V.1. Maison du «Modèle interne»

Luquet voit dans le dessin non pas une simple reproduction de la réalité physique des objets, mais plutôt «une réalité psychique» qu'il désigne par «modèle interne». L'expression de «modèle interne est destiné à distinguer nettement de l'objet ou modèle proprement dit cette représentation mentale que traduit le dessin». Etant présent dans l'esprit de l'enfant, le modèle interne joue un rôle dans le tracé. En dessinant, l'enfant reproduit le modèle interne, mais pas le modèle proprement dit. La représentation d'un objet dessiné prend nécessairement la forme d'une image visuelle. Cependant, l'image ne constitue pas la reproduction d'une perception présentée au dessinateur par la vue de l'objet ou de son dessin. Luquet évoque une «réfraction de l'objet à dessiner à travers l'esprit de l'enfant, une reconstruction originale qui résulte d'une élaboration fort compliquée malgré sa spontanéité» ((Luquet, 1991, p. 64). Cet auteur attribue au modèle interne un rôle efficace dans l'exécution du dessin aussi bien que dans la signification qui lui est attribuée. La construction du modèle interne est influencée par un certain nombre de facteurs que Luquet désigne par l'expression «les représentations historiques».

La notion de «modèle interne» est aussi évoquée et adoptée par d'autres chercheurs. Michel Soulé, par exemple, considère que l'enfant ne dessine pas nécessairement sa propre maison. Il ne dessine pas «une maison qu'il a habité ou qu'il invente, l'enfant dessine une structure qu'il a dans la tête, dans sa mémoire corporelle interne, ce qui explique que des enfants habitant des immeubles ou ceux de l'Afrique, dessinent toujours, dans un premier temps, le même schéma, la même structure...celle du schéma corporel» (Soulé, 1988, p. 53).

Dans un article intitulé «le dessin d'une maison, construction d'une échelle de développement», paru dans le premier numéro de l'année psychologique, Barrouillet, Fayol et Chevrot (1994) décrivent les démarches correspondant à la réalisation de leur projet d'étude. Le point de départ réside dans la vérification de certaines hypothèses. La première stipule que «Les enfants disposent de modèles mentaux des objets à reproduire de même nature que les modèles mentaux qu'utilisent les adultes». La seconde hypothèse suppose que «les enfants réalisent des dessins qui correspondent aux représentations internes des objets évoqués» (p. 82‑83). L'étude porte sur une population de 198 enfants âgés de trois à douze ans ayant effectué 396 dessins de maison. Les résultats dévoilent que le dessin de la maison est susceptible de constituer un indicateur du développement cognitif de l'enfant. Le schéma de base étant le carré, le dessin de la maison évolue avec l'âge.