2.2. Système, politique, rareté et conflictualité

La déconcentration politique, en tant qu’approche de faits sociaux, ne peut interpréter la politique que comme un espace donnant lieu à une coalition d’acteurs, mus par des enjeux multiples. Etant cette coalition un système, Il va donc de soi qu’on s’efforce d’éclairer les déterminants de son entreprise, du phénomène de mobilisation ou de son dysfonctionnement, dans un contexte d’une société globale entre tradition et modernité.

La société globale, comme l’a noté G. Balandier82, est le fait auquel les éléments particuliers doivent être reliés ; ils n’ont ni fonction, ni sens indépendant ; ce serait une erreur d’isoler des éléments constants et d’affirmer leur pérennité : maintenus en apparence, ils changent de nature, sinon de forme. Ce serait également une erreur d’appréhender le « tout systémique » à partir des éléments, et encore davantage d’annuler logiquement celui-ci en s’en tenant aux effets d’agrégation qui résultent de l’interdépendance et de l’interaction des divers acteurs sociaux. Par conséquent, il faudrait saisir le système par le jeu des forces conflictuelles en rapport de domination/subordination, des forces hétérogènes dont la combinaison forme son équilibre ou son déséquilibre (dysfonctionnement).

Vues sous cet angle, les coalitions pour la mise en œuvre d’une politique ne peuvent jamais s’exempter de rendre la politique un espace investit par des acteurs multiples. Les outils théoriques d’explication de leur mode de fonctionnement s’avèrent discordants sur certains points. Stevenson, Pearce et Porter83 proposent une définition en huit points des coalitions à l’intérieur des organisations, qui sont les suivants :

Si l’on envisageait les coalitions intra-organisationnelles d’après ce schéma, elles seraient tenues pour des entreprises indépendantes de l’appareil de contrôle et de caractère informel. Barnes décrit ce cadre de rapports sociaux comme un monde où « aucune organisation n’est dominante ». Cela renvoie au phénomène que nous qualifions supra comme un réseau, « un système de relations personnelles (ou inter-organisationnelles), reliant des amis et des ennemis, des égaux et des inégaux ».

Cette pensée ne serait pas contestable dans tous ces aspects. Mais si l’on s’en tient à ce chemin, on ne saurait pas rendre compte de ce qui explique, parmi les participants à une coalition, pourquoi les uns se placent dans des positions de centralité, alors que d’autres apparaissent dans des instances périphériques. on n’expliquerait pas non plus pourquoi dans les processus de formation de coalitions, certains éléments deviennent des acteurs dans les jeux de pouvoir, d’autant plus que leur travail relationnel (le networking) apparaît relié à une dimension stratégique.

Tout en s’inspirant de Barnes84, Panebiano, et d’A. Muchieli85, on associe le fonctionnement des coalitions, outre le travail relationnel, à l’action d’une dimension du pouvoir. La distribution inégalitaire de cette ressource, le pouvoir, est au principe du fait que les coalitions se présentent sous la forme d’un système, c’est-à-dire une chaîne d’acteurs interdépendants. Le pouvoir s’y avère alors comme une organisation à la fois coalitive et collusive. De ce fait, les coalitions auront tendance à se constituer en un appareil, c’est-à-dire en un système d’acteurs sociaux qui, pour des fins de mise en ordre de la variété dans leur environnement externe, contraignent la transmission de ressources en des structures faiblement connexes.

Par la suite, suivant March (1962) et de Cyert, on se permet d’associer la notion de coalition à celle d’organisation, fondé sur un ordre. Cet ordre peut être imposé (c’est le cas de la domination coloniale) ou négocié. L’action politique exigeant une base sociale hétérophile, elle ne peut s’acquitter de s’ouvrir à d’autres segments sociaux. Ces derniers cherchent, à travers ceux qui y occupent des positions de centralité, à exercer du contrôle sur le plan de la distribution de produits de l’action collective. La coalition s’assimile dans ce cas à un espace subissant des investissements de la multiplicité des forces sociales participantes. Elle peut être définie, suivant V. Lemieux, comme un espace de concertation entre acteurs individuels ou collectifs, qui ont des rapports de coopération et de conflit, à la fois, pour ce qui est de leurs liens, de leurs transactions et de leurs contrôles. Les constituants des coalitions chercheraient également, par une structuration du pouvoir appropriée à prédominer sur leurs adversaires de façon à ce que les coalisés obtiennent ainsi des avantages plus grands que s’ils n’avaient pas fait partie de la coalition.

On se propose d’analyser les alliances au sujet de la mise en œuvre des politiques publiques dans un cadre colonial, tout en retraçant les formes d’interaction entre les acteurs et leurs représentations du sens de l’intervention du pouvoir. Pour ce faire, ces considérants d’ordre théorique sont mis en complément de ceux apportés par Kingdom (voir supra). D’après lui, qu’elles se reportent à l’Etat ou à des organisations non-étatiques, on peut distinguer deux grandes catégories d’acteurs politiques, comprenant chacune ses sous-catégories, dans un système d’action sociale. : ceux hiérarchiquement connectés par des appareils gouvernementaux et, à l’opposé, ceux qui se trouveront à l’extérieur. Dans une situation ou dans uns autre, les ressources du pouvoir, qu’elles soient de nature statutaire, relationnelle, informationnelle ou économique, sont des outils pour déterminer leurs positionnements dans les appareils en réseau.

Sur cette base, dans le système colonial, on pourrait distinguer :

-des acteurs-entrepreneurs, distincts par des rôles clefs dans la définition de politiques publiques. Il leur revient la parole légitimatrice du référent d’une politique et l’identification des options à suivre ainsi que des priorités susceptibles d’être mises à l’agenda. Tout en disposant du pouvoir constitutif du système politique, ils se réclament également des outils d’action à l’intérieur du système qui se traduisent par le déploiement d’un ensemble d’appareils. Ceux-ci ayant pour enjeu la mise en ordre de la variété dans leur environnement externe, cette structure tendra à se manifester comme un bloc. Les principes de l’organisation bureaucratique seront mobilisés pour relier les espaces du pouvoir supérieur (à Lisbonne) aux espaces intermédiaires (à Lourenço Marques) et périphériques (dans districts et dans des circonscriptions).

Les partenaires du système politique, dont on tient compte sont :

a) les individus et les groupes sociaux appartenant au même univers culturel de ceux qui contrôlent l’appareil. Les affinités culturelles et l’opportunité qui leur est créée pour qu’ils assurent la fonctionnalité de l’infrastructure matérielle (bureaux, services, entreprises), sont à la base de liens d’identification au système politique. La proximité au centre du pouvoir est au principe de la croyance qui les pousse à voir dans le système des rapports sociaux de bonnes raisons en faveur de l’accroissement de leur patrimoine. Cela expliquera l’organisation des préférences politiques de ce groupe au point d’adopter des comportements semblables à ceux d’un bloc.

b) Le groupe à culture plurielle : Les rapports de forces émanant de la désintégration des Etats indigènes et de la structuration de l’espace de l’Etat colonial a réduit l’ensemble de leurs groupements à la condition de minorité86. Elle bascule alors en pleine crise sociale. De surcroît, la situation coloniale symbolisait l’avènement d’un nouvel environnement d’interactivité sociale, comportant des conséquences inéluctables sur l’évolution des structures indigènes. Elle rendit donc inéluctable la formation du groupe sociale à culture plurielle : attachés à leurs sous-univers culturels (ethniques), parlant à la fois la langue du groupe dominant et leurs langues, ce groupe subit des processus d’identification au discours social dominant. La genèse de ce groupe résultait des besoins intrinsèques au fonctionnement du système colonial, raison pour laquelle ceux qui y appartenaient ont réussi à intégrer des compétences professionnelles dans plusieurs domaines. Leur appartenance au groupe des dominés et la concurrence du groupe partenaire au système politique ne leur a réservé que l’exercice de rôles auxiliaires, dans le système d’appareils politiques ou dans les services publics.

Ce rapport conflictuel entre le groupe dominant et les membres du groupe à culture plurielle (partenaires du système politique) n’empêche toutefois pas que ces derniers bénéficient d’un statut particulier, par rapport à l’ensemble des colonisés. Le groupe à culture plurielle appartenait à un statut social distinct par : a) leur position et leur fonction dans l’agencement du système ; b) l’ensemble des droits et des devoirs, des avantages et des obligations, inhérents à leur situation, au sein de la société globale. Ainsi, le groupe à culture plurielle se voyait légitimé, par le système de croyances, à un statut social particulier. Dans l’articulation de la diversité de groupes structurant la société globale, on s’appercevait donc des écarts selon lequelles se déterminaient les appartenances sociales. Le positionnement politique de ce groupe dans le conflit colonial s’est avéré cohérent, à un certain moment, cohérent à sa trajectoire biographique. Se un segment de ce groupe a réussi à évoluer vers la rupture politique, d’autre a persisté dans le chemin d’une stratégie d’incohérence, c’est-à-dire est reste attaché à un comportemet conflictuel et de coopération avec le système.

En effet, au moment de la déconcentration politique, le régime d’O. SALAZAR a réhabilité certains membres du groupe à culture plurielle tout en leur permettant l’accès aux postes à pouvoir (voir supra). Ils se sont néanmoins attaché à un discours à la fois conflictuel, exigeant l’élargissement des droits civiques envers les noirs, et coopératif, collaborant avec le système87.

c) Les chefs traditionnels, grâce à leur ancrage dans l’univers culturel des communautés respectives, ont été considérés comme des moyens incontournables sur le plan de la communication politique. Jakobson a à ce propos démontré que les rapports entre dominants et assujettis n’arrivent que dans le cadre de la communication impérative (langage des ordres). D’après lui, la communication s’appuie sur les éléments suivants :

‘Le destinateur envoie un message au destinataire. Pour être opérant, le message requiert d’abord un contexte auquel il renvoie (…le ‘référent’), contexte saisissable par le destinataire (…) ; ensuite, le message requiert un code, commun en tout ou au moins en partie au destinateur et au destinateur (…) ; enfin le message requiert un contact (…) entre le destinateur et le destinataire, contact qui leur permet d’établir ou de maintenir la communication88 ’

Ces éléments pris pour support, Jokobson détaille des ressources au principe de l’effectivité des processus communicationnels, dont ont retient :

-La participation aux ordres ne se fait pas d’elle-même, mais par des acteurs, destinateurs ou destinataires, dont l’effectif est variable. Cette composante, qui est celle des ressources humaines, n’est qu’implicite dans le schéma de la communication, mais il est évident qu’elle peut faire une différence dans l’exercice du contrôle ;

-Les rôles de destinateur et de destinataire viennent rappeler que les contrôles s’exercent entre des acteurs qui occupent des postes. Ce sont pour eux des ressources statutaires ;

-Entre tel destinataire et tel destinataire il y a un lien positif, négatif ou neutre. Il y a des ressources relationnelles de contrôle, qui manifestent la présence des liens dans l’univers de l’appropriation ;

-La composante du contact ou du canal, quant à elle, rappelle qu’il n’y a pas de communication sans une certaine matérialisation de la relation entre destinateur et destinataire. Il y a [donc] des ressources matérielles ou des supports, qui sont nécessaires à l’exercice du contrôle ;

-Enfin il n’y a pas de communication possible sans des codes communs en tout ou en partie au destinateur et au destinataire. La composante du code renvoie à la dimension normative du contrôle, qui consiste dans les règles et les finalités guidant l’action. On peut nommer ressources normatives ces ressources qui correspondent à la composante du code89.

Dans un contexte où la Nation n’est pas une référence mobilisatrice, les espaces sociaux et culturels étant multiples, les chefs traditionnels jouent un rôle intégratif. Leur ancrage dans les espaces communautaires, s’appuyant sur des réseaux relationnels, leur apporte d’autant plus de reconnaissance sociale qu’ils accèdent à la centralité des rapports sociaux en place. Les mécanismes entraînant de la part des assujettis la nécessaire obéissance aux ordres relèvent, semble-t-il, de l’effet de réseau. La relation y prend pour support (intermédiaire) l’ensemble de références, de pratiques et de croyances qui définissent l’espace social. Donnant matière au code saisissable tant pour ceux qui sont aux prises avec la régulation du pouvoir (local) que pour les dominés, celui-ci est au fondement d’une certaine efficacité de la communication politique et participe à l’organisation des rapports sociaux.

Intrinsèque à tout rapport social, la communication ne peut s’opérer que par référence à un système de règles. C’est par l’intermédiaire de ces dernières que l’on accorde de la signification aux liens sociaux. Ils sont d’ailleurs appréhendés dans l’enchaînement du vécu et de la représentation de la relation entre « le moi » et « l’autrui ». Toute relation sociale s’objective donc comme un rapport à double dimension : d’abord, sur le plan des symboles, par le langage ou, globalement, par l’univers culturel des individus ; ensuite, sur le plan du comportement entendu comme objectivation de la réaction de l’individu au milieu social.

Le pouvoir est par nature un construit coalitif et hiérarchisé, dont la réussite repose sans cesse sur une stratégie lui permettant de se faire obéir (Weber). Réduits à un état où ils n’avaient qu’un minimum d’autorité, il est néanmoins intéressant de noter les logiques des rapports entretenus par le pouvoir dominant et dominé : l’Administration coloniale voyait dans les chefs tradionnels le levier pour réussir la mobilisation des ressources et la mise en œuvre des politiques coloniales. Sans être fonctionnaires de l’Etat ni détachés de leurs fonctions de représentants de leurs communautés, il incombait en effet à leurs chefs un certain nombre d’obligations. Réalisées en échange de certaines prérogatives pécuniaires et politiques, on en recense quelques-unes, à partir d’A. A. da S. Monteiro:

‘Maintenir de l’ordre public dans les Territoires sous leur contrôle ; Fournir, lorsqu’on lui en demande, des hommes aussi bien pour la defense du Territoire, la représsion des revoltes, que pour les travaux publics ; Tenir l’Administration au courant de tout événement suspect, qui pouvait bouleverser l’ordre public ; communiquer tous les décés, les épidémies, les mariages et les naissances ayant lieu dans son domaine ; Présenter à l’Administration tous les chefs de familles qui, originaires des villages sous contrôle d’autres chefs, auraient solicité de fixer résidence sur son Territoire ; Surveiller que ses assujettis n’émigrent pas dans les Colonies anglaises sans qu’ils aient le feu vert de l’Administration ; Contribuer à ce que le recensement de la population et le prèlevement des impôts réussissent dans son Territoire ; Obéir et collaborer dans la mise en œuvre de tous les ordonnancements que l’Administrateur pourrait leur faire parvenir90.’

Cela, dans un cadre où la bureaucratie coloniale était autonome du point de vue de la formulation des politiques publiques mais ne l’était en revanche pas sur le plan de sa mise en œuvre. L’articulation des chefs traditionnels au schéma administratif formel permettra, de forme indirecte, de relier leurs réseaux relationnels aux appareils. L’interactivité du social et du politique s’est ainsi déroulé comme un processus de régulation des échanges sociaux. C’est-à-dire, les échanges à travers lesquels dominants et dominés cherchent à réaliser à la fois des rationalités instrumentales et sociales.

L’environnement externe de ce système s’avérait, lui aussi, comme un construit non moins complexe. Si l’on revient au chapitre premier, il est aisé qu’on se rend compte du fait qu’il doit sa structuration à l’intégration, aux XIX ème et aux XX ème siècles, du Mozambique dans le sous-système économique de l’Afrique australe. L’Afrique du sud étant l’épicentre de ce sous-système, par l’intermédiaire de la considérable insertion de ce pays dans l’économie mondiale, le Mozambique était également relié aux pays occidentaux. Avec la structuration du Mouvement de libération au début des années soixante, l’effort pour la mobilisation des ressources rendit inéluctable le reliement de ce Mouvement (FRELIMO) aux ex-pays socialistes. Le gouvernement d’O. Salazar s’engagea dans une campagne d’information faisant croire qu’il s’agissait d’un Mouvement dirigé, non pas par les Mozambicains, mais par les centres coordinateurs du conflit Eest-Oest91. L’interactivité de ces sous-espaces lors de la guerre froide a donc eu des retentissements dans la dynamique de l’interactivité du social et du politique, au Mozambique, lors de la domination coloniale.

Le système colonial étant structuré sur la base de la déconcentration politique, le centralité politique y était aux prises avec l’entreprise de l’assemblage des espaces sociaux multiples, au moyen de l’appareil bureaucratique. Mais elle ne pouvait nullement nier de mettre en œuvre une stratégie clientéliste. Il en découlait un espace de compromis, dont l’enjeu était d’intégrer et de mobiliser des ressources à l’aide des sous-systèmes de pouvoir non absorbés par l’Etat.

V. Lemieux a, à ce propos, noté que les réseaux de clientélisme subsistent à l’intérieur d’un appareil étatique et qu’ils ont la propriété d’être finalisés à la fois par la mise en commun et la mise en ordre de la variété. Etayant son étude sur des cas de coalitions politiques au sujet de la mise en œuvre de politiques publiques, Lemieux montre que le réseau des clients permet à ceux qui se trouvent au sommet de l’appareil la variété nécessaire. Au moyen de cette variété, ils réussissent à maintenir leur autorité dans la régulation interne à la société et à diminuer la variété des ennemis à l’extérieur. Autrement dit, le réseau de clientélisme alimente un appareil, en vue de la mise en ordre de la variété, d’autant qu’il contribue à ajuster cette mise en ordre aux besoins des clients : 

‘Les réseaux de clientélisme montrent que les appareils et les réseaux peuvent être mêlés les uns aux autres. Ils montrent aussi que lorsqu’il en est ainsi les réseaux sont mis au service des appareils, mais sans que les appareils se plient aux exigences de réseaux. La variété apportée par les clients permet aux patrons de dominer leurs rivaux, dans l’appareil politico-sociétal, mais la variété apportée par les patrons permet aux clients de relâcher la domination des bureaucraties dans ce même appareil. C’est du moins le cas dans les réseaux traditionnels de clientélisme. Il demeure que ce sont les patrons et non les clients qui sont les maîtres du jeu, et que pour eux les finalités de mise en ordre, propre aux appareils, importent davantage que les finalités de mise en commun, propres aux réseaux92 ’

La déconcentration politique se trouvait donc au principe d’une organisation du pouvoir comme une entreprise, certes, relationnelle, mais coalitive et collusive. Du sommet de l’appareil, aux instances intermédiaires et périphériques, des acteurs se présentaient articulés à l’aide d’un intermédiaire : la circulation d’informations, de ressources matérielles et symboliques, les échanges autour des ressources du pouvoir, qui apporteront du sens à l’action collective. Si certains acteurs réussissent à se placer dans des instances du « pouvoir supérieur », d’autres, dans des positions périphériques, ont des taches intermédiaires. D’autres encore, grâce aux ressources à leur portée, tiennent des rôles auxiliaires, mais importantes pour le fonctionnement du système global.

Pour ce qui est du cas mozambicain, ce système n’est pas figé. Parce qu’elle s’appuie sur la coalition et la collusion entre acteurs, la construction et la déstructuration des systèmes d’action lui sont intrinsèque. Ce processus avait comme effet non pas la désintégration de la société globale mais la mise en place des régimes de déconcentration politique. Cette dynamique serait due non pas à l’interactivité d’une classe bourgeoise aux prises avec une classe révolutionnaire comme le soutient le marxisme, mais à des scissions à la suite d’une crise du système de représentations. Ainsi, l’ensemble d’acteurs, des plus modestes aux plus puissants, participe, à travers le monde des réseaux, à la lutte sociale la plus significative. Par conséquent, comme l’a noté J.F. Bayart93, « l’Etat n’est pas uniquement la « chose » d’une classe dominante que tout opposerait à une classe révolutionnaire. Les petits oeuvrent, eux aussi, à l’innovation politique et leur apport n’est pas en contradiction nécessaire avec celui des ‘grands’ ».

Ce schéma semble explicatif des conflits qui survinrent, dans la coalition de pouvoirs à l’époque coloniale, à propos de la politique d’habitation au Mozambique. La rareté – raison du blocage de tous les systèmes politiques -, était au principe d’un déficit du flux des biens reliant les centres du pouvoir aux acteurs relayeurs. Cela entraînaient l’affaiblissement des liens entre eux, et entre ces derniers avec leurs réseaux relationnels. C’est à ce moment que la rareté suscitait une sorte d’ajustement des rapports sociaux, tout en tenant compte de la capacité d’offre et rétroactive du système politique, aux attentes sociales. Cela se traduisait par le reclassement des acteurs dans le système, en fonction de leurs ressources et de leurs statuts sociaux dans le système.

Ce reclassement n’etait pas exempte d’une crise du système de représentations, fragilisant des liens des centres du pouvoir à l’égard de certains acteurs et des sous-univers respectifs. Etant la politique imprégnée à la fois d’une dimension matérielle, symbolique et d’une fonction régulatrice, ce reclassement dévoilait les incohérences du système clientéliste colonial. Une crise identitaire et la segmentation conflictuelle entre colonisateurs et colonisés devenait, par conséquent, inéluctable.

En effet, la discontinuité entre l’espace du ciment et celui des bidonvilles à Lourenço Marques s’est placé au centre des discordances entre le pouvoir supérieur et certains notables représentant le Mozambique à l’Assemblée délibérative, à Lisbonne. Dans les années soixante, l’enjeu de la politique était théoriquement de restructurer le cadre matériel de la colonie. Dans ce contexte, de nouveaux quartiers, comme celui de la Costa do Sol, ont été mis en place. D’après la presse de l’époque, « on a assisté à l’avènement d’un nouveau quartier à Costa do Sol : des terrains bien démarqués, des bâtiments construits selon un style architectural très attrayant. La canalisation de l’eau vient d’être établie »94.

En dépit du discours du lusotropicalisme, ce n’était pas le sort des quartiers noirs. Dans le quartier de l’aeroporto, à une distance peu éloignée de la zone du ciment et du béton, des travaux publics pour l’approvisionnement en eau et en électricité n’ont pas mérité la priorité de la part du gouvernement local. Bien que les habitants de ce quartier lui aient adressé des « milliers de pétitions », cet espace continuait « sans électricité et sans eau »95. Le cyclone « Claude » en soixante-six a témoigné de la précarité de l’habitat et des conditions de vie dans des quartiers noirs. Des milliers de maisons précaires ont été détruites ; les zones de Mafalala, Malhangalene et certaines zones du ciment et du béton connurent, à la suite de l’inondation, d’autres fléaux (des maladies, surtout la malaria)96.

Ce contexte de détresse entraîna l’expression d’exigences au système politique, dont M. Nazaré et d’autres notables « élus » à l’Assemblée délibérative devinrent des porte-parole :

‘L’action destructrice du cyclone Claude a exclusivement touché des milliers d’Africains qui s’attroupent dans des bidonvilles, qui constituent la plus grande partie de la population de cette ville. Cela arrive parce que, au Mozambique, nous n’avons pas encore réussi à éviter ce que je considérerais la plus grave lacune de notre système de convivialité humaine avec des populations africaines. Nous avons ouvert les portes de l’âme de la Loi réglant la vie en société mais nous leur avons toujours fermé les portes de nos habitats. Ces références sont bien pour témoigner d’une situation d’isolement de l’habitat, consenti pour qui a rejeté toutes les formes de discrimination97.’

Dans un autre pas, M. Nazaré attaque le fait qu’on accorde de la priorité à des programmes d’action psychosociale, dont l’exécution comportait des dépenses publiques très onéreuses. On pourrait à la place réserver des ressources pour améliorer l’habitat des Africains :

On a assisté à la mise en oeuvre des programmes d’impact limité, alors qu’il reste à régler le problème de l’habitat dans les bidonvilles. Dans le contexte actuel, il est absolument souhaitable qu’on privilégie la construction d’habitations pour la population en détresse. La solution se trouve dans la création d’un minimum de conditions pour que « les sans toit » résolvent un problème qui est le leur mais qui est aussi celui de la collectivité dans laquelle ils s’intégrent98.

‘Ce discours témoignait, à partir d’une relation conflictuelle dans le cadre institutionnel, d’une progressive rupture avec le système, sur le plan des priorités politiques du système. Derrière ces exigences, il y avait, non pas une foule de militants d’une formation partisane, mais des réseaux relationnels. Des liens entre ces notables et les espaces sociaux pauvres - qui était d’ailleurs ceux d’où ils ont été issus – ne pouvaient qu’aboutir sur l’assomption de la représentativité de ces derniers, auprès de l’instance supérieure du pouvoir, à titre d’un geste de solidarité.’

La politique concernant l’habitation n’a jamais été abordée dans le sens où le souhaitaient les notables prenant en charge la représentativité des Africains. Cette hypothèse se heurterait à la logique sur laquelle reposait l’organisation du système du pouvoir. Par ailleurs, cette possibilité supposerait la désorganisation des alliances autour des enjeux du pouvoir, qui fonctionnaient comme l’intermédiaire reliant hauts instances du pouvoir, à celles intermédiaires et périphériques. Elle conduirait d’ailleurs au phénomène de reclassement des acteurs sociaux, ce qui ne pourrait survenir sans que la centralité du pouvoir aille à l’encontre de leurs répertoires d’action.

L’espace de la politique est marquée de différences optionnelles entre les cercles et les réseaux que le pouvoir met en place. Ces divergences constituent l’environnement à l’origine de la dynamique des acteurs. Pour ce qui est des notables en titre de « représentants » des Africains à l’Assemblée délibérative et dans d’autres organes, leur évolution était également déterminée par le mouvement de décolonisation, soutenu par l’ONU. Buttant sur l’indifférence du système à propos de leurs exigences en matière de la politique intérieure, le discours des notables devint l’expression de la revendication des droits civiques. A. PENICELA (député) a bien mis en exergue cette dimension du discours protestataire de ces notables, au moment où la guerre anti-coloniale avait déjà fragilisé la domination coloniale :

‘Les Nations Unies nous obligent à ‘négocier avec les parties intéressées’. Mais les parties intéressées dans le destin d’Outremer portugais sont les populations. Ce sont des Noirs et des Blancs qui y habitent et veulent y vivre en paix. Il devrait être parmi eux, d’après leurs capacités et compétences, que nous devrions trouver des interlocuteurs pour parfaire des institutions et améliorer leur fonctionnement, de façon à défendre les intérêts de tous ; de la sorte, nous empêcherons la suprématie d’une classe, d’une tribu ou d’une ethnie sur d’autres et nous garantirons la vie et le progrès à tous. /…../ Pour ce faire, nous souhaitons, nous le souhaitons vivement, que dans le cadre des institutions autonomes des provinces d’Outre-mer – dans leurs municipalités, dans leurs Conseils législatifs, dans leurs gouvernements locaux – les Africains participent de plus en plus. Le nombre de ceux-ci dans les Organes représentatifs, l’Assemblée Nationale et la Chambre corporatif, devrait s’accroitre99.’

Tout en opposant les chefs traditionnels et les assujettis, ce rapport conflictuel s’étendait aussi aux chefferies. Deux facteurs étaient à la base de son déclenchement.

D’abord, le régime d’O. Salazar s’est engagé dans une politique dont l’enjeu était de créer de nouvelles bases de la pratique extractive, par le système politique. Cela devait s’appuyer sur la mise en œuvre d’une politique dont l’enjeu était d’amorcer l’industrialisation portugaise, dans le contexte d’après la seconde Grande Guerre. Pour y parvenir, il fallait construire un « espace économique national », dont la solidité serait redevable aux plans de « dynamisation économique », dans l’espace défini par la Métropole/Colonies. D’après Joana H.M.F.P. Leites, le Portugal a essayé de profiter, en tant que nation européenne, dans le cadre du Plan Marshal, des prêts américains qui aideraient à résoudre la situation financière métropolitaine. Le Gouvernement portugais obtint ainsi une dérrisoire somme de 10 millions de dollars - des 60 à 100 millions qu’il avait demandé100.

En second lieu, pour ce qui est du Mozambique, la politique d’intégration de l’espace économique Portugal/Colonies a eu des retentissements immédiats sur les campagnes. Dans le dessein d’assurer la fourniture de matières premières, à bon marché, à l’émergeante industrie portugaise, les familles paysannes ont été obligées de cultiver, outre leurs cultures alimentaires, du coton et d’autres produits oléagineux. Les espaces ruraux étant en réseau avec le centre du pouvoir colonial, ils ont été dans ce contexte placés au carrefour de l’interactivité du politique et du social. Cette interactivité traduisait le fonctionnement des réseaux politiques dans la logique de rapports de pouvoir entre l’élite détenant le pouvoir décisionnel (le centre), les espaces intermédiaire et périphérique. L’activité de ces réseaux, outre la dimension administrative, comporte une dimension d’échange, qui se déroulait dans des termes très inégalitaires pour les paysans.

C’est au niveau de ces derniers espaces du pouvoir (districts et circonscriptions) que la politique suivie par Salazar entraîna des conflictualités. A. ISAACMAN en a fait une lecture marxiste. Il a associé le phénomène de mobilisation qui en était à la base à une différenciation sociale, qui donnerait naissance à des classes sociales101. Les politiques de Salazar créaient certes un environnement de rareté, incitant un mouvement désobéissance social, dont la mobilisation ne relevait pas de l’identité à une classe. Mais il s’inscrivait dans un mode patrimonial du rapport au politique, parce que n’a pris que la forme de jeux de famille. Le patrimoine matériel et culturel en étant au principe, les acteurs s’organisaient autour d’enjeux ayant comme référence le transfert intergénérationnel, les itinéraires familiaux et professionnels et les trajectoires sociales. L’impact négatif des politiques d’O. Salazar sur le système d’échange en place suscitait des groupes protestataires dans un espace déjà conflictuel. Ces groupes se structuraient autour de réseaux relationnels et de ce système de représentations (patrimoine matériel et symbolique), pour exprimer des exigences au système politique à titre d’espace de médiation.

On reprend, à ce propos, le conflit opposant J. Mapangalane MONDLANE et le bloc composé par Eugénio G. MONDLANE et ses oncles paternels, qui a été déclenché par la succession de sont père, G. MONDLANE, à Chipene (Coolela). Une fois « élu » au poste de régent, J. Mapangalane MONDLANE, on s’est déjà référé à ses choix stratégiques, mena une politique de concentration pour décapitaliser ses opposants. Il a ainsi mis un terme à l’autonomie du groupe de populations qui voyait dans la figure d’E.G. MONDLANE le symbole de leur existence communautaire. Par la suite, il cumula les « mandats » de régent et de chef, avec le concours de l’Administrateur. En outre, le nouveau régent changea la dénomination de la chefferie, qui fut alors désigné la Chefferie de Coolela.

Le règlement de ce différend a conduit E. G. MONDLANE au poste de chef de groupes de populations qui lui étaient fidèles. Toutefois, ce conflit ne s’est pas terminé là. A l’instar d’autres systèmes du pouvoir, en accord avec B. Jobert102, le pouvoir politique s’est vu impliqué dans une transaction difficile où il devait obtenir, par le consentement et par la contrainte, l’extraction des ressources nécessaires pour consolider sa propre assise. Le repérage de ce nécessaire compromis entre extraction et allocation des ressources permet d’interpréter en termes non fonctionnalistes le caractère intrinsèquement contradictoire de l’action politique, qui est toujours partagée entre les exigences de régulation et de l’intégration du système. L’accomplissement de cette tâche, dont dépendait l’accès par le pouvoir politique à des ressources multiples en vue de son fonctionnement, se révelait toujours problématique.

C’est ainsi qu’on interpréte le rapport conflictuel entre deux réseaux en compétition, formés autour J. Mapangalane MONDLANE vis-à-vis de E. G. MONDLANE. Les cercles d’instruits liés à ce dernier envoyaient des lettres à l’Administration coloniale, dans lesquelles dénonçaient des cas témoignant de la déviance du régent :

‘A titre de naturels de Coolela (Chipene), nous nous permettons de vous adresser cette lettre afin de vous rendre compte des faits suivants. Ici, à Coolela, notre situation est regrettable et insupportable, à cause des supplices que nous sommes imposées par le régent J.M. MONDLANE. Au nom des us et coutumes, il nous impose une tyrannie qui est pire que celle de N’Gungunyane103. J.M.MONDLANE impose à la population de Coolela une vraie exploitation, qui est contraire aux lois : les gens sont obligés à travailler dans les fermes du coton, sans rémunération ; les exactions en argent et en espèce à chaque famille et aux travailleurs migrants, qui viennent d’Afrique du sud pour les vacances ; l’expulsion des personnes tennues comme « menaçantes » dans la chefferie, etc104 .’

Ces actes protestataires survenaient un peu partout dans les chefferies relevant de la circonscription des muchopes. D’après leur capacité à troubler et à « entrer » dans le système politique, ils donnaient lieu à des processus de médiation pour restituer l’état de compromis - entreprise toujours précaire - sur lequel s’appuyait le fonctionnement du système politique105. Non obstant leur inscription dans le processus du fonctionnement de ce dernier, qu’ils se rapportent à l’espace du ciment et du béton ou à celui des chefferies, ces conflits n’ont pas suscité la formation des partis politiques concernés par la prise du pouvoir. Cela aurait été certes dû à la nature autoritaire du régime colonial. Mais l’effet de l’entrecroisement des réseaux et le conflit d’allégeances qui en découlait106, les rapports de nature clientélaire et le mode patrimonial du rapport au politique, ne sont pas des réalités à mésestimer. Dans les zones urbaines, le segment de l’élite protestataire appartenait à l’univers social des colonisés. Mais cette élite a été produite comme résultat d’une trajectoire lui permettant d’appartenir au sous-ensemble des « instruits ». A partir de cet espace, dans le système de rapports sociaux en place, selon les enjeux politiques, les membres du cercle des instruits pouvaient être promus à des postes de responsabilité. Dans les chefferies, les chefs traditionnels, eux aussi, étaient issus de l’univers de colonisés. Mais ils se sont avérés utiles pour l’accomplissement des rationalités du pouvoir, grâce à la place de centralité dans les sous-systèmes de rapports sociaux, dans leurs communautés. On se demande si, dans le contexte de la déconcentration politique, ces conflits survenant de façon cyclique, n’étaient que des processus de l’agencement du système politique. Car le parti politique s’opposant à ce système (FRELIMO) émergera de l’extérieur du cadre institutionnel et le programme dont s’inspirera l’ordre politique alternatif se présentera comme révolutionnaire.

Notes
8.

2 BALANDIER, Georges, Le désordre. Eloge du mouvement, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1988, 237p,p. 71.

8.

3 STEVESON, PEACE et PORTER, cités, LEMIEUX, V., Les coalitions : liens, transactions et contrôles, ….op. cit., p. 89 et suiv.

8.

4 BARNES, cit., VINCENT, L, Les réseuax d’acteurs sociaux….op. cit.

8.

5 MUCHIELI, Alex, “Le système des interactions et l’analyse du pouvoir dans les organisations”, Quaderni, n°33, Automne 1997, pp. 19-43.

8.

6 Le concept de minorité n’est pas de l’ordre statistique. Focalisé sur les rapports entre des identités sociales, il représente le groupement dont la condition est distincte par le fait d’être socialement, politiquement et économiquement dominé. La dimension de ce groupement ne suffit donc pas à faire de celui-ci une minorité, bien qu’il puisse avoir des effets quant au statut et aux relations avec le groupement dominant. Le caractère de minorité est une certaine manière d’être dans la société globale, il implique essentiellement la relation de dominé à dominant. Cf. WIRT, L., cité, BALANDIER, G., « La situation coloniale : approche théorique », Cahiers Internationaux de Sociologie, Vol. I., année 1951, pp. 44-79, p. 63.

8.

7 Ce comportement paradoxal, outre lefait qu’il soit l’effet du réseau, pourrait s’expliquer selon l’hypothèse développée par R. Dahl. Très attaché au paradigme rationnel, R. Dahl soutient que l’engagement d’un individu à une cause partisane ou l’appui d’un programme politique ne survient que dans le cadre du rapport entre « l’offre », par le système politique, et l’ « attente », du groupe cible. Les échanges multiples - postes, biens matériels et symboliques - dans le but de réhabiliter les candidats aux postes gouvernementaux entraînent des liens positifs des bénéficiés envers la faction de l’élite du pouvoir. Voir DAHL, R., Qui Gouverne ?….op. cit.

8.

8 JAKOBSON, cité, VINCENT, L., Les coalitions, liens, transactions et contrôles,…op. cit., pp. 48-49.

8.

9 Mead a également saisit la dimension communicationnelle de l’interactivité sociale. Pour lui toute relation sociale se traduit comme l’objectivation du « soi » et de « l’esprit ». L’élaboration de « soi » est, selon Mead, un construit social dans la mesure où le comportement de tout individu est fonction des anticipations comportementales de l’autre alors que l’ « esprit » est l’activité cognitive de l’individu. Cette activité est celle de l’interprétation des stimuli auxquels tout individu est confronté en situation d’interaction. L’ « esprit » ou l’activité psychique et le « soi » ou l’identité de l’individu sont, dans la perspective de Mead, des processus plutôt que des états qui se construisent en situation d’interaction. Les situations sont le creuset du psychique et du social. Mais, selon Mead, les situations d’interaction ne peuvent réaliser cette fusion que si la communication est possible. Voir MEAD, cité, GIRAUD, Claud, Concepts d’une sociologie de laction,Paris, L’Harmattan, 1994, 158p, p. 69.

9.

0 Ce travail se report au District de Tete. Néanmoins, on s’en inspire car il s’appuie sur la législation alors en vigueur. Ses références sont donc susceptibles d’être universilasables, sans le danger d’escamoter quel que soit l’aspect relatif au rapport les chefs traditionnels et l’Administration coloniale à Manjacazi. Voir MONTEIRO, A.A. da Silva., « Provincia de Moçambique : Direitos e Deveres das Autoridades Indigenas do distrito de Tete », in Separatas Diversas, Lourenço Marques, INM, 1924, pp. 5-9.

9.

1 On se consacre à l’analyse plus approfondie de ce phénomène dans le chapitre suivant, qu’on intitule « Du Mouvement de libération au parti politique ».

9.

2 Cf. LEMIEUX, V., Les acteurs sociaux,…op. cit., p. 120

9.

3 Voir le chapitre introductif, à propos de l’entreprise théorique de ce chercheur.

9.

4 Voir NOGUEIRA, Teresa Sá, « Novos bairros da cidade », Tribuna, 17-7-1964, p. 2.

9.

5 Idem.

9.

6 Voir « O ciclone claude », Notícias, 6.1.1966 ; « Operação de solidariedade : brigadas de salvamento recolhem dezenas de vítimas das inundações », Notícias, Lourenço Marques, 9/1/1966, p. 1.

9.

7 « Oportuna e objectiva exposição à Assembleia Nacional », Notícias, 2.3.1966, p. 9.

9.

8 De telles conditions ont ainsi été énumérées : 1) L’adoption d’un dispositif juridique permettant que les habitants dans des bidonvilles soient des propriétaires des planches pour la construction de leurs habitations. Cela permettrait de mettre un terme à la spéculation autour de la terre et du louage, par les propriétaires des maisons précaires; 2) le découpage des planches et l’alignement en avance des rues dans le but d’y construire des canalisations de l’eau et des conduites d’électricité ; 3) l’exemption d’impôts, tant municipaux comme ceux dus à l’Etat et la réduction d’intérêts à propos des terrains où les concernés construiront leurs maisons ; 4) La mise en place d’un service d’aide facilitant l’élaboration et l’approbation de projets de construction en état de fournir l’assistance technique ; 5) le relâchement de l’activité de fiscalisation surtout quant aux durées de construction et un combat cerré à la culture bureaucratique bloquant des demandes de construction des habitations améliorées ; 6) l’établissement d’un système de primes pour les familles démontrant de l’intérêt et de l’engagement dans ce programme. Voir « O problema habitational dos subúrbios : focado na Assembleia Nacional pelo Dr. Manuel Nazaré », Notícias, 2.3.1966, p. 10.

9.

9 Voir « Moçambique na Assembleia Nacional : A necessidade de todas as etnias ultramarianas participarem aos mais elevados graus de ensino posto en foco pelo deputado Dr. Almeida Penila », Notícias, 7.2.1974

1.

00 Voir la présentation plus approfondie de cette politique à travers LEITE, Joana H.M.F.P., La formation de l’économie coloniale au Mozambique : pacte colonial et industrialisaton. Du colonialisme portugais aux réseaux informels de sujétion marchande, 1930-1974, (Thèse présentée en vue de l’obtention du doctorat), Paris, EHE, 1089, 990, p. 83 et pp. 216-258.

1.

01 ISAACMAN, Allen, « Régulos, differenciação social e protesto rural : o regime do cultivo forçado do algodão em Moçambique, 1938-1961”, Revista Internacional de Estudos Africanos, 6 e 7, Janeiro/Dezembro 1987, pp. 37-81.

1.

02 JOBERT, Bruno, « Les trois dimensions de la régulation politique », in AUVERGNON, Philippe et al. (Coordination), L’Etat à l’épreuve du social, Paris, Edition Syllepse, 1998, pp. 23-39, p. 33.

1.

03 Le dernier empereur de l’Etat de Gaza (1884-1895). Tout en ayant hérité le pouvoir de son père, Manicusse, la régulation politique dans son Empire, qui s’étendait du Sud jusqu’au Nord du Mozambique (fleuve Zambèze), se fondait sur les moyens de contrainte. C’est pour quoi la force armée de cet Etat, les A-mabuthu, était dans un état de guerre intermittent pour la répression des opposants. Ce moment servait également pour l’usurpation des biens des dominés, surtout du gros bétail, qui était pris comme un signe du pouvoir dans la société de Gaza.

1.

04 Cx19 Voir Três rapazes de Coolela, « Carta endereçada ao Governador do Distrito de Gaza », 25 de Novembro de 1972, Fundo : Administração do Conselho dos Muchopes. Secção : Autoridades tradicionais, 1973-1974, AHM

1.

05 Cela a été par exemple le traitement réservé au conflit opposant les groupes structurés autour du régent J. Mapangalane MONDLANE et du chef des povoations Eugénio G. MONDLANE. Le procès achevé, on est parvenu à la conclusion que : « le differend entre le régent de Coolela et le chef du groupe de populations de Chipene est permanent. Il existe depuis la création de la Chefferie de Coolela, entreprise avec laquelle J. M. MONDLANE envisageait d’éliminer l’autonomie de la population de Chipene. Dés lors, le chef Eugénio G. MONDLANE et ses appuiants n’ont jamais reconnu J.M. MONDLANE comme régent de Coolela », voir. Cx. 18, MONDLANE, J.M., (Regedor de Coolela), « Auto de declarações », Autos para averiguações, Processo 1/8/1972, Fundo : Administração do Conselho dos Muchopes. Secção : Autoridades tradicionais, 1969-1974, AHM ; MONDLANE, Eugénio (Chefe do grupo de povoações de Chipene), Autos para averiguações, Processo A/8/1972, Fundo : Administração do Conselho dos Muchopes. Secção : Autoridades tradicionais, 1969-1974 (Ibidem).

1.

06 La structure d’entrecroisement des réseaux peut en effet avoir plusieurs conséquences sur le comportement des acteurs sociaux. Dans le sillage des travaux de R. Dahrendorf (1957), H. Flap (1988), on s’est concentré sur les conflits d’allégeances et sur leurs effets sur la violence ou l’absence de violence dans les rapports sociaux. La hypothèse qu’on propose est la suivante : lorsque les réseaux sociaux sont structurés de façon que les clivages s’entrecroisent, les conflits sont moins violents que lorsque au contraire les clivages coïncident. D’après cette pensée, lorsqu’il y a segmentation, on préfère le combat à la médiation et celle-ci à l’inaction. L’entrecroisement des réseaux pose donc le problème de savoir quel parti choisir. Quant aux opposants, ils ne peuvent plus autant compter sur les membres de leurs réseaux (puisque le combat n’est pas pour eux le meilleur choix). Cela doit logiquement les inciter à rechercher une solution négociée. Au total, l’ordre des préférences place la négociation avant le conflit lorsqu’il y a entrecroisement. Etant donné les fonctions d’utilité correspondant à chaque choix, il est donc clair que la structure du réseau altère l’ordre des préférences des acteurs. Elle pousse logiquement au conflit ouvert, lorsqu’il y a segmentation, et à la négociation lorsqu’il y a entrelacement. Le conflit est d’autant plus probable que les réseaux sont segmentés et la négociation, qu’ils sont entrelacés. Voir FLAP, H., cité, FORSE, M. et al., Les réseaux sociaux….op. cité.