V.1.Ambiance Résidentielle

La dimension horizontale symbolise le monde «des apparences, le niveau humain, les relations interhumaines et personnelles». La dimension verticale symbolise, quant à elle, le monde de l'imaginaire, de «l'invisible et des significations»(Fourez, 1999, p. 24). S'inspirant de ce regard sur la verticalité et l'horizontalité, nous considérons que la proxémie est «horizontale» dans le cas où elle exprimerait la distance séparatrice entre les individus et les objets. Dans le cadre de l'étude, la proxémie horizontale se traduit par le sentiment de l'enfant d'être «proche» ou «loin» de la maison ou de la situer comme étant «accessible» ou «inaccessible» pour lui. La proxémie est «verticale» dans le cas où l'enfant se sentirait écrasé par la maison, au même niveau qu'elle, ou encore affichant un sentiment de dédain ou de rejet vis-à-vis d'elle.

En ce qui concerne la proxémie horizontale, le dépouillement montre que la majorité de chaque population situe la maison comme étant proche, voire accessible. Cependant une minorité de sujets ressent la maison comme étant «lointaine» (tableau 5.15) et la situe loin du champ d'accessibilité. Cette minorité est limitée à 22,5% du g. Maison, à 20% (g. Village) et seulement à 12,6% du g. Institution.

Type d'habitat
Proxémie horizontale
Maisons
Parentales
Villages d'enfants Institutions sociales
Maison lointaine 22,5% ( 9) 20 % ( 8) 12,6% ( 12)
Maison proche 77,5% ( 31) 80 % ( 32) 87,4% ( 83)
Total 100% ( 40) 100% ( 40) 100% ( 95)
Proxémie verticale
Maison au‑dessous de l'enfant 7,5% ( 3) 12,5% ( 5) 6,3% ( 6)
Maison au‑dessus de l'enfant 25 % ( 10) 25 % ( 10) 25,3% ( 24)
Maison au même niveau 67,5% ( 27) 62,5% ( 25) 68,4% ( 65)
Total 100% ( 40) 100% ( 40) 100% ( 95)

Quant à la proxémie verticale, elle est légèrement vécue différemment par les sujets, notamment ceux du g. Village. Chez celui‑ci, 12,5% des enfants situent la demeure au-dessous d'eux contre 7,5% (g. Maison) et 6,3% (g. Institution). Ceci amène à constater que les sentiments de dédain et de rejet sont relativement plus fréquents dans le g. Village en comparaison avec les autres groupes. En revanche, le sentiment d'accessibilité à la demeure s'affiche plus intensivement dans la population Institution qu'ailleurs.

Type d'habitat
Ambiance résidentielle
Maisons parentales Villages d'enfants Institutions sociales Total
Maison triste 3,1% ( 2) 4,5% ( 3) 3 % ( 5) 3,4% ( 10)
Maison étroite / fermée 6,2% ( 4) 10,6% ( 7) 4,2% ( 7) 6 % ( 18)
Maison gaie 44,6% ( 29) 37,9% ( 25) 42,5% ( 71) 41,9% (125)
Maison accueillante 46,2% ( 30) 47 % ( 31) 50,3% ( 84) 48,7% (145)
Total citations 100% ( 65) 100% ( 66) 100% (167) 100% (298)

La majorité des réponses, provenant des trois populations, attribue à l'ambiance résidentielle des qualités se référant à la «gaieté» et à «l'accueil» (tableau 5.16). Cependant, l'ambiance est qualifiée par des attributs de «tristesse», de «fermeture et d'étroitesse» dans une minorité de réponses (15,1%), doublement présente dans la population Village.

Au niveau des trois populations, la comparaison de l'ambiance du chez soi avec celle régnant dans d'autres demeures montre, avec étonnement que : ceux qui qualifient négativement leur habitat, considèrent que l'atmosphère des autres demeures n'est pas similaire en tristesse, exiguïté et hostilité. En revanche, une partie minime des réponses, de qualification positive, attribue aussi aux autres demeures le même aspect positif. En outre, la majorité restante considère que les autres demeures sont négativement opposées à la leur car elles sont moins gaies et moins hospitalières.

Figure 5. 1 – Cônes
Conditions climatiques de l'habitat

Les conditions météorologiques et climatiques de l'habitat sont déterminées par des caractéristiques à dominance positive. La majorité des qualités est exprimée par les désignations suivantes :  beau, excellent, estival, tempéré, sans nuage, ensoleillé et chaud. Soulignons toutefois que l'ensoleillement et la chaleur ne désignent pas uniquement et nécessairement des aspects physiques mais ils illustrent également un sentiment de sécurité et de chaleur affective.

Ceci dit, une minorité de chaque échantillon qualifie le climat résidentiel de «froid», de «pluvieux» et de «nuageux». D'après les réponses, cette minorité s'avère plus élevé dans le g. Village (12,5%) qu'ailleurs (figure 5.1). L'ambiance résidentielle déjà établie semble être favorisée par un ensemble de facteurs à double aspect : positif versus négatif et physique versus psychique.

  1. 1 L'aspect physique positif correspond à la beauté extérieure de la demeure. Celle‑ci est vaste, ensoleillée, continuellement illuminée, propre, ordonnée, récente et entourée d'espaces de verdure et de zones aquatiques. Quant au pôle négatif de la structure physique résidentielle, il s'exprime au niveau de l'exiguïté du lieu, de l'emplacement géographique «isolé» ou «solitaire». Il se manifeste aussi par l'absence d'un entourage habité et par le fait que la demeure soit délaissée humainement et «désertée en saison froide».
  2. 2 L'aspect psychique qui favorise la gaieté de la demeure coïncide avec le fait qu'elle soit symbole d'amour, d'aide et d'accueil des pauvres, des visiteurs et des nécessiteux. La demeure constitue aussi une source de bonheur pour ses habitants du fait qu'elle éveille en eux des sentiments d'appropriation et d'appartenance. La comparaison des réponses des divers habitants concernant les sources de l'ambiance résidentielle révèle donc plusieurs constats (tableau 5. 17).
  • La beauté, physique et architecturale du bâtiment construit, est plus appréciée par les habitants Village et Institution (34%) que par ceux de la Maison (18,8% des réponses).
  • Tout en étant apprécié dans les réponses du g. Maison (20,8%), et moins apprécié du g. Institution (7,5%), l'environnement naturel constitue, en revanche, une source de stress pour les habitants Village. Ceux‑ci considèrent que la maison est «étouffée» par les arbres et «inondée» par l'eau.
  • La maison est fortement ressentie, par le g. Village, comme étant «délaissée», «désertée» et «isolée» géographiquement (17% citations). Ce sentiment d'abandon et d'isolement semble être plus faible chez les habitants Maison et Institution.
  • Quant au sentiment d'appartenance qui favorise la gaieté de la demeure, il s'exprime timidement dans les réponses du g. Institution et plus fortement par la population Maison (16,6%). Cette dernière considère que la maison «appartient» à l'enfant et à sa fratrie. L'appartenance est justifiée par «l'expérience résidentielle de longue durée» et par la valeur incommensurable d'une maison «précieuse» du fait de sa «transmission en «héritage». Ce sentiment est totalement anéanti chez les habitants Village où prend place un sentiment de «non appartenance» traduit par l'expression : »parce que la maison n'appartient pas à l'enfant».
Type de l'habitat
Sources positives de l'ambiance
Maisons Parentales Villages d'enfants Institutions sociales
1-Beauté physique du bâtiment 18,8% ( 9) 34 % (16) 33,0% (35)
2-Environnement naturel 20,8% (10) 0% (0) 7,5% ( 8)
3-Amour et aide des autres 18,8% ( 9) 27,7% (13) 27,4% (29)
4-Bonheur des habitants 14,6% ( 7) 14,9% ( 7) 14,2% (15)
5-Sentiment d'appartenance 16,6% ( 8) 0% (0) 3,8% ( 4)
Sources négatives de l'ambiance
6-Sentiment de non appartenance 0% (0) 6,4% ( 3) 0% (0)
7-Emplacement géographique isolé 10,4% ( 5) 17 % ( 8) 5,7% ( 6)
8-Maison inondée / étouffée 0% (0) 17 % ( 8) 0% (0)
Total cit. (% à base des citations) (48) (47) (106)

Les trois populations évoquent des notions philanthropiques d'amour, de soutien et d'aide aux autres. Ces notions sont valorisées à titre d'égalité dans les réponses des groupes Village et Institution (27,7%). Cet altruisme serait interprétable à la lumière de l'expérience résidentielle et du caractère hospitalier du Liban. D'une part, le Village et l'Institution sont considérés comme des organisations humanitaires régies par le service et l'amour des autres et, d'une part. la constitution même de la société libanaise est basée sur la valorisation de l'altruisme et de l'hospitalité.

Les caractéristiques détaillées ci-dessus permettent de synthétiser la manière et la densité selon lesquelles chaque groupe vit et ressent son ambiance résidentielle. Les aspects négatifs sont regroupés dans un clan et les aspects positifs dans un autre. Les aspects négatifs de la maison sont représentés par les rubriques suivantes : 

  • maison lointaine, au‑dessus de l'enfant, au‑dessous de l'enfant ;
  • maison triste, étroite et fermée ;
  • climat froid, pluvieux et nuageux ;
  • sentiment de non appartenance ;
  • emplacement géographique isolé,
  • maison inondée ou étouffée.

Quant aux aspects positifs, ils sont constitués d'éléments regroupés dans les rubriques suivantes : 

  • maison proche et située au même niveau de l'enfant ;
  • maison gaie et accueillante ;
  • beauté physique de l'habitation ;
  • présence de l'environnement ;
  • sentiment d'appartenance chez les habitants ;
  • aide mutuelle, amour et bonheur des habitants.

En cumulant les taux des rubriques citées par chaque population, nous obtenons deux scores, l'un positif et l'autre négatif. La soustraction des deux scores détermine le score final. Ainsi, il apparaît que les groupes Maison et Institution valorisent l'ambiance résidentielle plus que le g. Village. Le g. Institution affiche un score positif final supérieur à celui du g. Maison à celui du g. Village.

La valorisation positive de l'ambiance résidentielle de la part des habitants Institution, est probablement due à deux faits.

Le premier consiste dans l'éloignement de la maison parentale sur laquelle les enfants projettent les bonnes images et ressentent de la nostalgie à son égard.

Le second réside dans la valorisation des aspects positifs de la maison parentale, d'une part, et ceux du cadre institutionnel, d'autre part. Cette appréciation positive des deux milieux s'explique par la difficulté de se situer entièrement et uniquement dans l'un d'eux.