III.2. Affectivité et intégration sociale

Incorporant simultanément la notion de lien social et d'affectivité, le concept de l'attachement, fut à la base de la théorie de Zazzo (1974) dont la visée est l'explication multidisciplinaire du développement socio - émotionnel. Le développement socio - affectif et l'intégration sociale de l'enfant dépendent de la nature du premier lien avec une personne proche, notamment sa mère. Le lien favorable au développement est celui qui offre à l'enfant «sécurité, amour, considération» (Maslow, 1972, p. 38).

Les expériences affectives constituent non seulement la base de la relation d'attachement, mais aussi le principe du développement social de l'enfant. En développant sa conception de l'attachement chez l'enfant âgé de plus de douze mois, Bowlby (1969) évoque l'importance de la représentation mentale dans la construction d'un modèle de relation mutuelle où les deux partenaires visent des buts communs. Suite aux interactions avec sa mère, l'enfant construit des représentations mentales sur les comportements de son entourage. L'intégration de ces représentations dans un modèle mental sert à guider le comportement futur de l'enfant dans des situations nouvelles. Le rôle de l'affection dans la formation des liens a été expérimenté et prouvé à travers une multitude d'études dont nous mentionnons quelques-unes.

  1. 1-Jugeant la proximité physique secondaire et insuffisante au maintien des liens affectifs, Stroufe et Waters (1977) attribuent une portée primordiale à la sécurité psychologique. Ils soulignent l'importance du rôle de l'affect dans la coordination des comportements sociaux de l'enfant. Le but de l'attachement serait davantage le maintien d'un «sentiment de sécurité» que la proximité physique elle-même.
  2. 2 La suprématie des sollicitudes psychologiques par rapport aux soins physiologiques est accentuée par un grand nombre de chercheurs (Goldstein & al. 1978). Ces auteurs considèrent que les soins physiologiques prodigués à l'enfant n'aboutissent pas nécessairement à la construction des liens d'attachement. Ils soulignent la prépondérance des soins psychologiques dont la qualité et l'authenticité favorisent l'édification d'une relation d'attachement. Ces auteurs voient que l'attachement vécu par l'enfant «ne résulte pas de l'attention prodiguée jour après jour à ses besoins de soins corporels, de nourriture, de confort, d'affection, de stimulation. Seuls les parents qui satisfont à ces besoins vont construire cette relation psychologique à partir de la relation biologique ; ils deviendront les parents psychologiques dont les bons soins permettent à l'enfant de se sentir apprécié et désiré» (p. 29).
  3. 3 A son tour, Zazzo corrobore la suprématie du lien affectif aussi bien que sa constance. D'une part, il souligne la prépondérance du lien affectif par rapport aux soins corporels puisque «le corps ne vit pas seulement de nourriture mais de la chaleur» humaine. D'autre part, Zazzo soutient la constance du lien car l'enfant «conserve avec sa mère, et pendant de longues années et souvent pour toujours, des liens d'affection» (1979, p. 236). La constance est aussi soulignée par Ainsworth qualifiant les liens affectifs de «relativement durables» (Bee, 1997, p. 135).
  4. 4 Winnicott attribue aux soins maternels l'aptitude à favoriser et à établir les fondements de la «santé mentale» chez l'enfant. Dans ce cadre, il introduit le terme «dévotion», à savoir la dévotion de la mère envers son enfant. Ce terme décrit «un aspect essentiel sans lequel la mère ne peut jouer son rôle et s'adapter activement, avec sensibilité, aux besoins de son bébé» (Winnicott, 1980, p. 99).
  5. 5 Les caractéristiques et les fonctions des modèles internes ont été décrites de manière spécifique par Bretherton (1985). Selon elle, la nature des modèles internes, créés par l'enfant, influence sa vision du monde extérieur, sa perception de la figure d'attachement ainsi que sa conception de lui-même et sa relation avec sa mère. En soutenant la pertinence de la théorie de l'attachement primaire dans la prime enfance, Bretherton et Waters (1985) proposent trois voies de recherches nécessaires à l'extension de la conception du développement social. (1) Approfondir les études des représentations sociales et de leurs fonctions dans l'ontogenèse de la relation d'attachement. (2) Elaborer de nouveaux modèles valables pour l'étude de l'attachement au-delà de l'âge de 18 mois. (3) Consolider les résultats provenant des recherches transculturelles.
  6. 6 Plus récemment, Manikowska et Strayer (1995) ont axé leurs recherches sur les comportements affectifs et sociaux. Leur étude s'est portée sur un échantillon composé de 137 mères ayant des enfants âgés de 24 mois. Les résultats prouvent que la représentation maternelle de l'enfant et sa relation d'attachement avec lui reposent sur les comportements affectifs et sociaux. Ces «comportements font référence à l'expression affective de l'enfant, à son habileté à interagir dans les situations sociales, au degré de son autonomie, à sa sensibilité aux réactions de son entourage»(Manikowska & Strayer, 1995, p. 56). Ainsi les auteurs ont déduit l'existence de trois types d'attachements : »sécure, insécure et intermédiaire». Ces résultats font écho à la typologie de Bowlby basée sur les dimensions de sécurité, de sociabilité et de dépendance. Etant donné l'importance accordée au lien d'attachement et au sentiment de sécurité, des recherches ont été lancées afin d'étudier le retentissement sur l'enfant des frustrations affectives et de l'absence de relation d'attachement.