5.1. Dimension affective

Les résultats localisent dans les «espaces affectifs» notamment le lieu natal et les maisons de la famille proche, des endroits fascinants pour les habitants. Ainsi, le foyer parental s'étend à d'autres espaces de prolongation pour prendre de nouvelles formes telles que le lieu de naissance, les maisons des grands-parents, des oncles et des tantes. D'un côté, Sixsmith (1986) identifie dans les ports d'attachement, où l'affectivité des enfants est investie, des figures de foyer. Les enfants y font l'expérience de la sécurité, de la tranquillité et du bonheur du foyer. D'un autre côté, la fascination, exercée par les lieux affectifs, rappelle Epstein (1995) qui considère que les individus construisent leur propre théorie et celle du monde afin de réaliser des objectifs. Une part de nos résultats est conforme à deux de ces objectifs à savoir (1) la préservation positive de l'estime de soi et (2) l'entretien des liens et des rapports sociaux avec autrui significatif. En effet, les rapports affectifs sous-jacents au lieu de naissance et aux maisons de la famille proche renforcent l'estime de soi et, fortifient les liens d'attachement de l'enfant envers les lieux et les personnages.

Notre résultat est également interprétable à la base du sentiment de sécurité favorisée par la «prédictibilité» des espaces affectifs. La notion de «prédictibilité» (Low & Altman, 1992) déclenche généralement des situations favorables à la créativité et au contrôle de sa propre vie. Cette prédictibilité stimule les attentes des affects positifs notamment la sécurité. Ainsi, les liens affectifs, soutenus par un cadre affectif précis, représentent des sources et des supports aux expériences émotionnelles réconfortantes et reconstituantes (Korpela & Hartig, 1986).

Par ailleurs, le résultat, concernant l'attirance vers l'entité du lieu de naissance et vers l'habitat entier sans espaces sélectifs, rappelle les études localisant dans le foyer, un centre d'attraction et de significations socio‑émotionnelles (Seamon, 1979 ; Buttimer, 1980). Notre résultat montre l'importance d'un type spécial d'attachement au lieu, à savoir «l'attachement géographique» défini par Stokols & Shumaker (1981). Traduisant un lien fort à des lieux bien déterminés, l'attachement géographique apparaît chez les populations Village et Institution. Celles‑ci manifestent une affection particulière à la maison parentale en soi, dans sa globalité sans y désigner un espace précis. Ce résultat rend également compte de la souffrance éprouvée suite à la séparation (Fried, 1963, 2000) d'avec la maison parentale, cadre valorisé, valorisant et riche de significations. Par contre, ce résultat va à l'encontre des remarques faites par Hall (1971) et par Moles (1972) concernant la notion de «proxémie». Ces auteurs considèrent que la valeur attribuée aux êtres dépend de la distance séparatrice. Ainsi, plus la distance de séparation accroît et moins l'objet prend de l'ampleur et de la considération.

Dans «l'univers centré» défini par Moles, le «Moi» représente le centre du monde qui s'échelonne en «coquilles successives» et l'importance des objets dépend de la façon dont ils se rendent perceptibles dans le monde environnant ou l'«Umwelt» (Moles & Rohmer, 1972, p. 8),L'attachement à la globalité des lieux montre que l'effet de la distance est controversé dans notre étude. Plus les enfants sont loin du foyer parentale et plus ils le désignent comme lieu de prédilection et comme port d'attachement. Par contre, la situation est inversée dans le g. Maison où, du fait de la distance séparatrice anéantie, les enfants ne mentionnent pas le foyer, même si par ailleurs il constitue un objet précieux pour eux. L'attachement de l'échantillon Maison au foyer parental n'est pas moindre que celui des autres groupes. La différence est plutôt dans la désignation et la nomination des espaces et non dans la virulence de l'attachement en soi.

L'espace socio‑convivial et médiatique de la salle de séjour exerce une attraction fascinante sur les habitants notamment ceux du g. Maison. Les préférences manifestées vers ce lieu s’expliquent par son aspect familial, social et médiatique. Ce résultat rend compte de l'ambiance de sociabilité et de communicabilité du foyer parental évoquée par Hayward (1977). Cet auteur établit un rapport entre le sens du foyer et les liens maintenus avec d'autres personnes du foyer. Sixsmith (1986) le rejoint en introduisant l'environnement émotionnel dans la dimension sociale du foyer.