de droits de tierce partie.
2034.
Malgré le petit nombre de sentences arbitrales rendues, il faut constater que toutes les procédures d’arbitrage de l’article 22 : 6 enclenchées ont été menées à leur terme, sauf accord amiable entre les parties. La suspension de procédure a été décidée par les parties d’un commun accord, comme dans les affaires DS136 et 162, DS103 et 113 et DS160. Seule l’affaire DS18 est plus floue : la désignation effective de l’arbitre n’a pas été suivie d’une sentence formulée. Voir pour détails le résumé de l’» état d’avancement de la mise en œuvre des rapports adoptés » dans le document WT/DS/OV/14, pp. 154 et s.
2035.
WT/DS27/ARB, paragraphe 2.12.
2036.
Article 22 : 7.
2037.
Voir pour exemple la Décision WT/DS26/ARB.
2038.
Voir pour exemple la Décision WT/DS108/ARB.
2039.
Par exemple, la Décision WT/DS108/ARB traite de l’article 4 : 10 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires et la Décision WT/DS27/ARB traite de l’article XIII du GATT de 1994.
2040.
Ainsi l’arbitre établit-il, avant même l’évaluation proprement dite, les principes généraux qui vont guider sa démarche d’évaluation et s’efforce de les fonder en droit. Voir par exemple la Décision WT/DS27/ARB, paragraphes 6.1 à 6.27 ou encore la Décision WT/DS108/ARB, paragraphes 4.1 à 4.8.
2041.
Voir pour exemple la Décision WT/DS46/ARB, paragraphe 2.6.
2042.
Voir pour exemple la Décision WT/DS108/ARB, paragraphes 2.10 et 2.11, concernant la charge de la preuve.
2043.
Article 22 : 7.
2044.
Il faut immédiatement noter que ces étapes ne sont pas forcément successives mais que le mécanisme de l’article 21 : 5 peut être contemporain d’une suspension de concessions. La question de cette articulation entre les articles 21 et 22 doit être relevée ; elle est l’objet de développements formulés dans la Section suivante.
2045.
Intitulé de l’article 22.
2046.
L’article 22 est étudié de manière approfondie, dans sa réalité textuelle comme dans son effectivité pratique, dans la Section suivante.
2047.
Article 21 : 6.
2048.
Il faut noter que la suspension de concessions, qui constitue le mécanisme de contrainte, n’est l’objet d’une détermination juridictionnelle que par saisine unilatérale du défendeur et non du plaignant. Ce dernier décide de cette suspension et de son niveau, d’abord par accord entre les parties, puis après autorisation de l’ORD en cas d’échec de cet accord, et c’est au défendeur mécontent d’enclencher la procédure de l’arbitrage de l’article 22 : 6. Ce système particulier est étudié dans la Section suivante.
2049.
Si l’Organe d’appel intervient dans le mécanisme de l’article 21 : 5, il n’est pas présent en sa qualité propre dans le mécanisme de l’article 21 : 3 c) car cet arbitrage est le fait d’un seul de ses membres intervenant en tant que tel.