6-Besoins résidentiels

Nos résultats prouvent que les besoins, exprimés par les enfants, illustrent une tendance à combler un manque ou à étayer une présence. Il semble que la formulation des besoins est modulée par la nature du cadre résidentiel, le vécu quotidien et des facteurs d'ordre psycho‑affectifs. Ainsi, chaque groupe d'habitants cite un ensemble de besoins qui lui est particulier, tout en maintenant cependant des points communs avec les autres. Il est surprenant de constater que la réunion de tous les membres de la famille se manifeste comme un besoin fort dans les trois cadres de vie, même dans la maison parentale où l'enfant vit au sein de sa propre famille. A ce niveau, l'enfant exprime son besoin de rassembler les membres absents de sa famille, ceux qui sont malades ou en voyage. Tandis qu'au niveau des g. Village et Institution, le besoin s'exprime en sens inverse, car l'enfant qui vit hors du foyer parental désire y retourner pour rejoindre les siens. Toujours est-il que le besoin de maintenir ou de provoquer un rassemblement de la famille s'avère commun aux enfants quel que soit le cadre de vie.

Toutefois, il semblerait que la formulation du besoin de sécurité est caractéristique aux habitants Village et Institution. Le premier localise ce besoin dans la consolidation, la reconstruction et la fortification du toit et de la base de la maison. Cependant, le second traduit cette quête de sécurité par le besoin d'emmagasiner des produits alimentaires et de s'approvisionner en boîtes de conserve.

Les besoin de soins, d'amour et de bonheur sont remarquablement manifestés par la population Village. Il s'agit en fait de rendre la maison heureuse, d'y semer l'amour et de lui prodiguer des soins de réanimation. Cependant, ce même besoin exprimé par le groupe Maison dissimule, chez le g. Maison, d'autres significations visant à sauvegarder l'ambiance d'amour et de bonheur déjà régnante et de maintenir sans interruption l'attention et les soins de fonctionnement déjà existants.

Par ailleurs, le g. Institution semble plus axé à décrypter des besoins fonctionnels et psychologiques consistant à multiplier les équipements et les meubles, à embellir la maison et la rendre propre. Les besoins du g. Maison sont d'ordre psychologique et environnemental, à base de confort et de luxe, et ceux du g. Village sont d'ordre psychologique. La schématisation des besoins aboutit à une forme pyramidale dont la base (Village) est constituée d'éléments complexes psychologiques et sécuritaires comme critères d'habitabilité des lieux. Au centre de la pyramide, apparaissent des besoins axés sur des dimensions psychologiques et fonctionnelles(Institution). Le sommet pyramidal (g. Maison) est réduit à des besoins plus performants axés sur l'aspect psychologique et écologique. Ce résultat rappelle les travaux de Maslow (1972) où le développement des individus est conditionné par la satisfaction des besoins d'affectivité, de sécurité et de considération. Notre résultat rend aussi compte de la priorité des besoins psychologiques et sociaux attestant de l'importance de la dimension sociale du foyer quelle que soit sa structure. Gehl (1971) discerne dans les besoins de l'habitation un système bi-dimensionnel constitué de besoins psychologiques et de besoins physiologiques. Le premier type de besoins couvre les interactions sociales, les rapports d'intimité, les identifications, les jeux, les désirs et la sécurité émotionnelle. Les besoins psychologiques englobent les dimensions spatiales, l'aménagement et les facteurs d'influence. Nos résultats détaillés vont également dans le sens de ceux trouvés par Lévy-Leboyer (1977) à partir de son étude sur le thème des besoins en environnement physique et social. Lévy-Leboyer relève l'importance des traits suivants : la possession par chaque individu d'un espace privé et personnel, le désir de propreté, le confort, l'absence de pollution et des besoins en matière de relations sociales et d'animation.

Nos résultats montrent, plus particulièrement, que l'absence des services de base n'est lacunaire que si elle s'accompagne d'une autre absence, celle du cadre socio-familial. Le fait de vivre chez soi, avec sa propre famille, semble affaiblir l'intérêt aux aspects fonctionnels médiocres, observés dans certaines maisons. Il est aussi surprenant de constater que ces effets sont aussi atténués lorsque existe un «espoir social» consistant dans la possibilité de rejoindre la maison parentale. La population Institution illustre le sentiment de «l'espoir social». D'ailleurs, dans une étude auprès des familles dans la région parisienne, Ratiu (1996)a aussi relevé une faible considération aux aspects fonctionnels de l'habitat. Contrairement à nous, elle trouve que le faible effet de l'insuffisance fonctionnelle s'explique par la mobilité résidentielle et la vie dans le cadre si étendu de la région parisienne.