6.2. Campagnes électorales en 1994 : jeu de l’ordinaire, du visible et de l’invisible

6.2.1. Pouvoir et élections : enjeu d’une compétition politique

Le processus de paix au Mozambique a été couronné par les élections présidentielles et législatives de 27, 28 et 29 octobre 1994. Douze candidats se sont présentés aux élections présidentielles et 14 partis ou coalitions étaient en lice pour les législatives143. Les résultats des élections étant annoncés, on s’aperçoit du fait que, sur un univers électoral de 5.402 940 votants (87,9% des électeurs inscrits), le Président sortant, Joaquim CHISSANO, a obtenu 2 633 740 voix, soit, 53, 3% des suffrages ; le chef de la RENAMO, Afonso Macacho Marceta DHLAKAMA, a recuelli 1. 666 965 voix, soit 33, 7% des suffrages ; le leader du Parti Démocratique du Mozambique, Wehia RIPUA, a obtenu 2, 9% des suffrages144 .

Aux élections législatives, le Frelimo a remporté la majorité des suffrages, recueillant 2.115 793 voix (44,3%) et s’assurant 129 des 250 sièges du nouveau Parlement, suivi par la RENAMO, qui a obtenu 1 803 505 voix (37,8%) et 109 sièges au Parlement, et par l’Union Démocratique (UD), qui recueilli 245 793 voix (5,2%) et 12 sièges au Parlement145.

Mais plus qu’un constat de la légitimation de l’accès au pouvoir par la voie du suffrage universel, cette expérience mérite d’être questionnée : les modes d’allégeances et de représentation du politique, intrinsèque à chaque espace, aux communautés (religieuses, ethniques ou de proximité géographique), n’ont-ils pas eu de poids dans la définition des prédispositions du vote ? Comment comprendre que, en dépit de sa trajectoire d’entreprise stratégique des Rhodésiens et des Sud-africains, près de 40% de mozambicains aient voté pour la RENAMO, et non pas pour un parti sans tradition belliciste, qui étaient au nombre de seize, entre 1992 et 1994?

Ces questions nous amènent à ne pas mésestimer l’effet des rapports clientélaires entre les notables, les influents de l’espace, et les partis politiques, dans le contexte entre la tradition et la modernité. L’hypothèse dont on s’inspire, cherche à montrer que, outre les campagnes officielles, les notables se seraient chargés du rôle de récepteurs des discours partisans puis de la tâche de faiseurs de l’opinion à travers de campagnes de proximité. On s’intéresse à ce propos aux campagnes électorales du Frelimo et de la RENAMO, à deux égards :

D’abord, il s’agit des formations partisanes qui, moyennant une confrontation militaire et un régime de parti-Etat, ont put établir des réseaux de collaborateurs dans toutes les provinces, ce qui fait de ces organisations des partis trans-ethniques ; ensuite, la campagne électorale est un moment de dialogue et de représentation de l’offre politique à l’électorat. Dans le cas mozambicain, l’électorat se présente sous-divisé en des espaces différenciés, par leurs itinéraires historiques et leur culture politique. Tout en tenant compte des attentes de chaque espace, il nous semble intéressant de retenir les ressources mises en œuvre par ces deux partis, pour se faire la meilleure image politique.

Notes
1.

43 Nous présentons, d’abord, les leaders puis les partis respectifs entre parentêsis : Joaquim CHISSANO (Frelimo-PSD) ; Afonso Macacho Marceta DHLAKAMA (RENAMO) ; Wehia Monokacho RIPUA (UD) ;Carlos Alexandre dos REIS (UNAMO) ; Maximo Diogo José DIAS (MONAMO) ; Vasco Campira Mambya ALFAZEMA (PACODE) ; Jacob Neves Salomao SIBINDY (PIMO) ; Domingos Antonio AROUCA. (FUMO-PCD) ; Carlos José Maria JEQUE (Indépendant) ; Casimiro NHAMITANDO (SOL) ; Mario Carlos MACHEL (Indépendant) ; Andrea Padimbe Mahose KAMATI (PPPM). In Journal Eleiçoes Moçambique, Outubro 1913, p. 13.

1.

44 Cf.Doc. Rapport final du secrétaire général concernant l’opération des Nations Unies au Mozambique, cité, Nations Unies, Les Nations Unies et le Mozambique…op. cité, pp. 305-306.

1.

45 Idem.