II.1. Première hypothèse : Socialisation et cadre de vie

La socialisation représente un processus d'intégration sociale et d'apprentissage d'un «ensemble d'attitudes inconscientes, acquises plus ou moins précocement, qui structurent la relation de l'individu à autrui selon un certain nombre d'habitus» (Galichet, 1998, p. 31). Elle s'effectue à travers la relation au couple parental, à la fratrie, au voisinage, aux lieux d'apprentissage et de professionnalisation et au groupe des pairs. Elle construit ainsi l'individu dans un réseau relationnel pluridimensionnel qu'il établit avec les membres du milieu familial et sociétal.

Notre hypothèse serait que la socialisation s'effectue aussi à travers le lien aux choses et aux objets. Elle se réalise à travers un réseau de liens et de rapports au cadre de vie et aux environnements «proxémiques», aux espaces fréquentés et habités par l'enfant, plus particulièrement son habitat.

La socialisation s'effectue donc d'une part à travers les relations aux personnes et, d'autre part, à travers les rapports aux objets, aux endroits, aux lieux aménagés tels que les maisons, les pièces constituantes et toute une série d'éléments du cadre physique d'habitation. Ces espaces représentent pour l'enfant des endroits à dimensions relationnelles et des repères relativement stables, solides et sécurisants. Ils offrent des opportunités favorables aux interactions constructives. Dans la mesure où ce présumé est vrai, il serait alors possible d'envisager la relation à l'habitat comme étant un lien «socialisant». L'enfant y acquiert l'expérience, fait l'apprentissage des lieux et en éprouve des sentiments et des émotions.

Dans le cas où elle serait positive, cette expérience favorise l'intégration de l'enfant à son habitat à travers la fréquentation de ses divers espaces. Elle renforce son sentiment de sécurité et d'appartenance au lieu, et active les mécanismes d'appropriation et de prédilection de certains espaces. L'habitat qui offre les opportunités d'une telle socialisation devient un endroit significatif pour l'individu. Il lui attribue, alors, les valeurs d'un chez soi et ceci indépendamment de sa structure (village d'enfants, Institution sociale, ou maison parentale). Ce fait devrait, donc, être repérable et mesurable à partir d'un ensemble d'indicateurs dont nous évoquons, particulièrement, deux thèmes : l'aspect social de la maison et l'appropriation, voire l'investissement et le sentiment de contrôle et d'action sur les lieux.

  1. 1 La saillance du caractère social du lieu habité se lit, d'une part, dans l'accès de l'enfant aux maisons de la famille proche, de ses amis et de ses voisins, et d'autre part, dans l'accès des autres à la maison de l'enfant. L'illustration de la maison reflète son caractère accueillant et hospitalier. La lumière et le feu y sont présents ainsi que le chemin, les portes, les fenêtres et leurs extensions (balcons, lucarnes, œil‑de‑bœuf).. Aussi, la maison dessinée serait susceptible de révéler l'acquisition des lois et des normes sociales : son toit est solide ; la ligne de sol est apparente ; l'environnement naturel (végétal) est dessiné aussi bien que l'environnement social. Le dessin pourrait aussi témoigner de l'accès aux moyens de communication et d'information et, par conséquent, de l'ouverture à autrui.
  2. 2 L'appropriation et l'investissement des lieux se traduisent par des détails présents sur le «dessin de la maison» aussi bien que par les réponses commentées. A titre significatif, signalons, ci‑joint, quelques indicateurs.
  • L'enfant associe la maison dessinée à la sienne, à celle de ses parents ou de sa famille proche.
  • La maison laisse place à l'investissement et à l'appropriation : elle est, de ce fait, meublée sinon équipée. Certaines pièces sont, particulièrement, dessinées : la chambre de l'enfant, sa fenêtre ou son lit. Des traces personnelles de design apparaissent sur les murs ou sur les rideaux.
  • La base du dessin est fermée et la toit est construit en matériau solide.
  • Le tracé du dessin est perceptible.
  • Le toit aussi bien que les murs sont entièrement dessinés, voire complets et non coupés par le bord de la feuille.
  • La dessin affiche la présence de chemin particulièrement large, ouvert ou encore fleuri.
  • L'enfant exprime son désir de posséder la maison. Il y occupe déjà une place, voire sa place préférée qu'il désigne lui‑même.
  • Soulignons aussi la présence du monde animale qui illustre un rapport personnalisé aux lieux.