II.2. Développement libidinal

Selon certains auteurs, le développement libidinal recouvre l'ensemble des transformations affectant les conduites infantiles, les intérêts ou les pulsions en voie d'intégration dans la sexualité génitale (Widlöcher, 1973). Non soumis à une réalisation automatique et mécanique, le développement libidinal reste conditionné par une diversité de facteurs. Il est «lié au climat affectif, aux stimulations de l'entourage et à la maturation biologique qui forment un ensemble indissociable mais sont plus ou moins électivement isolables et analysables dans les conditions pathologiques» (Chazaud, 1989, p. 34). Ce développement s'effectue suivant des étapes généralement schématisées par des «stades». Freud identifie cinq stades dans le développement psychosexuel de l'enfant. Chacun d'eux privilégie une zone corporelle ou érogène constituant la principale source de satisfaction sexuelle chez l'enfant.

Au cours du stade oral, les pulsions s'organisent sous la domination de la zone orale dans un climat relationnel avec la mère où prédominent les soins alimentaires. Au cours de la première année du nourrisson, tout passe par le corps où la bouche occupe la place la plus importante. Cliniciens et chercheurs évoquent, à ce titre, une «relation orale». Par la bouche viennent les choses bonnes comme les choses mauvaises et par conséquent les sensations de plaisir versus déplaisir. Les repas peuvent être, soit des moments agréables où l'enfant et la mère sont heureux d'être ensemble, soit des occasions de lutte et de refus. L'évolution s'effectue dans le passage du sein au biberon et de l'alimentation liquide à l'alimentation solide.

Le stade anal représente une étape du développement libidinal où les pulsions sont soumises à la sensibilité de la zone anale. Cette phase s'organise sur un mode de relation avec la mère et ses substituts. Les contraintes liées à l'éducation de la propreté sphinctérienne jouent un rôle décisif dans le développement humain. Entre 14 et 18 mois, le jeune enfant expérimente la possibilité de contrôler volontairement ce qui sort de lui. Suite à quoi il va privilégier deux éléments : la partie du corps qui retient volontairement ou laisse partir, et les objets qui se détachent du corps. Les sensations éprouvées intérieurement enrichissent considérablement le sentiment qu'a l'enfant de son corps, indépendant de celui de sa mère et d'autrui en général. Dès lors, il se perçoit comme personne capable de se poser, de s'opposer et de dire «moi» (Chazaud, 1989).A ce niveau sont évoqués l'étayage et l'originalité de la relation d'objet. L'étayage s'appuie sur l'acquisition d'un mode de contrôle volontaire et sur un plaisir d'exercice. La relation d'objet, voire le rapport avec la mère, est marquée par une double polarité (soumission / domination et activité / passivité). L'enfant recherche un double plaisir auprès de sa mère consistant simultanément dans la soumission afin d'être aimé d'elle et dans l'opposition afin d'exercer son propre pouvoir dominateur. D'autres processus apparaissent à ce stade dont des «mécanismes de délai, d'isolement, de déplacement, de renversement temporo-spatiaux» (Chazaud, 1989, p. 44).

Le stade génital définit une étape dans le développement de la libido où l'organisation des pulsions se fait en fonction de la constatation de la différence des sexes et, principalement, de l'absence du pénis chez la fille. Entre deux et quatre ans, l'enfant manifeste une curiosité énorme pour des faits se rapportant à la vie sexuelle. Citons plus spécialement la différence anatomique des sexes et l'origine des enfants. L'enfant essaie de découvrir la nature des rapports intimes qui s'établissent entre le père et la mère lorsqu'il est loin d'eux. Il fait la découverte de son sexe et de son corps sexuellement différencié. La constatation des différenciations sexuelles est accompagnée d'une «angoisse de castration» chez le garçon et d'une forme de «blessure narcissique» chez la fille. En conséquence, l'enfant prend conscience de soi-même comme étant une personne autonome. A partir de ce moment, commence à se mettre en place le système des rapports avec l'objet d'amour et les autres ainsi que le processus identificatoire. L'enfant s'identifie au parent du même sexe, en adopte les désirs, et le prend comme objet ultime de ses désirs. Ainsi une relation triangulaire s'installe et remplace la dualité relationnelle antérieurement vécue. Les psychanalystes considèrent que la manière selon laquelle est vécu puis résolu le complexe d'Œdipe influence vigoureusement l'évolution ultérieure de la personnalité et diffère selon le sexe. Avec le complexe œdipien s'achève la phase génitale, et la résolution du conflit contribue à la formation du Surmoi vers l'âge de sept ans.

L'enfant est introduit dans la phase de latence lorsque les pulsions et les désirs commencent à s'assoupir ou encore à «se socialiser» et à se sublimer. Il se libère subséquemment de l'emprise de l'attachement possessif à la mère, et de l'attraction du domaine sexuel qui devient dès lors hors de son centre d'intérêt. L'entrée dans la vie est marquée par l'événement de l'adolescence survenant entre la puberté et la qualification professionnelle. L'adolescence offre généralement à l'individu l'opportunité de réorganiser sa propre trajectoire au carrefour du passé et de l'avenir.