2.1. Pouvoir et action collective

Principe de la structuration de l’ordre politique et des systèmes sociaux, le pouvoir ne peut s’acquitter de la recherche des modes de son inscription dans la société. En plus de rendre objective la dimension relationnelle du pouvoir, l’entreprise de systèmes d’action collective témoigne de la mise en acte de la domination et de la régulation des rapports entre dominants et dominés.

Dans ce cas, le pouvoir ne peut s’avèrer qu’une organisation complexe, relevant d’une structure de ressources ainsi que des échanges qui y sont mis en œuvre. Bien qu’inscrivant ses critiques dans la problématique des partis politiques1, R. Michels explique que la fonctionnalité du pouvoir en tant qu’organisation relève de la construction d’un noyau central, fait d’ailleurs témoigné par la formation d’une oligarchie politique.

Il s’est dès lors ouvert un champ de recherches sur les systèmes d’action, qui s’interroge sur le comment et le pourquoi de la réussite de ceux qui accèdent aux espaces centraux aussi bien que sur le rôle de la centralité, dans sa régulation politique. Tournée vers l’éclaircissement du fonctionnement des mouvements sociaux, l’école des économistes a mis en exergue le paradoxe de l’action collective ayant pour enjeu la production d’un bien collectif. Dans son état de pensée rationnelle2 ou entrepreneurialle3, la prise en compte des limites du modèle de l’économie libérale revèle la nature agissant, outre des processus bureaucratiques, des phénomènes de loyauté et de solidarité dans l’explication de la participation. Dans le sillage de ces acquis théoriques, le modèle politique4 réussit à éclairer l’importance des ressources dans l’action collective, qui va de pair avec le phénomène de mobilisation dans un certain environnement social.

Pour cette étude, ces données s’avèrent importantes. La spécificité de l’interactivité du politique et du social au Mozambique est due à des facteurs de deux ordres : d’abord, l’espace social n’est pas encore celui de l’Etat-nation, où, à force de l’industrialisation et de l’essor du capitalisme moderne, se seraient imposés des changements structuraux. Les espaces communautaires et les formes de solidarité qui en sont intrinsèques (voir chap. I), restent encore des lieux de pouvoir et les déterminants d’allégeance sont fort différenciés de ceux des associations volontaires (modernes) ; cette multiplicité des ordres sociaux est une réalité incontournable et sera à la base du fait que la régulation sociale donne lieu à un espace nécessaire d’interactivité entre l’ordre politique et ces espaces.

C’est par référence à ce contexte que l’on envisage la déconcentration politique comme un processus du pouvoir s’inscrire dans la société et une ressource stratégique de régulation d’une société à des identités multiples. Cette action étant toujours une entreprise située, le pouvoir s’y avère certes comme une organisation mais également une entreprise assise sur des rapports coalitifs et collusifs5. Cette réalité conduit à tenir compte d’un régime mixte de régulation politique, assis sur l’interactivité de la centralité et les espaces périphériques du pouvoir.

Notes
1.

MICHELS, Robert, Les partis politiques : essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, Paris, Flammarion, ( 1914) 1971. On reviendra infra à cet ouvrage.

2.

Voir OLSON, M., Logique de l’action collective, Paris, PUF, ( Harvard University Press, 1965), 1987.

3.

Voir ZALD, M. N & MAC CARTHY, J.D., « Social movement industries », Research in social movement, conflict and chang, 3, pp. 1-20 ; FILLIEULE, O. et all., Lutter ensemble. Les théories de l’action collective, …op. cit.

4.

Voir TILLY, Charles, cit., ibid., pp. 91-102.

5.

Cela pour rendre compte ce qui est l’essentiel d’une organisation. D’abord, le partage inégalitaire des ressources donne lieu à la structuration de sa centralité ; ensuite, cet espace étant un espace de dialogue entre l’ordre politique et des ordres sociaux, l’entreprise de compromis et d’alliances ont des effets structurants sur la capacité collective de la régulation de la société globale.