3.2.2. E. MONDLANE, FRELIMO et construction de centralité politique

L’organisation du FRELIMO est survenue dans un contexte de tensions et de scissions politiques, entraînées par des luttes factionnelles. Ce cadre s’apprête à l’illustration de la façon dont l’entrepreneur s’est livré au travail politique en faveur de la construction d’une communauté d’action. Interrogeant cette réalité sous cet angle, on ne peut que se proposer d’expliquer l’ensemble des ressources mises en œuvre pour l’engendrement de cette communauté. La reprise de ce défi se présente pertinente, semble-t-il, pour éclairer la logique de la mise en relation d’individus et de sous-collectifs sociaux aux intérêts et propriétés sociales distinctes mais interdépendants. On considère ce construit comme un espace d’échanges, même si ceux-ci ne se tiennent qu’à l’échange de biens symboliques, pour appréhender l’articulation des réseaux avec les stratégies de l’action sociale de ceux qui en sont les acteurs.

L’infrastructure reliant ces éléments et les ressources pour la construction de la dominance dans l’organisation anticoloniale – parce que support de son fonctionnement-, ce sont des faits qu’on s’efforcera d’éclairer. Il semble que, à ce propos, l’imbrication de l’appareil et des réseaux sociaux ait été productive dans ce sens. La déconcentration politique, du fait de la diversité des espaces socioculturels, se serait également avérée comme une ressource entreprenante.

Traduite par un appareil politique ayant une certaine capacité d’encadrement et d’allocation de ressources, la construction de cette dominance a été une entreprise socialement partagée. E. MONDLANE et son épouse, par leur capacité de se mettre rationnellement en rapport avec plusieurs cercles sociaux, s’y sont résolument employés. Les liens d’E. MONDLANE avec des responsables politiques de plusieurs Etats, avec ceux du Tanganyka en particulier, lui permettaient d’influencer l’opinion publique en faveur de la lutte anticoloniale. Il a pu participer à la réunion de chefs d’Etats africains, tenue à Addis-Abeba en mars 1963. L’apport majeur de ce sommet s’est traduit par la création du Comité de Libération (CL) au niveau de L’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Ayant adhéré au CL, certains pays68 sont parvenus à l’entendement de destiner 10% du budget annuel de leurs Etats à l’appui des mouvements de libération.

Le recours à la violence armée était, selon E. MONDLANE, envisageable surtout si O. SALAZAR persistait sur le chemin prônant la persistance du régime colonial. Bien qu’un bon nombre de pays se soit montré coopératif pour l’entraînement de guérilleros du FRELIMO, E. MONDLANE choisit de parvenir à un accord dans ce sens avec le FLN69, de l’Algérie. Il y envoie les premiers 250 recrutés. Appartenant à plusieurs espaces ethniques, la majorité étaient issue de la population réfugiée au Tanganyika, celle de l’ethnie maconde. Dans le second groupe, également composé de 250 éléments, y figurait l’infirmier Samora MACHEL, venu en exil au Tanganyika en 1963 et qui sera plus tard le successeur d’E. MONDLANE. L’ex-URSS, la Chine, l’Israel70 et l’Egypte sont d’autres pays qui ont fourni de l’aide militaire au FRELIMO.

E. MONDLANE avait déjà réussi à obtenir l’autorisation des autorités du Tanganyika pour y implanter des bases pour l’entraînement de guérilleros. A cet effet, le premier camp d’entraînement au sud qui a été mis en place est celui de Kôngwa. Puis, parce que ce camp se trouvait très loin de la frontière du Mozambique, il s’est présenté utile du point de vue stratégique de construire celui de Nachingwea71, au sud du Tanganyika. Ce fut dans ces camps que les guérilleros du FRELIMO, dont l’augmentation croissante des effectifs étaient estimés à 8000 personnes72, en 1966.

Par ailleurs, E. MONDLANE voyagea dans plusieurs pays dans le but d’informer l’opinion publique internationale sur les projets du FRELIMO. Les pays visités étant à l’époque ceux de l’Est et ceux de l’Occident, on s’aperçoit de la difficulté du leader du FRELIMO d’affilier l’organisation anticoloniale à l’un des blocs internationaux (Est ou Ouest) en concurrence politique, lors de l’époque bipolaire. C’est d’ailleurs de MONDLANE qu’on apprend, à travers une lettre adressée à son épouse à partir de Genève, l’existence à l’intérieur de l’organisation anticoloniale d’une faction marxiste, avec laquelle il n’entretient que des rapports politiques : L’ami de Claire s’appelle Damin, il est espagnol. Il nage dans du marxisme-léninisme de la lignée chinoise. C’est pourquoi il ne s’aperçoit pas de la valeur du sens humain. /…./ nous nous sommes immédiatement engagés dans un débat intéressant. /…./ il m’a aidé à comprendre mes collègues marxistes dans le FRELIMO73.

MONDLANE justifia ses efforts de se relier à des Etats de l’Est ou de l’Occident, sans tenir compte de leur orientation politique dans des termes suivants : mon souhait est d’obtenir de ces gens de l’aide financière et matérielle…la même raison qui m’amène à visiter l’Union soviétique maintenant et non plus tard. Nous avons besoins d’argent maintenant, car, sinon, nous n’aurons pas de moyens pour l’étape suivante de notre travail74.

Janet Rae MONDLANE n’a pas été en dehors de ce rapport rationnel à de multiples cercles sociaux. Dans leurs visites au Mozambique en 1961 puis aux camps de réfugiés en Tanganyke, elle s’est rendue compte combien la création de l’opportunité d’accès à l’enseignement pour les exilés était un besoin pressant. A l’appui, MONDLANE demanda au Ministère de l’Education du Tanganyke la construction d’une école, qu’on appellera l’Institut Mozambicain (IM).

La tâche d’organiser et de diriger l’IM a été confiée à Janet MONDLANE. Le Conseil Administratif de l’Institut a été structuré de façon à intégrer des personnalités liées à l’Université de Dar Es-Salaam, à l’Institut Afro-Américain (IAA) et d’autres Institutions. Cela créait pour l’IM une autonomie, dans le cadre du mouvement de libération. Sociologue, originaire des EUA, ses connaissances de l’espace américain se sont avérées porteuses pour ce qui est de la mobilisation de l’aide. Grâce à l’influence de Frank Sutton, personnalité du cercle relationnel de la famille MONDLANE, Janet Rae a réussi à obtenir un financement de la Fondation Ford et de l’IAA.

La guerre étant déclenchée en 1964 dans les districts du Nord du Mozambique, le nombre de réfugiés s’accroissait de plus en plus. L’expérience de construction d’écoles pour la population s’est étendue à d’autres régions, y compris celles du Nord, libérées de l’Administration coloniale : des écoles ont été construites et des cours d’alphabétisation pour adultes ont été mis en place en 1965 à Rutamba et à Tunduru (Tanzanie), pour un univers de 12.000 réfugiés, originaires de Cabo Delgado et de Niassa (Nord du Mozambique); en 1966, Janet Rae avait sous son contrôle 72 écoles dans les zones libérées, permettant à 7000 enfants l’accès à l’éducation formelle75. Des organisations religieuses Tanzaniennes, la Fondation Friedrich Ebert, des organisations des pays scandinaves ont plus tard adhéré au mouvement de prestation d’assistance à l’éducation, dans les zones sous le contrôle du FRELIMO. En octobre 1966, le CC du FRELIMO se prononçait dans les termes suivants sur le rôle de l’éducation : « former des cadres pour assurer les tâches d’action politique et armée et pour les tâches de reconstruction nationale, et surtout, celles de production ». L’école est considérée comme un appareil auquel on a assigné une fonction précise, celle de « promouvoir continuellement le niveau de conscience politique et culturelle des militants du FRELIMO » aussi bien que de « ceux aux prises avec des tâches de reconstruction »76.

Cette pratique met en ressort une réalité qui nécessite d’être appréhendée autrement, pour ce qui est de la capacité d’E. MONDLANE de structurer l’organisation anticoloniale. L’accès et la maîtrise de ressources politiques lui ont sans aucun doute apporté des moyens de traiter les problèmes sociaux comme des faits appelant réparation. Les rapports sociaux à la base de cette réparation survenant dans un contexte où des sous-ensembles ethniques sont en conflit avec le système en place, ils deviennent une source de liens entre le cercle intérieur de l’organisation et les adhérents. Par le principe de la dette préalable, ce cercle intérieur réussit à mettre en œuvre des liens solidaires rendant l’organisation, suivant J. Donzelot77 une « expression visible du lien invisible » entre égaux et inégaux, mais qui rend tangible l’interdépendance de tous.

MONDLANE exploitera dans ce système de rapports sociaux des ressources symboliques en faveur du projet de l’organisation anticoloniale au-dessus de l’ethnie, de la tribu ou du clan, en vue de la construction d’une société globale avec toutes ses différences –l’Etat. Le mouvement anticolonial s’avérera donc non pas à l’encontre de l’ethnicité78, parce qu’elle est la toile de fond de l’expression culturelle de chaque espace social. C’est la raison pour laquelle, semble-t-il, le FRELIMO eut recours à certains éléments structurant l’identité de chaque espace social pour la mobilisation politique. Mais l’organisation anticoloniale s’avérera à l’encontre de l’ethnisme du fait que les groupes qui s’en inspirent, utilisent toute sorte de particularismes comme références politiques, ce qui menace le projet de société globale79.

Parce qu’il s’agit d’une entreprise politique, les démarches d’E. MONDLANE pour entreprendre un cadre multiethnique d’action ne se dérouleront pas sans heurts. Elles seront toutefois au principe de l’organisation politique anti-coloniale tenant pour référence un intérêt général auquel est indissociable la construction du Mozambique comme société globale : les ressources politiques mises en œuvre pour apporter des réponses à des problèmes sociaux dans un espace social hétéroclite ont été à l’origine d’un lien fédérateur de gens de plusieurs ethnies, participant à la formation des rouages de l’organisation anti-coloniale.

En raison de son apport entreprenant, la présence d’éléments de plusieurs espaces ethniques dans l’organisation ne sera pas sans utilité politique. La guerre, comme la définit Michel Adam, est « un mode de relations sociales » qui se traduit par « un rapport de forces entre groupes humains »80. Elle sera donc une entreprise indissociable de la mobilisation sociale. D’ailleurs, le conflit colonial, sous sa forme violente, se déclenchera non pas au sud, l’espace d’où fut originaire E. MONDLANE, mais dans le pays de macondes et des ajauas, deux ethnies du Nord du Mozambique.

La mobilisation sociale et la communication politique sont à la fois des sources de comportements politiques. Qui, dans l’organisation anticoloniale, pouvait y faire passer les messages entraînant la passion politique ou l’évaluation positive du projet de combat, dans ces espaces ? Si la politique suppose, comme le dit Jean Widmer81, l’existence d’un lien étroit entre la communauté de parlants, l’inégalité entre ces derniers et l’incertitude sur l’ordre de cette inégalité, les sociétés multiethniques seraient-elles dépourvues de ressources propres de communication ? Comment fonctionne la chaîne du social et au nom de quelles représentations parviennent les acteurs politiques dans ces sociétés à légitimer nouvelles pratiques sociales ?

Notre réponse se limitant à l’état d’esquisse, on se contente pour l’instant de remarquer que la mobilisation ne survient que par la mise en œuvre d’un certain nombre de ressources explicatives de l’efficacité du langage de médiation. Dans les pays industrialisés, puisque le politique puise dans l’espace public les moyens d’intermédiation, les médias y jouent un rôle d’une transcendante importance, dans la détermination des préférences et des passions politiques. Dans l’espace entre la tradition et la modernité, cette expérience butte sur la réalité de la territorialisation des interlocuteurs par référence à l’espace, local, communautaire, ethnique, religieux. Cela explique également la territorialisation des interlocuteurs de la communication et une territorialisation des références. Cela fait que l’efficacité de la communication se fonde sur les éléments définissant l’ancrage de l’individu dans le groupe ou l’espace social.

Pour E. MONDLANE, si dans le contexte multiethnique la mobilisation politique se heurte à l’absence des attaches sociales au concept de Nation, cette réalité n’est toutefois pas un blocage au projet de société globale :

‘Il n’y a pas de contradiction entre la réalité de l’existence de diverses ethnies et l’unité nationale. Nous luttons ensemble et, unis, nous créons une nouvelle réalité. La nation82 mozambicaine, à l’instar d’autres nations du monde, est composée de peuples se différenciant dans leurs traditions et leurs cultures, mais unis par une expérience historique et le même destin politique, économique et social83’

Pour ce qui est de la mobilisation politique, la déconcentration se présente comme une ressource structurante dans la construction d’une société globale sur une base sociale multiethnique. E. MONDLANE s’est d’autant plus aperçu de ce fait qu’il a dû intégrer dans ses cercles des gens de plusieurs ethnies, entretenant avec eux des relations formelles et informelles. Engagés dans le mouvement anticolonial dès leur plus jeune âge, pour les uns le leader du FRELIMO et son épouse ont parrainé leurs mariages84 ; pour d’autres, il a été le conseilleur du mariage interethnique85. Au moyen de cette pratique, il s’est déterminé un champ de construction de liens d’affinités entre groupes auparavant non apparentés. Etant fondés sur des liens positifs dans l’ordre d’appartenance, ces relations créent, comme l’ont remarqué M.Crozier et E. Friedberg,86 des solidarités nécessaires au fonctionnement de l’organisation. Le mariage est une institution qui crée un cadre de liens serrés entre des personnes à statuts différenciés. Pour ce qui est de leurs réseaux relationnels, d’après Granovetter, les liens forts poussent les gens à « y consacrer du temps : il donne lieu à l’intensité émotionnelle, il donne lieu aussi à de l’intimité (par des confidences mutuelles), et il se traduit par les services réciproques 87». A. Degenne et M. Forsé ont associé ce cadre de rapports sociaux « à la multiplicité de la relation, c’est-à-dire à la pluralité des contenus de l’échange entre les participants88 ».

En effet, cette particularité des rapports humains n’a pas été sous-estimée par E. MONDLANE. Conscient de l’environnement social multiethnique de l’organisation, l’inclusion dans ses cercles relationnels des fils des espaces ethniques s’est avérée utile à deux égards : d’abord, étant donné que la mobilisation consiste toujours à activer des relations d’un réseau latent, le cercle intérieur de l’organisation anticoloniale s’est ainsi doté de ressources humaines en état d’entreprendre l’activité mobilisatrice dans des espaces respectifs ; ensuite, le noyau central du mouvement parvint ainsi à ébaucher la mise en réseau d’individus et de sous-groupements humains par des connexions entre acteurs sociaux.

Par la notion de fils de l’espace, on se référe à des individus qui, du fait de leur ancrage dans un espace communautaire ou ethnique, sont dotés de ressources symboliques qui leur permettent d’influencer l’opinion des gens de cet espace. Par leurs connaissances de la proximité réelle (le voisinage), de la proximité des lieux ; par leur appartenance à un groupe social, les fils de l’espace sont les connaisseurs des marques de solidarité qui signalent le lien social (ou l’exclusion) ; la participation et l’effectivité de l’appartenance, ainsi que le processus mis en œuvre dans cet espace pour la formation de l’opinion permettant aux fils de l’espace d’être pris en compte et d’être écouté. La référence à cet espace comme un territoire et un lieu de vie, où se jouent les conflits et l’effet des décisions en matière d’inégalités de tous ordres, est une ressource politique. Le lieu étant totalement pénétré par la communication, il est l’un de facteurs de la construction du sens de liens existants entre les individus, des modes de production de l’opinion politique, par référence à leur situation collective.

S’encadrant dans la pratique qu’on qualifie de déconcentration politique, la puissance mobilisatrice de cette pratique s’avère entreprenante pour le mouvement anticolonial. En effet, avant le déclenchement de la guerre les fils de l’espace maconde entreprirent un travail de mobilisation dans leur zone : la connaissance des us et coutumes, la maîtrise de la langue locale (ci-makonde) et des parlers de chaque zone, se révélaient des ressources utiles89 . Moyennant ces éléments de la culture locale, les mobilisateurs et leurs audiences, dans un espace précis, construisaient l’intelligibilité du réel social conflictuel. Cette réalité étant ainsi appréhendée, elle ne pouvait qu’entraîner la représentation collective du besoin de l’adhésion au système d’action politique.

On se permet de retenir quelques exemples relatifs à cette stratégie de mobilisation, tout en se reportant à l’espace au Nord-Est du Mozambique, le ci-makonde et le swahili y étant des langues locales. Mueva MACUTA90, un vieux, résidait avec son épouse dans la localité de Muedumbe, qui appartenait au district de Mueda. Il a été contacté en 1962 par les militants du FRELIMO, avant du déclenchement de la guerre, pour qu’il s’engage dans le travail de mobilisation d’adhérents dans la région respective :

‘En 1962 les camarades du FRELIMO sont venus nous contacter et ils nous ont dit : nous avons une organisation qui se propose de libérer le peuple de la domination coloniale. On a été, moi et d’autres camarades, choisis d’organiser les gens de la région parce qu’on a été informé que la guerre allait commencer. Mon travail consistait à produire et à fournir des aliments aux guérilleros91. ’

Nambwenga CATITA92, issu du même espace, témoigne d’un rapport d’entre aide et de communication reliant population et guérilleros pour l’accomplissement des mêmes buts :

‘Nous étions attaqués plusieurs fois. Aussi, avons-nous construit des abrits anti-aériens et nous nous sommes organisés pour que nous ne soyons pas capturés par surprise par l’ennemi. Quelques-uns de la communauté s’occupaient de la vigilance alors que d’autres allaient à la ferme pour la production. Lorsque l’ennemi nous attaquait nous restions à l’abri dans la brousse alors que d’autres de nos camarades partaient à la base pour y annoncer la présence de militaires portugais. C’était pénible mais nous faisions face à ces situations parce que nous avions des aliments93. ’

Le déclenchement de la guerre en septembre 1964 à Cabo Delgado (Nord du Mozambique) est survenu dans ce cadre de rapports sociaux. Elle s’appuyait sur un rapport stratégique reliant les guérilleros et les paysans. Ces derniers cédaient de l’aide politique aux premiers dans les investissements contre les militaires portugais ou aux actions défensives ; les guérilleros symbolisaient, par leur mode de rapport aux espaces communautaires, la possibilité d’un changement socialement souhaité.

L’analyse en termes de réseaux permet de saisir l’enchaînement des interactions locales qui définissent le collectif d’action, dans un contexte où les rapports de forces, le rapport au camp ennemi, sont à la base de sa structuration. L’infrastructure reliant les éléments en interaction est repérable sous trois points de vues : d’abord, l’ordre politique coloniale et l’ensemble des biens matériaux et symboliques constituant le cadre matériel de son organisation ; ensuite, le sous-système organisationnel des guérrilleros, qui se présente, pour des raisons stratégiques, imbriqué à celui des communautés paysannes. Ce sous-système tient pour point structurant une base centrale, entourée par des bases sectorielles, notamment la base Beira, la base Macomia, la base Chicumusse et d’autres, soutenus par plusieurs détachements94. La coordination revient à un fils de l’espace et elle donne lieu à un appareil, le commandant provincial Raimundo Pachinuapa95. Entouré par d’autres guérilleros, locaux ou originaires d’autres espaces sociaux, cet appareil est en coordination avec le noyau central du mouvement, à Dar Es-salaam ; enfin, les communautés paysannes, qui sont l’un des segments sociaux des gouvernés, constituent l’objet de la compétition entre deux machines de guerre, le Frelimo vis-à-vis de l’armée coloniale.

Il y a lieu néanmoins de retenir que les communautés paysannes ne sont pas des acteurs neutres. Poussés par la nature inégalitaire des échanges avec le système colonial, par leurs répertoires culturels aussi bien que par les stratégies de mobilisation des guérilleros, ils entretiennent avec ces derniers des relations de coopération. Celles-ci s’appuient sur des réseaux variés, dont la logique relève de liens affinitaires, d’entre aide et de communication, qui concourent de façon coopérative pour l’action globale. Au niveau des espaces communautaires, à l’aide de leurs ressources symboliques ou de savoirs incorporés sur l’espace, les fils de l’espace parviennent à la position d’influents. Ils jouent donc un rôle important dans la production de l’opinion politique et dans la construction de l’enchaînement des acteurs sociaux.

L’interactivité du social et du politique dont ces sous-ensembles sont les intervenants, étant fondée sur les rapports de forces, produit ses effets. Peu avant le commencement de la lutte armée, environ 15.000 mozambicains96 originaires de Cabo Delgado (Nord du Mozambique) se sont exilés en Tanzanie. De nombreux hauts lieux de l’administration coloniale se sont exposés aux investissements des guérilleros et, de ce fait, abandonnés. La formation des zones « sémi-libérées », lors des années 1965 et 1966, découlait du retrait des portugais par manque de sûreté. Il s’est dès lors posé le problème de l’établissement du FRELIMO sur cette partie du Territoire aussi bien que de mettre en place un système d’administration alternatif à celui de l’Etat colonial.

Le recours à la mise en réseau d’éléments hétéroclites s’est aussi placé au cœur de la structuration, de forme violente, de la conflictualité politique à Niassa (Nord-Ouest du Mozambique), sous la coordination de l’élite des guérilleros. Domaine des populations a-yao et a-nyanja97 et de pratiquants de la religion protestante et islamique, l’imbrication des réseaux affinitaires, d’entre aide et de communication s’est de même avérée une source de soutiens et de collaborations en faveur de la cause anticoloniale. Une source coloniale s’avère éloquente au sujet de ce système de rapports sociaux :

Nous ne pouvons pas préciser le nombre de villages (ruraux) au Mozambique. L’habitat était clairsemé (dispersé). Dans une même chefferie, les peuplements s’éloignaient des kilomètres les uns des autres. Nous avions ainsi un ensemble de villages isolés, distribués sur une aire immense. Dans quelques-uns de ces villages, les guérilleros ont réussi à s’infiltrer. Ils se confondaient avec les gens de la communauté à laquelle ils appartenaient : tout en s’habillant de la même manière, lorsqu’il était opportun, les guérilleros sortaient de la vie civile pour mener des actions violentes. Celles-ci étant accomplies, ils retournaient au village pour se diluer avec la population98.

Cette réalité suggère qu’on s’interroge sur les modes de construction des accords et des désaccords entre les éléments participant à la construction de ce sous-système, en dépit de leurs logiques contraires et complémentaires, d’alliance et d’ostracisme, de centralité et d’autonomie. Pour ce qui est de Niassa, comme à Cabo Delgado, nos recherches nous ont permis de vérifier que l’entreprise de ce réseau politique se fonde d’abord sur un rapport privilégié entre les guérilleros et ceux qui détiennent l’autorité dans chaque espace. Etant cet espace plongé dans un environnement conflictuel, la mise en réseau entre le corps de guérilleros et les influents de chaque espace se présente opportune. Elle légitime l’accès par les premiers à des soutiens et des collaborations, qui sont la source importante de moyens d’action politique.

En effet, installée la première base des guérilleros à Chiwindi (Niassa)99, avant le commencement de la guerre, Osvaldo TAZAMA100 a dû s’entretenir avec les vieux appartenant à des communautés voisines. La rationalité de ces contacts avec les influents de l’espace peut être saisie comme la tentative de construction de coalition sur la base de la loi de variété indispensable d’Ashby101. Pour cela, suivant Burt102, un acteur peut avantager son capital social au moyen de connexions avec d’autres acteurs, ce qui lui donne accès à leurs ressources. On cherchera ainsi à contraindre les ressources normatives, statutaires ou actionneuses de l’adversaire auxquelles on s’oppose, plutôt qu’à en propager vers lui. Le sous-réseau que l’emporte sur l’autre est celui qui mobilise plus de capital connexionnel que son adversaire ou qui exploite des trous structuraux dans le capital connexionnel de cet adversaire.

Dans le contexte du Niassa103, la construction d’un cadre d’action qui pouvait favoriser les guérilleros supposait, dans la pensée d’E. MONDLANE, « un travail politique intense de préparation politique des populations104 ». En d’autres termes, la construction des réseaux d’entre aide et de communication, reliant des figures d’autorité et les porte-parole des espaces communautaires aux cercles de guérilleros apportaient des ressources pour la mobilisation politique. Le rôle de ces influents de chaque espace n’était pas seulement le lieu d’intersection de l’individuel et du social, mais aussi du culturel et du relationnel.

Ce fut dans ce cadre des rapports sociaux que les guérilleros ont eu des victoires signalables le long du Lac Niassa105. En dépit de la régression connue par la guérilla en 1966 à cause de la précarité de l’organisation et de la contre-offensive portugaise106, la base Chiwindi s’est révélée fondamentale. Elle rendit possible la diffusion des activités militaires le long de l’autoroute reliant les villes de Vila Cabral-Cobuè, Cobuè-Nova-Olivença et celle de Macaloge.107 Le point névralgique de l’organisation de ces opérations militaires, la base Chiwindi a du être abandonnée en 1966. La guerre s’était déjà étendue jusqu’à l’intérieur du district de Niassa, exigeant la mise en place de nouvelles forteresses. Le développement de la guerre explique donc que la base de Metomole108 (Niassa) soit devenue un important foyer des activités des guérilleros.

Quant à la construction de supports pour le déploiement de la guérilla, la façon dont S. MACHEL109 s’est mis en rapport avec l’espace de la chefferie MATACA illustre bien l’intérêt de la déconcentration politique. Celle-ci s’avère une démarche efficace pour la mobilisation de ressources, dans un contexte où les pouvoir locaux demeurent et se réclament de leur puissance, de pair ou en concurrence avec l’ordre global.

Héritier d’un royaume où le pouvoir politique et le religieux (islamisme) se présentaient imbriqués depuis le XIX ème siècle, le chef MATACA représenterait ce que dans le langage de M. Weber est tenu pour un patriarche. L’implantation de l’Etat colonial lui a certes privé de moyens de contrainte physique. Mais le chef MATACA s’est maintenu au centre d’un système de rapports sociaux qui lui apportait du pouvoir d’influence. MATACA était au centre d’un réseau islamique fondé sur des liens religieux, politiques et identitaires avec des confréries islamiques implantées tant le long de la zone côtière du Mozambique que de la Tanzanie110. Cette appartenance à l’umma, communauté de sentiments, de comportements et communauté de culture islamique111, se traduisait sous des formes multiples de solidarité. Au niveau de son domaine, MATACA symbolisait l’historicité et la mémoire sociale de l’espace, dont il était le représentant et le porte-parole. Dans le cadre de la politique administrative portugaise, le patriarche occupait une position incontournable dans la construction des accords et des désaccords. Outre la religion, son vaste patrimoine (re)créait autour de MATACA la cohésion sociale, fondée sur des liens de parenté, affinitaires aussi bien que des rapports clientélaires.

Pour les guérilleros, l’alliance avec MATACA a été considérée très utile pour l’avancement de la lutte d’autant plus qu’il était en conflit avec les Portugais. Retenons les ressources mises en œuvre par Samora MACHEL pour aller s’entretenir avec le patriarche, a fin qu’il s’engage dans le mouvement de libération :

‘Il (S. MACHEL- issu d’une famille protestante) s’est habillé comme un cheik /…/. Accompagné par un autre guérillero nommé MOYO – un fils de l’espace -, il est allé parler avec MATACA. L’objectif de SAMORA n’était pas de commencer la guerre tout de suite mais de conquérir MATACA pour le FRELIMO. SAMORA avait étudié les relations de pouvoir dans la région et il savait que MATACA dominait toute la population autour de lui. C’était un exemple classique d’un pouvoir traditionnel et sa parole était considérée comme la LOI. Par ailleurs, il s’opposait à la pénétration du colonialisme portugais. SAMORA a réussi à convaincre le chef MATACA d’adhérer au projet du FRELIMO avec tout son peuple. Ce qu’il devait faire, c’était de créer les conditions favorisant la guérilla, c’est-à-dire mobiliser la population locale pour ne pas quitter le territoire de Niassa et appuyer les guérilleros112.’

En effet, les compromis entre MATACA et le FRELIMO étant établis, il s’est ouvert un autre front de la guerre, le front du Niassa Oriental. L’avancement de la guerre allait de pair avec le retrait des portugais de plusieurs régions de Niassa113, ce qui permettait l’établissement du FRELIMO comme organisation politique. Après avoir réorganisé les supports et les stratégies de la guérrila114, la guerre a recommencé en 1968 dans la province de Tete, au Nord-Ouest du Mozambique. Le recommencement de la guerre à Tete s’est fait sans heurts, grâce à l’appui du gouvernement de la Zambie. Celui-ci a mis son territoire le long de la frontière avec le Mozambique à la disposition du FRELIMO, pour l’établissement des premières bases. La guerre ayant atteint la région de Tete, à l’époque où se déroulait la construction du barrage de Cahora Bassa, le FRELIMO a montré au monde que le conflit colonial ne se réduisait pas qu’à l’extrême Nord du Mozambique. Au moyen de cette dualité de systèmes politiques, l’organisation anticoloniale étendait le territoire sous son contrôle, dans le cadre de l’Etat colonial.

Eduardo MONDLANE : passages d’une vie
Eduardo MONDLANE : passages d’une vie
Notes
6.

8 La Guinée-Conakry, l’Ouganda, l’Algérie, le Tanganyka, la République Arabe Unie (Egypte), le Congo (Leopoldville), le Sénegal, la Sierre Lionne, le Nigeria et l’Ethiopie. D’autres pays se sont joins à ce mouvement.

6.

9 Front de Libération Nationale de l’Algérie

7.

0La coopération avec l’Israel a été interrompue à la suite de l’invasion à l’Egypte.

7.

1Voir l’annexe 18 : Les bases du Frelimo en Tanzanie (Kongwa et Nachingwea).

7.

2 Cf. MONDLANE, Eduardo, cit., CHRISTIE, Ian, Samora. Uma Biografia, Maputo, Ndjira, 1996, 268p, p. 82.

7.

3 Lettre d’E. MONDLANE à Janet MONDLANE (du 18/5/64), cit., MANGHEZI, Nadja, op. cit., p. 247.

7.

4 Il s’agit d’un extrait d’une lettre d’E. MONDLANE à Janet (son épouse) , datée 10/4/1964, - l’étape suivante dont E. Mondlane parle, concerne la lutte armée, cit., MANGHEZI, Nadja, op. cit., p. 247. Nous avons eu l’accès à l’agenda de voyages entrepris par E. MONDLANE, (cf. MANGHEZI, Nadja, op. cit., p. 243) :

En 1963 : Etats-Unis (15/oct. –15/nov.) ; Allemagne occidentale et Suisse-Génève (15/nov. – 25/nov) ; Chine (25/nov.-15/12).

En 1964 : Ethiopie, Ghana, Liberia, Sénégal, Suisse (Génève), Algérie, Suisse (Génève), Tunisie, Suisse (Génève), Union Soviétique (28/fév.-6/mai) ; Italie, Etats-Unis, Suisse (Génève), Israel, Egypte (20/juin –16/aoüt) ; Tchécoslovaquie et Allemagne Orientale (01/oct. –avant nöel)

.

Dorénavant, par le terme Tanzanie l’on se référe à l’ancien Tanganyka. Ce changement de désignation a été due à l’unification avec le Zanzibar entre 1964 et 1965.

7.

5 Cf. MANGHEZI, Nadja, op. cit., p. 268. Une expérience similaire a été mise en place dans le domaine de prestation des services de santé.

7.

6 Cf. CC du FRELIMO en octobre 1966, cit., GOMEZ, Miguel B., Educaçao moçambicana : Historia de um processo, 1962-1984, Maputo, Liv. Universitaria-UEM, 1999, 426p, p. 131.

7.

7 Cf. DONZELOT, Jacques, L’invention du social. Essai sur le déclin des passions politiques, Paris, Fayard, 1984, 263p, pp. 137-138.

7.

8 A certaines époques et dans certains contextes sociaux, l’ethnicité ne présente aucune pertinence dans les rapports sociaux. L’ethnicité est ainsi une variable dans l’histoire de l’humanité. L’essence mouvante de l’ethnicité ne peut être appréhendée que par rapport aux trois niveaux auxquels elle peut avoir des implications significatives dans certaines conditions, notamment :

-Le niveau individuel et microsocial : l’ethnicité revêt une dimension largement subjective. Elle correspond au sentiment, à la conscience d’appartenance qu’éprouve l’individu à l’égard d’un groupe ethnique au moins. Les groupes ethniques sont des ensembles d’individus qui croient en une communauté d’origine commune fondée sur une similitude de culture, de mœurs ou d’expérience, abstraction faite de l’existence objective d’une telle communauté (M. Weber).

Cette définition, d’inspiration subjective et primodialiste, n’est pas sans reproches. Actuellement, la plupart des chercheurs reconnaissent sans peine la multiplicité des identités. En effet, chaque individu peut se caractériser par plusieurs identité qui se matérialisent éventuellement de façon simultanée ou successive compte tenu du contexte historique, social, économique et politique. L’individu peut ainsi avoir le sentiment d’appartenir à un groupe professionnel, à un groupe sexuel, à une classe sociale, à une nation, à un groupe ethnique, etc. Ces différents éléments identitaires se structurent en principe en principe dans une identité composite qui permet à l’individu de prendre part à titre d’acteur à des interactions sociales. L’identité, en général, des individus n’est pas une donnée objective primordiale, intangible et immuable. Au contraire, elle est le produit d’un processus dynamique de construction sociale, historique et politique.

-Le niveau groupal et mésocial : Les groupes ethniques ne sont pas des réalités données, naturelles qui existent comme telles dans la société. Un ensemble de critères comme la couleur de peau, l’origine nationale, l’expérience migratoire, la religion, la langue parlée sont des éléments distinctifs d’un groupe ethnique. La mobilisation ethnique désigne les processus par lesquels les groupes ethniques s’organisent et se structurent sur la base d’une identité ethnique commune en vue de l’action collective (J. Nagel, 1994).

-Le niveau macrosocial : L’ethnicité correspond aux processus d’identification individuelle à une entité ethnique. L’ethnicité doit aussi être étudiée comme un processus de mobilisation groupale et comme un principe mobilisateur pour l’action collective. A ce niveau, l’ethnicité concerne les contraintes structurelles de nature sociale, économique et politique qui façonnent les identités ethniques et qui assignent les individus à une position sociale déterminée en fonction de leur appartenance imputée à une catégorie ethnique. L’ethnicité n’est plus simplement appréhendée en termes identitaires. Au contraire, l’accent est mis sur les contraintes structurelles qui s’imposent de façon plus ou moins décisive aux individus. Leur appartenance à une catégorie ethnique exerce une influence considérable sur leur existence sociale, professionnelle et culturelle aussi bien que sur leur biên-être matériel. Dès lors, l’ethnicité n’est plus tellement une question de choix individuelle et subjectif mais bien une obligation relative à laquelle doivent faire face les individus classés, parfois contre leur gré, dans une catégorie ethnique (B. Lal, 1983). Pour plus détails, voir MARTINIELLO, Marco, L’ethnicité dans les sciences sociales contemporaines, Paris, PUF, 1995, 127p, pp. 21-27.

7.

9 « Le passage de l’ethnie à l’ethnisme s’effectue par l’assimilation de situations manifestes d’inégalité à des identifications primordiales d’autre nature, de sorte que l’ethnie recréée devient un concept de combat accepté par l’essentiel de la population. La subjectivité de la mobilisation ethnique à des fins étatiques ou nationalistes (mis en valeur), s’articule sur l’objectivité de la marginalité politique, économique, pour créer ex nihilo une cristallisation effective », cf. DARBON, Dominique, cit., TALI, J.-M. Mabeko, artic. Cit., p. 473.

8.

0ADAM, Michel, « La Guerre », in ABELES, Marc –JEUDY, Henry Pierre (sous la direction de), Anthropologie du politique, Paris, A. Colin/Massou, 1977, 282p, pp. 91-92.

8.

1Voir WIDMER, Jean, « Langues et configuration de l’espace public », …art. cit., p. 226.

8.

2Les concepts de nation et de nationalisme sont devenus courants depuis les années soixante, dans le contexte de la décolonisation. Ils portent néanmoins des imprécisions faisant qu’ils aient un sens qui reste ambigu. Le nationalisme peut prendre la forme d’un mouvement ethnique, s’appuyant, en l’occurrence, sur le sentiment d’appartenance à une communauté nationale. Dans ce cas, nation et ethnie deviennent des réalités imbriquées car leurs membres prennent des valeurs culturelles partagées – langue et culture notamment – pour des facteurs d’identité et de mobilisation politique. Tout en rassemblant des groupes ou des communautés ethniques qui n’ont la domination coloniale que la seule référence commune, l’enjeu est ici à la fois la libération coloniale et l’intégration inter-ethnique. C’est pourquoi la lutte anticoloniale ira de pair avec la mise en œuvre des politiques visant l’uniformisation des institutions aussi bien que la construction d’un centre du pouvoir politique. Pour les details, voir BOGDANOR, Vernon (edited by), The Blacwell Encyclopaedia of Political Science, Oxford, Blacwell publishers, (1987), 1992, 667p, pp. 210-211 et 379-380.

8.

3Cf. MONDLANE, E., cité, REIS, Joao & MUIANE, Armando (Editor), op. cité. p. 78-79.

8.

4 « L’année de 1968 a commencé avec un heureux événement : Adelina et Pascoal MOCUMBI se sont mariés. Janet et E. MONDLANE ont été les parrains du mariage. Ce fut un mariage symbolique pour la communauté du FRELIMO ». Si son assassinat n’était survenu en octobre 1966, le mariage entre Josina Muthemba et Filipe Samuel MAGAIA (Le chef du département de défense du FRELIMO) mériterait, semble-t-il, le même honneur. Cf. MANGHEZI, Nadja, op. cit., p. 262-263.

8.

5 Il y a eu de nombreux mariages interethniques au cours de la lutte armée anticoloniale : les gens du sud se marièrent à des filles maconde ou ajaua.

8.

6 « Il n’est pas rare d’entendre dire que si l’on respectait strictement les règles, les organisations seraient paralysées. Il est en effet indéniable que les liens par lesquels l’information circule et une certaine forme informelle en permettent le fonctionnement effectif », cf. CROZIER, M.- FRIEDBERG, E., L’acteur et le système…op. cit.

8.

7 Cf. GRANOVETER, cit., LEMIEUX, V., Les acteurs sociaux…..op. cit., p. 25.

8.

8 A. DEGENNE, A.,- FORSE, M., cités, idem.

8.

9 Voir à ce propos MABOTE, Sebastião (General), cit., MOYANA, Salomão, « Em memória do general Mabote : Devemos distinguir guerrilha do terrorismo », SAVANA, 2.2.2002, pp. 2-4.

9.

0 Voir la photo infra.

9.

1 Cf. MACUTA, Mueva, cit., Tempo n° 304, 1 de Agosto de 1976, p. 28.

9.

2 Voir la photo infra.

9.

3 CATITA, Nambwenga, cit., Ibidem., p. 28.

9.

4 Cf. NWAKHONGUE, Martins, « Depoimento de um combatente do 25 de Setembro : o povo é que vai saber a politica da FRELIMO », Tempo n°312, 24 de Setembro de 1976, pp. 25-32, p. 32.

9.

5 A l’instar d’autres guérilleros de haut rang, Raimundo Pachinuapa, à travers sa trajectoire de guérillero, mobilisateur, stratège, commandant, s’est fait des capitaux lui apportant des crédits pour escalader la hiérarchie partisane et bureaucratique (Etat). Il tiendra après l’indépendance le poste de premier secrétaire du parti et de Gouverneur de Cabo Delgado.

9.

6Cf. CHRISTIE, I, Samora. Uma biografia…op. cit., p. 69.

9.

7 Voir l’annexe 4 : La carte ethnolinguistique du Mozambique.

9.

8 Cf. AGUIAR, Luiz, Livro negro da descolonizaçao,….. op. cit., p. 349.

9.

9 Par le nom Chiwindi les guérilleros ont baptisé leur première base. Elle a été construite dans un lieu stratégique, situé au croisement de la frontière entre trois pays, la Tanzanie – dans la province du Sud-Ouest de ce pays, Songuea, il y avait un camp de réfugiés mozambicains - , au Nord du fleuve Rovuma, le Mozambique, au Sud. À l’Ouest, il s’étendait le territoire du Malawi. Voir CARVALHO, Sol, « Niassa. Chiwindi na memoria da luta armada », Tempo n°480, 23 de Dezembro de 1977, pp. 32-35.

1.

00 Le chef du département de la défense à Niassa. Outre la prise en charge d’importants postes dans l’hiérarchie militaire, l’indépendance reconnue, il sera le premier secrétaire du parti, le gouverneur de la province de la Zambèze.

1.

01 La loi de la variété indispensable d’Ashby veut que seule la variété peut combattre la variété. La finalité qui oriente l’action virtuelle des sources et de leviers en direction de la cible est de combattre une variété indésirable chez la cible, c’est-à-dire des activités qui apparaissent contraignantes eu égard au bien commun. Voir LEMIEUX, Vincent, Les réseaux d’acteurs sociaux….op. cit., p. 80.

1.

02 Voir BURT, cité, ibidem., pp. 70-72.

1.

03 L’étendue du Territoire s’approche à celle de l’Angleterre mais, dans les années soixante, il n’y avait que 250.000 habitants. La baisse densité populationnelle et la dispersion de la population constituaient d’importantes sources de difficultés pour les guérilleros.

1.

04 MONDLANE, Eduardo, cité, « Seis combatentes », Tempo n°304, 1 de Agosto de 1976, pp. 27-31, p. 28.

1.

05 Cf. MACHEL, Samora, « Crítica e auto-crítica da luta de libertação », Tempo n°204, 18 de Agosto de 1974, pp. 3-4, p. 3.

1.

06 Idem.

1.

07 Suivant le témoinage d’un guérillero, « c’était la base à partir de laquelle nous nous alimentions. L’avancement de la lutte a dépendu de cette base – Chiwindi. L’importance de la forteresse pour nous venait du fait qu’elle se ravitaillait facilement en l’eau et nourriture et nous pouvions bien nous nourrir », Cf. TAZAMA, Osvaldo, cit., CARVALHO, Sol, “NIASSA : CHIWINDI, memoria da luta armada”, Tempo n°480, 23 de Dezembro de 1979, pp.32-35, p.34 ; voir également MABOTE, Sebastião (General), cité, MOYANA, Salomão, « Em memória do general Mabote : Devemos distinguir guerrilha do terrorismo », SAVANA, 2.2.2002, pp. 2-4.

1.

08 Cf. TAZAMA, Osvaldo, cité, CARVALHO, Sol, “NIASSA : CHIWINDI, memoria da luta armada”, TEMPO n°480, art. cité….. p. 35.

1.

09 Guérillero, mobilisateur, stratège, commandant, politicien, il s’est fait des capitaux politiques pour gravir la hiérarchie du mouvement de libération et, après l’indépendance, du parti-état au Mozambique. Responsable pour l’entraînement des guérilleros du FRELIMO à Nachingwea (Tanzanie) et Chef-adjoint du Département de Défense du FRELIMO (1964-1966) ; Chef du Département du FRELIMO (1966-1969) ; Membre de la présidence collégiale du FRELIMO (1969-1970) ; Président du FRELIMO (1970-1977) ; Président du Frelimo, parti marxiste-léniniste (1977-1986) ; Président de la République Populaire du Mozambique (1975-1986). Voir plus de détails infra.

1.

10 CONSTANTIN, François et al., « Les communautés musulmanes d’Afrique orientale », Travaux et Documents du CREPAQ, n°1, PAU, Université de PAU et des Pays de l’Adour, 1983, pp. 37-58 ; COULON, C., « Le réseau islâmique », Politique Africaine n°9, Mars 1983, pp. 68-83, p. 78 et suiv.

1.

11 L’Islam est une religion dont l’impact social et politique en Afrique orientale est à l’origine de nouvelles cultures depuis l’hégémonie arabe. Les principes de cette religion sont vécus comme normes chez les musulmans : ils ont les mêmes pratiques et comportements ; ils ont un même livre leur imposant les mêmes pratiques (fêtes, périlinages, aumome). Cet ensemble de croyances et de pratiques remodèle une identité et entraîne entre les membres de la communauté islâmique des relations de solidarité. Cf. COULON, C., art. cit., p. 68.

1.

12 Cf. CHRISTIE, I, Samora. Uma biografia…op. cit., p. 72-73.

1.

13 D’après Lord Kilbracken, « dans une aire d’environs 3000 milles, les Portugais, civils et militaires, se trouvent maintenant confinés à cinq forteresses isolées : Metangula, Maniamba, Cobue, Olivença e Nova Coimbra. Il n’y a qu’un seul colon qui ose à rester dans la région. Leurs maisons, auparavant aussi élégantes, se révélent aujourd’hui silencieuses et abandonnées. Et une grande partie des africains – qui appartiennent à l’ethnie nyanja – se sont réfugiés dans les montagnes et dans les îles ou sont allés en Tanzanie ou au Malawi. Dans toute la zone de guerre, les auto-routes ont été minées par le FRELIMO et sont exposées aux embuscades /…./. J’ai vu des jeeps et des camions détruits à Vila Cabral, l’Etat-major avancé dans la région de guerre, et d’autres à Metangula et à Cobue, que j’ai visité voyageant dans une voiture militaire ». Cf. Lord Kilbracken, cité, ibidem, p. 70-71.

1.

14 Comme dans d’autres régions, les sources de supports consistaient dans l’imbrication de réseaux sociaux et l’appareil militaire. D’après Àfrica BURAIA, du district de Tembwe, région de Tete, Le FRELIMO a proposé que tous, y compris le vieux, doivent avoir des notions sur le maniement des armes et sur d’autres activités militaires. De la sorte, les vieux s’organisaient aussi pour la défense armée. Moi, j’ai heureusement eu l’opportunité d’aller à Nachingwea, en Tanzanie, où j’ai passé mes entraînements politiques et militaires. /…/ Préparés du point de vue politique et militaire, nous avons élevé notre capacité de mobilisation.

Nambwenga CATITA, aussi de Tete, ajouta d’autres aspects de ce rapport entre les militaires et la population : « Quelque-uns, parmi nous, qui avaient des fils adultes, les ont envoyés dans les base du FRELIMO afin qu’ils apprennent le maniement des armes alors que nous, les vieux, nous nous occupions de la production pour nourrir nos enfants (les guérilleros), Cf. BURAIA, Àfrica et CATITA, Nambwenga, cités, « Seis combatentes », Tempo n°304,…art. cit., pp. 28-29 ; voir aussi MOIANE, José (Entrevista), « Reabertura da Frente de Tete », Tempo n° 283, 7 de Março de 1976, pp. 24-31.