II.5. Différence de sexe

En vue de déterminer les attributs essentiels de l'environnement du foyer, l'intérêt s'est porté sur la différence sexuelle. Les comportements vis-à-vis du foyer seraient en rapport avec l'appartenance sexuelle (Berk, 1979 ; Pleck, 1982, 1983, 1985 ; Presland & Antill, 1987). Les recherches antérieures se basent sur l'hypothèse qui stipule que les hommes et les femmes ont des regards et des points de vue similaires concernant les qualités de leur demeure. Tout en trouvant un fort degré de consensus entre les deux sexes, Smith (1994) note cependant une différence dans l'accentuation de certaines qualités du foyer.

Certains auteurs soulignent les renforcements sociaux et personnels dûs au sexe, plus particulièrement, dans la description du foyer de l'enfance et du «chez soi» actuel (Carlson, 1971 ; Holahan, 1978). D'autres signalent des disparités dans la manière selon laquelle des époux et des épouses décrivent leur foyer (Sebba & Churchman, 1986). Des chercheurs suédois révèlent des divergences dans la durée et le nombre d'heures que des épouses et des époux passent dans leur foyer. Dans ce cadre, ils soulignent l'émergence des stéréotypes traditionnels des sexes et leur rôle dans le rapport à l'habitat. Même si les deux membres du couple font un travail salarié, il s'avère, paradoxalement, que les hommes sont moins présents au foyer que les femmes. A titre d'exemple, la moyenne des heures passées au foyer par semaine est de 11,3 chez le sexe masculin, et de 28,1 chez le sexe masculin (Pleck, 1975). Les stéréotypes sociaux et les dimensions culturelles aussi bien que l'appartenance sexuelle influencent l'orientation des préférences spatiales.

Tout d'abord, la maison est culturellement définie comme étant femelle (Lyod, 1975). Selon Lyod, les hommes évitent le foyer parce qu'ils évaluent négativement les objets féminins, ou encore afin d'éviter l'envie de l'utérus selon Miller (1972). Aussi, les femmes enceintes manifestent des sentiments d'attachement plus forts à leurs foyers que les hommes, et ceci à travers des activités excessives de propreté, d'ordre et de décor (Cooper, 1974).

Ensuite, les modèles et les attitudes du comportement stéréotypé des sexes envers le foyer sont déterminés par des facteurs multiples tels que les valeurs sociétales, les agents de socialisation aussi bien que les premières expériences de jeux (Saegert & Hart, 1976) ; Rothenberg, 1977). Soulignons les difficultés d'adaptation vécues par les personnes âgées en cas de location d'une maison : les hommes se sentent moins familiers et moins concernés avec l'espace intérieur de la maison que les femmes. En cas de décès, les époux se débarrassent plus rapidement de l'équipement supplémentaire que ne le font les épouses (Howell, 1978).

Aussi faudrait-il rappeler que l'attachement des femmes aux diverses pièces de la maison est plus fort que celui des hommes. Les expectatives culturelles font que la cuisine, la chambre à coucher, la salle de séjour ou encore la salle de bain ont toujours été sous la dominance féminine jusqu'à une date récente (Kira, 1976). Néanmoins, la bibliothèque, l'atelier ou le bureau attirent davantage les hommes (Tognoli, 1980). Le nombre d'activités que les femmes effectuent dans chaque pièce de la maison, est plus élevé que celui des hommes : une moyenne de 26 activités contre 16. Un tel phénomène est probablement dû à l'apprentissage des rôles des sexes où les hommes affichent, selon Tognoli, une distance par rapport aux objets. Cependant, concernant la chambre à coucher et la salle de séjour, les hommes citent des activités de construction, de décoration et de design plus que les femmes : ce fait est interprété comme étant une tentative de prise de pouvoir et de maîtrise d'un environnement duquel les hommes se retirent normalement (Tognoli, 1980, pp. 840‑841). Néanmoins, et en dépit des différences, il semblerait que les deux sexes expriment une sensibilité envers leur foyer comme étant un espace de repos, un centre de sentiments et un lieu à fortes significations et valeurs.

Dans son étude visant l'exploration des activités, des significations et des sentiments dans le rapport au foyer, Tognoli s'adresse à des sujets âgés de 16 à 65 ans. Les résultats reflètent le rôle des stéréotypes sexuels dans les activités entreprises à l'intérieur du foyer et dans la considération des diverses pièces. Lyod (1975) tente de déterminer les causes de ces différences. Elle constate que, la considération féminine positive de l'intérieur du foyer et l'éviction de l'aventure à l'extérieur ont pour origine la représentation de l'extérieur comme étant un monde austère et menaçant. Elle ajoute que les valeurs et les pressions sociétales, ainsi que l'éducation et les contacts sociaux conditionnent les rapports à l'intérieur / extérieur du foyer. D'autres auteurs considèrent que les premières expériences de jeux enfantins sont susceptibles de déterminer les attitudes ainsi bien que les modèles comportementaux stéréotypés envers l'environnement (Saegert & Hart, 1976).