4.2. Elites et pouvoir : camarades, clients et appareil politique

4.2.1. Elites et pouvoir

Les systèmes politiques, du fait de l’interactivité du social et du politique qu’ils renferment, ne sont pas des entreprises figées. Dans cette étude de cas, le Mozambique, cette dynamique étant traduite par la débâcle de l’autoritarisme colonial et par l’avènement de l’autoritarisme du parti-Etat, elle est indissociable de la nature compétitive des espaces politiques. Cette compétition constitue une dimension nécessaire et incontournable des processus de stratification politique et de stratification économique et sociale, qui est immanent à la dynamique de la formation de l’Etat. Par sa capacité de gérer les rapports d’inclusion et d’exclusion à la base de la régulation de l’ordre politique, l’élite se définit à la fois par sa place de centralité et comme relation d’appartenance. Si l’on fait appel à la définition de G. Rocher, l’élite « comprend les personnes et les groupes qui, de pair avec le pouvoir qu’ils détiennent ou l’influence qu’ils exercent, contribuent à l’action historique d’une collectivité, soit par les décisions qu’ils prennent, soit par les idées, les sentiments ou les émotions qu’ils expriment ou qu’ils symbolisent »626.

Qu’il se rapporte aux sociétés industrialisées ou à celles entre la tradition et la modernité, à la suite R. Dahl67, quel qu’il soit, le système politique engendre l’élite du pouvoir.

Dans les premières, l’individualisme et l’exercice de la citoyenneté ont été érigés en des principes régulateurs de l’existence de la société civile ainsi que de son rapport à l’Etat68. La citoyenneté crée un mode d’appartenance, proprement politique, à la base duquel se trouve l’institution, sphère à la fois séparée des appartenances traditionnelles et fondatrice d’une communauté de droit. D’un même mouvement, elle extrait donc l’individu des communautés traditionnelles, mais c’est pour restituer aussitôt dans une autre « société », celle de la politique instituée. Dimension centrale également, bien que sous-estimée, la citoyenneté est d’emblée un « mode de relation » et donc une manière de situer l’individu dans une collectivité. Comme le note Lochack, « en exerçant leur droit de vote, les électeurs réaffirment par un geste symbolique leur identification à la nation, leur adhésion aux institutions, leur appartenance à la communauté »69. Dans cette collectivité, marquée par l’affirmation de la compétition due au pluralisme économique, social et politique, la politique s’accomplit, semble-t-il, selon la logique de l’offre et de la demande du [marché]. L’élite du pouvoir s’y distingue par l’accomplissement de deux réalisations majeures : d’abord, par sa capacité de mobilisation de l’opinion majoritaire pour légitimer son accès au contrôle de l’appareil politique ; ensuite, à l’aide de cette ressource, elle parvient à reconstituer l’acteur collectif nécessaire au fonctionnement de la société globale ainsi que de sa régulation.

Attachant plus d’importance à l’explication structurale et au pouvoir décisionnel, W. Mills fait ressortir la capacité de l’élite du pouvoir de « relier les échelons moyens et inférieurs du pouvoir aux échelons supérieurs de la décision »70 . Pour R. Dahl, l’élite du pouvoir se présente comme un groupe de contrôle, qui n’est pas un pur artefact des règles démocratiques. Quantitativement inférieur à une majorité, c’est une minorité dont les préférences prédominent régulièrement dans les cas où des choix différents se présentent portant sur des questions politiques fondamentales. Le pouvoir décisionnel a été également pris par R. Dahl comme critère pour différencier la fraction de l’élite ayant du « pouvoir réel » de ses satellites. L’accès à l’une ou à l’autre de ces « strates », d’après l’étude menée par Dahl à New Haven, relève d’un combat pour le contrôle de ressources :

‘Les objectifs et les motifs qui poussent les leaders à l’action, ce sont par exemple : un meilleur revenu, la richesse, la sécurité économique, le pouvoir, le prestige social, la renommée, le respect, l’affection, l’amour, la connaissance, la curiosité, l’amusement, le plaisir d’exercer ses talents, l’ivresse de la victoire, les satisfactions d’ordre esthétique, la morale, le salut de l’âme, l’héroisme, le sacrifce de soi, l’envie, la jalousie, la soif de vengeance, la haine – et toute la vaste gamme des sentiments humains71.’

La réussite de la strate ayant du « pouvoir réel » découle, suivant R. Dahl, de plans d’action et de stratégies dont la mise en oeuvre requièrent d’ordinaire les services d’autres personnes. Pour les rallier au projet de société globale, la strate maîtrisant des ressources accorde à leurs auxiliaires des « avantages bénéfiques à leur standing social et à leur prestige ou qui leur procureront amusement, agapes joyeuses, espoir de salut éternel »72. Le système d’échanges étant à la base de ce système de rapports sociaux, il renvoie à la particularité coalitive et collusive du pouvoir. Les relations de pouvoir deviennent ainsi extraordinairement compliquées dans les systèmes d’interactions à plusieurs niveaux, que ceux-ci soient hiérarchiques ou qu’ils résultent de la juxtaposition de systèmes autonomes et interdépendants.

Pour ce qui est des espaces entre la tradition et la modernité, pris en compté ces support de l’élite, il semble opportun qu’on s’interroge sur la suivante spécificité : si les élites prennent corps dans les institutions ou les centres pertinents du pouvoir (partis politiques et toute sorte d’organisations), cette couche sociale ne serait-elle essentiellement un réseau formel et informel de relations, entre les membres prééminents appartenant à ces institutions ? Du fait de la nature compétitive des espaces politiques autour de ressources d’action, l’accès ou l’exclusion du pouvoir ne se traduisent-ils pas par la formation d’une élite dans la circonstance de l’opposition ?

Après l’indépendance d’un bon nombre de pays africains, l’espace de l’élite du pouvoir s’est défini, semble-t-il, par les mêmes traits : des factions mues par des enjeux concernant la société globale ou l’ethnie respective se livrent à la mobilisation d’adhérents pour légitimer son accès au contrôle de l’appareil politique ; cette ressource ayant été conquis, elle est mise en œuvre pour la reconstitution de l’acteur collectif, nécessaire au fonctionnement de la société globale ainsi que de sa régulation. Au Mozambique en particulier, l’Etat-entrepreneur et l’autoritaritarisme qui lui est intrinsèque s’étant placé au cœur du jeu social, après l’indépendance, l’infrastructure du pouvoir politique prend comme fondement la possession des moyens d’administration ou de gouvernement73.

Dans ce contexte, la mise en valeur du concept de concurrence sur le marché paraît non approprié pour expliquer la distinction élite-masse. Car ce phénomène ne serait pas tout à fait saisi à la lumière des apports ni de Caetano Mosca (1858-1941)74 ni de Vilfredo Pareto (1848-1923)75. Les éclairages de K. Marx sur la matière ne seraient pas non plus complètement satisfaisants76. Différant sur le plan de l’interprétation des causes de la réussite des élites mais complémentaires et convergentes quant à leur fonction dominatrice et régulatrice, les études de ces auteurs ont eu un cadre précis d’avènement : il s’agit du cadre de l’Etat-nation, où la représentation collective de citoyenneté, traduite par un ensemble d’acquis reconnus aux citoyens, définissait à la fois un mode de rapport au politique et une identité collective ; Le libéralisme y fut réifié comme valeur partagée entre dominants et dominés régulant le rapport au politique. Cela s’est d’ailleurs traduit sur le plan du droit par l’institutionnalisation de la concurrence comme ressource de participation aux entreprises collectives et de régulation de l’ordre politique.

Ces spécificités du rapport au politique dans les pays développés prises en compte, il nous paraît aisé d’identifier le trajet de l’élite du pouvoir au Mozambique et dans d’autres espaces entre tradition et modernité. Elle se structure comme un réseau autour d’une centralité, le chef charismatique, celui qui a pu diriger la lutte anticoloniale. Son entourage se compose d’individus qui lui sont reliés tant par un savoir commun que par une trajectoire biographique, qui est celle de camarades de combat pour le pouvoir.

La nation mozambicaine est née de ce grand combat pour la libération, de la grande épopée de l’indépendance, que le camarade S. MACHEL a dirigé, tout en intégrant nos capacités, nos armes et nos diversités (ethniques). La nation mozambicaine est aujourd’hui la patrie des mozambicains, sans exception. Le camarade S. MACHEL est de ce fait le fils estimé de la nation mozambicaine. Il est celui qui, par son exemple de dévouement au peuple, nous rend orgueilleux d’être Mozambicains. S. MACHEL est un grand patriote, un grand combattant, le dirigeant insigne dans la lutte pour le développement. C’est lui qui, à chaque moment, est à même d’associer la réalité mozambicaine à la dimension universelle de la lutte des classes, celui qui a les intérêts du peuple toujours présents dans chaque étape de la construction du socialisme. S. MACHEL est celui qui a témoigné de la capacité de faire que le parti et l’Etat assument, sans cesse, ces valeurs et, de ce fait, il est notre guide et notre camarade77.

Les faits vécus en commun lors de cette lutte, la résistance de chacun aux moments pénibles pour le mouvement de libération, la fidélité au chef, sont de références pour appartenir au cercle de « cadres produits par révolution»78. Du fait d’être « idéologiquement engagés »79, ce fut de ce groupe que le chef et le noyau central du parti recruta « la classe de ceux qui allaient gouverner »80. Cela justifiait par conséquent le cumul des fonctions partisanes et gouvernementales par nombre des militants “d’en haut”. Déjà à l’indépendance, 5000 des 15000 membres du Frelimo furent placés dans l’appareil étatique vu que, selon son IV ème congrès, “il était nécessaire de garantir le contrôle de l’Etat81, dont la direction politique, au niveau central, des provinces, des districts, des localités, fut confiée à des « cadres d’absolue confiance, forgés dans la lutte armée »82.

Ce processus ne va pas sans entraîner des rapports d’exclusion et d’inclusion, immanents au mode de gouvernance et à l’ordre politique du parti-Etat. Si les uns arrivent au pouvoir à la suite de la réussite du combat pour le pouvoir (Le Frelimo), les autres (L’appareil colonial) sont contraints de le quitter. Successivement, on aura la définition de deux camps opposés de l’élite83 investissant le politique à la manière permise par la circonstance de l’autoritarisme politique et qui peuvent ainsi se présenter :

A) Dans le camp de vainqueurs :

-le chef et cercle intérieur du parti ;

-les politiciens-militaires-techniciens en charge de plusieurs postes dans l’exécutif du mouvement de libération ; les responsables pour les divers domaines de l’Organisation (santé, éducation, finances, mobilisation et propagande, agriculture, commerce, organisation du parti, politique extérieure, etc.) ; ils sont devenus désignables pour des postes gouvernementaux, à plusieurs niveaux du pouvoir. Définissant la hiérarchie du système du pouvoir, ceux-ci allaient du centre du pouvoir, la capitale, et s’étendaient dans les provinces, dans les districts, dans les localités ;

-les politiciens-commandants militaires auront comme domaine privilégié d’intervention celui de l’organisation du système de défense et de sûreté ;

-Les fonctionnaires (Noirs et Blancs) transitant de l’appareil d’Etat colonial au nouvel appareil d’Etat : titulaires de diplômes dans plusieurs domaines, tout en ayant témoigné de l’adhésion à l’orientation du parti-Etat et à son projet politique, ils ont été intégrés dans la hiérarchie de cette entreprise politique.

B) Dans le camp opposé :

-L’ensemble d’éléments composant l’appareil politique colonial (Le gouverneur colonial et les responsables de plusieurs secteurs du gouvernement colonial) se présentent comme des ressortissants, à la suite de la mise en terme de la guerre coloniale.

-Fonctionnaires et techniciens (Blancs) attachés à plusieurs domaines de l’appareil de l’Etat colonial. Ne s’identifiant au régime du parti-Etat, de crainte de se voir privés de leurs privilèges, ils quittèrent le Mozambique ;

-Fonctionnaires et techniciens (Noirs) de l’appareil de l’Etat colonial qui sont parvenus à se compromettre avec le modèle de décolonisation de J. JARDIM. Ils ont été de ce fait contraints à partir en exil ;

-Les élites traditionnelles, composées par les chefs et les dirigeants traditionnels, sont des élites à « statuts » dans leurs régions, leur ville ou leur village. On distingue, parmi ceux-ci, les leaders traditionnels opérant dans un contexte « moderne » ; les chefs religieux lettrés en langues locales ; les chefs traditionnels illettrés ou peu instruits, c’est-à-dire des personnes dont le mode de vie est très peu influencé par l’Occident et qui, malgré leur pauvreté, sont satisfaites du maintien des symbols traditionnels du pouvoir.

Pour le moment, on a affaire au sous-ensemble composant le groupe de ceux qui arrivent au pouvoir. Le parti-Etat et l’autoritarisme politique leur serviront de ressource pour la construction de leur espace de domination. Cela découle des principes du fonctionnement et de la façon dont se structurent les Partis uniques et d’avant-garde. Comme le note M. Duverger84, le Parti unique est une entreprise politique dont le point de départ est la constitution de liens entre les membres d’une élite. Il a pour but de forger des élites nouvelles, de créer une classe dirigeante neuve, de réunir et de former les chefs politiques aptes à organiser le pays, car les masses ne peuvent pas se gouverner elles-mêmes. Suivant le principe du centralisme démocratique de V.I. Lénine, sa structure comporte d’abord “un noyau central” puis les structures intermédiaires entre ce cercle intérieur et les masses. Minoritaires par rapport aux autres instances, les postes occupés par l’élite du noyau central ne sont pas électifs car ils sont structurés sur la base de la cooptation.

De la sorte, une oligarchie se forme à l’intérieur du Parti, qui monopolise le pouvoir. C’est à cette élite minoritaire que revient le droit de structurer le Parti en respectant la hiérarchie et les mécanismes d’adhésion contrôlée. Cela fait, c’est de même le cercle intérieur du Parti qui s’occupe à la fois de l’encadrement, de l’instruction des militants afin de les rendre capables de remplir leurs tâches, relatifs à tous les degrés du pouvoir du parti-Etat.

Structurée et hiérarchisée selon un ensemble de règles présidant au système des rôles et des rapports de pouvoir, la classe dirigeante parvient à se constituer en une communauté, à l’intérieur de la société à qui elle sert d’exemple et de guide. Préparée par le Parti, cette élite remplit son rôle de direction car les principaux chefs administratifs et économiques en sont issus, mais le Parti lui-même, en tant que corps, ne cesse jamais de contrôler tous les organes de l’Etat. Sa fonction est d’administrer et d’assurer le dynamisme du système, d’après le principe de fidélité politique. Les représentants du Parti siègent donc partout depuis les conseils locaux ou spéciaux ; depuis les administrations jusqu’aux syndicats, coopératives, associations culturelles, etc.

Si l’on envisage les choses sous cet angle, on relèvera que le Parti unique et d’avant-garde mozambicain (1977-1990) n’est pas tellement différent. En effet, le Parti Frelimo était à la fois le mécanisme de stratification sociale et de sélection de technocrates, qui remplissaient les rôles les plus importants dans l’appareil bureaucratique. Formés et encadrés hiérarchiquement selon les principes définis par le cercle intérieur du Parti, ces technocrates se constituaient en élite du pouvoir. Le fait d’y parvenir, était toutefois conditionné à nombre de “qualités” convenables au noyau partisan. Rassemblée autour du chef et du cercle intérieur du parti, cette élite prendra le parti-Etat comme ressource pour la construction de son espace de domination.

M. Weber explique le fonctionnement de l’Etat sous sa forme du pouvoir institué et légitime et, de ce fait, comme un système de pouvoir ennemi d’autres formes de pouvoir. Cette pensée ne saurait pas éclairer le cadre réel de la dynamique du système politique. Pour ce qui est du Mozambique, ce cadre s’est certes défini comme un espace d’intervention du pouvoir en faveur de son projet de société globale ; mais il a été aussi marqué par des résistances : celles dressées par les agents de son environnement externe, caractérisé, à l’époque, par l’opposition entre le régime de l’Apartheid et le régime de la minorité blanche en Rhodésie du sud ; celles de sous-espaces ethniques, encore attachés à des modes d’allégeance communautaires et religieux. La construction d’un système cliéntelaire, légitimé par la capacité distributive du Frelimo et par la mise en place d’élections monopartisannes (1977 et 1980), est venue s’inscrire dans la rivalité pour la maîtrise de ressources nécessaires à la régulation politique.

Notes
62.

66 Cf. ROCHER, G., Introduction à la sociologie générale, tome 3 : Le changement social, Paris, HMH, 1968, 239p, p. 135 ; Pour A. Touraine, dont l’analyse s’inspire de la pensée marxiste, « L’historicité est en effet le champ de la lutte de classes, la casse dirigeante étant celle qui s’approprie les résultats de l’historicité. Dans ce cadre, un mouvement social est « l’action collective des acteurs de niveau le plus élevé, les acteurs de classe, qui luttent pour la direction sociale de l’historicité, c’est-à-dire des grandes orientations culturelless par lesquelles une société organise normativement ses rapports avec son environnement », Cf. TOURAINE, A, cité, FILLIEULE, Olivier-PECHU, Cécile, LUTTER ENSEMBLE : Les théories de l’action collective…op. cit., p. 146.

6.

7 Cf. DAHL, R., « Une critique du modèle de l’élite du pouvoir », (Traduit de R. Dahl, « A critique of the ruling elite model », in R. BELL, D. Edwards, H. Wagner, Political power, New York, Free Press, 1969), in BIRNBAUM, Pierre, Le pouvoir politique. Textes et commentaires. Science politique, …op. cit., pp. 52-53.

6.

8 Dans son livre, Principes de la philosophie du droit (1820), Hegel apporte des éléments théoriques permettant de supplanter l’opposition entre société civile et l’Etat ; le social est vu de plus en plus, non comme un niveau spécifique d’organisation des liens collectifs, mais comme le résultat de multiples facteurs (économiques, juridiques, mais aussi politiques, religieux, idéologiques) qui participent à des titres variés à la socialisation des individus. Prenant appui sur la science moderne de l’économie politique, Hegel se rapporte aux relations que les hommes nouent par le biais du travail et des échanges. Orientées vers la satisfaction de son système de besoins, ces relations ne sont pas, d’après Hegel, le tout de la société civile, mais son premier moment : elle englobe également l’administration de la justice et l’action régulatrice de l’Etat et des corporations. Manière de dire que l’ordre spontané du marché ne suffit par à assurer l’harmonie du social, mais qu’il faut aussi qu’intervienne l’action régulatrice de l’Etat pour corriger les dysfonctionnements. En faisant de la société civile un moment de la « vie éthique », Hegel ne se contente pas de prendre acte de l’existence d’une sphère de socialité non politique. Il la justifie également, dans la mesure où elle s’avère indispensable à la rationalité accomplie de l’Etat. L’organisation du concept de société civile chez Hegel est donc moins dans le contenu de ce qui est décrit sous ce titre (la division du travail, les échanges, l’accumulation, la misère) que dans l’interprétation inédite (spéculative) des relations entre individu et totalité éthique qui préside à sa présentation. La société civile est sans doute le « système de la vie éthique perdue dans ses extrêmes », c’est-à-dire le moment de la plus grande scission entre universel et particulier, mais elle est aussi le procès qui permet que l’identité éthique, c’est-à-dire identité entre l’individu et le tout, se dépouille de son immédiateté naturelle pour devenir identité réfléchie et voulue. La société civile moderne est le terrain de développement de la culture, grâce à laquelle l’autonomie de l’individu et l’autorité suprême de l’Etat cessent d’être comprises comme mutuellement incompatibles. Société civile et Etat sont certes différents, mais ils ne s’opposent pas. Voir COLLIOT-THELENE, Catherine, « Etat et société civile », RAYNAUD, Philipe-RIALS, Stéphane, Dictionnaire de Philosophie Politique, Paris, PUF, 1996, 776p, pp. 225-230.

6.

9 Cf. Lochack, cité, NEVEU, Catherine, « Anthropologie de la citoyenneté », ABÉLÈS, Marc, - JEUDY, Henri-Pierre, (sous la direction de), Anthropologie de la citoyenneté, Paris, A. Colin/Masson, 1997, 282p, pp. 69-90, p. 75.

7.

0 Cf. MILLS, Wright, « L’Elite du pouvoir » (Extrait de Wright Mills, « L’Elite du pouvoir », Paris Maspéro, 1969, pp281-285, Revue française de science politique, Juillet-Sept., 1954, pp469-476), BIRNBAUN, Pierre, Le pouvoir politique. Textes et commentaires. Science politique….op. cit., p. 95.

7.

1 DAHL, R., Qui Gouverne ? ….op. cit., p. 106.

7.

2 Ibidem., p. 192.

7.

3 WEBER, M., Economie et société…op. cit., p. 291.

7.

4 Le premier à avoir donné une formulation cohérente de la théorie des élites, C. Mosca considérer que la souveraineté populaire est tenue comme une vaste imposture. Le pouvoir est toujours confisqué par une petite minorité qui se réfère aux principes uniquement pour donner une apparence de légitimité à ses agissements. Le pouvoir est détenu par cette minorité appelée classe politique, classe dirigeante ou dominante, dont les intérêts communs sont suffisamment forts pour déterminer l’unité et la cohésion nécessaire à l’existence d’une classe sociale. A l’intérieur de cette classe existent des groupes stratifiés. Celui des hauts dirigeants occupe le sommet et donne des impulsions nécessaires aux autres groupes dominés. Tous ces groupes partagent des intérêts matériels et culturels communs, quoiqu’on ne puisse pas dire qu’il y ait homogénéité absolue entre eux. Néanmoins leur unité et leur cohésion sont assurées par l’organisation dont émane en dernière analyse la force aussi bien que la structure que les fonctions du pouvoir. L’organisation implique une division des fonctions, des qualités, des connaissances techniques ainsi qu’une véritable structuration de type pyramidal. Cela favorise justement la possibilité de contrôle de la minorité dirigeante su la masse, procure de nouveaux alliés, élargit la sphère des personnes susceptibles de fournir à la classe dominante appuis et assistance, Cf. MOSCA, C. cité, BUSINO, Giovanni, « Elite et élitisme », RAYNAUD, Philipe-RIALS, Stéphane, …op. cité, pp. 200-202, p. 200.

7.

5 Dans sa construction, la variable indépendante est plutôt le facteur psychologique, alors que l’organisation est la variable dépendante : certaines qualités et capacités sont présentes chez certaines individus, mais jamais chez tous, d’où les disparités et les différences entre les hommes, d’où également la stabilité dans la stratification sociale, ainsi que la division de la société en groupes et classes très hétérogènes. Ces groupes et ces classes sont en conflit et il ne fait aucun doute que la lutte de classes est un élément déterminant dans la vie des sociétés. Il existe aussi une lutte à l’intérieur des groupes et des classes pour obtenir l’hégémonie sur un certain groupe et/ou sur une classe ou même sur tous les groupes et sur toutes les classes de la société. La partie du groupe et de la classe capable de s’assurer cette hégémonie, est appelée élite. L’élite est constituée de personnes dotées de grandes capacités dans les diverses branches des activités sociales. La société est donc constituée de deux strates : la strate inférieure, dite la strate non élue, et la strate supérieure, la dite la classe élue. Cette dernière se divise en deux : la classe élue de gouvernement et la classe élue hors gouvernement. Cf. PARETO, Vilfredo, cit., Ibidem., p. 201.

7.

6 L’essence de la pensée de K. Marx peut ainsi s’énoncer : « Du fait que la propriété privée s’est émancipée de la communauté, l’Etat a acquis une existence particulière à côté de la société civile et en dehors d’elle ; mais cet Etat n’est pas autre chose que la forme d’organisation que les bourgeois se donnent par nécessité, pour garantir extérieurement leur propriété et leurs intérêts, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. La société civile se transforme ainsi en société de classes ou société bourgeoise (élite dominante) s’oppose en ce sens à la véritable société humaine, société sans classe qu’il revient au communisme de réaliser », cf. MARX, K., cité, COLLIOT-THELENE, Catherine, « Etat et société civile », RAYNAUD, Philipe-RIALS, Stéphane, op. cit., p. 230 ; voir à propos des élites africaines une critique intéressante de BAKARY, Tessy D., Les élites africaines au pouvoir, Bordeaux, Institut d’Etudes Politiques-Université Bordeaux I, 1990, 138p, p. 15 et suiv.

7.

7 D’autres “camarades” de cet itinéraire caractérisent S. MACHEL selon les termes sui suivent : « Je me souviens de l’intervention du Camarade S. MACHEL lorsque nous avons eu des problèmes de commandement. Les chefs, tout en se contentant de rester à la frontière, dirigeaient la guerre sans y participer. Comme dans d’autres occasions, ce fut à nouveau le camarade S. MACHEL qui nous a apprise la solution adéquate », voir MOIANE, José, (Combattant veterain), « Uma Direcção Sólida », Tempo n°677, 2 de Outubro de 1983, p. 7 ; voir l’art. « Sob a sua direcção construiremos o socialismo : moção de saudação ao Presidente Samora Machel”, Tempo n°656, 8 de Maio de 1983, p. 25.

7.

8 Cf. MACHEL, S., « Criemos o partido de vanguarda para construisrmos o socialismo », Tempo ….art. cité, p18 ; voir aussi MACHEL, S., cité, BURCHET, Wilfred, « Entrevista com o Presidente Samora », Tempo n°307, 22 de Agosto de 1976, p. 42.

7.

9 Idem.

8.

0 Idem.

8.

1 Frelimo, Du subdéveloppement au socialisme…op. cit., p. 98.

8.

2Cf. DAGNOMO, cité, CAHEN, Michel, « Etat et pouvoir au Mozambique », ….op. cit., p. 39.

8.

3 Dans le recensement des sous-ensembles composant les segments de l’élité nous nous inspirons de LIOYD, P.C., cité, BAKARY, Tassy D., Les élites africaines au pouvoir, …op. cit., pp. 26-27.

8.

4 Voir DUVERGER, Maurice, Les partis politiques ….op. cit., pp. 178-293.