IV.3. Aspects socialisants à l'Institution

Les fréquences mesurées de l'absence et de la présence des éléments concernant l'aspect socialisant de la demeure révèlent plusieurs constats. L'hospitalité, excessivement forte et marquante, se traduit par la cohabitation d'une multitude d'éléments de vie (tableau 7.6) tels que la présence de la lumière sur la moitié des dessins, le feu(45,5%), la fumé (44,2%), les balcons, les ouvertures et le chemin dans les 2/3 des cas (tableau 7.6).

L'appropriation est reflétée par l'intensité du tracé chez l'ensemble les sujets, et par la présence du mobilier (41,1%) et des motifs de décoration (21,1%, bouquets de fleurs, vases). Par ailleurs, la construction dénote des aspects de fragilité et d'insécurité dûs, d'une part, à la coupure du toit ou du mur chez une minorité de sujets (13,7%) et, d'autre part, à la nature vulnérable des matériaux de construction (22,1%).

En revanche, la maison remplit fortement sa symbolique d'identification puisque la moitié de l'échantillon (tableau 7.15)s'identifie aux parents, à un membre de la fratrie ou à la famille proche.

Type de l'habitat
Items de sociabilité
Maisons Parentales Villages d'Enfants Institutions Sociales
1 Présence de portes 95 % (38) 95 % (38) 98,9% (94)
2 Présence de fenêtres 90 % (36) 85 % (34) 92,6% (88)
3 Présence de la ligne de sol 82,5% (33) 95 % (38) 85,3% (81)
4 Toit en matériau solide 87,5% (35) 90 % (36) 84,2% (80)
5 Environnement présent 77,5% (31) 90 % (36) 67,4% (64)
6 Présence de chemin 45 % (18) 30 % (12) 66,3% (63)
7 Soleil renforcé 20 % (8) 27,5% (11) 26,3% (25)
8 Appareils électroménagers 27,5% (11) 20 % (8) 12,6% (12)
9 Présence de personnages 12,5% (5) 17,5% (7) 15,8% (15)
10 Autre 20 % (8) 27,5% (11) 18,9% (18)
Total citations (223) (231) (540)
(%)calculés en fonction des observations. Question à réponses multiples.

Les modalités de la variable de «sociabilité» affichent un rapprochement de fréquence entre les trois groupes. Ainsi, des éléments apparaissent considérablement sur la majorité des dessins, indépendamment du cadre résidentiel. Leur fréquence dépasse de 80% l'ensemble de chaque population. Nous signalons la présence des portes, des fenêtres, de la ligne de sol, de l'environnement naturel, d'une base fermée du dessin et d'un toit solide (tableau 7.5). Le toit est qualifié de solide et de stable dans le cas où il est dessiné en forme de triangle, de trapèze ou autre forme sauf celle d'une ligne droite. Les deux tiers des dessins occupent la zone centrale de la feuille. Cette attention accordée au centre s'explique par le fait qu'il soit interprété comme étant la zone la plus importante où «le Moi psychologique s'y projette»(Nguyên, 1989 p. 42), et où un «monde imaginaire émerge et se déploie à partir de ce point idéal, le sujet incarné»(Sami-Ali, 1974, p. 86).

Les indices mentionnés révèlent l'aspect tridimensionnel des rapports de sociabilité. La socialisation introduit l'enfant dans un rapport interactif au foyer ainsi qu'à ses objets, aux autres et à l'environnement.

  1. 1 Des éléments environnementaux sont dessinés par la majorité des enfants qui s'y projettent et y trouvent une source de vie et un accessoire de décor. L'environnement constitue un espace de consolation et de renaissance, ce qui explique le fait qu'il soit un des lieux préférés des enfants, par excellence.
  2. 2 La dimension résidentielle s'exprime à travers la représentation sur les dessins des éléments de base tels que la ligne de sol, la base fermée, les murs, le toit stable, les portes et les fenêtres. Ces constituants de base traduisent, par leur présence, l'acquisition des lois et des normes sociales.
  3. 3 Quant à la dimension humaine, elle est implicitement présente sur les dessins du fait que l'enfant associe son dessin à d'autres membres de la famille, à des personnes qu'il valorise et à qui il s'identifie. Ces personnes de référence sont projetées sur le soleil et sur les arbres mais aussi sur la structure physique de la maison.

La cohabitation des trois dimensions sur le dessin permet de traduire une forme de sociabilité plus ou moins incorporée au développement de l'enfant libanais quelle que soit la nature de son cadre résidentiel. Il semblerait que le contexte socio-culturel de la demeure libanaise joue un rôle considérable dans l'acquisition des notions de sociabilité et d'ouverture aux autres, à l'habitat en soi et à l'environnement de proximité.

En somme, la socialisation de l'enfant s'effectue à un niveau pluridimensionnel quel que soit le type de l'habitat. Celui‑ci introduit l'enfant dans un rapport simultané aux autres et aux objets. Les autres représentent la dimension sociale du rapport socialisant tandis que les objets et plus particulièrement l'habitat constituent le pôle physique de ce processus. Ainsi, les facteurs sociaux et physiques de ce rapport collaborent à favoriser une socialisation réussie des individus. Les résultats révèlent que le cadre de vie libanais représente un espace favorable à la socialisation en dépit des différences apparentes entre les divers cadres de vie. Du fait de ces différences, le foyer parental constitue un espace socialisant par excellence, tandis que le cadre institutionnel occupe la seconde place et le Village d'enfants la troisième.