II.2. Intimité

Le désir de vivre dans l'intimité du «chez soi», voire dans son propre refuge, constitue une caractéristique essentielle à l'expérience du foyer (Tognoli, 1987 ; Sebba & Churchman, 1986 ; Sixsmith, 1986). Constituant un territoire primaire, le foyer offre une aire favorable où l'individu et la famille, dans une ambiance d’intimité, exercent un contrôle exclusif. Ainsi, Le besoin d'intimité est associé au fait de se sentir hors du champ d'observation et d'avoir l'impression de contrôler son environnement. Ce contrôle implique, plus particulièrement, le contrôle des interactions sociales et le contrôle de l'accès (Altman, 1975 ; Korpela, 1989). Le sentiment de contrôle serait aussi lié à la satisfaction des besoins psychologiques de base (Sebba & Churchman, 1986). Se transformant en espace d’intimité et favorisant des niveaux optimums d'interactions familiales et sociales, le foyer développe ainsi des sentiments de calme, de tranquillité et de détente. L'intimité et le contrôle des lieux rendent possibles les sentiments d'estime de soi, de confort et de liberté. Ainsi, le foyer, qui abrite en premier lieu des valeurs d'”intimité protégée” (Bâchelard, 1970, p. 23), devient un espace de repos, de régénération et de renouvellement de l'énergie tant physique que psychologique (Seamon, 1979).

La définition de la notion d'intimité chez des pré‑adolescents semble dépendre de plusieurs facteurs tels que le milieu, l'âge, la densité humaine et le fait d'avoir une chambre à coucher individuelle ou collective (Wolfe, 1978). En milieu suburbain, les enfants, ayant de chambres individuelles, définissent l'intimité en termes de solitude et d'autonomie. Ceux qui partagent la chambre à coucher, considèrent que l'intimité consiste en un «contrôle de l'accès à l'information»et en une absence de trouble, voire «ne pas être dérangé». L'avantage du cadre suburbain réside dans la possibilité d'accéder à l'environnement extérieur de l'habitat.

En milieu urbain, la valeur des caractéristiques intérieures de la maison dépasse celle d'avoir une chambre individuelle ou collective. La définition de l'intimité se fait rarement en termes de solitude et d'absence de dérangement. Ce fait semble lié à la densité humaine ainsi qu'au nombre réduit de pièces (Wolfe, 1978). Dans ce cadre, les enfants, ayant des chambres individuelles, définissent l'intimité par «la solitude» plus que ceux qui partagent leur chambre. L'intimité serait aussi liée aux espaces de transition dont le rôle consiste à concilier les dimensions spatiales et les dimensions affectives de l'intérieur résidentiel (Lawrence, 1984).

L'intimité s'avère être un besoin indépendamment de l'appartenance sexuelle. L'individu l'expérimente dans divers cadres : une étude récente effectuée en Turquie (Demibras & Demirkan, 2000), auprès d'étudiants résidant dans des studios universitaires à Bilkent – Ankara, montre que le besoin d'intimité est indépendant de l'appartenance sexuelle. Cependant, les femmes recherchent l'intimité dans le milieu familial tandis que les hommes préfèrent vivre l'intimité dans un cadre amical. Les variables impliquées dans la recherche de l'intimité ont été examinées sur le plan interculturel auprès d'étudiants américains, irlandais et sénégalais (Newell, 1998). Les résultats révèlent des convergences saisissantes entre les différentes cultures notamment dans la définition de l'intimité, les affects associés au désir d'intimité et les raisons sous-jacentes à la recherche de celle-ci. La variabilité semble associée aux facteurs de l'âge et du sexe auxquels s'ajoute le revenu dans le cas sénégalais. Cependant, entre les trois cultures, le décalage s'avère imperceptible. D'une part, la majorité des sujets de chaque culture identifie l'élément fondamental de l'intimité par le fait de ”ne pas être dérangé». D'autre part, il semblerait que la recherche de l'intimité est en général associée à la peine, à la fatigue et au besoin de calme et de concentration (Newell, 1998). Ainsi, l'étude met en évidence le caractère universel et thérapeutique de l'intimité.