3.2.1. E. MONDLANE et genèse du FRELIMO

La question coloniale a été placée, au tournant des années cinquante, au cœur de la politique internationale, bien que tenue pour l’une des dimensions du conflit Est-Ouest. La formation, à l’Organisation des Nations Unies (ONU), d’un courant d’opinion s’opposant au maintien du système colonial est devenue inéluctable. A la suite de l’admission de dix-sept (nouveaux) Etats africains lors de la 15 ème Assemblée de l’ONU (1960-1961) comme membres de l’organisation, le mouvement pour la décolonisation a pris son essor. Un bon nombre de colonies de la France et de l’Angleterre, du fait de l’institutionnalisation du principe de suffrage universel, accédèrent à l’indépendance.

Les colonies voisines du Mozambique virent également leurs indépendances reconnues : l’Union Nationale Africaine Tanzanienne, (TANU), a prit le pouvoir en 1961, au Tanganyka ; l’action des mouvements anticoloniaux dans les trois colonies anglaises au Nord-Est et à l’Est du Mozambique, la Rhodésie du sud, Rhodésie du nord et Nyassaland, mit en péril le système fédéral structuré par la Grande-Bretagne ; en 1964, le Parti Uni pour l’Indépendance Nationale (UNIP) accéda au pouvoir en Zambie24 et le Parti du Congrès Malawian (MCP) conduit le Malawi25 à l’indépendance ; opposé aux alliances stratégiques suivies par l’Angleterre et qui débouchaient sur la promotion des élites africaines et les indépendances, le Front Rhodésien (FF) proclama unilatéralement, en 1965, l’indépendance en Rhodésie du sud26.

Le Portugal s’est démarqué de la politique de l’Angleterre et de la France à propos de leurs anciennes colonies. Il s’est en revanche attaché au mythe selon lequel son empire était l’illustration d’une société multiraciale, dont les segments sociaux se rassemblaient autour des valeurs du lusotropicalisme27. La politique répressive en constituant le socle, elle n’a entraîné que le départ en exil d’éléments socialement hétéroclites, du point de vue de l’espace d’origine, ethnique, linguistique, religieux et culturel.

Ce mouvement pour l’étranger a eu comme effet l’avènement de plusieurs groupes politiques28. S’il est certain que leurs programmes politiques étaient unanimes quant au combat contre le système colonial, ils n’étaient toutefois pas quant à la construction d’une société globale, le Mozambique, tel qu’elle a été structurée par la puissance coloniale. Les leaderships de ces groupes, aussi bien que les discours politiques dont s’inspirèrent leurs actions politiques, ne peuvent être saisis que par rapport à leur ancrage dans des espaces ethniques respectifs. Aussi, leurs liens à des gens de ces espaces étaient-ils, outre les circonstances situationnelles communes, au principe de leur capacité de mobilisation sociale.

Khamba SIMANGO, un prêtre (protestant) originaire du district de Manica et Sofala, - au centre du Mozambique - a fait ses études aux Etats Unis, en Virginie (Hampton University). Retourné au Mozambique, sous couvert des activités religieuses, il s’est placé, lors des années 40 et 50, au centre d’un mouvement de solidarité rassemblant les Africains de son Eglise, l’ Eglise (syncrétique) du Christ de Manica et Sofala. Animé par l’idéal de promouvoir le progrès social, il s’est battu auprès de l’Administration coloniale pour le respect de la liberté du culte et pour la construction d’écoles pour les Africains, à Beira29, et dans les zones rurales. Ce fut dans le cadre de ce rapport social que K. SIMANGO inspira la formation de l’Association Africaine de Manica et Sofala, qui donna naissance au Congrès National Africain du Mozambique (MANC). Le rapport qu’il entretenait avec sa communauté est bien une illustration de l’effet de ses réseaux relationnels. Prêtre, enseignant, opposant au système colonial, mobilisateur et leader, K. SIMANGO a influencé un bon nombre d’affiliés à son organisation clandestine, le MANC. Tout en suivant leur leader, ils se sont exilés d’abord en Rhodésie du sud puis en Zambie, où ils intégrèrent le FRELIMO30.

Les Mozambicains exilés en Rhodésie du sud donnèrent naissance en 1960 à l’Union Démocratique Nationale du Mozambique (UDENAMO), sous la direction d’Adelino GWAMBE, à Bulawayo31. La pluparti des gens appartenant à ce groupe politique provenaient de Lourenço Marques, Gaza et Sofala32. Urias SIMANGO (un prêtre)33, Fanuel MALHUZA (enseignant)34, figuraient parmi les animateurs de l’UDENAMO. Conseillés par Joshua N’KOMO35 pour qu’ils échappent aux persécutions de la police, Julius NYERERE s’étant prêté à les accueillir, les leaders de l’UDENAMO se sont réfugiés au Tanganyka.

Le MANU, un groupe politique dont les membres appartenaient à l’ethnie Maconde36, a été formé en Tanzanie en 1959 par Mathews MOLLE, Kabiriti DAWANE et Faustino VANOMBA. L’éventualité de l’accès du Tanganyka à l’indépendance par l’action du TANU37, le parti de Julius NYERERE, inspira à ce groupe un idéal de liberté identique. Leur influence sur les paysans macondes a été à la base du massacre de Mueda, au Nord du Mozambique. Par conséquent, on assista à l’accroissement du flux d’immigrants en Tanganyka38.

L’UNAMI, sous la direction de José CHAGONGA, rassemblait les gens originaires des districts de Tete et de Zambèzie (Nord-Ouest du Mozambique) et son action politique se bornait à ces régions. Il s’agit d’une zone dont la population présente des affinités d’ordre linguistique, religieux et ethniques avec des populations du Malawi. Cela s’explique par le fait qu’elles appartenaient, entre les XVIII ème et XIX ème siècles, à l’Empire Marave, dont le Territoire s’étendait entre le Malawi et la région Nord-Ouest du Mozambique. H. K. BANDA, le Président du MCP et du Malawi, a accordé de l’aide à J. CHAGONGA pour subvenir aux activités de l’UNAMI. L’extrait d’une lettre de H. K. BANDA à J. CHAGONGA met bien en évidence ces liens ethniques et les enjeux de la générosité des autorités du Malawi :

‘La Nyassaland (Malawi) et les régions portugaises du Niassa et de Tete (Le Mozambique) sont, sous tous les points de vue, un seul pays. Il s’agit d’un seul peuple. Nous sommes à l’heure actuelle divisés : vous, sous la domination portugaise et, nous, sous le joug britannique. Cela n’est qu’une conséquence d’un accident historique39.’

H. K. BANDA voyait dans l’UNAMI, dans l’hypothèse de réussite de son projet autonomiste, un partenaire pour annexer des partis du Mozambique, Tete, Niassa et Zambèzie. Cela permettrait à son pays l’accès, sans aucune contrainte, à la mer. Ces compromis soulevèrent des problèmes quant à l’intégration du leadership de ce groupe politique dans un programme politique inspiré par l’idéal de l’indépendance et de la construction de l’Etat mozambicain.

Si le discours social protestataire a été à l’origine de protopartis dans des pays voisins, à Lourenço Marques, ce rapport au politique s’est fondé sur un mouvement associatif, qui était imbriqué avec le religieux. Les membres du NESAM40, du CANM41, et la communauté de croyants rassemblés à l’EPM42 ont, à des degrés variés, noué de liens autour d’une cause commune : la lutte pour les droits civiques43. La visite rendue à cette ville en 1961 par E. MONDLANE, l’un des animateurs du mouvement associatif, a apporté de nouvelles dynamiques. Il apparaît comme la personnification de la centralité d’un mouvement de solidarité, dont le projet s’avérait l’organisation de modes plus consistantes de lutte anticoloniale.

E. MONDLANE était déjà titulaire d’un diplôme de docteur en Sociologie et Anthropologie et chargé de recherches aux NU, sur le dossier de la décolonisation en Afrique. Appuyé par Janet Rae (son épouse) et A.-D. Clerc43, il était derrière l’organisation de la CAEAM44, organisation secrète destinée à appuyer les étudiants africains souhaitant poursuivre des études supérieures à l’étranger. John E. Kennedy venait de prendre le pouvoir aux EUA et il était, d’une certaine façon, contre le système colonial portugais. La CAEAM a bénéficié de l’appui de George Houser, le directeur du Comité Américain pour l’Afrique, qui appartenait au réseau relationnel d’E. MONDLANE et de son épouse.

A l’époque, il n’y avait pas d’Université au Mozambique. Grâce aux appuis mobilisés par la CAEAM, certains étudiants ont quitté le Mozambique pour les études universitaires45. L’expérience de solidarité et de lutte qu’ils ont eus dans le cadre du NESAM a été reprise à l’extérieur. J. CHISSANO, P. MOCUMBI, M. dos SANTOS, et d’autres, ont ainsi fondé l’UNEMO46 en France. Un bon nombre d’étudiants appartenant au NESAM et à l’UNEMO ont adhéré au mouvement de libération en exil, au Tanganyka.

Ces groupes politiques ont été fondés à l’étranger, par des groupements originaires du sud, du centre et du Nord du Mozambique. La conflictualité coloniale était certes au cœur de la mobilisation de ceux qui y étaient affiliés. Mais l’acceptabilité du centre de coordination de leurs activités était indissociable de multiples liens de leurs leaders à des communautés respectives. Ce rapport s’avérait utile dans deux sens : il leur permettait d’abord la traduction, c’est-à-dire la saisie de l’intérêt ou de la non-adhésion aux projets de l’organisation, du fait de la communauté de valeurs ; en second lieu, cette compréhension entre des univers d’égaux et d’inégaux, successivement reconfigurés, mais qui sont connectés, était à la source du phénomène de mobilisation sociale.

La co-appartenance tant des leaders que des affiliés à ces groupes aux mêmes contextes situationnels et aux mêmes espaces ethniques était à l’origine de l’identité politique. Ce rapport de co-appartenance définit, d’après Jean Wahl, « un espace de dialogue entre nous et nous-mêmes », car : « il n’y a pas une identité abstraite de notre moi, mais une identité sentie ou plutôt /…/ un renouvellement constant d’états, renouvellement senti comme identité »40. L’apport de M. Zavalloni41, pour qui l’identité, de la même manière que toute autre structure cognitive, relève « d’une pensée représentationnelle », n’est pas à l’encontre de cette hypothèse.

Outre la domination coloniale, les leaders de ces groupes politiques trouvaient dans la référence au répertoire culturel des sous-univers sociaux auxquels étaient connectés des atouts pour la mobilisation politique. C’est de ce rapport à la culture qu’ils tiraient une large partie de leur potentiel mobilisateur. Du fait qu’elle légitime une proclamation identitaire en situation conflictuelle, les revendications qui y sont attachées sont perçues au travers des prismes émotionnels. Traduite dans les codes affectifs liés à la construction identitaire, cette réalité pousse les gens à agir selon une orientation politique « pertinente ».

Le FRELIMO, l’organisation politique qui a mené la lutte pour l’indépendance entre 1962 et 1974, est le produit de la coalition et du rassemblement de ces groupes politiques, autour d’E MONDLANE. Le mouvement apparaît d’abord comme un construit précaire, mais il est devenu une collectivité d’action : dans un contexte où la guérilla était la ressource permettant son implantation sur le territoire, le FRELIMO s’est doté d’une centralité politique et de rouages fonctionnels rappelant les cercles concentriques dont parle M. Duverger, destinés à assurer l’articulation sommet-base et son fonctionnement. Instrument de lutte visant à prendre le pouvoir, les crises42 subies par le mouvement anticolonial y a défini un espace de régulation politique, décrit pour certains chercheurs comme une entreprise de « parti-Etat »43 ou comme un « Etat à l’intérieur de l’Etat »44. Ce processus relevant de l’interactivité du social et du politique, il engendre une élite du pouvoir. La primauté politique de cette élite sera basée sur le contrôle des ressources politiques, ce qui lui permettre de prendre une partie spécialement importante à la direction des affaires de la collectivité45.

Les organisations politiques, qu’elles se présentent sous la forme de proto-partis, partis de masses ou de ceux issus du rassemblement de groupes sociaux fort divers, sont des entreprises créées à partir du sommet. Pour ce qui est du cas typique des partis d’Afrique noire, P. Decraene les associe à un cadre social multiethnique comme le fondement de leur genèse : « A l’origine, la plupart des partis politiques africains ont une assise soit tribale, soit régionale »46. Dans son exhaustive étude sur Les régimes politiques du Tiers monde, cette particularité est reprise par M.-P. Roy :

‘Dans les sociétés africaines, en effet, le sentiment d’appartenance ethnique est encore trop fort pour que les individus puissent se distinguer les uns des autres par des doctrines politiques différentes ; il est naturel que la vie politique reflète les divisions ethniques. Il est assez significatif, d’ailleurs, de révéler une corrélation assez étroite entre le nombre des partis et celui des ethnies : à un petit nombre de très grandes ethnies correspond un nombre restreint de partis47.’

Cette corrélation entre l’appartenance ethnique et la filiation partisane n’est pas à sous-estimer dans les sociétés entre la tradition et la modernité. Mais elle n’est néanmoins pas explicative des cas où, par des contraintes immanentes à chaque espace politique (colonial), ces mêmes partis résultèrent d’un processus de fusion, intégration et de ralliements d’éléments si disparates. Pour ce qui est du Mozambique, on s’appuie sur la convergence en exil de forces sociales, à la recherche de formes plus efficaces de lutte anticoloniale. Elles se présentent attachées à des discours sociaux si divers et qui sont organisateurs de leurs identités : celles de micro-espaces sociaux, celles de sous-univers religieux et ethniques ; celles pour qui, du fait de leur origine d’espaces sociaux et économiques modernes, la rationalité de la politique serait la conquête du pouvoir vu qu’il s’agit d’une ressource pour la formation d’une societé globale.

On est devant un espace politique qui ne saurait être éclairé par un simple inventaire d’ethnies d’une société issue de la colonisation. Partant de cette hétérogénéité sociale, on s’interroge sur les stratégies permettant à un cercle restreint d’entreprendre, - bien que précairement -, l’intégration horizontale et verticale, qui est le fondement de l’organisation partisane. Structure de mobilisation cherchant à se pérenniser, on souhaiterait aussi rendre compte de leurs stratégies d’opérer la différenciation-intégration sociale, processus dont se nourrit le fonctionnement et l’existence de tout parti politique.

L’enjeu est d’illustrer l’ensemble des facteurs favorisant l’avènement, dans le contexte de la diversité sociale, d’une communauté ou d’un système politique. Selon Eisenstadt, qui se réfère à des espaces politiques occidentaux, le système prend ses racines à la fois sur la différenciation limitée des activités et des rôles politiques aussi bien que sur la tentative d’organiser la communauté politique en une unité centralisée48. C’est également cette notion de centralisation que reprend à son compte Landau, dans une perspective fonctionnaliste :

‘Lors de son développement, le système non seulement élargit sa taille mais les partis qui le composent définissent de nouvelles structures et fonctions. Ces structures et fonctions étant différenciées, elles sont l’objet du contrôle central. Le système relève donc de la propriété de sa centralisation. La notion de développement se reporte à ce processus de différenciation. Plus un système se développe, plus il déploie des structures spécialisées, dont certaines contrôlent et intègrent différents éléments dans le système49.’

L’explication de l’effet du développement systémique selon la perspective fonctionnaliste est certes recevable. Mais il faudrait éclairer l’ensemble de ressources politiques derrière le fonctionnement de ce système aussi bien que les stratégies mobilisées par des acteurs pour l’accès à la centralité politique. Cet espace de coordination étant identifié, il nous paraît utile d’appréhender les assises de sa capacité à structurer les comportements en faveur du projet de l’organisation, dans son environnement. Il n’y a pas d’action sociale sans le pouvoir et la dynamique de l’organisation relève de la dynamique des relations de pouvoir, comprises comme relations d’échange négocié de comportements50.

L’organisation politique étant ainsi appréhendée, elle nous reporte au cadre de l’interactivité du social et du politique, donnant naissance au FRELIMO, en 1962, à la suite des efforts d’E. MONDLANE. Entreprise politique dont la formation ne fut pas, d’après P. MOCUMBI, un processus linéaire51, sa structuration est due à l’action combinée de MONDLANE, sur deux dimensions :

-Un travail relationnel plaçant E. MONDLANE et son épouse, Janet Rae, au centre d’un système de rapports sociaux, grâce à l’appartenance du premier à plusieurs cercles sociaux. MONDLANE était en fait relié, par sa trajectoire d’enseignant et de chercheur, à des cercles d’intellectuels de plusieurs universités ; son expérience de chargé de recherches sur le dossier de la décolonisation à l’ONU lui a apporté des connaissances avec des politiciens et des dirigeants des (émergeants) Etats africains et de pays d’autres continents ; pour ce qui est de l’univers des refugiés mozambicains, dont 50.00052 d’entre eux se trouvant en 1962, au Tanganyka, il y était relié par son origine ; comme opposant du système colonial, il était en rapport avec les cercles de dirigeants de plusieurs groupes politiques mozambicains. A ce propos, il est intéressant de relever les rapports d’affinité avec ceux issus du sud de Mozambique, pour qui a eu un rôle important pour leur socialisation politique (moderne) dans le cadre du NESAM.

-La mise au profit de ce système de rapports sociaux dans le but d’apporter à la cause de la lutte anticoloniale des ressources possibles, dans un contexte où le régime colonial était au centre d’un débat social, au Mozambique et sur le plan international.

Ce fut dans ce cadre de rapports sociaux que s’est opérée la réussite du travail politique d’E. MONDLANE53, pour qui l’intégration et l’agrégation de divers intérêts, mais reliés par la même cause – le combat contre le système colonial-, était une entreprise souhaitable. Deux faits figurent à la base de cette réalisation.

D’abord, les relations d’amitié entre E. MONDLANE et J. NYERERE se sont avérées porteuses à deux égards: premièrement, MONDLANE a fait des connaissances avec des membres de la classe dirigeante du Tanganyka54, ce qui était très important pour la mobilisation des aides ; deuxièmement, l’insistance du nationaliste mozambicain sur le rassemblement de toutes les forces politiques tenait certes à la grandeur du défit, face au système colonial. Mais cette attitude politique se devait aussi aux conseils du président du Tanganyka, qui avait d’ailleurs accueilli la plupart des groupes politiques mozambicains.

Ensuite, l’avènement du FRELIMO comme une organisation ne pouvait se fonder que sur la construction d’un consensus entre les leaderships des groupes politiques mozambicains. Les piliers de son fonctionnement supposaient des accords sur l’orientation politique et l’existence d’un programme d’action collective ainsi que la construction d’un appareil politique. Quelle que soit l’organisation politique, elle ne peut s’acquitter, comme le remarque M. Offerlé, « de l’organisation différenciée /…./ des ressources initiales ou organisationnelles entre les dirigeants et les auxiliaires, et que la division du travail (politique) soit ajustée aux attentes des différents membres de l’organisation »55.

Cette organisation différenciée des ressources relève d’un travail politique, d’un processus de traduction des intérêts des acteurs individuels. Les efforts d’E. MONDLANE pour l’unification n’ont pas connu de blocages de la part des dirigeants de l’UNEMO56. Toutefois, des démarches entreprises par E. MONDLANE auprès d’A. GWAMBE, le président de l’UDENAMO, et de Mathews MOLLE, le président du MANU, témoignent du fait que ce processus ne s’est pas déroulé sans heurts. En butte à beaucoup de difficultés, E. MONDLANE a rencontré A. GWAMBE et 15 membres de son groupe politique le 15 juin 1962 pour les mettre au courant du projet d’unification des groupes s’opposant au système colonial. D’après Janet Mondlane « GWAMBE n’a pas fait de commentaires aux propos de MONDLANE. Si celui-ci pensait que cette rencontre était le premier d’une série de négociations sur l’unification, GWAMBE a toutefois dit qu’il partait le jour suivant et qu’il serait de retour le 23 juin. Evidemment, GWAMBE ne voulait pas travailler avec MONDLANE. La primauté intellectuelle de ce dernier s’est avérée une menace pour GWAMBE »57.

Cette multitude d’interactions entre des individus dotés de certains types de dispositions montre bien le cadre de l’avènement du FRELIMO en tant qu’un acteur collectif. Ces interactions ne sont saisissables qu’à la lumière de répertoires culturels et des enjeux politiques qui définissent la grammaire des comportements des individus concernés. La poursuite de négociations fut possible grâce aux pressions à l’intérieur des deux groupes politiques, favorables au projet de rassemblement. A. GWAMBE (UDENAMO) et M. MOLLE (MANU) se sont ainsi vus moralement contraints de désigner des commissions afin de rédiger, avec E. MONDLANE, les statuts et le programme du mouvement anticolonial rassemblé. Le Front de Libération du Mozambique (FRELIMO) naquit le 25 juin 1962, et comptait déjà l’adhésion d’un autre groupe politique, l’UNAMI de José CHAGONGA. E. MONDLANE a été élu au poste de Président intérim, assisté par un cercle restreint58.

Le 1er congrès, tenu en septembre 1962 au Tanganyika, établit le programme du FRELIMO, qui devait s’efforcer d’accomplir, en outre, les buts suivants : développer et consolider la structure organisatrice du mouvement ; consolider l’unité entre les mozambicains ; promouvoir la formation accélérée des cadres ; mobiliser l’opinion publique mondiale en faveur de la cause du peuple mozambicain ; recourir à tous les moyens permettant l’accès du Mozambique à l’indépendance ; créer des moyens pour l’autodéfense et pour le développement de la capacité de résistance du peuple mozambicain ; coopérer avec les mouvements nationalistes de tous les pays59.

Organisation de combat pour la conquête du pouvoir, la formation du FRELIMO se produit dans un cadre qui n’est pas celui de l’Etat-nation ; il n’est pas non plus celui de l’exercice de la citoyenneté, qui permettait aux intérêts organisés la fonction de relève politique, dans un système de démocratie représentative. Le FRELIMO apparaît en même temps que se déroule le conflit pour la création de l’Etat postcolonial, en l’absence ou indépendamment de tout système de représentation politique. Issu de cet environnement, il est intéressant d’analyser les déterminants de rapports de loyauté/solidarité ou de conflit, dans un contexte de rassemblement de forces sociales hétéroclites. L’action collective allant de pair avec la mobilisation des ressources politiques, il semble intéressant qu’on essaye d’éclairer les tactiques et les compromis adaptatifs du FRELIMO, dans cet environnement.

E. MONDLANE se serait aperçu que l’efficacité du FRELIMO, rassemblement survenu dans un contexte de rareté, ne pouvait se fonder que sur deux axes : d’abord, l’inclusion à l’appareil du mouvement des leaders originaires des anciens groupes politiques. Cela légitimerait, pensait-on, la représentativité du mouvement et lui apporterait un dispositif symbolique protecteur, face aux adversaires politiques ; ensuite, la stratégie coalitive permettrait la réalisation les buts que le FRELIMO s’était fixé, accomplissement qui n’était pas indissociable du travail politique. Faire de la politique, c’est se placer dans un champ de rapports de forces, qui se meuvent par rapport à des enjeux concernant les ressources – matérielles et symboliques - d’action.

Sous cette lumière, il n’est pas surprenant que l’appareil issu du 1er congrès se soit fondé sur des compromis, bien que précaires, pour favoriser l’entreprise de la lutte anticoloniale sous une forme unitaire. En effet, le leadership du FRELIMO, dont les membres appartenaient également à son Comité central (CC) comme mécanisme de médiation, s’est ainsi constitué :

Tableau X : L’Appareil du FRELIMO issu du 1er Congrès0
Président Eduardo MONDLANE
Vice Président Urias SIMANGO
Secrétaire-général David MABUNDA
Secrétaire- général adjoint Paulo GUAMBE
Secrétaire pour les affaires étrangères Marcelino dos SANTOS
Secrétaire pour la défense et sécurité João MUNGUAMBE
Secrétaire pour l’organisation à l’extérieur Jaime MATSADALA
Secrétaire des finances et trésorerie Holfgang Mac MCHEBLENZ
Secrétaire pour l’administration Silvério NUNGU
Secrétaire d’information Leo MILLAS
Secrétaire pour l’organisation à l’intérieur Jaime Rivaz SIGAUKE
Secrétaire de l’éducation Fanuel MALHUZA

La formule de structuration du FRELIMO est bien illustrative de la nature coalitive et collusive du pouvoir. L’organisation ne pouvait s’asseoir que sur la définition de plusieurs échelons du pouvoir, les uns se présentant dans des positions de centralité ; d’autres, en revanche, figurant dans des instances périphériques. La centralité de cette structure ne pouvait se libérer du travail relationnel et de l’activité coordinatrice, parce qu’ils sont générateurs de ressources nécessaires à la gestion de la stratégie de l’organisation et à la reconstitution des liens entre les éléments qui le composent.

La structuration de cet espace dans le FRELIMO, étant fondée sur une dimension du pouvoir, a ouvert une première dimension de conflit autour des postes à pouvoir. La politique est essentiellement une lutte pour le pouvoir, ce qui rend inéluctable que, là où un parti s’arroge le monopole du pouvoir, le combat se transporte à l’intérieur du parti, et l’opposition revêt des formes nouvelles. Celles-ci se sont manifestées par la reconstitution des anciens groupes politiques, leurs membres étant mobilisés selon les affinités fondées sur les réseaux relationnels61.

La seconde dimension tient au fait que l’action politique implique toujours la compétition sur le plan du processus décisionnel. L’action politique se définit sur la base des rapports de pouvoir entre groupes compétitifs. Ces relations de compétition ne sont ni compatibles avec la concentration exhaustive du pouvoir ni avec la mise en terme de la compétition politique. Les désaccords concernaient le concept d’ennemi, le rapport entre la race et l’adhésion au mouvement de libération, la stratégie de la lutte et le régime de rapports sociaux alternatifs à celui sous-tendant le système colonial62. Si ces différences se plaçaient à la base de l’avènement d’autres groupes politiques63, à la différence du conflit colonial en Angola64, ceux-ci n’ont été que des construits éphémères, ne pouvant donc pas faire échouer le projet du FRELIMO. Par ailleurs, E. MONDLANE insistait sur le fait que la lutte anticoloniale devait se dérouler d’une forme unitaire : /…/ le FRELIMO doit se structurer comme un Front uni, sans donner place à des Fronts divergents. La lutte doit se dérouler sous cette base. Les divergences sont sans aucun doute acceptables mais elles ne doivent pas donner lieu à opposition. La lutte pour le développement de la citoyenneté mozambicaine doit à la fois se fonder sur le rejet du tribalisme, racisme, des régions ou groupes ethno-culturels spéciaux, sans pour autant mésestimer leurs différences et diversité65. J. CHISSANO, P. MOCUMBI, à titre d’ex-membres de l’UNEMO et avec une expérience d’opposition anticoloniale à partir du NESAM, à Lourenço Marques, M. dos SANTOS, le coordinateur de la CONCP66, partageaient les mêmes idéaux que ceux du président du FRELIMO.

La construction de l’organisation politique anti-coloniale s’appuiera donc sur une pratique déjà analysée par J.F. Bayart67 comme celle d’ « emprunt et d’entrelacement simultanément d’une pluralité de genres discursifs ». Ce système de rapports sociaux a d’ailleurs sa puissance mobilisatrice : « l’ensemble d’acteurs, des plus modestes aux plus puissants, à travers le monde des réseaux », participeront à l’entreprise de l’acteur collectif, structuré autour d’une personnalité, E. MONDLANE, moyennant sa maîtrise des ressources politiques.

On revient ici à la logique de l’assemblage des espaces sociaux, discours et représentation de l’organisation sociale dont l’enjeu est la société (globale) multiethnique. L’accès à la centralité du système de rapports sociaux qui lui sert de fondement, l’autonomie de ceux qui y tiennent le rôle d’entrepreneurs, ce sont des acquis qui relèvent d’un construit social. C’est-à-dire, des acteurs individuels ou des sous-collectifs, attachés à des domaines hétéroclites - ethniques, religieux, cercles socioprofessionnels, des personnalités appartenant à des pays ou à des organisations internationales, - sont mobilisés pour favoriser l’accomplissement du but établi. Cette entreprise relève de compétences et d’un travail politique.

Notes
2.

4 L’ancienne Rhodésie du Nord.

2.

5 L’ancien Nyassaland.

2.

6 Pour les détails, voir UEM, A questão rodesiana, Maputo, UEM, 1979, 135p

2.

7 Voir supra (Chap. II) la logique de ce discours politique.

2.

8 Nous distinguons la notion de groupe politique de celle de parti politique. Du point de vue structurel, le groupe politique se présente le plus souvent comme le cercle de fondateurs. Unis par des liens multiples, (situationnel, trajectoire, opinion commun), les membres de ce cercle se rassemblent autour d’un leader et d’un idéal politique, pouvant bénéficier de l’appui d’un certain nombre de sympathisants. Il leur manque toutefois la mise en place de l’ensemble de rouages de l’organisation, susceptibles d’assurer l’articulation avec les masses. A ce stade, les groupes politiques équivaudraient à ce que M. Duverger a qualifié de protopartis. Notre concept de Parti politique est puisé de J. La Palombara et de M. Weimer (Voir supra).

2.

9 La deuxième ville du Mozambique, située au centre du Mozambique.

3.

0 Voir CHISSANO, Joaquim, « Génese da Frente de Libertaçao de Moçambique », SAVANA, 12 de Abril de 2002, p. 16 ; ANDRADE, Mario Pinto, « Pro-nacionalismo em Moçambique. Um estudo do caso de Kamba Simango », in Boletim do Arquivo Histórico de Moçambique, …art. cit., pp. 127-147.

3.

1 L’une des villes les plus importantes de la Rhodésie du sud (Zimbabwe).

3.

2 A l’époque coloniale, il s’agissait de districts du sud et du centre du Mozambique.

3.

3 Un prêtre protestant, issu des cercles relationnels de K. SIMANGO et qui a fait ses études à Ricatlha (Un centre de formation d’évangélistes et de pasteurs de l’Eglise protestante), à Lourenço Marques. A la suite de leur court séjour, en 1961, à Salisbury (Rhodésie du sud), Eduardo MONDLANE (le fondateur du FRELIMO) et son épouse, Janet Rae MONDLANE, ont pu rencontrer Urias SIMANGO. Ce fut le moment où ces personnalités ont fait connaissance d’autant plus que le premier, Eduardo MONDLANE, a participé à une messe officiée par le pasteur Urias SIMANGO. Voir MANGHEZI, Nadja, O meu coração está nas mãos de um negro : uma história de Janet Mondlane, Maputo, CEA-Liv. Universitária, 1999, 408p, p. 210.

3.

4 Un enseignant de l’une des écoles primaires de l’espace de bidonvilles à Lourenço Marques. Il était le vice-président de l’UDENAMO. Outre ces personnalités, Aurélio BUCUANE, David CHAMBAL, Daniel MACHAIEIE, Calvino MACHAIEIE, Absolon BAHULE, David MABUNDA, Paulo GUMANE étaient des références importantes dans ce groupe politique.

3.

5 J. NKOMO est considéré comme le père du nationalisme au Zimbabwe. Son leadership s’est forgé d’abord dans le syndicat de travailleurs ferroviaires dans les années 50 puis dans le Congrès National de la Rhodésie du sud. Ces pas accomplis, il fonda le ZAPU, Union Populaire Africaine du Zimbabwe, dont il devient le Président.

3.

6 L’Union Nationale Africaine des Macondes s’est d’abord affiché comme une organisation du peuple Maconde, une ethnie coupés en deux par les puissances coloniales entre le sud du Tanganyika et le Nord du Mozambique. Pour des raisons que restent à expliquer, cette désignation fut abandoné tout en s’attachant à un certain globalisme. Aussi, cette organisation se présentera comme l’Union Nationale Africaine du Mozambique.

3.

7 Union Nationale Africaine de Tanganyka

3.

8 Voir « Mauvilo a Ku Mweda : sobreviventes e participantes historiam massacre », Tempo n°350, 19.6.1977, pp. 43-49.

3.

9 BANDA, H. K., cité, ANTUNES, José Freire, JORGE JARDIM, AGENTE SECRETO….op. cit. p. 166.

4.

0Noyau des Etudiants Secondaires Africains du Mozambique

4.

1Centre Associatif des Noirs du Mozambique

4.

2Eglise Presbytérienne du Mozambique

4.

3 Voir à ce propos le Chapitre II.

4.

3 A.-D. Clerc et E. Mondlane avaient des liens qui remontaient aux années quarante. Formé en Droit et Directeur des Ecoles de la Mission Suisse, A.-D. Clerc fut enseignant et père spirituel de E. Mondlane. A ce titre, il lui doit l’initiation quant à la critique sociologique des faits sociaux et l’orientation de ses études en sociologie. Ces liens ont été renouvelés et furent également productifs dans la construction de supports pour la formation du mouvement anti-colonial.

4.

4Commission de l’Aide aux Etudiants Africains. Voir aussi CHISSANO, J., « Génèse da Frente de Libertação de Moçambique »…art. cit.

4.

5Bernado HONWANA, Manuel BANZE, Eulalia MAXIMIANO, Eneas COMICHE, Pascoal MOCUMBI, Jorge Mabai TEMBE, Almeida MATOS. Ceux-ci se sont joints aux autres, qui faisaient des études au Portugal : Mariano MATSINHE, Lourenço MUTACA, Mario da Graça MACHUNGO, Eneas COMICHE, Ana SIMAO, Salomao MUNGUAMBE, Jorge TEMBE, Henrique COMICHE, tous avec un coursus d’apprentissage d’organisation de l’action protestaire au niveau du NESAM, au Mozambique. cf . MANGHEZI, Nadja, op. cit., p. 212 ; CHISSANO, J., « Génèse da Frente de Libertaçao de Moçambique »…art. cit.

4.

6 Union des Etudiants Mozambicains.

4.

0 WAHL, Jean, cité, MALEK, Chebel, La formation de l’identité politique, Paris, Editions Payot & Rivages, 1998, 207p, p. 93.

4.

1 ZALLONI, M., cit., ibidem., p. 74.

4.

2 Les crises survenues dans le mouvement ont été interprétées comme l’effet d’un conflit de classes au sens marxiste du terme. La réflexion qu’on en fait au chapitre introductif, reprise dans ce chapitre, s’écarte de cette approche du fait de son inneficacité explicative des hypothèses servant de fondement à la pensée marxiste. Pour les détails au sujet de conflits dans le FRELIMO aussi bien que sur la nature des acteurs y prenant part, voir notamment, BRAGANÇA, Aquino et al., Quem é o inimigo (II), ? Os Movimento de Libertação Nacional, Lisboa, Iniciativas Editorias, 1978, 316p, pp. 174-214.

4.

3 BRITO, L., « Une relecture nécessaire : la genèse du Parti-Etat », Politique Africaine, (29), Mars 1988, pp. 15-28.

4.

4 D’après Samora MACHEL, le successeur d’Eduardo Mondlane à la Présidence du FRELIMO (1970-1986) et Président de la Republique Populaire du Mozambique (1975-1986) : « /…./ Le FRELIMO était déjà un Etat à l’intérieur de l’Etat, il est né du processus de la lutte /…/. », voir Samora MACHEL, « Criemos o Partido de Vanguarda para construir o socialismo », Tempo, n°319,…art. cit., pp. 16-21.

4.

5 on s’inspire de NADEL, S.F., “La notion d’élite sociale”, Bulletin international des sciences sociales, (8), 1956, pp. 415-429, p. 419.

4.

6DECRAENE, P., cité, ROY, Maurice-Pierre, Les régimes politiques du Tiers Monde, …op. cit., p. 312.

4.

7 Parmi des nombreux cas d’étude, deux espaces politiques font l’objet de l’analyse Maurice-Pierre ROY. Pour lui, « La raison d’être de l’Etat fédéral du Nigeria fut de fournir un cadre institutionnel moderne aux grandes ethnies ; la région n’eut d’autre fondement que l’ethnie. Les Northen Peoples Congress (NPC) représenta les Haoussas et les Fulanis du nord ; la National Convention of Nigerian Citizens (N.C.N.C.) fut l’expression des Ibos de l’Est ; l’Action Group (A.G.) celle des Yorubas de l’Ouest. Chacun des trois grands partis joua un rôle nettement majoritaire au sein du gouvernement régional. /…/ Pour l’essentiel, le multipartisme au Nigéria se traduit par un faisceau de partis dominants, par l’épanouissement de la division ethnique et non par sa répression » ; Selon la même logique, il se rapporte au Zaïre : « Le Zaïre est caractérisé par une extrême diversité des races et des langues. L’implantation et l’organisation des partis politiques se sont profondément ressenties du morcellement ethnique du pays, et l’on a assisté à la création d’une multitude de partis ethniques locaux. A l’occasion des deux élections législatives de 1960 et 1965, la bataille s’est livrée non pas entre doctrines et programmes politiques rivaux mais entre leaders actifs, soutenus par des tribus sympathisantes. Les élections de 1960 ont vu la naissance d’environ 80 partis, celles de 1965 d’un peu plus de 200 partis, fronts, mouvements, unions, rassemblements et blocs », idem.

4.

8 EISENSTADT, cité, TIMSIT, Gérard, « L’Administration » in GRAWITZ, M.-LECA, J(Direction)., Traité de science politique. 2. Les régimes politiques contemporains, Paris, PUF, 1985, pp. 446-507, p. 450.

4.

9 LANDAU, cit., Idem.

5.

0 On s’appuie ici sur l’apport théorique d’E. FRIEDBERG, pour qui « l’action sociale, quel que soit le champ concret dans le lequel il se déploie, est conceptualisée et, comme toujours, médiatisée par un ensemble plus ou moins stabilisé et articulée de jeux dont les règles et mécanismes de régulation structurent les processus d’interaction, c’est-à-dire d’échange et de négociation, à travers lesquels les acteurs concernés règlent et gèrent les dépendances mutuelles, en même temps qu’elles sont entretenues par elle. Producteurs d’un ordre local, ces jeux - et les règles, conventions, normes et valeurs sur lesquelles ils reposent et qu’ils induisent à la fois – sont à la fois des construits sociaux, c’est-à-dire le produit inégalement stabilisé de comportements individuels ou collectifs et de leur composition. L’ordre qu’il produit est toujours à la fois contingent au sens fort du mot, qui désigne la dépendance de cet ordre, par caractéristique d’un conteste en même temps que son caractère indéterminé et donc arbitraire et problématique », Voir FRIEDBERG, Erhard, Le pouvoir et la règle : dynamique de l’action organisée, Paris, Seuil, 1993, 387p, pp. 111-112 ; Pour une discussion et une présentation plus approfondie du concept de système d’action, je renvoie à CROZIER, M. et FRIEDBERG, E., L’acteur et le système…op. cit. (notamment pp. 203-215 et 239-251.).

5.

1 Cf. MOCUMBI, P., cit., MANGHEZI, Nadja, op. cit., p. 219.

5.

2 Cf. Rapport envoyé à l’ONU et à J. NYERERE (Président du Tanganyka) par le Ministère de l’Intérieur du Tanganyka, cit., MANGHEZI, Nadja, op. cit., p. 214.

5.

3 Voir des photos infra.

5.

4A titre d’exemple, on retient Oskar KAMBONA, à l’époque ministre des affaires étrangères ; Nsilo SWAI, ministre sans portefeuille et ambassateur aux EUA et Rashid KAWAWA, Premier ministre.

5.

5 Cf. OFFERLE, Michel, op. cit, p. 55 ; Voir aussi notre reflexion supra, basé sur l’apport théorique de R. Michels et M. Duverger.

5.

6 Le témoignage de Joaquim CHISSANO, à l’époque président de l’UNEMO, est, à ce sujet, éclairant : « A. GWAMBE, puisqu’il croyait à la puissance de notre organisation, est venu nous voir, à la recherche de l’aide pour son mouvement. Moi-même et MOCUMBI, parce que nous partagions l’opinion de MONDLANE, nous avons lui dit que nous n’adhérerions pas ni à l’UDENAMO ni au MANU, sauf si nous constituions un front uni par les deux groupes politiques. Invité par A. GWAMBE, Je me suis rendu à Dar Es-Salaam (Tanganyika) pendant les vacances de pâque de 1962. Le leader de l’UDENAMO m’a alors présenté aux dirigeants de sont parti. Un comice a à ce propos été organisé et il fit croire que moi et mon organisation, l’UNEMO, nous étions affiliés à l’UDENAMO. J’ai résolument rejeté ces tentatives de l’UDENAMO, bien qu’il ait été sous la recommandation de A. GWAMBE et que l’ambassade du Ghana, à Paris, a supporté les frais de mon voyage. A partir de Dar Es-Salaam, j’ai demandé A. GWAMBE de contacter M. Molle, président du MANU, et Malinga Milinga, son adjoint. Dans ces rencontres, j’ai essayé de convaincre les leaders de ces partis sur la pertinence de l’unification de deux mouvements. Je me suis apperçu qu’il y avait des frictions opposant A. GWAMBE et d’autres membres de l’organisation », Cf. CHISSANO, J., « Génese da Frente de Libertaçao de Moçambique », SAVANA,….art. cit.

5.

7 Cf. MONDLANE, Janet Rae, cité, MANGHEZI, Nadja, op. cit., p. 219

5.

8 Outre le président du mouvement, Urias SIMANGO, titulaire du poste de vice-président ; David MABUNDA, en poste de secrétaire géneral ; Paul GUMANE, secrétaire-géneral adjoint ; Marcelino dos SANTOS , secrétaire pour les affaires étrangères.

5.

9 Cf. « Historicos Documentos do I Congresso da FRELIMO : Congresso da FREMO”, Tempo n°330, 30.1.1977, pp. 24-29.

6.

0 80 délégués et 500 observateurs ont participé au 1er congrès du FRELIMO. Idem.

6.

1 La formation du FRELIMO a d’ailleurs entraîné de nouvelles dynamiques. José Baltazar CHAGONGA, le leader de l’UNAMI ne voyait aucun problème dans l’intégration de son Organisation dans le FRELIMO, à condition qu’elle soit considérée comme une structure autonome et avec une identité propre. Cela a bien évidemment soulevé des problèmes. Malinga MILINGA et Matheus MOLLE ont abandonné le FRELIMO pour fonder, au Kenya, le nouveau MANU. A. GWAMBE, le leader de l’ex-UDENAMO, n’a pas participé au congrès constitutif du mouvement de libération pour lequel E. MONDLANE avait été élu président, sous prétexte qu’il allait voyager en Europe. Ce fait est associé au fait que le premier s’est rendu compte qu’il n’était pas à même de faire concurrence à ce dernier. De retour de l’Europe, il s’est fixé en Egypte. A. GWAMBE a formé, dans ce pays, la nouvelle UDENAMO. MABUNDA, GUMANE, MALHUZA et Narciso MBULE, reliés à GWAMBE par trajectoire politique depuis la Rhodésie du sud, ont quitté le FRELIMO pour rejoindre à la nouvelle UDENAMO.

Produite par des dissensions entre A. GWAMBE et GUMANE, une nouvelle formation politique s’est manifestée sur la scène politique en 1964. Il s’agissait du Front Uni et Anti-impérialiste du Peuple Africain du Mozambique (FUNIPAMO), dont le leader était A. GWAMBE. Par les notions de « Front », et de « Anti-impérialiste », ce politicien voulait faire passer deux messages à l’audience : d’abord, le FUNIPANO serait le résultat d’un ralliement de la nouvelle UDENAMO et du nouveau MANU, dirigé par Malinga MILINGA et Matheus MOLLE (membres de l’ethnie Maconde du Nord du Mozambique) ; ensuite, ce groupe politique serait à l’écart d’E. MONDLANE et du FRELIMO du fait de leur ouverture aux adhérents blancs et à la coopération avec les groupes et/ou institutions américaines, parce qu’ils n’étaient que des symboles du colonialisme et de l’impérialisme. E. MONDLANE, à l’instar de son épouse, Janet Rae, qui est blanche d’origine américaine, fut par conséquent accusé d’être un suppôt de l’Amérique, plus particulièrement de l’Agence de l’Information Américaine (CIA). La logique de ce discours ne peut être appréhendé que dans le cadre de la concurrence entre ces formations politiques à propos de leur articulation avec des agences humanitaires ou d’autres acteurs appuyant la lutte anticoloniale, en Afrique ou ailleurs. Cet enjeu supposait la construction d’une image négative d’E. MONDLANE. Voir CHISSANO, J., « Génese da Frente de Libertaçao de Moçambique » SAVANA…art. cit. ; MANGHEZI, Nadja, op. cit., p. 241.

6.

2 Voir à ce propos « Communique of the Central Committee », Mozambique Revolution, Appril-June 1970, n°43, pp. 4-11.

6.

3 Ces groupes politiques sont indissociables de l’action des dissidents du FRELIMO. Il avait en Tanzanie un Conseil des vieux – nommé, en Ki-swahili, le Baraza la Wazee - du FRELIMO, pour qui le mode patrimonial du rapport au politique était la référence fondatrice et de l’action politique. Ce Conseil des vieux s’est allié à A. GWAMBE, affichant une nouvelle désignation, le Mozambique Revolutionary Conseil (MORECO). Composé par des mozambicains qui habitait au Tanganyika depuis longtemps, A. GWAMBE et son groupe, le FUNIPAMO, essaya de s’en servir pour faire croire qu’il s’agissait d’une formation politique populairement prestigieuse. Cet effort s’est également orienté dans le sens de persuader les autorités tanzaniennes et certains ambassades à Dar Es-Salaam pour qu’ils appuient le MORECO.

Paulo GUAMBE, dissident de l’ex- UDENAMO créa le COREMO (traduction en anglais du nom MORECO), en 1965. Accueilli par le gouvernement zambien, le COREMO a établit son siège à Lusaka. Le leadership se composait de personnalités qui avaient quitté le FRELIMO, tels Adelino GWAMBE (ex-Secrétaire général du FRELIMO) Manuel G. MALHUZA (l’ancien vice-président de l’UDENAMO), Paulo GUMANE et Amos SUMBANE. David MABUNDA s’efforça d’entreprendre l’articulation sommet-base. Il s’est par ailleurs constitué un appareil militaire, qui a été employé pour mener des activités militaires dans quelques points de la province de Tete (Nord-Ouest du Mozambique). Le COREMO a ainsi crée des blocages à l’implantation du FRELIMO dans la région. Secoué par des crises par manque de cohésion politique au sommet, ce groupe s’est d’autant plus fragilisé qu’il donna naissance à d’autres groupes politiques. Le Parti du Peuple Mozambicain (PPM) et l’Union Nationale Africaine de la Rumbézie (UNAR) ce sont des groupes politiques issus de la désintégration du COREMO. Le Président de l’UNAR, Amós SUMANE, dans une lettre adressée au secrétaire-géneral du COREMO s’est exprimé dans des termes suivants quant au programme de son groupe politique : « Je suis en trains de modifier le programme et les plans concernant la stratégie de libérer ce territoire du Nord du Mozambique. Nous ne devons pas perdre du temps en nous associant aux gens du Sud du Mozambique pour ce qui est de la politique. Nous tous, originaires du Nord, devons nous rassembler les uns aux autres, au profit de nos programmes mais non avec ces gens-là ». La référence par A. SUMANE au « territoire du Nord du Mozambique » s’explique par le fait ce groupe politique souhaitait négocier la construction d’un Etat entre les fleuves Zambèze et Rovuma, ce qui entraînerait la séparation de cette région de celle du Sud de Mozambique. Voir TAJU, Gulamo, « Renamo : os factos que conhecemos », in Cadernos de História , Maputo, Dept. de Historia da UEM, (7), 1988, pp. 5-32, p. 7.

6.

4 Tout mouvement armé de libération nationale subit des surdéterminations nombreuses : il lutte sur un territoire dont les frontières et la configuration ont été fixés avant la guerre de libération. Il combat un ennemi qu’il n’a pas choisi. Ses avant-gardes s’enracinent dans un champ culturel, naissent d’un processus d’acculturation qui est éminemment contingente, conjoncturelle. Cela illustre bien le processus du conflit colonial angolais. Si le Mouvement Populaire de Libération d’Angola (MPLA) a, sur une base sociale multiethnique, déclenché la lutte anticoloniale, il s’est toutefois vu concurrencé par l’Union Nationale pour l’Indépendance d’Angola (UNITA) et le Front Nationale pour la Libération d’Angola (FNLA). La puissance de ces mouvements s’est structurée, parmi de nombreuses sources de soutiens, grâce aux appuis du Zaïre et de la République Populaire du Congo. Voir, par exemple, à titre comparatif, ZIEGLER, Jean, Contre l’ordre du monde. Les rebels, Paris, Ed. du Seuil, 1983, 336, pp. 235-254 ; TALI, J.-M. Mabeko, « ‘Tribalisme’, ‘Regionalisme’ et Lutte de Libération Nationale : La question ‘tribale’ et ‘etnolinguistique’ dans la dissidence au sein du MPLA dans l’Est Angolais en 1969-1974 », Année Africaine 1992-1993, pp. 463-486 ; « Os Movimentos anti-Mobutistes », Tempo n°344, 8 de Maio de 1977, pp. 14-15 ; « Alguns factos da História do MPLA », Tempo n°271, pp. 39-44.

6.

5 Voir MONDLANE, Eduardo, « Tribos e grupos étnicos moçambicanos – seu significado para a luta de libertaçao nacional », in REIS, Joao & MUIANE, Armando (Editor), DATAS e DOCUMENTOS DA FRELIMO, Lourenço Marques, Imprensa Nacional, (2a edição) 1975, pp. 73-74.

6.

6 Conférence de Coordination des Colonies Portugaises, dont le siège était à Rabat

6.

7 Voir des commentaires au chapitre introductif.