II.1.3. Lieu d'intimité du Moi

Endroit privé et intime, la chambre à coucher représente le lieu privilégié par excellence des groupes Village et Maison. Dans la liste des lieux préférés, elle occupe le premier rang parmi les espaces préférés du g. Village du fait de sa désignation par 60% des sujets, et le second rang chez le g. Maison (52,5%). Par ailleurs, la chambre à coucher constitue un objet d'attachement uniquement pour 17,9% du g. Institution (tableau 6.2. supra). Le décalage apparent, dans l'appréciation de cet espace, s'explique par ses caractéristiques. Rappelons que la chambre à coucher est le territoire à travers lequel se mesure le degré de marquage et d'intimité d'un individu (Fischer, 1989). Les caractéristiques physiques et sociales d'un lieu sont susceptibles de favoriser ou d'entraver la réalisation du processus d'individualisation. Ces caractéristiques sont en rapport avec la dimension de l'habitat, le nombre de ses chambres, les rôles sociaux ou familiaux, les frontières entre les individus et la densité familiale.

Dans le cas où les caractéristiques résidentielles renforceraient l'expression de l'intimité par le marquage des frontières, alors la chambre à coucher devient un lieu protecteur des intrusions et, par conséquent, un espace de sécurité. Ceci est démontré dans les résultats des groupes Maison et Village qui bénéficient de chambres à coucher individuelles ou partagées. Même collectives, les chambres à coucher restent accessibles au moment voulu sans contraintes. De ce fait, elles offrent à l'enfant l'opportunité de se réfugier, de s'isoler et de puiser des moments d'intimité et de solitude.

Dans le cas où les caractéristiques résidentielles afficheraient des précarités telles que l'absence d'espace de liberté, l'exiguïté des lieux et la densité humaine forte, alors les conséquences en seraient considérables. L'absence de marquage et de frontières entravent l'expression d'intimité et d'individualité. Le collectif absorbe l'individuel et les frontières d'intimité s'effondrent faute d'espace et d'horizon. L'absence d'intimité et de personnalisation justifient le faible estime du g. Institution vis‑à‑vis de la chambre à coucher. Ce résultat serait plus pertinent à la lumière des notes suivantes prises lors de l'observation du terrain :

En somme, il semblerait que, la densité humaine ainsi que l'absence de frontières, voire la carence en espace personnel contribuent à expliquer le faible attachement des habitants Institution à la chambre à coucher et à la salle de séjour. Ce résultat va dans le sens d'autres études révélant un degré d'intimité infiniment faible chez des enfants vivant dans de petites et étroites maisons (Parke et Sawin, 1979). Ces auteurs concluent sur le rôle de la densité élevée et de l'absence d'espace personnel, dans le conditionnement des expressions de l'individualité et de l'intimité.