III.3. Désirs de transformation / Cadre institutionnel

La majorité du g. Institution projette une part considérable des désirs d'amélioration sur l'environnement, la salle de séjour, la chambre à coucher et le salon. C'est l'unique groupe chez qui le désir de modifier la salle de séjour prend une importance de deuxième ordre et chez qui le désir de modifier le salon est exprimé doublement par rapport aux autres échantillons. Les mots clés de l'amélioration désirée dans le milieu institutionnel sont l'insuffisance (quantitative et qualitative) du matériel, la carence en accessoires, le manque d'espaces de verdure (tableau 7.4. infra). Les désirs d'amélioration résultent du vécu enfantin et visent l'embellissement de la réalité afin de la rendre plus accessible psychologiquement.

  1. 1 L'apport de mobilier supplémentaire signifie le désir d'avoir à sa disposition non seulement les meubles nécessaires, mais surtout la quantité suffisante de manière à ce que chacun puisse trouver une place à soi. Cette idée est exprimée à travers le désir de faire acquisition de meubles supplémentaires, d'effectuer des réparations et de renouveler l'ancien mobilier afin de dénicher une place voire «un fauteuil spécial» à l'enfant. Le mobilier cité comprend les dressoirs, les tables, les armoires, les lits personnels ou les lits des autres membres de la fratrie, ainsi que les fauteuils. Le désir de multiplier le mobilier persiste et se répète dans plusieurs lieux tels que la chambre à coucher, la salle de séjour, la salle à manger et le salon (tableau 7.3). Quant au fauteuil, le meuble le plus cité par les enfants, il évoque une idée de grandeur, de repos et de «confort» qui semblerait induire un désir de «relâchement» (Ekambi-Schmidt, 1972) mais aussi de possession des lieux. Vu sous cet angle, le confort que représente le fauteuil devient une «forme particulière de conquête de l'espace» (Virilio 1973, p. 116).La conquête – même imaginaire - de l'espace personnel semble réduite au minimum puisqu'elle est limitée soit à un lit, soit à une armoire de rangement des affaires personnelles soit à une place ou à un fauteuil à soi. La modestie apparente dans les aspirations du g. Institution semble jaillir simultanément d'une absence - présence. D'une part, l'absence d'un espace libre ou d'un «halo» personnel ayant pour rôle de préserver l'intimité de l'enfant, et d'autre part, la présence d'une densité résidentielle provocant un «entassement», à savoir une densité humaine.
  2. 2 Les accessoires et le décor sont désignés par des «objets intermédiaires» et par des «objets décoratifs». Les désirs sont projetés sur les accessoires des divers espaces : accessoires de jardins, de sport, de prière, de salon, de salle à manger et de chambre à coucher. Ainsi, les désirs d'amélioration exprimés en Institution jaillissent d'un vécu quotidien : insuffisance d'équipement et carence en beauté et gaieté physique et architecturale. Les désirs d'amélioration visent l'embellissement de la réalité afin de la rendre davantage acceptable. Les accessoires «intermédiaires» sont qualifiés d'utilitaires. Ils servent de moyens ou d'outils tels que les filets, les paniers, les cages à oiseaux, les parasols, les lanternes, les balançoires, aussi bien que les objets de dévotion tels que les icônes. Quant aux accessoires «décoratifs», ils créent l'ambiance et embellissent les lieux (parfums, couleurs, paysages). Les enfants citent les parfums, l'encens, les plantes artificielles, les posters, les toiles et de nouvelles couleurs de peinture. Ajoutons aux accessoires les «glaces et les miroirs» qui sont uniquement cités par le g. Institution. Le miroir comme objet décoratif rare dans les milieux institutionnels est symbole de coquetterie. Il encouragerait la frivolité chez les filles et féminiserait les garçons, c'est pourquoi il inspire de la méfiance aux adultes (Denner & Dana, 1973). En exprimant son désir d'avoir à sa disposition des miroirs, l'enfant manifeste le besoin de contrôler son apparence, de se valoriser et de se rassurer. Le miroir est aussi considéré, par l'enfant, comme un élément de décor par sa brillance et par son éclat. Il embellit ainsi les pièces en les agrandissant par un effet magique d'ouverture spatiale. Ne représente‑t‑il pas, d'ailleurs, une porte ouverte tant désirée par l'enfant ? L'importance attribuée aux accessoires les transforme en moyens d'intervention susceptibles d'agir sur la monotonie des espaces résidentiels.
  3. 3 Les espaces de verdure représentent des lieux mystérieux et fascinants pour les habitants. Ceux‑ci désirent non seulement effectuer de nouvelles plantations mais aussi enrichir celles qui existent déjà par l'apport d'arbres et de légumes supplémentaires. Les paysages multicolores qu'offrent les jardins potagers, fruitiers et botaniques produisent des effets bénéfiques sur leur imagination et sur leur créativité. Les aspirations sont rendues réelles par la citation du genre de végétation désirée dont les enfants citent les palmiers, les poiriers, les pommiers, les céréales, etc. Rappelons à ce propos que d'autres études ont révélé l'apport de l'environnement physique dans la restitution des forces et de l'équilibre psychique des individus (Korpela, 1989). Si la densité sociale s'avère être une source d'effets néfastes sur les habitants, la densité en environnement naturel, à l'opposé, est reconnue par ses influences attractives, réparatrices et épanouissantes.
Habitat institution
Liste des lieux
Améliorations désirées
Modalité citée en n° 1 en %
Améliorations désirées
Modalité citée en n° 2 en %
Chambre à coucher Renouveler le meuble 20% Décor 17,8%
Salle de séjour Installation médiatique 23,1% Fauteuils confortables 20%
Cuisine Equiper :10,5% Réparation 9,4
Salle à manger Meuble supplémentaire 21% Décor 7,3%
Salon Décor 24,5% Fauteuils supplémentaires 21%
Lieux de prière Objets de dévotion 16,8% Accessoire de prière 14,7%
Espaces de verdure Boisement 45,2% Plantation 27,3%
Lieux de sport / jeux Réparation 15,7% Accessoire de sport 11,5%
Tableau de caractéristiques construit sur la strate de population institutions contenant 95 observations. Il donne les modalités les plus fréquemment citées.

Pour conclure, notons que le désir de bénéficier d'une présence intensive d'espaces de verdure s'exprime indépendamment du cadre habité. Les parcs, les jardins potagers ou botaniques et les arbres fruitiers forment un point d'intersection entre les trois groupes. Ces espaces constituent un point d'attraction et l'objet de valorisation enfantine. Comme si le lien écologique était capable de dissimuler les lacunes et les imperfections de l'environnement résidentiel intérieur ! Les éléments naturels de fleurs, de fruits ou de légumes «sont une représentation symbolique de la nature domestiquée et transplantée dans l'habitat» (Ekambi‑Schmidt, 1972, p. 64). L'aspiration à l'indépendance et au rapport personnalisé avec les espaces habités reflète les désirs du g. Maison. L'aspiration au relationnel est propre au g. Village chez qui les objets prennent une importance significative dépassant de loin celle des lieux physiques. Enfin, les accessoires, tant désirés par le g. Institution, jouent un rôle d'intermédiaire entre les personnes et les lieux. Ils séduisent l'enfant par les marques et les empreintes de beauté qu'ils procurent aux lieux.