VI.1. Espace de rêves

Les résultats montrent que la maison rêvée correspond à la maison parentale et aux maisons des membres de la fratrie (tableau 7.10) chez plus de 40% des sujets de chaque population. Quant aux maisons des amis et des voisins, les maisons stéréotypées des pauvres et des riches sont doublement mentionnées dans les identifications du g. Village par rapport aux autres groupes. Quant aux maisons de la famille proche, elles constituent des espaces valorisés et rêvés principalement, pour les sujets logeant dans la maison parentale et dans l'institution. L'identification implique aussi bien les personnages appréciés que leurs objets et leurs espaces. La symbolique identificatoire est plus faible chez le g. Village qui se projette davantage dans des prototypes de maisons, à savoir des maisons stéréotypées des pauvres et des riches.

Type d'habitat
Macro‑espaces rêvés
Maisons Villages d'enfants Institutions sociales
1‑Maisons de la famille proche 45 % ( 18) 15 % ( 6) 34,7% ( 33)
2‑Maison des parents , de la fratrie 42,5% ( 17) 45 % ( 18) 40 % ( 38)
3‑Maisons des voisins et / ou des amis 2,5% ( 1) 20 % ( 8) 14,7% ( 14)
4‑Maisons‑types (pauvres, riches) 10% ( 4) 20 % ( 8) 10,5% ( 10)
Total observations 100% ( 40) 100% ( 40) 100% ( 95)
Micro‑espaces rêvés
1 - Chambre à coucher 80 % ( 32) 67,5% ( 27) 60 % ( 57)
2 - Salle de séjour 15 % ( 6) 20 % ( 8) 18,9% ( 18)
3 - Salon 0 % ( 0) 10 % ( 4) 13,7% ( 13)
4 - Autres 5 % ( 2) 2,5% ( 1) 7,4% ( 7)
Total observations 100% ( 40) 100% ( 40) 100% ( 95)

Les espaces intérieurs de l'habitat, voire les micro‑espaces déclencheurs des identifications, ne varient pas énormément d'un groupe à l'autre. Cependant, la fréquence de leur choix marque une particularité (tableau 7.10). En effet, trois espaces sont identifiés par la plupart des enfants comme étant des espaces rêvés : la chambre à coucher, le salon et la salle de séjour. Cette dernière constitue le second espace rêvé de 20% de chaque strate.

La chambre à coucher représente l'espace fantasmé, par excellence, dans tous les cadres de vie. Comme endroit rêvé, elle constitue le cadre physique habité qui procure à l'enfant l'opportunité d'exercer son pouvoir de démarcation sur les lieux. Ainsi, il l'adapte à ses propres besoins et lui donne des caractéristiques particulières.

A travers ses études sur les espaces préférés des enfants, Korpela (1989) relie la chambre à coucher au concept de «territorialité et d'intimité».Cependant, l'identification à ce territoire intime est plus renforcée chez le g. Maison par rapport aux autres groupes. La chambre à coucher n'est pas simplement désignée comme espace fonctionnel de repos, de solitude et de sommeil. Elle est aussi qualifiée d'un nombre d'attributs et de superlatifs de charme.

La chambre à coucher représente, pour 80% du g. Maison l'espace le plus large, le plus ensoleillé et donne généralement sur la terrasse en étant située au dernier étage. Elle appartient aux parents ou à un membre de la fratrie.

Le g. Village l'associe à un espace équipé d'un seul lit et qui donne sur le jardin. Dans certains cas, la chambre à coucher est réservée aux invités et aux amis. Elle est la plus grande, la plus belle et la plus ordonnée (67,5% des sujets).

60% des sujets du g. Institution situent la chambre à coucher au dernier étage, au fond d'un couloir ou à côté de la porte d'entrée. Elle donne sur la mer ou sur les vergers en étant la plus belle et la plus large puisqu'elle appartient aux parents.

Enfin, le salon est cité par une minorité des habitants Village et Institution comme étant un espace d'identification, mais nullement par le g. Maison. Le salon est significativement chargé de l'aptitude ou du désir à créer d'autres liens et d'autres relations. Nous interprétons la valorisation du salon comme étant une sorte d'attente, voire de désir social et familial.

Les pourcentages, selon lesquels ces espaces de rêve sont cités, mettent en relief un constat. Sur la plan imaginaire, le salon représente un espace négligeable, pour le g. Maison. Par contre, la chambre à coucher symbolise un espace d'identification plus fort, contrairement aux autres groupes. Ce résultat est interprétable à la lumière de la théorie de sociabilité. Etre sociable par nature, l'enfant cherche à satisfaire son désir de sociabilité avant de répondre à son désir de territorialité et d'intimité. Une fois le premier assouvi, l'enfant se lance à la conquête de l'espace intime. Etant donné que le g. Maison est plus apte à satisfaire le besoin de relations familiales et sociales. Il est, par conséquent, mieux préparé à construire un territoire isolé. La réalité quotidienne est différente dans le cadre du village et de l'institution où les conditions résidentielles semblent partiellement inadéquates à la satisfaction du besoin de sociabilité.