II.1.4. Influence du genre sur l'attachement

Les résultats montrent que les espaces fonctionnels et intermédiaires tels que la salle à manger, le salon, la salle d'étude et les balcons capitalisent peu les choix préférentiels et affectifs. Cependant, le fait de constater qu'à cette liste s'ajoute aussi la cuisine, évoque notre étonnement du fait de la valeur et des significations attribuées à la cuisine dans la société libanaise.

La cuisine libanaise nous semble inclassable dans l'ensemble des espaces fonctionnels et utilitaires. Par sa mission, elle transcende la fonctionnalité et la temporalité des lieux. Elle représente un carrefour monopolisant la vie familiale, émotionnelle, relationnelle, conviviale et nutritive. Elle est aussi bien associée à la satisfaction des besoins alimentaires qu'à la stabilité et à la continuité familiale et sociale. Loin d'être un lieu transitoire ou un couloir de passage, la cuisine constitue l'espace vital de la maison et en représente la «centrale» de la nourriture affective et effective.

L'insuffisance des choix préférentiels vis‑à‑vis de la cuisine trouverait son explication dans le besoin d'espace personnel ainsi que dans le besoin de territorialité et de démarcation. Il apparaît que l'enfant expérimente les espaces fonctionnels comme des lieux intermédiaires, transitoires et porteurs de contentements immédiats. Ces espaces ne satisfont pas aux désirs de stabilité spatiale, d'appropriation et d'investissement. Ce résultat va dans le sens d'autres résultats qui révèlent que les espaces les plus évités se caractérisent, généralement, par leur rôle principalement fonctionnel, ainsi que par leur manque d'ouverture vers des horizons larges (Palmade & Lugassy, 1970).

Le croisement des variables [lieux préférés – sexe - type d'habitat] dénote une liaison significative (figure 6.3). Dans les trois cadres de vie, il semblerait que les garçons sont plus nombreux que les filles à privilégier la salle de séjour : celle‑ci représente un espace favori pour le tiers des sujets de genre masculin, contre 12,4 % du genre opposé. Par contre, le taux des filles manifestant des préférences pour la chambre à coucher est supérieur (44,9%) à celui des garçons (25,6%). Quant à la maison parentale entière, elle attire fortement les préférences du genre féminin. De ce fait, elle devient un espace d'attachement déclaré par les deux tiers des filles, mais uniquement par 23,3% des garçons, indépendamment du type d'habitat. Signalons enfin que les espaces fonctionnels font principalement l'objet des choix masculins et que le rapport entre l'attachement aux lieux et l'appartenance religieuse s'avère non significatif.