I.3.1. Socialisation : de la naissance à l'âge de trois ans

C'est la phase de la construction des attitudes de l'enfant à l'égard d'autrui, au sein de la famille et du jardin d'enfants. De l'imitation involontaire, de la communication émotionnelle et relative aux besoins vitaux, l'enfant accède au mode de communication symbolique préfigurant le langage et les mécanismes de défense. Durant les six premiers mois, l'enfant répond à autrui par une série de comportements qualifiés de «présociaux» (Gratiot-Alphandéry & Zazzo, 1973, p. 45). Les comportements présociaux consistent dans les échopraxies, les sourires, les premières réactions circulaires interpersonnelles, la distinction des familiers et des étrangers et le désir d'autrui. Les recherches et les expériences ayant pour objet l'étude des comportements «présociaux» ne seront pas développées dans le cadre présent. Citons à titre d'exemple les travaux de Ahrens (1954) ; Bûhler (1932) ; Freedman (1966) ; Guillaume (1925) ; Gray (1956) ;Harlow (1972) ; Kaïla (1932) ; Laroche et Tcheng (1963) ; Lorenz (1970) ; voir aussi Piaget (1945) ;Spitz (1968) et aussi Zazzo (1957) ainsi que bien d'autres.

Entre six et quinze mois, l'enfant expérimente l'exploration des objets et débute la maîtrise de l'espace proche. Il effectue un progrès considérable dans l'autonomie sensori-motrice favorisant la maîtrise de son corps et le contrôle postural. Cette maîtrise influence aussi ses relations sociales notamment celles d'accueil et d'impatience aussi bien que les gesticulations et les cris à l'égard d'autrui. Vers la fin de la première année, l'imitation est favorisée par le désir de devenir un personnage social et d'intéresser autrui. Ainsi l'imitation devient un «mécanisme essentiel de l'acculturation» (Gratiot-Alphandéry & Zazzo 1973, p. 55), notamment dela socialisation. Durant cette phase, la socialisation se manifeste selon une dynamique où les conflits jouent un rôle de première importance. Les imitations permettent ainsi l'identification de l'enfant à des modèles. Les communications se socialisent sur le plan affectif, symbolique et verbal.

Au niveau de l'espace et des choses, s'effectue la découverte des constructions, des instruments et le contrôle des mouvements appropriés. Sur le plan des relations interpersonnelles, apparaît le transfert par l'intermédiaire du langage et des fictions. Ces transformations ont pour base un enchaînement de progrès physiologiques et d'apprentissages sociaux guidés par les modèles éducatifs. Ces opérations mènent à la restructuration des rapports interpersonnels où l'enfant devient capable d'agir sur les autres dans une ambiance d'échanges évolutifs selon les attentes et les incitations du milieu socio‑familial. Ainsi l'enfant intériorise des attitudes de contrôle du geste, apprend à agir en vue d'une fin et acquiert le sens du futur.

Dans la deuxième année de la vie, l'enfant connaît un conflit entre le désir d'autonomie et la dépendance affective à l'égard des adultes, d'où l'apparition des phénomènes d'identification. L'enfant tente de reproduire les comportements des adultes afin d'atteindre une maîtrise dans les gestes techniques et dans les relations. Son désir est motivé par un ensemble de sentiments complexes : angoisse et peur, admiration et intériorisation. D'une part, l'enfant éprouve l'angoisse et la crainte dues à ses propres impuissances et défaillances. D'autre part, il admire l'adulte tout puissant et intériorise son pouvoir. A ce niveau, Freud évoque «l'appropriation des caractéristiques d'autrui» (1950, p. 115). L'appropriation s'opère donc inconsciemment, par un processus de fusion voire d'adhésion à certains comportements du modèle. Elle s'effectue dans un échange entre deux sentiments : la joie associée à la présence de la mère et l'angoisse de la perdre et de la voir partir. De ce contraste «naît un transfert mimétique en la personne aimée» (Malrieu & Malrieu, 1973, p. 79).