I.3. Influences socio‑économiques

Etant sujette aux influences multiples, l'architecture de la maison libanaise reflète l'impact des facteurs géographiques, sociologiques et économiques. Ceux – ci varient entre les ressources naturelles locales, l'aisance matérielle, l'accessibilité à l'étranger, les activités de commerce et plus particulièrement l'industrie de la soie. Le rôle de cette dernière est éminent dans l'apport de transformations à l'architecture de la maison. Généralement, le plan de la maison définit son type et donne à la ville ou à la région une personnalité particulière. Dans ce cadre, évoquons, à titre d'exemple, les maisons à mandaloun et à cours qui prédominaient dans le Chouf. Quant au sud du Liban, il était notoire d'y trouver les maisons en galeries d'arcades. Le village de Rachaya El – Wadi avait, lui, d'autres particularités : le «tiyara», pièce supplémentaire au niveau des combles et la présence d'un escalier intérieur au fond du hall central. Quant aux maisons à cours intérieures elles étaient plus fréquentes à Deir El‑Kamar (Kfoury, 1999, pp. 46‑47).

La soie, à savoir l'industrie de la soie a évidemment joué un rôle considérable dans les modifications des dispositions de la maison. La moitié du 19èmesiècle a vu s'ouvrir les villages libanais sur le commerce occidental grâce à l'industrie de la soie. Celle‑ci nécessitait, à une phase précise du processus d'élevage des vers à soie, des modifications particulières dans l'architecture interne de la maison. Issu de la ponte des papillons, le ver à soie vit, généralement, trente cinq jours durant lesquels il construit son cocon sur les branchages des mûriers. Afin d'empêcher la sortie de la chrysalide et d'éviter la détérioration du fil à soie, l'homme soumet le cocon à une chaleur de 80% afin d'étouffer la chrysalide. Cette intervention s'effectuait dans la maison qui devrait se soumettre, entre mi‑mai et mi‑juin, aux exigences des vers à soie et subir, par conséquent, des modifications. Ces transformations parvenaient plus particulièrement au niveau de la pièce principale de la maison. Celle‑ci, salle de séjour familiale, prenait le nom de «maison de ver», à savoir «beit el az», en libanais. Cette appellation est due aux 35 jours nécessaires à l'étalage des vers à soie dans la maison. Les vers étaient, jadis, mis dans des plateaux répartis sur des étalages, en paille et rosier, le long des murs. La nouvelle architecture adaptée à l'industrie de la soie devrait respecter principalement certaines règles de base :

Les familles devenues aisées et fortunées, du fait de l'industrie à soie, se lançaient davantage à la quête du bien être. Ce nouvel souci a poussé ces familles à construire de nouvelles maisons mieux équipées. C'est ainsi qu'elles ont effectué une séparation entre la maison habitée et la maison à soie, «beit al az». Le symbole des familles enrichies est devenu alors la maison à hall central : toiture en tuiles et trois arcades vitrées. Quant aux familles moins fortunées, elles effectuaient des ajouts et des compléments à la maison habitée. Tout en maintenant la cohabitation de la famille et des vers à soie, elles ajoutaient à «beit al az» une nouvelle construction de trois arcades vitrées, toujours avec une toiture en tuiles.

A mi‑chemin entre l'Orient et l'Occident, le Liban, où cohabitent le passé et le présent tente, toutefois, de maintenir un équilibre entre la tradition et la modernité à travers l'architecture. Malgré ses mosaïques architecturales, la maison conserve un caractère spécifiquement libanais : mobilier, orientation, divisions intérieures et vie familiale. Le Liban reste quand même porteur d'un mouvement artistique original dans le domaine. Les significations attribuées actuellement à la maison, en général, et à son usage et ses divisions, en particulier, sont relatés ci–après.