I.2.2. Proverbes autour de la maison

Au Liban, un nombre considérable de proverbes s'échange et circule au cours de la vie quotidienne. A usage fréquent, les proverbes expriment intensivement l'expérience quotidienne, et présentent des solutions possibles aux problèmes relationnels fréquents. Certains auteurs identifient dans les proverbes des leçons de modestie (Depaule & Arnaud, 1985) considérablement instructives où s'entremêlent la simplicité de la parole et la ruse de la sagesse. Certains proverbes sont, plus particulièrement, consacrés à la maison, «Al Dar / Al Bayt», et à ses éléments constituants (portes, fenêtres, seuil, sadr). Ainsi, les proverbes de la maison illustrent des thèmes variant entre le regard, les frontières, le contrôle, la place significative, l'étranger / le familier, le dedans / le dehors, l'hospitalité ou encore la tranquillité du chez soi et la prospérité. Ils tentent d'ordonner le monde en effectuant des différenciations et des alternatives entre le vécu et le souhaité. De ce fait, la métaphore des proverbes est basée sur les différences et les oppositions pratiques, spatiales et symboliques. Celles – ci illustrent l'ordre qui doit régner dans le monde : »sadr» / «atabe», voire le fond / le seuil, dedans / dehors, ouvert / fermé, masculin / féminin, familier / étranger.

La structure sous‑jacente aux proverbes est «celle qui ordonne le monde en le partageant” (Depaule & Arnaud, 1985, p. 97). Par cette structure binaire, les proverbes de la maison tentent de remplir une «mission» sociale. Celle‑ci consiste à structurer les territoires, déterminer les rapports au voisinage, établir des rapprochements entre la maison et la personnalité des habitants, rappeler les règles de l'hospitalité et exprimer l'effort et la persévérance.

Les proverbes montrent que le voisin est plus proche qu'un frère : »le voisin, avant la maison; le compagnon avant le chemin» et aussi «ferme ta porte et fais confiance à ton voisin.»

Les proverbes avertissent des conséquences néfastes de certains comportements sur la solidité de la demeure : »la maison de l'injuste est une ruine». La jalousie détruit la poutre de la maison».

Les proverbes effectuent des Identifications entre la maison et ses propriétaires : »marbre dehors, noir de suie dedans» et «toute chose à sa porte ressemble à ses propriétaires”.

Les proverbes invitent à être accueillant et hospitalier : »tes invités sont dans ta maison et ta clé est dans ta poche» ; « comme des vignes sur le chemin, sa maison est ouverte» ; «la maison étroite peut rassembler mille amis» mais aussi «notre invité est maître dans maison, et nous sommes ses invités»(Freyhat, 2000).

La prospérité est aussi souhaitée à travers des proverbes : »que ta porte demeure ouverte». La prospérité humaine est toujours préférable à la prospérité matérielle : «une maison d'hommes vaut mieux qu'un tas d'or» et aussi «rien de préférable à la maison qui engendre une maison».

Les proverbes valorisent la possession et la propriété de maisons : »un tas de pierres vaut mieux qu'une forêt d'or» ; «la maison est pour l'éternité» ;»la maison est une protection». Les proverbes montrent aussi le rôle de la mère dans le rassemblement des membres de sa famille «la maison de la mère rassemble toujours».

Enfin, au Liban, avoir un «chez soi» consiste non seulement à se protéger, mais aussi à investir socialement, à s'intégrer et à avoir un statut propre. A ce titre, le premier grand projet du libanais réside, non dans la location d'une maison, mais plutôt dans la construction et dans la possession d'une demeure à soi. L'aménagement d'une maison introduit dans un système social basé sur les droits, les devoirs et les règles d'hospitalité : les individus et les familles y acquièrent de nouveaux statuts sociaux. C'est à la maison que la famille puise l'ambiance favorable à la socialisation des individus, par l'acquisition des valeurs familiales, sociales, religieuses et morales. Lorsque la maison se transforme en espace conflictuel et stressant suite au retrait de la famille, d'autres cadres tentent, donc, de la remplacer ou de lui constituer un complément, d'où l'intervention des actionnaires et des intermédiaires sociaux et la mise en place de l'action sociale.