4-Liens au cadre écologique

Irréductibles au cadre physique bâti et aux relations socio-familiales, les rapports à l’habitat impliquent nécessairement un lien particulier à l’environnement avoisinant. La plupart du temps, les dessins des enfants illustrent des maisons, non seulement peuplées de personnages, mais aussi situées dans un environnement naturel. De ce fait, les maisons sont entourées de monts, de forêts, de vergers, de routes, d’arbres, de fleurs, d'animaux et de zones aquatiques (puits, piscines, fleuves, lacs, jets d'eau, mer). En dépit de tout, l’enfant maintient un rapport particulier à cet environnement dont l’attraction serait indiscutable. L'enfant situe l’environnement dans le champ de ses fréquentations et de ses préférences tant il constitue une part importante de son cadre référentiel et de ses choix préférentiels.

Indépendamment du cadre de vie, les enfants maintiennent et tissent des rapports de prédilection avec les éléments de l'environnement naturel. Si les espaces de verdure attirent le g. Maison en premier lieu et Institution en second, les zones aquatiques, quant à elles, séduisent plus particulièrement la population Village. Les espaces de verdure et d’eau constituent, par excellence, des lieux favoris, recherchés et chéris par les enfants. L’état sauvage et l’absence d’aménagement des sites naturels stimulent la propension enfantine aiguisant ainsi l'imaginaire et favorisant, par conséquent, l’expression de la créativité et de la liberté.

Nos résultats rendent compte de l'importance accordée à l'environnement naturel comme un des éléments de la dimension physique et esthétique du foyer. Cet environnement exerce un pouvoir de séduction sur les enfants de par ses qualités, en laissant un impact fort sur les sentiments d'attachement (Kaplan, 1983). Conciliant les aspects cognitifs, affectifs et esthétiques, Kaplan (1987) considère que les éléments environnementaux constituent des indicateurs des habitats dans lesquels la survie humaine est meilleure. L'appréciation automatique des possibilités de l'environnement repousse intuitivement les individus des lieux non prometteurs et les attire vers des espaces chargés positivement. Ces études coïncident également avec celles menées par Korpela (1989) en Finlande auprès d'enfants et d'adolescents. Ses résultats mettent en relief l'importance du rôle de l'environnement physique dans la régulation des interactions sociales. Le cadre physique favorise aussi les expressions de liberté, l'extériorisation des émotions et aide ainsi à restituer l'équilibre psychique des personnes.

L'attirance des enfants pour l'environnement naturel et la valeur qu'il lui accordent font de lui un monde concurrentiel avec celui du foyer. Ces qualités élèvent l'environnement au rang du foyer à tel point que certains espaces deviennent des équivalents du foyer. Nos résultats correspondent à ceux de Sixsmith (1986) qui a présenté une catégorisation des lieux considérés comme foyer par les individus. Sixsmith a dressé une liste constituée de 19 catégories d'endroits variant entre des espaces publics et privés. Ils englobent aussi bien la chambre individuelle et la maison familiale que la campagne et le centre ville. L'environnement naturel représente ainsi un des éléments de la dimension physique dans les désignations du foyer.

L'attachement à l'environnement naturel est orienté vers les espaces de verdure et les zones aquatiques. Cet attachement rend compte de la pertinence du concept d'environnement de proximité, à pouvoir restructurant des forces. Nos résultats se rapprochent de ceux trouvant que les individus ont besoin d'un environnement «restructurant» et cohérent les aidant à organiser leurs idées et leurs sentiments (Kaplan, 1983). Cet auteur montre que les espaces de verdure sont susceptibles de favoriser la réflexion et la contemplation de la nature et de faciliter, par conséquent, le contact avec des environnements hostiles et particulièrement stressants. Kaplan (1987) repère dans les paysages naturels un pouvoir de fascination beaucoup plus considérable que celui de l'espace bâti. Cette attraction fascinante est soutenue par un ensemble d'indicateurs tels que la présence de feuillage, la part de mystère des paysages, l'aspect de complexité et de cohérence. Le degré des préférences environnementales s'explique aussi par les aspects psychologiques, physiologiques et par les paradigmes cognitifs (Real, Arce & Manuel-Sabucedo, 2000). L'étude lancée par ces auteurs, en Espagne, montre que l'évaluation environnementale s'appuie sur des critères de classification communs aux sujets tels que la présence / absence de l'eau, la richesse / manque des éléments naturels, la puissance des paysages et la présence humaine.

Certains auteurs soulignent l'aspect fantasmagorique du contact avec l'eau permettant à l'enfant de mettre en scène et d'apprendre à maîtriser des fantasmes opposés. L'eau représente simultanément un médiateur du langage affectif et un lieu privilégié de projection de l'ambivalence (Le Camus, Moulin & Navarro, 1994). Outre ses fonctions symboliques, l'eau a aussi une fonction de clivage (dedans / dehors) et une fonction de miroir. Freud évoque, dans ce cadre, le rôle constructif du narcissisme dans le développement du «Moi» et Lacan (1949) identifie dans le «stade du miroir» un moment clé du développement psychique de la personne. Winnicott (1975) se joint à Lacan pour confirmer l'importance capitale de la découverte par l'enfant de sa propre image dans un miroir.

L'interprétation des préférences environnementales de nos échantillons sous l'angle des facteurs d'ordre personnel, rappelle les travaux de Chawla (1992). En fait l'auteur détermine les éléments saillants des lieux préférés par l'autonomie individuelle, la liberté, la tolérance et l'absence de contraintes. Ainsi, le choix des lieux favoris semblerait être conditionné non seulement par des facteurs environnementaux, mais aussi par des déterminants personnels basés sur la recherche de l'autonomie, le plaisir de la liberté et l'expérience de non-contrainte. Nos résultats montrent également que les rapports à l'habitat impliquent nécessairement les individus dans un réseau relationnel plus élargi introduisant les éléments du cadre naturel avoisinant, et stimulant ainsi l'imagination de l'individu et son développement, plus particulièrement durant l'enfance (Proshansky ; 1978 ; Sebba, 1991).