III.1. Identité du lieu

En introduisant le concept de «place identity», Proshansky (1978) y identifie un ensemble référentiel complexe de relations, de comportements environnementaux, de préférences et d'attitudes vis-à-vis de l'environnement. Le concept d'identité serait inconcevable hors du système interactionnel liant activement l'individu à son environnement tant physique que social (Costalat‑Founeau, 1997). Le rapport transactionnel homme–environnement s'exprime particulièrement par le lien entretenu avec le cadre de vie. Ainsi, les interactions environnementales deviennent des éléments prépondérants à la construction de l'identité (Altman & Taylor, 1971 ; Altman, Vinsel & Brown, 1981). Tout en appuyant le rôle des interactions individuelles dans la construction de l'identité du lieu, d'autres auteurs y voient une construction collective produite et modifiée par le dialogue humain et les significations attribuées au cadre de vie (Dixon & Durheim, 2000).

Fried (1963) souligne le fait que l'environnement physique soit négligé dans l'approche de l'identité et de l'image de soi. Il considère que les sentiments de «l'identité spatiale» constituent des éléments fondamentaux au fonctionnement de l'être humain. L'identité spatiale se «base sur les souvenirs spatiaux, les images spatiales, le cadre spatial des activités et les composants implicites spatiaux de l'idéal et des aspirations» (Fried, 1963, p. 15). A l'encontre des théoriciens, Fried admet le rôle des facteurs cognitifs et affectifs dans l'attachement aux lieux. Toutefois, ses études confluent sur le thème de la maison dans le sens de «home», sur le sentiment du chez soi et plus particulièrement sur l'expérience du «chagrin» en cas de rupture relationnelle d'avec le chez soi. Dans ce contexte, il introduit la notion du «chagrin de la maison perdue» en déterminant un lien entre l'identité spatiale, le processus de socialisation et le sentiment du «chez soi». Fried décrit ainsi la perte incontrôlable du foyer qui déclenche un immense sentiment de peine. De ce fait, les individus éprouvent des sentiments de perte, d'impuissance, de colère et de dépression. Sa conception théorique de l'identité spatiale - comme un attachement émotionnel fort de l'individu à des espaces et des cadres déterminés - semble compatible avec la conception de l'identité du lieu établie par Proshansky (1983).

L'identité spatiale a aussi capté l'attention des géographes humains. Le foyer [home] incarne cet espace de haute portée procurant à l'être humain un sens personnel et une valeur propre. Il est susceptible de favoriser et de développer un sentiment d'enracinement (Relph, 1976). Quant à Buttimer (1980), elle incorpore la notion de chez soi dans celle de l'identité du lieu. Cette dernière est fonction du degré de centration des activités importantes, dans et autour, du foyer. L'identité du lieu s'enracine dans la mesure où les espaces et les places deviennent l'objet des pensées, des évocations et des discussions (Tuan , 1980).