III. Aspect relationnel / G. Institution

L'analyse du style relationnel et comportemental fréquent dans le cadre institutionnel met en relief les réactions de l'enfant, ses plaintes et ses stratégies de défense. Les éléments de plaintes sont regroupés dans trois rubriques : l'Insatisfaction, les douleurs divers et le refus (tableau 5.7).

  1. 1 Les résultats révèlent la dominance d'un sentiment d'insatisfaction produit par des désirs inaccomplis chez le g. Institution. Il semblerait que l'insatisfaction manifestée est engendrée par une absence, voire une triple absence : l'absence humaine, l'absence des situations satisfaisantes et l'absence des objets. D'une part, il s'agit, plus particulièrement, de l'absence parentale causée par la maladie, le chômage, le décès et la précarisation économique. D'autre part, il s'agit de l'absence de réussite scolaire, de l'insuffisance des ressources financières mais aussi de l'absence de possession, voire de propriété et de maison à soi (26,5% des plaintes).
  2. 2 L'insatisfaction des désirs se traduit aussi par des maux fréquents et des douleurs diverses différemment localisées. Constituant 29,4% de l'ensemble des plaintes, les douleurs apparaissent aux niveaux des yeux, des dents, des oreilles, de la tête, du ventre et des pieds.
Pliantes du g. Institution Total
1-Désirs insatisfaits et sentiment d'injustice 26,5% (18)
2-Maux divers et fréquents 29,4% (20)
3-Refus : discipline, exigence, critiques et conseils 44,1% (30)
Total citations 100 ¨%(68)
  1. 3 Le refus est doublement exprimé : Il a trait, d'une part, à l'autorité et aux exigences disciplinaires et horaires, et, d'autre part, aux sollicitations des copains et des interventions des éducateurs en matière de pénalités, de critiques et de remarques (44,1% des citations).

Le classement des détails des plaintes en fonction de l'appartenance sexuelle montre que le taux de plaintes est relativement plus élevé chez les filles que chez les garçons (tableau 5.8). La moyenne est de 0,9 plainte par fille alors qu'elle ne dépasse pas 0,4 par garçon. Encore faut-il ajouter que les douleurs fréquentes et le refus excessif des remarques et des conseils constituent des caractéristiques féminines totalement absentes chez les garçons du même groupe.

Sexe de l'enfant
Pliantes du g. Institution
Masculin
Féminin
TOTAL
1 Injustice, disputes, défense de la fratrie 1,5% ( 1) 7,3% ( 5) 8,8% ( 6)
2 Discipline, exigence et sollicitations 2,9% ( 2) 2,9% ( 2) 5,9% ( 4)
3 Désirs non réalisés 4,4% ( 3) 2,9% ( 2) 7,4% ( 5)
4 Absence parentale 4,4% ( 3) 5,9% ( 4) 10,3% ( 7)
5 Douleurs diverses 5,9% ( 4) 23,5% (16) 29,4% (20)
6 Remarques, punitions et critiques 5,9% ( 4) 32,4% (22) 38,2% (26)
Total des citations 25 % (17) 75 % (51) 100% (68)

Les insatisfactions et les plaintes ne sont pas réservées aux enfants uniquement, puisque par ailleurs, leurs comportements constituent l'objet des insatisfactions parentales. Soulignons, à ce propos, quelques unes des plaintes parentales (tableau 5.9).

Parents et éducateurs évoquent les disputes et les querelles fréquentes entre les enfants. Ceux‑ci justifient les querelles soit par le besoin de se défendre, soit par le souci de défendre l'un des membres de la fratrie. Représentant le tiers des comportements signalés par les éducateurs, ces disputes sont davantage fréquentes chez le genre féminin que chez le genre opposé. Il semblerait que les filles sont plus attentionnées aux membres de la fratrie et se sentent, par conséquent, plus responsables de la protection et de la défense des leurs.

Les parents notifient, chez les deux sexes, le refus de l'exigence disciplinaire, de l'autorité, de l'un des parents, mais aussi le refus des conditions de vie et de la situation socio - familiale de l'enfant. L'ensemble des plaintes concernant le refus observé chez les enfants atteint le quart (rubrique 5) des plaintes parentales (tableau 5.9).

La peur de l'obscurité, le bavardage et l'intérêt excessif à la tenue vestimentaire et aux dernières collections de mode sont uniquement rapprochés aux filles.

L'autoritarisme et les comportements de violence semblent être apparemment des problèmes de qualification masculine. Parents et éducateurs expriment leur embarras vis‑à‑vis des garçons qui manifestent des attitudes d'autoritarisme (tableau 5.9). La moyenne des plaintes parentales contre les enfants, en fonction du genre, atteint 0,8 par garçon et 1,09 par fille.

Sexe de l'enfant
Insatisfactions parentales
Masculin
Féminin
Total
1‑Disputes et défense de la fratrie 25 % 40 % 32,3%
2‑Bavardage, peur, vêtements 0 % 20 % 9,7%
3‑Autoritarisme et violence 37,5% 0 % 19,4%
4‑Jalousie et vol 12,5% 13,3% 12,9%
5‑ Opposition et refus 25 % 26,7% 25,8%
Total 100% 100% 100%

Quant aux enfants, nous nous demandons comment gèrent‑ils les conflits quotidiens et à quels moyens de défense ont‑ils recours afin de dépasser les difficultés et de résoudre les conflits ? Conscients ou inconscients, les moyens de résolution des conflits constituent des «stratégies» efficaces de défense. Les stratégies les plus adoptées sont le courage, la violence, l'objectivité, et la fuite par les pleurs et la peur. La comparaison des stratégies de défense appliquées en fonction des sexes montre une différence entre les garçons et les filles dans la résolution des conflits. Ainsi et généralement, les garçons affrontent leurs conflits avec objectivité tandis que les filles y introduisent leurs sentiments. Ces résultats sont illustrés dans le tableau (5.10) constitué de six rubriques.

Genre
Stratégies de défense
Masculin
Féminin
Total
1-Refus de la situation, sentiment d'incapacité, indifférence 7,3% (7) 8,4% (8) 15,7% (15)
2-Souffrance, blocage, perte de force 2,1% (2) 10,5% (10) 12,6% (12)
3-Fuite : peur, pleurs, tristesse, repli 7,3% (7) 7,3% (7) 14,8% (14)
4-Objectivité : calme, demande de conseil 11,5% (11) 6,3% (6) 17,9% (17)
5-Violence : agressivité, nervosité et colère 5,2% (5) 12,6% (12) 17,9% (17)
6-Dépassement : force et courage 8,4% (8) 12,6% (12) 21,1% (20)
Total 42,2 % (40) 57,8% (55) 100 % (95)

Ainsi, des stratégies de défense, émergent trois catégories d'enfants ayant chacune son propre style dans les résolutions conflictuelles. Nous attribuons à ces catégories d'enfants (tableau 5.11) des appellations personnalisées susceptibles de refléter des dispositions générales chez l'enfant l'aidant à affronter les obstacles : 

  1. 1 La catégorie d'enfants «résilients» est constituée de ceux qui font face au quotidien avec force, courage, objectivité. Ils sont confiants et capables de rebondir. Ils ont généralement recours aux personnes significatives afin de demander un conseil ou une aide possible. Les enfants résilients représentent une partie considérable de l'échantillon dont le taux s'élève à 39 %.
Catégories d'enfants Nb. cit Freq.
I- Catégorie résiliente
–Courage et force
–Objectivité et demande d'aide
37

39 %

2- Catégorie résignée
–Souffrance, blocage
–Fuite, tristesse, repli sur soi
26

27,4 %

3-Catégorie débordée
–Violence, refus
–Indifférence
32

33,6 %

Total 95 100 %
  1. 2 La catégorie d'enfants «résignés» regroupe ceux qui manifestent la souffrance, le blocage et le repli sur soi. Aussi adoptent-ils une attitude de fuite se traduisant par la peur et les pleurs (27,4% du g.). Ils se laissent dominer par les événements sans prévoir une issue ou une solution. Ils sont peu confiants et ne comptent pas sur des personnes de références dans l'entourage.
  2. 3 La catégorie d'enfants «débordés» rassemble ceux qui se sentent dépassés soit par les événements, soit par les émotions. Ils répondent aux situations par la violence, l'agressivité mais aussi par l'indifférence et le déni de la souffrance (33,6%).

Entre les comportements d'insatisfaction et la résolution des conflits quotidiens se tisse l'histoire personnelle de l'individu avec son cadre de vie. Nous identifions ce lien par «l'histoire résidentielle» susceptible de traduire les mouvements de l'individu, ses déplacements et le degré de sa mobilité / stabilité résidentielle.