I. Famille et Socialisation

Les travaux les plus célèbres dans le domaine de la «famille» semblent être ceux de Flandrin, Ariès, et Lévi–Strauss. Deux dimensions essentielles émanent de leurs œuvres : la première aborde la formation et la structuration du groupe domestique tandis que la seconde retrace l'évolution et la diversité du système de parenté. La famille est définie comme étant «un ensemble organisé d'individus reliés entre eux par l'alliance et / ou la parenté…[qui] cherchent à donner un sens et des formes sociales et culturelles à ce groupement, également considéré comme la cellule de base de toute société.» La cellule familiale édifie un corps social composé «non pas d'individus, mais de personnes dont l'identité est en partie déterminée par une appartenance familiale.»(Universalis, 1996, p. 262). Par cette définition, la socialisation est introduite dans un cadre «d'appartenance familiale» à travers la diversité des «formes sociales et culturelles».

La socialisation dégage un double contenu passif et actif : il inclut «l'apprentissage des codes» et les mots de passe, validant l'accès à un groupe social, le «développement des aptitudes individuelles», afin de participer à la vie du groupe, et «l'adaptation des différents groupes sociaux aux formes évolutives de la société» (Akoun, 1975, p. 165).

La socialisation est une notion commune à divers courants théoriques tels que l'anthropologie culturelle, la psychanalyse, la psychologie génétique, etc. Des oppositions et des controverses ont été relevées entre elles, néanmoins, nous n'envisageons pas de détailler les problèmes posés par la confrontation des points de vue disciplinaires. Nous nous limitons à présenter la définition de la socialisation au regard de la psychologie, de la sociologie et de la psychologie sociale.

La perspective sociologique considère la socialisation comme un «processus d'adaptation d'un enfant au milieu socioculturel dans lequel il est élevé…Processus par lequel le sujet fait l'apprentissage des normes d'une société ou d'un groupe social, de telle sorte qu'il soit capable d'exercer son activité en lui» (Bloch et al. 1994, p. 729). La plupart des sociologues ont surtout majoré les processus de la contrainte et de la coercition institutionnelle. Contrainte et coercition poussent les individus à s'adhérer afin d'éprouver selon Durkheim «des manières de voir, de sentir et d'agir» conformes aux nécessités de la vie collective. La socialisation vise donc à rendre l'individu conforme aux prototypes de son groupe aussi bien dans ses comportements que dans ses croyances. Dans cette perspective, l'enfant est considéré comme un être passif sur lequel le milieu exerce son influence, laisse son impact et, par conséquent, le façonne et le modèle.

De point de vue de la psychologie, la socialisation serait «l'intériorisation de la culture et de la formation d'attitudes et des représentations sociales communes au groupe» (Bloch & al, 1994, p 729). L'individu est considéré comme un être actif dont la socialisation serait la résultante de l'interaction entre ses capacités et ses besoins et l'environnement accueillant tant social que «physique», souligné par l'auteur.

En psychologie sociale, la socialisation désigne le «processus par lequel les individus apprennent les modes d'agir et de penser de leur environnement, les intériorisent en les intégrant à leur personnalité et deviennent membres des groupes où ils acquièrent un statut spécifique» (Férréol & al, 1991, p. 253). Vue sous cet angle, la socialisation assimile l'apprentissage et le conditionnement aussi bien que l'adaptation culturelle et l'intériorisation. Evoquant les travaux de Margaret Mead et des anthropologues, Stoetzel (1963) souligne que les processus d'apprentissage intervenant dans la socialisation puisent essentiellement leur sens et leur effet dans l'ensemble des éléments culturels environnants.

Dès lors, il serait difficile de se situer, de manière décisive, par rapport à l'une ou à l'autre des perspectives qui représentent des points de vue communs et complémentaires. Néanmoins, dans le cadre de la présente recherche, nous adoptons la définition de la psychologie sociale. Loin d'être un processus isolé ou indépendant, la socialisation fait partie de l'organisation systémique sociétale d'où émergent des agents et des facteurs dont le rôle consiste à seconder les individus. Ils leur facilitent, d'une part, l'intériorisation des normes sociales et des valeurs de leurs groupes et, d'autre part, ils mettent «en valeur ce qu'il y a de meilleur en chacun d'eux» (Bettelheim, 1970, p. 402).