I.2. Rôles et statuts

La notion de «statut» trouve son origine dans l'ethnologie ainsi que dans la sociologie, et prend une place aussi importante également en psychologie sociale. Le concept de «rôle» sert de point d'articulation entre la psychologie et la sociologie et se trouve, de ce fait, au centre de la psychologie sociale. Le statut coïncide avec la position occupée par un individu dans un domaine de la vie sociale. Il correspond à «l'ensemble des comportements à quoi il peut s'attendre légitimement de la part des autres» (Stoetzel, 1978, p. 206). L'individu est défini horizontalement par rapport à ses égaux, et verticalement par la place qu'il occupe dans une hiérarchie. Beaucoup de statuts sont complémentaires et plus ou moins compatibles. Les individus font l'expérience de deux sortes de statuts : ceux qui sont prescrits et assignés tels que le sexe et l'âge, et ceux qui sont acquis et auxquels la personne accède plus ou moins par ses propres moyens. Stoetzel note, avec réserve, que «l'individu s'identifie à son statut» qui représente pour lui «un élément de la conscience de soi» (1978, p. 207). Sous cette perspective, les inadaptations personnelles, les traits et les attitudes constituent aussi bien des caractéristiques des individus que des expériences de la personne. Droits et devoirs spécifiques correspondent à chaque statut et se concrétisent dans des rôles sociaux.

Les rôles et les statuts sont généralement soumis aux règles et aux lois sociales et, par conséquent, ils sont codifiés. En dépit de cette codification, la différenciation des comportements reste apparente dans une société donnée. La différenciation correspond à des fonctions sociales distinctes, ainsi qu'à des places sociales déterminées. Par sa double fonction, le rôle régularise les rapports sociaux et assure l'intégration de la personnalité par le processus «d'ancrage des normes» (Cazals-Férré & Rossi, 1998, p. 42).

Le rôle d'un individu correspond à «l'ensemble des comportements à quoi les autres s'attendent légitimement de sa part.»(Stoetzel, 1978, p. 206). A chaque statut s'associent plusieurs rôles répondant aux attentes des divers correspondants familiaux et sociaux. L'individu est capable d'assumer de nombreux rôles illustrant, en principe, une certaine harmonie et une congruence. Ils sont en rapport avec les valeurs générales de la société d'appartenance ainsi qu'avec celles des différents groupes de contact. Tout enfant reçoit quotidiennement une éducation au «rôle social» qui sera le sien. C'est le premier socle de la socialisation comme apprentissage du vivre ensemble. L'enfant aura un «rôle à tenir auquel correspondent des privilèges, des obligations, des interdits spécifiques, des tâches à accomplir» (Fumat, 1998, p. 54).

William James distingue dans la personne le «je» et le «moi». Le «moi social» naît de la reconnaissance que la personne reçoit d'autrui. Les «soi sociaux» sont multiples du fait que des personnes différentes répondent différemment à une même personne. Plus tard Mark Baldwin, en introduisant en psychologie la notion de sélection naturelle, met l'accent sur l'imitation qui permet à l'enfant de devenir un être social : l'enfant imite autrui puis il s'imite en manifestant à son propre égard les comportements qu'il a pour autrui.

S'intéressant au fondement culturel de la personnalité, Ralph Linton (1999) considère que la structure sociale produit une organisation simultanée de plusieurs systèmes possédant chacun sa propre fonction. La place de l'individu dans le système dépend de son appartenance aux différentes catégories sociales (âge, sexe, etc.). Quant au fondateur de la sociométrie, Moréno (1970),il met en place le théâtre spontané où les rôles improvisés conduisent au psychodrame. Le test sociométrique conçu par Moréno mesure les relations interpersonnelles à l'intérieur des groupes et permet d'y définir le statut de chaque membre.

Selon Mead (1963), la socialisation s'effectue par l'intériorisation et la compréhension des rôles sociaux. En jouant, l'enfant apprend à connaître et à comprendre les différents comportements des acteurs sociaux. Mead définit deux stades dans le développement du «soi» par la distinction entre le jeu libre et le jeu réglementé. Le jeu libre, du premier stade, ne comporte pas de règles précises, et l'enfant y prend des rôles complémentaires : il apprend à jouer envers lui‑même le rôle de l'autre ; il se socialise en se plaçant successivement dans des positions complémentaires et en prenant conscience de l'emboîtement des rôles. Considérant la croissance fréquente des jeux de rôles entre l'âge de 3 et 6 ans, Winnykamen voit que l'âge constitue un facteur d'influence sur «la complexité des scénarios»(1990, p. 240). Au second stade de la socialisation où le jeu est réglementé, Mead considère que l'enfant s'implique dans un groupe social lui facilitant d'accéder à ce qu'il appelle «l'autrui généralisé»(1963, p. 131).