II.3. Maturation émotionnelle

La recherche traditionnelle a largement pris à son compte l'étude du développement physique et intellectuel de l'enfant. Tandis que le processus de maturation émotionnelle n'a fait l'objet que d'études plus récentes. Les chercheurs ont généralement distingué divers stades dans la mise en place du processus émotionnel. Tout en sachant que la distinction entre l'un et l'autre stade est loin d'être catégorique, nous signalons ceux reconnus par la plupart des auteurs.

Le premier stade du développement affectif (1-2 mois) consiste pour l'enfant à maîtriser sa capacité d'organiser les sensations (sons, images, odeurs, mouvements).

Le second stade (3-4 mois) est celui de l'éveil à l'environnement humain et de la découverte de l'attrait du monde extérieur : sourire, gaieté, écoute de la voix des parents et suivi du rythme de leurs visages.

Durant le troisième stade (4-10 mois) apparaît le besoin d'établir un véritable échange. L'enfant découvre la relation de cause à effet ainsi que les processus d'interaction lui permettant de manifester ses sentiments. Signalons à ce propos que «l'obstination avec laquelle il s'agrippe à un objet lorsqu'il est en colère est une manifestation explicite de ses sentiments» (Greenspan & al. 1986, p. 15).

Au quatrième stade (10-18 mois) le dialogue émotionnel avec l'environnement devient plus marqué, et apparaît la capacité d'élaborer un «schème social, affectif et comportemental complexe» (Greenspan S. 1986, p. 16) dans lequel s'inscrivent les besoins de l'enfant, ses intentions et son sentiment de satisfaction. Vers l'âge de deux ans, l'enfant découvre la fonction des objets aussi bien que des personnes et établit une communication à travers l'espace à l'aide de signaux visuels et vocaux.

Vers l'âge de 18 à 30 mois, l'enfant accède à la faculté de conceptualisation qui facilite l'évocation des objets par une image mentale. Il est dès lors capable de se représenter sa mère absente par exemple ou ses jouets préférés. A ce stade apparaît l'activité onirique semblable à celle des adultes

Entre trois et quatre ans, l'univers mental de l'enfant s'étend aux domaines affectifs. Il commence à distinguer le réel de l'imaginaire et à incorporer dans son jeu des éléments conformes à la réalité. Ainsi, la conscience de soi devient plus élaborée et la différenciation entre «moi» et «l'autre» évolue. L'affectivité enfantine est qualifiée d'«intense» et de «dominante» (Gratiot-Alphandéry & Zazzo, 1970, pp. 16‑18). L'intensité exprime l'inaptitude de l'enfant à mettre à distance ses sentiments auxquels il est encore livré. La dominance manifeste l'influence de l'affectivité sur les fonctions psychologiques telles que la genèse des schèmes de conceptualisation et des classifications, la relation à la mère dans l'acquisition du langage, le jeu et le travail scolaire.

En étudiant les six stades du développement affectif, Piaget a largement évoqué et détaillé l'existence d'un lien fort entre le développement intellectuel et le développement affectif, entre les «transformations de l'affectivité et les transformations des fonctions cognitives à chaque niveau, c'est-à-dire une compréhension entre ces deux aspects inséparables de toute conduite» (1954, pp. 153-154). Aussi intéressante que soit cette correspondance, il n'est pas dans l'intérêt de la présente étude de l'aborder dans les détails. Néanmoins, nous focalisons l'attention sur un concept basé sur le lien social et l'affectivité. Il s'agit du concept d'attachement qui étudie le lien entre le développement socio-affectf de l'enfant et la nature de la relation entretenue avec une personne qui s'occupe de lui.