IV.2. Expressions de l'imaginaire

L'imaginaire consiste davantage dans la représentation que dans le fictif. La petite enfance est familière d'un triple monde : Le monde perçu; le monde des structures représentatives / des cadres et le monde des images. Ces dernières sont caractérisées par l'instabilité, l'affectivité et le parcellaire (Château, 1972, p. 169). Progressivement, les représentations et les images fusionnent ensemble pour communiquer avec le monde perçu. Ces processus de fusion et de mise en relation constituent les problèmes de l'imaginaire enfantin. D'après Piaget (1926), la distinction du rêve et du réel représente une démarche malaisée pour l'enfant. Ce dernier estime que le rêve est réel et que le réel est imaginaire. Vivre l'imaginaire signifie quelque part vivre le réel. La distinction entre les deux s'appuie sur l'antagonisme des deux mondes, sur la confrontation avec autrui et sur la stabilité / constance du cadre réel.

L'imaginaire enfantin consiste particulièrement dans l'expression du besoin de grandir. Les thèmes de l'imaginaire sont ceux qui prêtent à un agrandissement : avant l'âge de sept ans, ils sont particulièrement peuplés par les parents, les éducateurs et les familiers. Après cet âge, interviennent les animaux et les étrangers et plus tard les personnages des chansons et des contes. Avec l'âge, les attitudes imaginaires deviennent progressivement objectives et socialisées.

Jean Château identifie dans l'imaginaire enfantin tout d'abord un «imaginaire sauvage, constitué d'images et de représentations imagées mal liées, selon une logique surtout affective» (1972, p. 202). Aussitôt, l'imagination semble scellée à la vie émotionnelle et en devient la réflexion. Celle-ci traduit le caractère «intense» de l'affectivité enfantine à laquelle est livré l'enfant, et son aspect «dominant» du fait de son influence sur d'autres fonctions psychologiques (Gratiot-Alphandéry & Zazzo, 1970, pp. 16‑18). La réalisation des tests projectifs à base d'imaginaire montre que l'enfant investit ses intérêts et ses préoccupations dans son imaginaire.

Les épreuves projectives se définissent comme étant des méthodes d'investigation à usage fréquent dont l'objectif consiste à cerner le «moi profond» du sujet par l'intermédiaire de l'imagination créative (Gobet, 1996). L'idée de base est fondée sur la possibilité de repérer le fonctionnement psychique des individus et d'établir ainsi un diagnostic différentiel de l'organisation de leur personnalité. Les tests projectifs Interpellent simultanément et paradoxalement les potentialités perceptives et imaginatives des sujets (Weil-Barais & Cupa, 1999). L'émergence du psychisme est déclenchée par l'entrecroisement entre le réel et l'imaginaire, l'interne et l'externe, et entre le fantasmatique et le perceptif. Les tests projectifs étant multiples, nous nous limitons à rappeler ceux qui sont applicables auprès des enfants.

Des plus célèbres, le test de Hermann Rorschach (1920) se compose de dix planches présentant chacune des tâches d'encre sur un fond blanc. Le sujet est invité à exprimer ce que chacune des gravures lui évoque.

Le test de frustration de Rosenswieg (Kramer, 1959) invite le sujet à compléter les dialogues entre les personnages dans différentes scènes de la vie. Il s'agit de noter la réaction de l'organisme lorsqu'il est victime d'une agression qu'il impute au milieu.

Située, aussi, dans un cadre projectif, l'épreuve [D.10] appréhende l'expressivité et l'affectivité des individus, enfants ou adolescents. Elle est basée sur le dessin d'un paysage à partir de dix éléments définis au préalable : un homme, une femme, des montagnes, un garçon, une maison, une fille, une rivière, un animal, une auto (Le Men, 1966).

Le test intitulé «une maison, un arbre, une personne» ou [H.T.P] se base sur le dessin de trois thèmes : une maison, un arbre et une personne (Buck, 1966, 1970). Le [H.T.P] fut complété plus tard par Nguyên (1989) de qui nous nous sommes inspirés dans le choix du dessin de la maison.

D'autres tests sont spécifiquement destinés aux enfants tels que le [CAT] de Bellak, le [TAT] de Murray et [Patte Noire] de Louis Corman. Cependant, certains thèmes sont plus spontanément dessinés par l'enfant tels le dessin du bonhomme, de l'arbre et de la maison. L'adoption du «dessin d'une maison» comme outil de recueil de données au niveau de la présente recherche justifie l'intérêt accordé aux épreuves projectives dont nous présentons brièvement quelques-unes.