II.2. Actualité des institutions sociales libanaises

Rappelons, d'abord, que la condition d'orphelin fut le motif déclenchant de l'intervention sociale durant les deux derniers siècles (19ème et 20ème). Notons ensuite que la population accueillie dans les institutions sociales était entièrement constituée d'orphelins. A l'aube du troisième millénaire, nous nous interrogeons pour savoir si les orphelins fréquentent, selon la même intensité, les institutions sociales et si celles-ci témoignent d'une densité orpheline aussi considérable qu'au départ.

Pratiquement, les visites organisées au Ministère des Affaires Sociales d'une part, et aux Institutions Sociales d'autre part ont révélé que le nombre d'enfants orphelins dans les institutions sociales est en chute inextricable et de façon significative, malgré les incidences de la guerre et les détresses éprouvantes du Liban. Actuellement, au début du troisième millénaire, le taux des enfants orphelins ne dépasse pas 3 à 5% de l'ensemble des enfants vivant dans les institutions sociales (N. Kenaane, entretien, 18 décembre 2000). Ce constat est loin de signifier que les institutions se vident ou qu'elles sont en procédure de fermeture, faute de bénéficiaires.

En fait, le service des institutions sociales est toujours octroyé à des enfants qui représentent aujourd'hui une nouvelle catégorie sociale de clientèle. Cette couche de bénéficiaires doit son apparition à la forte dépréciation de la livre libanaise, à l'hyperinflation, à la détérioration du pouvoir d'achat des revenus fixes, à l'aggravation du chômage et au paupérisme envahissant depuis 1985. Les enfants qui en bénéficient sont aussi sujets à des situations sociales complexes et variées, telles que la séparation des couples, les maladies ainsi que les conflits parentaux. Les services sociaux identifient cette gamme de désagréments par l'expression : »cas sociaux».

Signalons aussi que le Ministère des Affaires Sociales dispense ses services à d'autres bénéficiaires en bas âge et adultes. En vue d'une gestion réussie des services, les bénéficiaires sont classés en plusieurs catégories (R. Chléla, entretien, 4 janvier, 2000).

  1. Les nourrissons, de zéro à cinq ans.
  2. Les orphelins et les cas sociaux difficiles ayant entre quatre et quatorze ans.
  3. La formation et la réhabilitation technique des jeunes âgés de quatorze à vingt-trois ans.
  4. Les personnes du troisième âge sont prises en charge exclusivement en cas d'esseulement, à condition de subvenir à leurs propres besoins, sans recourir à des tiers. Signalons que les personnes âgées, à mobilité réduite, sont prises en charge par les services hospitaliers de l'Etat.
  5. Les personnes déviantes ou enclines à la déviance.
  6. Les bénéficiaires des cinq catégories mentionnées reçoivent un encadrement résidentiel institutionnel complet couvrant le séjour, les repas, les activités et les soins quotidiens. Seule la catégorie «formation et réhabilitation» serait épargnée du séjour continu, étant donné que les conditions de vie des jeunes ne nécessitent pas d'encadrement institutionnel.

Finalement, signalons que, si le nombre d'enfants orphelins en institutions sociales est en baisse continue, tandis que celui des enfants dits «cas sociaux» affiche, en revanche, une hausse remarquable. Les statistiques de l'année 2001 montrent que le nombre des enfants dits «cas sociaux « s'élève à vingt-quatre mille cinq cent quarante-sept enfants [24 547], avec une divergence d'âge fluctuant entre quelques mois et 14 ans. Les divers types de projets, déjà cités, sont pris en charge par cent quatre vingt dix sept institutions sociales [197] réparties sur les circonscriptions du territoire libanais. Ayant abordé la conception et la mise en place de la structure institutionnelle, nous décrivons, ci‑après, l'organisation intérieure des institutions et leur animation au quotidien. Pour ce faire, nous optons pour la description de deux prototypes d'institutions marquant des divergences au niveau de la capacité d'accueil et de l'appartenance religieuse.